NELSON MANDELA
APPARTIENT DESORMAIS A L'HISTOIRE
Myriam MAKEBA - _Malaika_ - Original 1974 single with Swahil
Merci Adamfulgence
Hier jeudi, à midi, j’ai fermé
les yeux pour mieux voir l’homme qui a rendu leur dignité à des millions
d’hommes. L’homme qui a rendu l’homme fier d’être un homme. J’ai fermé les yeux
comme pour prier. Non pour qu’il se rétablisse car je ne le crois pas, il est frappé par la maladie à un âge très avancé où elle ne pardonne guère. J'ai fermé les yeux pour qu’il parte en paix, dans la
sérénité si cela est possible en telle situation, dans la sérénité et
l’apaisement. Cet homme a apporté à l’humanité qui nous constitue une force
désormais palpable, une force qu’il incarne par son combat, ses mots, son physique, son être total.
Johnny Clegg (With Nelson Mandela) - Asimbonanga - 1999
Merci tenshu50
Un jour de cette année, j’avais fait de Nelson Mandela un thème de cours. Nous avions évoqué son combat, sa vie durant toute la durée du cours. Nous avions évoqué les guerres coloniales et les discriminations raciales, fléaux de notre monde, hier comme aujourd’hui.
Merci tenshu50
Un jour de cette année, j’avais fait de Nelson Mandela un thème de cours. Nous avions évoqué son combat, sa vie durant toute la durée du cours. Nous avions évoqué les guerres coloniales et les discriminations raciales, fléaux de notre monde, hier comme aujourd’hui.
Nina Simone _ Miriam Makeba_ Thulasizwe _ I Shall Be Release
Merci AfriHoud Woolf
Ce matin sur France culture on
parle de Madiba au passé. J’aurais préféré que cela fût par maladresse
évidemment. Mais non, Mandela est bien parti, mais son souffle demeurera pour des millions d'êtres humains,
définitif. Il stimulera l’esprit de ces hommes épris de liberté et de justice.
Je vois Mandela danser sur Asimbonanga
aux côtés de Johnny Clegg le Zoulou, j’entends l'espoir de Myriam Makéba et la souffrance et la force de William Ernest Henley.
--------------
Invictus est un poème de l'écrivain William
Ernest Henley très populaire. C'était le poème préféré de Nelson Mandéla.
Invincible
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,
Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,
En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,
Se profile l’ombre de la mort,
Je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,
Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme
--------------
Invictus
Invictus - Poem That Inspired A Nation. Merci suvendusekharsabat
Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.
In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbow'd.
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbow'd.
Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.
It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate :
I am the captain of my soul.
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate :
I am the captain of my soul.
1931- William Ernest Henley (1849 - 1903)
-------------------
William Ernest Henley (né le
23 août 1849 à Gloucester et mort le 11 juillet 1903 à Woking) est un poète,
critique littéraire et éditeur britannique.
Il a reçu une éducation non religieuse à la Grammar
school Crypt (en). Atteint d'une tuberculose osseuse à l'âge de 12 ans, il dut
subir une amputation de son pied gauche à mi-jambe. L'écrivain Robert Louis
Stevenson, dont il était l'ami, s'inspira de son handicap pour décrire le
personnage de Long John Silver, le fameux pirate de son roman d'aventures L’Île
au trésor. Henley et Stevenson collaborèrent d'ailleurs à l'écriture de
plusieurs pièces de théâtre : Robert
Macaire, Admiral Guinea, Beau Austin, Deacon Brodie
En 1875, il écrit de son lit d'hôpital le fameux
poème Invictus dont le titre latin signifie « invincible ». Il disait
lui-même qu'il avait écrit ce poème comme une démonstration de sa résistance à
la douleur qui suivit son amputation du pied. Ce poème fut l'objet de
nombreuses citations.
Il a été très critiqué par l'Eglise pour ce poème,
notamment pour les deux derniers vers, les plus fréquemment cités : « Je suis le maître de mon destin
Le
capitaine de mon âme. » (Wikipédia)
Tracy Chapman - Talkin _bout a Revolution,
Live 1988 Wembley Stadium in London- Merci Neulevel
----------
AFP-Soweto_ début de la cérémonie d_hommage à Mandela
Cérémonie du 10 12 2013
Nelson Mandela meets Yasser Arafat in Gaza
L'histoire de Nelson Mandela - FranceReplay TV 2013
---------------------------
-->
La brève rencontre avec
Mandela que je n'ai pu raconter
En
1990, l'Algérie et l'Afrique du sud sont encore en quasi état de guerre
symbolique. Mais la libération de Nelson Mandela, le 11 février, permet les
premières visites de journalistes algériens. Histoire inédite d'un
moment hors normes dans la vie d'un professionnel.
