La gare ferroviaire de l'aéroport |
Comme je l’ai écrit il y a quelques jours, je me devais
d’être, au moins pour quelques jours, au cœur de la Révolution en cours, Révolution de velours, qui
fait courber le monde de respect. Je suis arrivé à l’aéroport HB, par le flight
ZI 707 d’un Boeing 320, bleu et blanc avec le lever du jour. En moins d’une
heure j’étais à l’extérieur. Si vous voulez éviter les arnaques des taxis
(comme dans de nombreux pays les prix des taxis ici sont excessifs. Du racket.
Si vous voulez les éviter alors faites comme moi, utilisez Woo…, utilisez les
transports en communs. À 400 mètres, sur votre droite après le parking et la
nouvelle et belle gare ferroviaire (non encore fonctionnelle) il y a une
esplanade avec des taxis clandestins qui vous apostrophent et des arrêts de cars
plus ou moins indiqués. Ne prenez ni le 178, ni le 38, prenez le 100 Sahat Echouhada de l’Etusa.dz. Pour 50
DA il vous conduit jusqu’au cœur d’Alger en passant devant l'immense
"mosquée Bouteflika" et par Tafoura. Tiens pourquoi pas descendre ici ? « Ici est la
rue des Vandales. C’est une rue d’Alger ou de
Constantine, de Sétif ou de Guelma, de Tunis ou de Casablanca » criait
Mustapha dans le Cadavre encerclé (j’ai joué ce rôle de Mostapha au Centre
culturel français d’Oran dans les années mortes, il y a une éternité…). Mon ici
est le Square Port Saïd à deux pas de la place des Martyrs. Un hôtel près du
fameux Tantonville et du TNA, dans la rue qui monte, la Casbah c’est derrière,
encore plus haut. Accueil correct, autant que le prix. La chambre se trouve à
hauteur de la 67° marche, au 2° étage sans ascenseur, à droite, « la
15 ». Correcte, mais l’odeur de renfermé et de moisi n’est pas agréable. Et
pas de Wifi. Comment peut-on vivre sans le Wifi ? Trop tard, j’ai réglé la
chambre. Demain j’irai voir ailleurs. Je me jette sur le lit. Respirer un bon
coup. Sur Canal Algérie je suis le dernier quart d’heure de la rediffusion de
l’émission d’hier soir, Expression livre. Mièvre, guindé et autosuffisant est
l’animateur (fort sympa par ailleurs), médusé l’invité comme beaucoup avant lui.
« Pas de vague, pas de vague » m’avait lancé un jour le premier. Le
journal qui suit, en français, nous montre des familles recevant « les
clefs » de leur appartement. Il n’y a ni discours redondants et ronflants,
ni portraits géants du président, ni youyous et autres salamalecs et c’est
mieux ainsi. Pas un mot sur la situation de crise nationale. Ni l’ANP, ni
l’article 102. On regarde ailleurs le ciel qu’il fait en Europe, en Asie.
« Chez nous il fait beau ». Pourtant le DG de l’EPTV, Toufik Khelladi
vient d’être démis de son poste hier, « appelé à d’autres fonctions ».
Le problème est qu’il a été remplacé par Lotfi Cheriet, un proche du clan
Boutef (cet ancien journaliste puis directeur de l’info à Canal Algérie avait
intégré la direction d’une « chaîne de propagande, El Wiam, lancée par Ali
Haddad pour faire la promotion du 4° mandat du chef de l’État » écrit El
Watan de ce jour, page 9). Moussa Hadj nous dit adieu et Hadj Moussa nous dit Salam alikoum.
14heures 30. Devant la grande poste il y a un attroupement,
on s’agite, les échanges sont hauts. J’ai voulu lancer aux uns et aux autres
« Silmiya mes frères, silmiya ».
