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dimanche, décembre 20, 2020

730_ CE BLOG A 15 ANS

 

 

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729_ Aragon sous la pluie (complété)

 vidéos, photos... sur mon site:      http://ahmedhanifi.com/aragon-sous-la-pluie/

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                   Aragon sous la pluie  

Décembre 1982. Razi venait de quitter l’Algérie pour retrouver de nouveau le ciel de France qu’il avait abandonné quelques années plus tôt. Naïf, il pensait qu’avec la disparition du Pharaon, la dictature s’écroulerait sur elle-même comme les cartes d’un château factice, qu’elle imploserait, que les libertés occuperaient tous les espaces. Il dut vite déchanter. Il revint donc. Il rejoignit sa famille à Clichy-sous-Bois où elle s’était installée, arrivée en éclaireur, quelques mois plus tôt.

En France le temps ne dérogeait pas à sa propre règle : orageux, pluvieux et froid en décembre. Mauvais. Et toujours vivace. C’était le prix à payer. La première semaine de novembre avait été marquée par des tempêtes qui avaient fait quinze morts dans le grand sud de la France. Il lui fallait choisir : ou le soleil radieux, l’ennui à mourir et les chaînes aux chevilles là-bas, ou le sale temps quasi permanent et des tonnes d’air frais ici – quoique. Programmé dix, quinze fois par jour par la plupart des radios, libres ou non, Supertramp inondait tous les foyers, Oh no, my love’s at an end. Oh no, it’s raining again. Too bad I’m losing a friend. Oh Oh ! Lalalalala, alala !… et les luttes finales emplissaient de joie tous les cœurs carmin. Razi avait retrouvé de nombreux amis d’université et d’autres, tous engagés pour une vie meilleure. 1981 n’avait pas encore, dans nos esprits bleus, ouatés, révélé toutes ses roses promesses. 1982 agonisait. Une nouvelle année frappait aux portes, exactement comme en ces jours de 2012. Trois décennies déjà. Quelques semaines avant le grand saut, d’Oran il avait contacté ses anciens employeurs français, ceux des années fac : Étudiant le soir dans la bouillonnante et révolutionnaire Vincennes, facteur infernal la journée chez Vit’ Courses.

Alain L. et Martine B. l’accueilleraient les bras grands ouverts. Ils s’appréciaient et avaient gardé de bonnes relations. Dès son arrivée ils l’embrasseraient, puis l’embaucheraient.

Ultimes jours donc du dernier mois de l’an 1982. Ils étaient sombres. Le ciel était souvent gris et bas. Très bas. Pas merveilleux du tout et l’Avenir radieux avait dévoilé la nuit orientale. On chantait it’s raining again. Too bad I’m losing a friend… Ce jour-là précisément, il pleuvait à verse. Plié sur sa mobylette, Razi traversait à vive allure les arrondissements de Paris, du 16° au 20°, pour distribuer à temps un pli attendu du côté du Père-Lachaise. En passant devant la place du Colonel Fabien il aperçut un immense drapeau rouge qui frissonnait, semblant fendre l’immeuble du PCF qu’Oscar Niemeyer avait tant peiné à dresser. N’était-il pas noir ?

Il ralentit. Cet immense étendard et l’emblème national il les avait vus à la télévision. Quelques jours auparavant. Le 24 du mois. Les médias nationaux et étrangers s’étaient donné rendez-vous : « Louis Aragon est mort », « L’intellectuel, poète et romancier engagé s’en est allé ». Le poète aimait à dire qu’il démissionnait chaque soir du Parti et qu’il y réadhérait chaque matin. C’est ce qu’il fit, jusqu’au dernier, depuis cinquante-cinq ans, depuis Traité de style. Même s’il lui arrivait de douter de lui.