Je
suis à Johannesburg depuis 11 jours. Et rien. Ou presque. Nous sommes le 15
avril 1990 et je suis le second journaliste algérien à séjourner en reportage
en Afrique du Sud depuis la libération, deux mois et quatre jours plus tôt, de
Nelson Mandela. Mon ami Meziane Ourad, Grand reporter à Algérie Actualités, m'a
précédé quelques semaines plus tôt sur la piste de Madiba. Il était le premier
pour l'Afrique du sud qui n'a pas encore abolit l'Apartheid, et reste soumise à
embargo par l'Algérie et une grande partie de la communauté internationale. Il
me reste à être le premier pour l'entretien. A Alger, je n'ai rien promis à ma
rédaction de Horizons. Et personne ne m'a rien exigé. Je suis d'abord là pour
raconter le pays nouveau qui se lève. La demi-poignée de médias qui a obtenu
une interview exclusive de Nelson Mandela est planétaire. Il ne faut pas
rêver ! Je rêve pourtant. Dès le premier jour, je me précipite au siège de
l'ANC, dans le rutilant centre-ville de "Jobo", pour déposer ma
requête. "Il faut que Nelson Mandela dise quelque chose aux algériens. Ils
l'aiment tant. Et puis l'ALN l'a formé à la guérilla. Nous sommes des frères".
"On verra" me répond un responsable de la communication perturbé par
l'indigence de mon anglais, "ce sera très difficile, mais je vous promets
que j'essayerai. Trouvez un traducteur en attendant ! "
Je
tourne autour d’Old Man
Durant
11 jours je tourne autour de "Old Man". Sans jamais l'apercevoir. Il
est hors champ. Et je suis dans les taxis. Un jour, un sujet, un envoi.
Je visite l'immense ghetto noir de Soweto, prends des photos devant l'ancienne
maison de Mandela, où Winnie, son épouse, ne vit plus, couvre une meurtrière
fusillade policière dans un township près de Jobo, interviewe un leader
syndical métis de gauche, dresse le portrait de commerçants blancs,
raconte la place boursière, les premiers meetings de l'ANC redevenue légale
depuis 70 jours : mais point de Mandela. Lorsque je parle de l'Algérie, on
me demande des nouvelles d’Ahmed Ben Bella. Les mythes fondateurs sont les plus
solides. Celui que je pourchasse est insaisissable. Mon contact au siège de
l'ANC me propose un autre dirigeant. Je décline. A mon hôtel, sur la butte de
Hillsborrow, je traque tous les matins au petit déjeuner, Mandela dans les
journaux. Il a fait un aller-retour en Zambie. Naturel, la première base
arrière de l'ANC était dans ce pays voisin. Mais rien sur ces prochaines
sorties. Je suis un peu moins perdu en anglais qu'au premier jour. Mais le
dernier jour arrive. Je vais repartir demain le 16 avril et je n'aurais pas
recueilli le moindre mot de la personnalité politique la plus courue de la
planète. Un message en rentrant le soir à mon hôtel me met en mode
"commando". C'est Christian Chase, du bureau de l'AFP à Johannesburg,
qui me prévient que Mandela va prendre un avion pour Londres le soir et qu'il
devrait y avoir un point de presse à l'aéroport Smut de Jobo. Il m'avait hébergé
pour écrire et envoyer mes articles, il m'offre un cadeau de départ. Je ne sais
pas si j'arriverai à temps. Mais je suis dans un taxi dans la minute qui
suit.
Il
est là à moins de deux mètres
Dans
le hall de l'aéroport je tombe sur Walter Sisulu. A ce moment de l'histoire de
l'Afrique du sud c'est le second personnage le plus emblématique de la cause
anti-apartheid. Une autre icône. Bon signe. Il parait détendu, heureux
d'apprendre que je suis algérien. Je tiens un premier "sonore". Voilà
qu'un mouvement de foule s'amorce. Mandela est annoncé dans une aile voisine.