« Bagarre ? » « non ils discutent » me répond l’homme
que j’ai apostrophé. Je vous promets qu’il m’est apparu qu’on était à deux
doigts d’en venir aux mains. Bien non. « C’est comme ça ici, le sang il
tourne vite ». Un jeune homme se fait fouiller les poches par un
autre. Un flic en civil probablement. Des gamins s’amusent de toute cette
agitation des adultes. Le soleil est éblouissant. Je m’assois sur une des
longues marches de l’édifice de la Poste. Les principaux articles de El Watan
sont plutôt favorables à la décision du chef de l’armée de convoquer l’article
102 de la Constitution – 3 articles sur 3 –
« Il est heureux de constater que l’ANP s’est prononcé
en faveur de l’expression populaire » dit un constitutionnaliste dans l’un
des articles, « Gaïd Salah est venu secouer le président du Conseil
constitutionnel » écrit Messaouadi dans le deuxième, le troisième
« L’armée s’implique… » reprend de longs extraits de son chef. Les
autres articles sont des commentaires ou des réponses des organisations, des
responsables de partis etc. : Assoul, Bouchachi, Zenati, Ali Rachedi… Sur
ma gauche deux « écrivains publics », en fait deux vieux messieurs,
arrondissent leur fins de mois en remplissant pour les clients perdus des
chèques et des documents divers de la poste. Et entre deux clients ils se
racontent des histoires de vieux messieurs que tout, la politique, la vie, le
vide, étonne. Et le sourire ne les quitte pas. À la librairie Charras je
feuillette quelques livres (et m’enquiers du destin des miens) « Repassez »
me dit la charmante responsable. Je ne lui dis pas que c’est la réponse qu’on
me donne à chacun de mes passages (Un par an environ).
Le rez-de-chaussée des anciennes Galeries Le Bon Marché sur
la rue Ben M’hidi a été transformé en un grand, très grand, café restaurant
avec Wifi (le code s’il vous plaît… P@ssw0rd). Oasis Planète « le plus
grand restaurant d’Algérie » (Les Échos d’Alger). Agréable et pas
excessif. J’y prends un thé et consulte mon FB. À propos « à qui
appartient-il » demande-je discrètement à un voisin de table » qui
hausse les épaules en faisant la mou. Quelle question…
Je me rends ensuite et sur le retour à l’immeuble qui abrite
les locaux de SOS Disparus, rue Ben Boulaid. Malheureusement il n’y a personne.
Au TNA Bachtarzi on commémore les vingt ans de la journée mondiale du théâtre. Le spectacle arrive à sa fin. Au Tantonville on sirote qui un café, qui un jus, qui je ne sais quoi d'autre... Sur les marches qui y donnent accès, un
attroupement se forme. C’est le 3° depuis « les événements ». Le
prochain rendez-vous aura lieu ici même mercredi prochain dit l’animatrice. À
17 heures une jeune animatrice prend la parole, explique l’objet de ces
réunions « échanges d’expérience, points de vue, lectures, nous sommes devant
un nouveau souffle… » Le premier intervenant est une jeune intervenante, Alia
qui lit un texte sur les femmes « elles ont toujours existé ! »
répète-t-elle. D’autres intervenants lisent des poèmes ou autres textes. Hmida
El Ayachi rend hommage à Kamel Amzal, ou Madjid, un militant de la démocratie, a
été assassiné par des islamistes dans la cité universitaire de Ben Aknoun, le 2
novembre 1982. Déjà. Puis il improvise une poésie Chams ettoufal, un jeu interactif avec le public, Charlie Chaplin…,
puis Le Mur et Kaddour Blendi… Un vrai acteur ce Hmida. Je n’ai pas pu lui dire
un mot (la dernière fois que je l’ai rencontré c’était à l’aéroport d’Oran, il
y a bien 3 ou 4 ans grâce à un ancien ami). Puis il y eut une autre jeune
femme, puis Hakim qui lit en arabe un texte de 1998 de Habib Younès. Connais
pas. J’interviens pour lire deux poèmes que j’ai écrit en hommage aux enfants d’Octobre
1988 pour le premier, à la Révolution de velours actuelle pour le second.
« Octobre » et « C’est le Printemps ». D’autres personnes
suivront. À la fin de la rencontre l’attroupement se scinde en plusieurs petits
groupes. J’échange avec des jeunes, certains sont à l’initiative de ces sorties
publiques. « Va dans ‘Balance ton mot’ sur Facebook me dit l’un d’eux, tu
auras pleins d’informations, va aussi sur ma page FB ».
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