Dès l’annonce de sa disparition, de nombreux militants du Parti, mais pas seulement, des centaines, des milliers de personnes se déplaceraient jusqu’à la place du colonel Fabien, autour de la grande bulle blanche, faisant du coude devant le catafalque pour rendre un dernier hommage à cet incontournable géant, « ce génie de la création, cet artisan de l’avenir » clamerait Georges Marchais dans son oraison. Mais celui-ci ne dirait pas tout. Il y avait bien sûr des hommes politiques, des communistes naturellement, mais aussi de nombreux autres, d’autres coteries, comme Jack Lang, Jacques Attali, (la faucille n’était-elle pas alors aux commandes du pays auprès de la rose ?), des artistes comme Juliette Gréco, Jean Ferrat, mais surtout des milliers d’anonymes. « Il ne faut pas amputer l’homme d’une des dimensions de son existence » avait dit dans son éloge, Pierre Maurois.

Aragon était parti, abandonnant sur le quai de la gare des milliers d’hommes et de femmes, le regard hagard, agitant des mouchoirs humides. L’après-midi du 24 décembre, Il serait inhumé dans sa propriété de Saint Arnoult-en-Yvelines, au bord de la Rémarde, auprès d’Elsa Triolet dont il avait été fou évidemment, « dans la plus stricte intimité ».

Ce jour triste et mouillé de décembre, ce devait être le 28 ou le 29, sur sa Motobécane bleue, à hauteur du bar Le Brasilia et de la grande bulle blanche, Razi ralentit et porta une main en visière comme on protège les yeux ou comme on salue. Mais il lui fallait poursuivre sa route. Il avait un courrier à délivrer au plus vite contre quatre bons représentant quelques dizaines de francs correspondant au prix de la course. Il continua son chemin. Derrière lui la blancheur de la Bulle et la Bulle elle-même s’éloignaient. Il n’y est jamais retourné, car « nous avons vu faire de grandes choses, mais il y en eut d’épouvantables. » Et c’est cette dimension de l’homme que Razi aurait aimé retenir et qu’il retiendrait, sa dimension artistique. Son humanisme. Le poète.

Pas les zones troubles (red radical) de l’idéologie qu’il avait côtoyée et défendue les yeux mi-clos, cerné tant à la fois de certitude et de doute. Sur sa mobylette bleue, Razi fixait l’horizon le cœur trempé. Il fredonnait en pensant aux lendemains : it’s raining again. Too bad I’m losing a friend. Oh Oh ! Lalalalala…

 

Posté en décembre 2012, puis le 20.12.2020

 

Vous avez reconnu Razi

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Les yeux d’Elsa

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés
Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure
Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de moire plus bleue d'être endeuillé
Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le cœur battant, ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche
Une bouche suffit au mois de mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande ou
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août
J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes
Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

 

Louis ARAGON


(in : www.parolesmania.com)

 

 

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Oh, it's raining again
Oh no, my love's at an end
Oh no, it's raining again
And you know it's hard to pretend

 

Oh no, it's raining again
Too bad I'm losing a friend
Oh no, it's raining again
Oh will my heart ever mend

You're old enough some people say
To read the signs and walk away
It's only time that heals the pain
And makes the sun come out again

 

It's raining again
Oh no, my love's at an end
Oh no, it's raining again
Too bad I'm losing a friend

Na na na na na na

 

Come on you little fighter
No need to get uptighter
Come on you little fighter
And get back up again

 

It's raining again
Oh no, my love's at an end
Oh no, it's raining again
Too bad I'm losing a friend

Na na na na na na
Na na…

 

In : musixmatch-com


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AVEC VIDÉOS, PHOTOS....

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mardi, décembre 15, 2020

728_ "LAYLA !"

