Six
heures. Vite avaler le double thé au croissant, se doucher, dévaler les marches
quatre à quatre de l’immeuble (ceci est inexact ne me croyez pas, mes veines
contrairement à mon esprit fouineur ne s’autorisent plus de facéties, n’ont
plus vingt depuis longtemps, merci Reggiani !)
Héler
un Taxi « Hé taxi ! la gare sahha » Les Taxis ne sont plus
tous obligatoirement jaunes comme jadis.
Suit une discussion avec le chauffeur, sympathique. Une discussion, non, plutôt
un monologue, je ne peux en placer une et cela m’arrange, je n’ai plus qu’à écouter.
Le gars en a après les comportements des chauffards, des piétons, des mounafiqins
(hypocrites il me semble), il en veut aux policiers qui paient leur course à
contrecœur, en rouspétant. « Ha hiya la gare ». Je n’ai ni vu ni
entendu passer les vingt minutes du trajet. « 18000 ».
« Alger,
avancez s’il vous plaît, Ayya Dzaïr, Dzaïr ». A 12 h 54, c’est à dire avec
six minutes d’avance, le train pour Alger se lance sur les rails aussi
parallèles qu’infinis. La climatisation ne m’incite pas à enlever le gilet, ce
que j’avais prévu (prévu d’enlever ce vêtement). Je consulte les réseaux
électroniques (Djezzy m’avait suggéré et convaincu de prendre « un crédit
taa Millenium 1200 DA valide 30 jours andek koullèch » alors j’ai dit OK.
Je consulte donc mes mails et Facebook. Pas une fois ni deux… Les places du wagon ne sont pas toutes
occupées. Un jeune couple, manifestement migri, explique à ses enfants (un
petit garçon de 6-7 ans, un autre de 9, peut être un peu plus, et deux filles
de 12-13 ans pour la première et 15 ans ou 16 ? (non pas 16) pour la
seconde, ce qui se passe : « la dame nous demande si on veut acheter
quelque chose, vous voulez quoi ? » Moi je commande un thé
« c’est tout ? » « heu oui », « le thé c’est
gratuit » « merci ». La préposée au café, thé, biscuits
ambulants sert, sourit et continue sa tournée. Derrière moi un gars parle au
téléphone depuis au moins cinq minutes, parle et rigole de bon cœur. J’ai
l’impression que le train roule au ralenti, mais tel n’est pas le cas, la
preuve, nous venons de passer Chlef. Entre Aïn Defla et Aïn Torki, il n’y a
plus de réseau. La région est littéralement couverte de forêt de pins, de
buissons et de guérites militaires aux meurtrières carrées et si petites qu’une
tête bien ronde n’y passerait pas. Les guérites sont partiellement enduites de
chaux et n’ont pas l’air d’être occupées. De temps à autre, lorsque la porte
entre les wagons s’ouvre, une bouffée de fumée de cigarettes désagréable, envahit
notre espace. On ne peut ouvrir le haut des vitres car un contrôleur est passé
pour vérifier leur bonne fermeture et verrouiller celles qui ne le sont pas.
Les jeunes frères et sœurs ainsi que l’homme au téléphone (les hommes, ils sont
deux au téléphone) mettent de l’ambiance. Ils arrivent quand même, sans grand effort
il est vrai, à m’extraire de ma lecture d’un petit livre parfois assez
hermétique. Il s’agit de La fable du nain » (cf image), un petit texte de
Kamel Daoud édité en 2003 par les Éditions Dar El Gharb (maison oranaise
disparue depuis, hélas), livre donc que j’ai acheté dimanche à l’ex Sned près
du Timgad ex « Grand café riche » pour 600 DA. Hermétique le livre où
il est question de « réalisme magique » sud-américain, selon Zouaoui
« Benhamadi » (serait-ce le Benamadi d’Algérie Actualités ?) où
il est question de grotte, de lutin, du Destin Zimzim et d’un narrateur suicidaire
qui se fait du cinéma, qui se voit mort, « allongé sur la table du Laveur
de cadavres » et entouré des siens. Le lecteur est plusieurs fois pris à
témoin « si vous ne me croyez pas, allez vous asseoir et écoutez… »
Je n’ai pu finir la fable, « ce récit fiévreux et gorgé de sueur ». A
l’époque Kamel n’était pas encore Daoud. Il a, depuis, mis beaucoup de l’ben ou
de cendres dans sa magie pour qu’elle se blanchisse (évidemment).
Arrivée
à Agha à 13 heures passées. Chaleur d’été. Je me débarrasse du gilet. Le sac et
sac à dos sont lourds (c’est que mes bouquins, les miens, pèsent, 300 pages Le
Choc des Ombres, quand-même) Djezzy Data m’envoie ce sympathique message
« vous avez atteint 70% de votre bonus 50 MO ».
Après
avoir déplié et rangé mes affaires, puis pris le repas sur le pouce, je prends
la route de la Casbah en direction du café Le Repère (je vous en ai parlé hier).
Après le marché couvert Ahmed Bouzina, je grimpe des ruelles, me perds quelque
peu. Je demande à trois jeunes qui s’ennuient « Le café perché la
haut ? »… « juste là il y a un café des anciens ». Les
anciens ? mais quel est le rapport ? bon. Je continue. Un café, je
demande. « Le café Le Repère ? », « Eh, chez Yassine ? tu
montes encore, la gendarmerie, à droite, tu descends. Tu demandes, c’est en
face de la mosquée Sidi Ramdane, tu le reconnaîtras aux roseaux »…
Le
café est assez chargé de monde et de roseaux en effet, mais ça je le savais. Il
y a aussi une petite équipe de jeunes qui tourne un documentaire. Je me
renseigne. « Le film traite d’une partie de l’histoire populaire de la
Casbah. Le conteur est mis en avant, Errawi (il s’agit de l’acteur Abderrezak
Boukaba), le réalisateur est Mohamed Ouali. Ambiance sympathique. Musique
chaabi. Toutes les tables sont occupées. C’est ici même – je vous en parlais
dans le spot d’hier) – que nous avions procédé à des lectures de textes il y a
un an ou plus avec des camarades que j’aimerais bien revoir à l’occasion de ce
22° Salon du livre qui s’ouvre demain.
Je
rejoins le centre ville en traversant la pitoyable Casbah qui se meurt un peu
plus chaque année, "un seul héros, le Peuple !?" proclame ironiquement un tag avec un point d'exclamation et un malin point d'interrogation. Je passe par « jamaâ Lihoud » (la mosquée des
juifs) et le marché Farès. Je retrouve le marché couvert Ahmed Bouzina. Puis la
rue Patrice Lumumba et Ben M’hidi.
A
suivre…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire