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Cultures SudLa revue en ligne des littératures du Sud
L'Amer jasmin de Fès
de Ahmed Hanifi
Notes de lecture par Brahim Hadj Slimane
Bien après Le Temps d’un aller simple, Ahmed Hanifi vient de faire paraître son second ouvrage : L’Amer jasmin de Fès. Celui-ci est étonnant, à plus d’un titre. Au départ, c’est un journal « personnel » que l’auteur a décidé, un beau jour, d’ouvrir er de tenir ; ce qu’il fit durant deux ans. La particularité est que ce journal est motivé par un coup de foudre et sa durée étalée le temps qu’aura duré une histoire d’amour impossible. Celle d’un quinquagénaire d’origine algérienne et une jeune berbère, marocaine, qui n’a pas encore vingt ans.
Raei est un intellectuel , militant des droits de l’homme, opposé au régime des militaires, qui abandonne son emploi confortable dans le trust pétrolier étatique, son logement et tout son environnement familial et amical, pour aller refaire sa vie en France. Il fait partie de cette nouvelle diaspora algérienne qui a fui la guerre civile des années 90. Derrière le personnage de Razi, il y a l’auteur évidemment qui d’ailleurs ne cache pas une confusion voulue. Déjà, sous cet angle-là, ce texte est intéressant du fait qu’il met en elle est œuvre les pérégrinations, en France, d’un exilé algérien de cette terrible époque. Même si ce personnage ne vit pas le dépaysement complet dans la société française à laquelle il est familier et s’y est acclimaté. Razi habite Orgon, à 100 km de Marseille, et travaille comme formateur dabs un centre qui reçoit surtout des jeunes maghrébins, à Cavaillon. Séparé de sa femme (une française) et de ses enfants, il mène une vie routinière lorsqu’un jour, son quotidien bascule avec l’intrusion d’ne nouvelle stagiaire dans sa formation : « au début de ce mois de septembre j’ai fait une rencontre qui, depuis, ne cesse d’ébranler mon quotidien, secouer mon être. Une rencontre inouïe. Voilà j’ai décidé de la raconter dans le détail dans ce cahier. Raconter cette histoire et la vie qui en suit ». Originaire de la région de Fès, au Maroc, Katia est venue jeune en France où, à 16 ans, elle fut mariée à un garçon, d’origine marocaine également, qui en avait 24, la battra et la séquestrera. Echappée, elle est en instance de divorce et vit chez une tante qui la surveille. Et Razi aussi va tomber dans la nasse du regard de la société. « Je n’ai pas honte de l’aimer, je l’aime déjà ! Mais je culpabilise. Sa jeunesse lézardera ma morale et mes principes ».
La vie quotidienne de Razi va être scrupuleusement consignée dans ce cahier-journal avec une grande fidélité, avec ses doutes, les interrogations, ses maladresses. Ces deux années seront entièrement consacrées à l’amour qu’il porte à cette jeune fille qui le tient à distance, soufflant le chaud et le froid et surtout profite sans vergogne de son portefeuille pour ses multiples besoins et fantasmes. Deux ans de frustrations avec quelques moments de joie enfantines et de sublimations.
C’est sur cet aspect que ce journal « romanesque », bien écrit, est intéressant. L’auteur a structuré son texte comme un journal, respectant le déroulement chronologique, tout en lui donnant les attributs d’un roman, avec même quelques passages poétiques, un sens des détails et des descriptions ; Mais surtout, Ahmed Hanifi réussit à tisser une belle histoire d’amour où il raconte et décrit cette fille avec tendresse, minutie, dans sa complexité faite d’innocence et de petits calculs. Qui plus est, cette histoire d’amour est typiquement maghrébine, n’obéissant pas aux codes amoureux en vigueur dans la société française et qu’intériorise le personnage de Razi. Sauf celui du cloisonnement entre les âges avec la morale répressive qui entoure les transgressions à celui-ci. Dans ce livre justement, cette spécificité, si l’expression est permise, affleure et mériterait d’être relevée. Elle traverse tout le livre et donne à voir le fond culturel où se mélange la passion et l’imaginaire amoureux d’un maghrébin, les codes et les canons esthétiques, l’irrationnel foisonnant, l’amour méfiance entre un homme et une femme, la morale et les préjugés, la sacralisation du sexe, etc, etc… C’est beau cas d’étude pour un anthropologue s’intéressant à la question.
Brahim Hadj Slimane
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ET AUSSI:
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L'amer Jasmin de Fès
Ce roman est un journal intime, celui d'un quinquagénaire qui tombe éperdument amoureux d'une jeune marocaine.
"Elle est originaire d'un village berbère du sud de Fès. Son accent hautement épicé puise dans le parlé vernaculaire de l'Atlas marocain proche des sources de la Moulouya."
Dès le départ, l'homme sait que ses sentiments sont voués à l'échec
"(...) dans ce cahier à spirales que j'ai acheté pour l'occasion, je consignerai toutes les vérités au profit de mes mensonges, tous les artifices au service de ma sincérité. Ce cahier sera moi et ne le sera pas."
Entre Marseille et Avignon, on suit le quotidien de cet intellectuel qui bascule dans le doute et la frustration d'une relation d'intérêts alors qu'il ne désirait qu'amour et sincérité.
C'est une belle histoire d'amour, racontée par le menu, selon les codes maghrébins. On pourra apprécier les qualités du récit mais qui souffrent parfois de quelques maladresses. Mais le développement est structuré et donne largement matière à réflexion, une étude de mœurs fine et sans artifices
Un roman hors standard à découvrir en format papier ou numérique.
Résumé :
Razi, la cinquantaine entamée, enseigne dans un centre de formation du sud de la France depuis plusieurs années. Il rouille ses os dans la routine jusqu’à ce jour de septembre, quand arrive dans sa classe une jeune marocaine qui n’a pas encore vingt ans. Jeune divorcée, Katia ne pense qu’au renouvellement de sa carte de séjour et accessoirement à ses facéties juvéniles. Razi est obsédé par cette fille qui bouleverse sa vie. Une relation forte et complexe s’établit entrée formateur et son élève. Razi et Katia passent ensemble des moments inoubliables.
Les démarches administratives de Katia n’aboutissent pas. Elle se retrouve dans l’illégalité : elle est une sans-papiers. Le préfet des Bouches du Rhône la somme alors de quitter le territoire français dans un délais d’un mois.
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Bel article, bien écrit et pertinent à propos d'un livre qui ne l'est pas moins.
RépondreSupprimerUn lecteur.