 

Les paroles de « Layla » et la musique qui les accompagne, ne cessent de tourner en boucle dans ma tête depuis ce matin. Impossible de penser à autre chose. « What will you do when you get lonely, With nobody waiting by your side !… »

 

Cela ne vous arrive-t-il pas qu’une chanson vous empêche de penser à autre chose qu’à elle, vous bouscule, harcèle, au point de vous
laisser envahir par tout ce à quoi elle renvoie, vers toutes sortes d’émois, de souvenirs ? Moi, si. Non, ce n’est pas une maladie de vieux. Cela m’est fréquemment arrivé dans ma cinquantaine, quarantaine et moins. « 
You've been running and hiding much too long, You know it's just your foolish pride !… ». Depuis tout à l’heure, tôt ce matin en fait, elle ne cesse de tourner dans mon esprit. J’ai beau essayer de penser à autre chose, lire le journal, me forcer à écouter les paroles inutiles des commentateurs radio, à écrire n’importe quoi, « Layla » est là. « Layla » c’est une belle chanson d’Éric Clapton des années 70. J’ai entendu cette chanson ce matin sur FIP, à la suite d’autres, alors que je pédalais l’oreillette à l’oreille et le masque anti-Covid au nez (en réalité sous la bouche) le long du chemin du Mas de Rigau qui longe la ligne de chemin de fer Marseille-Arles, à hauteur du lac d’Entressen. Il était tôt et le froid vif et piquant. Les doigts ne gelaient pas, mais il me fallait bientôt les ganter. « Layla, you got me on my knees !… » J’abordais un virage lorsque, in extrémis, je fus extrait de mes pensées, à deux doigts de basculer dans un fossé. Je me suis quand même rétamé sur le chemin humide. Je me suis relevé, ai replacé l’I-Phone et les oreillettes, ajusté mon sac à dos et repris mes esprits. J’ai contourné le lac par l’ouest, traversé les champs d’orangers pour revenir par la route du vallon qui longe la A54 et que borde le canal de Langlade. D’autres chanteurs sont passés sur les ondes de la radio, mais rien n’y a fait, la voix de Clapton s’incrustait par-dessus les autres voix, les autres chansons de FIP. Je me suis dit que le meilleur moyen de m’en débarrasser serait de crever l’abcès. Si cette chanson s’agrippe à mes semelles comme à ma mémoire cinq heures après signifie qu’il me faut la convoquer, elle, l’affronter, mais aussi le temps qui a été le sien, celui de « Layla ». Car cette musique, cette chanson, est plus qu’une musique, plus qu’une chanson, elle est un monde en couleurs et odorant. Celui de mes vingt ans à Oran. Vous devez connaître ce sentiment-là non ? ce sentiment qui vous plonge dans un passé – bon ou mauvais, il y a toujours, avec la patine du temps une douce amertume à la pensée d’un passé lointain – rempli d’anecdotes, de souvenirs divers, bons à redécouvrir et à regarder en face plutôt qu’en biais. Si vous n’avez pas l’âge de ces possibilités, si vous êtes encore jeune aux articulations, vous ne perdez rien pour patienter. Vous récolterez au temps inscrit les fruits de votre présent actuel.

Pour revenir à « Layla », il ne s’agit pas de tomber « bêtement » et uniquement dans la nostalgie, dans l’égotisme ou la vanité, ce serait ridicule. Il s’agit de lever le voile de l’atmosphère également et celui d’événements concrets. Voyez-vous, si j’ose dire, je suis en ce moment-même à essayer de dévoiler cette atmosphère alors-même que la chanson que j’ai un moment réussi à éloigner, à marginaliser, monte à la charge, me colle de nouveau à la tempe « Layla, I'm begging darling please !… »

 



 

Regardez deux des photos que je joins à ce texte, les deux bâtiments. Qu’y voit-on ? Sur l’une, la nouvelle maison de la radio (début des années 80 ?), la RTA, antenne d’Oran, l’autre photo montre l’immense Cité Perret (quartier Yaghmourassen, ex St Pierre) côté station d’essence et rue Mouloud Feraoun (ex René Bazin). On peut pénétrer dans la Cité Perret par le bas, coté marché et rue Serrar Mohamed, (ex Réaumur). Ces deux photos partagent un point commun. La radio. L’une montre la station de radio dominant tout l’espace, l’autre dissimule une ridicule surface à partir de laquelle on émettait les émissions, souvent de propagandes. Mais pas que.