Un leurre. Des journalistes me retiennent. Il ne va pas passer par là "
reste avec nous". Cinq minutes plus tard, nous sommes parqués dans un
petit hall où déboule la petite délégation de l'ANC, et, au milieu, la
silhouette messianique de "old man". Il s'arrête, sourit, commente
d'une boutade, notre attroupement improvisé, et devient immédiatement grave à
la première question qui fuse. Je suis devant Nelson Mandela, à moins de deux
mètres. Et je m'entends rester sans voix durant les 5 ou 6 minutes où dure
l'échange avec la dizaine de journalistes qui m'entourent. C'est la première
fois qu'il part en Occident. A Londres, pour un concert à Wembley célébration
de sa récente libération. Je vois encore le beau visage d'ascète de Mandela
s'assombrir lorsqu'il doit rappeler à la communauté mondiale qu'elle ne doit
pas lâcher la pression de l'embargo économique sur Pretoria. Quelques jours
auparavant Margaret Thatcher, dont il va refuser l'invitation au 10 Downing
Street, a suggéré la levée des sanctions, maintenant que Mandela était libre et
l'ANC reconnue.
Next
trip ? Algiers ?
Est-ce
que je peux dire en rentrant à Alger que j'ai interviewé Nelson Mandela deux
mois après son retour à la lumière sans lui poser la moindre question ? Non. Je
m'entends alors, tandis qu'un accompagnateur indique poliment que l'avion
attend, lancer haut et fort, " Newsman from Algeria. next trip Mrs Mandela
? Algiers ?" Madiba est déjà parti, poussé vers le sas du contrôle de
police. Il ne m'a pas répondu. Il m'a regardé et sourit. Et je pense qu'il m'a
dit oui en hochant de la tête. Moins d'un mois plus tard il était à Alger. Peu
de capitales ont connu ce privilège, à ce moment à la fois chancelant et
enthousiasmant de l'histoire de la nation sud-africaine. Sur le chemin du
retour, lors d'un diner à mon escale parisienne, j'essaye de raconter
l'histoire brulante de ma brève rencontre avec Nelson Mandela. A la table, une
amie me vole la vedette en racontant avec force détail sa découverte du Mont St
Michel, le week end d'avant. Je me tais. Aujourd'hui je l'écris. Adieu Old Man.
Je t'aimais tant.
El Kadi
Ihsane vendredi 6 décembre 2013 18:02
MAGHREB EMERGENT
________ ________________________Adieu Mandela : L'Algérie perd plus qu'un ami
Nelson Mandela s'est éteint hier
soir à l'âge de 95 ans. Si son combat contre le régime d’Apartheid en Afrique
du Sud est connu de tous, peu de personnes sont au fait de la relation que
Mandela entretenait avec l’Algérie. Avec l’aide de Nourredine Djoudi, ancien
Ambassadeur algérien en Afrique du Sud et du musée national de l’Armée, El
Watan Week-End revient en images sur cette relation de l’ombre.
Nelson Mandela, héros de la lutte
anti-apartheid, est mort à l’âge de 95 ans à son domicile de Johannesburg,
a annoncé hier soir le président sud-africain Jacob Zuma en direct
à la télévision publique. «Notre cher Madiba aura des funérailles
d’Etat», a-t-il ajouté, annonçant que les drapeaux seraient en berne à partir
de vendredi et jusqu’aux obsèques. Premier Président noir d’Afrique du Sud
entre 1994 et 1998, Prix Nobel de la paix en 1993 pour sa lutte acharnée contre
le régime d’Apartheid ; les faits d’armes de Nelson Mandela sont loin d’être un
secret. Sa résilience pendant sa détention aux prisons de Robben Island puis de
Pollsmoor, longue de 27 ans, en a fait un modèle de détermination et
d’abnégation.
Pourtant, c’est en Algérie que «Madiba»
(ndlr : surnom qu’il tient de sa tribu d’origine) reçoit sa première formation
militaire en 1961 aux côtés de l’ALN, il est dirigé par le général Mohammed
Lamari. La collaboration entre Mandela et Lamari devient une collaboration
entre l’ANC et l’Algérie nouvellement indépendante. En effet, le premier
Président algérien, Ahmed Ben Bella va offrir son aide logistique et financière
à la lutte sud-africaine. Raison qui amène de nombreux soldats sud-africains à
se former auprès de l’armée algérienne. «Mandela était convaincu que seule
l'Algérie avait démontré sa capacité à mener avec succès une guerre de
libération en Afrique contre une armée coloniale puissante, membre de l'OTAN et
alliée objectif du régime d'apartheid.
