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jeudi, octobre 30, 2014

450_ AUBUSCULE _ Poésie


C'est le nom de mon dernier ouvrage. Un mot valise alliant deux moments fort d'une journée.
De la poésie. De la vie.


Voici la préface et quelques extraits.

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Écrire c’est, d’une certaine façon, saisir la possibilité de s’écarter, ou mieux, de se libérer de cette mystification dont nous sommes l’objet, de ces mensonges que nous portons, que porte notre humanité et qu’elle dissimule ou qu’elle tente de dissimuler sous de faux-semblants imposés par nombre de codes sociaux. Il nous est difficile d’être, mais plus aisé de paraître. Nous sommes exhortés à avoir, toujours plus. Le consumérisme (1) au détriment de la vérité, de notre vérité.



Car écrire c’est, d’une certaine façon, se saisir de notre propre vérité, je dirais de nos propres vérités, au-delà de l’orgueil et de la gloire. « J’écris pour me parcourir » affirmait Henri Michaux (2). Écrire ce que, pour une raison ou une autre, l’on ne dit pas toujours, car il est – souvent – difficile de dire, au-delà du sens commun, du conformisme. Écrire c’est provoquer, libérer le silence et la douleur que nous portons, et les joies aussi bien sûr : nos vérités disais-je. Les dévoiler. En écrivant « on n’invente bien que ce qu’on porte en soi » écrit Robert Mallet dans une préface dédiée à V. Larbaud (3).






On peut faire le choix de la prose, celui de la poésie, ou s’exprimer à travers l’une et l’autre. Les fragments que je propose furent écrits entre 2002 et 2014. 

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1_ Lire Les Choses, de Georges Pérec, Julliard, Paris 1965.

2_ Obsevations, in Passages. Œuvres complètes Gallimard/Pleiade, 2001.

3_ Valery Larbaud, Les Poésies de A.O. Barnabooth.

Gallimard/Poésie, Paris 1966.

--------------------------------- Extraits----------------------------------

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Lorsque



Lorsque ton regard brillera au-delà de ta lucarne


Lorsque ton ouïe s’étendra au-delà de ta muraille


Lorsque ta main s’offrira à l’horizon


Lorsque le sel de ton humeur 


S’agrègera à la douceur des gens de l’ailleurs




Alors l’ailleurs et l’ici


Les montagnes et les océans


Les confins et les nombrils du monde


Se confondront dans une chaleureuse étreinte




Alors tu seras libre.

* * *
 
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Et toiles fécondes



Les corbeaux noirs ne volent plus au-dessus des

champs de blé

Les sillons d’Auvers ne sont plus à la fête

Le gris et le noir du marbre glacé ne dénouent

les âmes ni l’esprit

Les feuilles mortes alentours ne sont plus

ramassées par les pèlerins

Ni les tournesols récoltés

Les couleurs orphelines de père Tanguy ne

luisent plus

Ses yeux, d’Orient

Ni de voyage aux Marquises, ne rêvent plus

Dans ce Nouveau Monde, les archipels ne

semblent pas veiller

Ils ne ploient pourtant ni devant l’adversité ni

devant les défis

Nul ne pourra haler ces confettis à bord de

l’indécence

Les hommes n’y regardent ni l’hiver ni le ciel

La végétation ne forme pas de stèles pour les

hommes de toiles et d’étoiles

Jamais n’est forcée la porte de l’indicible

L’agitation sourde jamais ne flatte l’obscurité

Ni les murets de la parcimonie n’escalade.



* * *

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Rengaine

Sous les faisceaux de la lampe de bureau
Sur la feuille opaline
Ruisselle mon flux de conscience.

De l’autre côté du temps
L’océan engloutit l’astre irisé
Tandis que la nuit sombre de nouveau
Dans les méandres du jour.
Le sablier se vide et se plaint
Le coq le couve de son orgueil répété

La feuille s’assombrit en silence


* * *

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La photo jaunie

L’amande de ton regard

Appuyée par la rosée suggérée de tes lèvres

Et le charbon de tes paupières

Retenus dans le vase

Oval de ton visage

Candide, jauni

Enserré par ce cadre,

Embaument l’impatience

De ma mémoire malmenée

Qu’ils assouvissent,

Et apaisent

Aussitôt

Retrouvée

* * *
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Ya Mraya

Les premières notes
Coulent du cœur de la caisse
Lampe merveilleuse
Cordes pincées.
Un parfum suranné
Ensorcelle mon verre de thé à la menthe.
Il tremble, vacille.
Une voix épurée suit,
Chevauchant le tapis harmonique.
Elles remontent ensemble 
Mon biscuit, ma madeleine,
La nuit blanche de mon être.
Douleur et corps se déchiquetaient alors.
Pour quelque dépouille pour l’une,
Un instant de répit pour l’autre.
Adolescence enceinte par l’implacable
Et inhumaine douleur affligée par les sept Cieux.
Corps liquéfié.
Pas de rémission pour l’itim’*.
Pourtant.
Ya Mraya, ô miroir, ya Mraya,
Cette voix complaisante
Qui tangue au-dessus du verre enflammé,
Extirpe du cœur de la lointaine affliction,
L’autre temps,
Répit disais-je
En arrache le temps de l’insouciance.
De la joie et de la révolte mêlées.
Car la vie glanait alors,
Dans les interstices du néant
Envers et contre tout,
Contre toutes les douleurs,
Inacceptables et révoltantes douleurs
Quelques pépites bon gré mal gré,
Les copains d'abord
Carricos et pitchaks
Ou Covalawa*,
Aïn-Franin et Yoyo, la blonde Yoyo
Le temps, à seize ou vingt ans,
De tous les défis, de tous les possibles,
Le temps où celui de la fusion des éléments
Et des cheveux changeants,
Était encore inconcevable,
Posé sur l’horizon du ciel
Aujourd’hui rattrapé.


* l’itim’ : l’orphelin

Carrico (chariot) : jeu constitué de deux planches auxquelles sont fixés trois ou quatre roulements à billes.

Pitchak : jeu de jonglage formé à partir, notamment, de chambre à air de vélo découpée en fines rondelles attachées entre elles par un fil.

Covalawa : ou Cueva d’el agua. C’est le nom d’une zone située près de la jetée, au bas des falaises du quartier Gambetta, à l’est d’Oran. Jusque dans les années 60 c’était un bidonville.



* * *


 
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Quelle Affiche demain ?

Pour ne pas oublier
J’offre ces vers-amour poignants
À toutes ces plumes xénophobes
Cette peste brune en devenir
À toi aussi petite raciste à la banane grasse

                       d’ignorance
Nourrie au millet des petits Ammours
À vous chroniqueurs contrariés
Haineux de tous les Manouchian
Ils étaient vingt et trois et plus
Et de l’est et du sud
Morts pour libérer vos propres aïeux, parents
Haineux de tous les M.O.I, Roms et Arabes

                       réunis
Ignorants
Quelles affiches brunes préparent-ils pour nos

                       enfants
Mais à quels grills songent-ils ?
À quels barbecues apéro-sauciflards ?
Pour ne pas oublier
J’offre à tous ces écervelés
Ces chemises noires et phalanges
D’aujourd’hui
Fanas de tous bords de toutes les ignominies
J’offre à tous ces égarés, ce tarés
Pour la fraternité humainement possible
Cette affiche rouge de quelques mots libres
Merci Lény, Léo, Louis et tous les autres.


* * *