Dans les années 70, la radio d’Oran « la chaîne3 » ne disposait que d’un trois-pièces cuisine situé au rez-de chaussée de la cité Perret (en entrant par la station-service). Et c’est là, dans ce trois pièces-cuisine qu’émettait « Radio Oran » quelques heures par jour. « Attention au direct dans 5, 4, 3, 2, 1, Relais ! » Et, le préposé à la manœuvre, d’une main tremblante, agrippée à la poignée du disjoncteur, la soulevait. Puis on entendait « Direct ! » Ah oui, c’était tout un monde. Et le technicien derrière la vitre – je ne me souviens plus de son nom – qui pointait son index et son regard vers la cabine où je me trouvais. Une grande vitre nous séparait. Car en effet, c’est dans cet appartement que j’animais l’émission « Notre discothèque est la vôtre » sous la houlette du directeur artistique et célèbre Saïm El-Hadj (parolier, poète, homme de théâtre…) J’avais 20 ans. Je me souviens de Berrichi Bachir le premier technicien-réalisateur, de Nawel autre animatrice, de Saïdi (poète de Saïda), de notre chère Sabah Essaghira que je connaitrais beaucoup mieux. Elle viendrait même chez moi à Paris (toute la famille). J’ai hélas oublié le nom du technicien. Mes collègues aimaient tous mon émission et son indicatif « Layla ». Mais pas le journal d’Oran. Le quotidien francophone, La République, avait descendu mon émission jugée « frivole » et pas « engagée ». Dans ce journal ils avaient tous la pensée rivée à l’Est. Mon émission, il est vrai, ne visait pas la lune. Ce qui m’importait c’était d’apporter, à mon humble niveau, un peu de joie durant les années noires, les années Boum. Nous avions passé l’année sans encombre, mais au printemps de 72, on invoqua l'inéluctable arabisation et mon émission bascula dans la colonne des pertes et profits du grand comptable. Gefeuert, barra. Il me faut préciser ici qu’on ne m’a jamais gratifié d’un seul centime, ni d’une seule fiche de paie, pas même fausse. L’arnaque était totale. J’étais quand même heureux de partager les chansons que j’aimais des Clapton, Janis Joplin, Creedence clearwater Revolver, Procol Harum, The Moody Blues… Ah ! Nights in white satin, Léo Ferré, Ten years after, Neil Youg, les frères Megri, Turkish Blend. Non, T.B. (Malik et Yacine) viendront plus tard, en 76. Saïm El-Hadj me faisait confiance, « mais attention pas de Johnny, pas d’Enrico ! » me répétait-il en balançant son bras au bout duquel l’index menaçait, lui qui vérifiait toujours ma feuille de route que je remettais au technicien, signée par lui. Il est arrivé que sur cette feuille, Saïm El-Hadj trace au gros feutre, une ligne rouge sur le titre d’un chanteur interdit. J’entendais comme un murmure, comme un « no passaran ». J’oubliai de préciser que tous les disques que je proposais, m’appartenaient ! Oui messieurs-dames, tous.

  

Saïm El Hadj (Photo DR)


Un jour, j’ai parlé en direct du « Whisky à Gogo », une importante boite hollywoodienne. J’en ai parlé comme ça, peut-être naïvement, qu’y a-t-il de méchant à citer le nom d’une maison où la musique coule à flots ? Mais c’est que le technicien – j’ai oublié son nom – a failli s’étrangler, et j’ai failli être viré sur le champ ! Les bougres, ils ont pris les termes « whisky » et « à gogo » à la lettre alors qu’il ne s’agissait que d’un lieu, certes chaud mais pas plus. Eux ont pensé que j’invitais les auditeurs à l’orgie. Lors d’une réunion spéciale convoquée sur le champ, dans une surenchère emballée, ils m’ont tous remonté les bretelles bien comme il faut. « Ils » se sont les employés, techniciens et responsables. J’avais 20 ans et les dards de mon esprit déjà plantés dans le grand nord. 

 




Sur mon cahier j’écrivais « On ne peut plus rien faire dans ce foutu pays. Il y a des barrages et des rafles, partout. On ne peut plus bouger. » Pff ! Quelques jours avant la fin de l’année 1971, les patrouilles de la police militaire et politique se faisaient remarquer plus encore et plus menaçantes que durant les autres mois de l’année.

 



Ce jour-là, je me trouvais à hauteur des anciennes Galeries de France, en face de la célèbre crèmerie Mira, au début de la rue Larbi ben M’hidi (ex rue d’Arzew). Je marchais le long du trottoir, plutôt sur le macadam que sur le trottoir, à cause du monde. C’était en début d’après-midi, un samedi, premier jour de week-end. Dès le cinquième jour de la semaine, le vendredi, nous avions toujours les oreilles, le nez, aux aguets, à la recherche de la moindre des opportunités pour « s’évader », plus encore le samedi. Je marchais, seul, lorsque j’entendis comme des bruits de pas lourds. Je n’eus pas le temps de me retourner lorsque je reçus plusieurs coups de trique sur la tête, la nuque. « H’bat ! » me cria l’hyène, un des cinq militaires de la PM. Il répéta « H’bat ! » Je compris qu’il me fallait monter sur le trottoir.


Ce que je fis, mais un autre abruti continuait à taper sur mon corps, cogner et grogner comme un porc. Il me fallait éteindre ma cigarette « T’fi ! » Eux, des militaires venus de l’est, disaient pour tout et n’importe quoi « H’bat ! » À Oran on désignait la police militaire ainsi, « H’bat » On ne devait ni fumer devant eux, ni parler à voix haute, ni traverser leur rang au risque de se faire violenter. Ils paradaient toujours en file indienne, espacés d’un mètre les uns des autres, par petits groupes de cinq, six sous un casque blanc marqué « PM ». Leur marche était martiale. Nous tremblions rien qu’à la vue de ces deux lettres atroces. Ils contrôlaient les citoyens sans aucun motif. Contrôler pour effrayer. Pff ! Deux ans plus tard, je ciselai les grillages du grand camp d’enfermement de la dictature. J’atteignis le « Grand nord » les bras en V et le cœur ouvert aux quatre vents. « Layla, you got me on my knees, Layla, I'm begging darling please, Layla, darling won't you ease my worried mind !… » J’avais 20 ans, l’âge du refus et de tous les fantasmes. Voilà pourquoi j’ai déchiré le voile de l’enfermement et dès l’autorisation de sortie du territoire national (ASTN) en poche (cela m’a obligé à mille et une ruses et m’a pris plusieurs mois), je m’envolais en direction de mon cap nord, celui de l’air parfait, innocent. Je suis arrivé, incrédule mais heureux. Les gens ne comprenaient pas pourquoi je levais les bras en V et chantais « Layla ! Let's make the best of the situation ! » mais ils souriaient. Les jours qui suivirent je me surprenais à parler aux arbres, aux oiseaux, aux chats et aux inconnus. Heureux. J’écrivais ci-dessus que « Layla » (et d’autres) ce n’est pas que de la musique ou des paroles, c’est Un monde.

Demain matin, comme hier et comme aujourd’hui, je m’en irai pédaler oreillette à l’oreille et masque au nez le long du chemin du Mas de Rigau qui longe la ligne de chemin de fer ou ailleurs en écoutant FIP.

 

Je vous suggère de vous rendre sur mon site pour apprécier « Layla » que refuse Facebook, c’est ici avec photos… :

http://ahmedhanifi.com/layla/

dimanche, décembre 13, 2020

727_ QUEL DÉSHONNEUR !

 

 

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Lire ici:

http://ahmedhanifi.com/quel-deshonneur/