A bien des égards, disait-il, les conditions de domination coloniale et de l'apartheid étaient identiques», affirme Nourredine Djoudi, qui a été interprète de Nelson Mandela en Algérie lors de sa venue en 1960, avant d’être nommé Ambassadeur algérien en Afrique du Sud.
A bien des égards, disait-il, les conditions de domination coloniale et de l'apartheid étaient identiques», affirme Nourredine Djoudi, qui a été interprète de Nelson Mandela en Algérie lors de sa venue en 1960, avant d’être nommé Ambassadeur algérien en Afrique du Sud.
Engagement
Par ailleurs, la 29e assemblée générale
de l’ONU de 1974 présidée par l’Algérie et son représentant Abdelaziz
Bouteflika a proposé et obtenu l’exclusion de l’Afrique du Sud de cette même
assemblée, et ce jusqu’en 1991, date qui met fin à l’Apartheid. L’Algérie s’est
en effet pleinement engagée en faveur du combat mené par Nelson Mandela. Ce dernier
a ainsi tenu à effectuer sa première visite officielle après sa libération à
Alger, en Mai 1990. Visite pleine d’émotions dont se souvient Nourredine Djoudi
: «Lors de sa première visite, après sa libération et avant son élection, sa
première demande en arrivant à l'aéroport Houari Boumediene a été formulée
ainsi: "Où sont les officiers qui m'ont formé ?" Il entendait par là
Chérif Belkacem, et moi-même.» Un signe de reconnaissance qui est davantage
marquée par la phrase qu’a prononcé Nelson Mandela «lors du meeting de la salle
du Comité Olympique» pour reprendre les termes de N. Djoudi. «Madiba» a affirmé
«c’est l’Algérie qui a fait de moi un homme», un homme qui aura marqué
l’Histoire de son empreinte, probablement à jamais, par sa détermination, son amour
pour sa nation et ses valeurs, qui, aujourd’hui encore, continuent de
structurer la société sud-africaine.
Amrane Mahfoud Medjani
El
Watan vendredi 06 décembre
___________
Mais qu'est-ce qui rendait Mandela si spécial?
A part, bien sûr, le fait d'avoir croupi vingt-sept ans dans les geôles de l'apartheid et d'en avoir émergé sans la moindre rancune.
A part son insistance pour que la "réconciliation" soit au centre d'une commission de vérité constituée pour soigner les plaies infligées à l'Afrique du Sud par des décennies de haine raciale.
A part son apparition sur le terrain de la finale de la Coupe du monde de rugby en 1995, un maillot des Springboks sur les épaules, courageux appel au pays pour qu'il s'unisse derrière une équipe sud-africaine composée en grande majorité de Blancs.
Et à part son départ de la présidence de l'Afrique du Sud au terme de son premier mandat, contrairement à tant de dirigeants dans le monde qui, une fois qu'ils ont goûté au pouvoir, s'accrochent à lui jusqu'à ce qu'il les détruise ou jusqu'à ce qu'ils détruisent les pays qu'ils gouvernent.
Voilà les qualités les plus connues du héros de la lutte contre l'apartheid. Mais pour les journalistes qui ont eu la chance de suivre son remarquable parcours, depuis sa sortie de prison en 1990, pendant les années de transition jusqu'aux premières élections présidentielles multiraciales de 1994 et jusqu'à ce jour de 1999 où --trop tôt pour certains-– il tira sa révérence, Nelson Mandela était plus que cela. Beaucoup plus que cela.
Il
n'était pas un politicien comme les autres. Couvrir "l'histoire
Mandela" vous marquait pour la vie. Il nous incitait tous à devenir de
meilleurs êtres humains ou, plus exactement, à reconnaître les vertus de
la réconciliation à une époque où les Sud-Africains, blancs ou noirs,
subissaient encore les stigmates de l'apartheid.
J'assiste à un meeting de campagne dans la township d’Alexandra, dans la banlieue de Johannesburg. La tension est extrême. Mandela prend la parole devant une foule imprégnée de sentiments anti-Blancs après un énième massacre de Noirs attribué à la "Troisième force" --des barbouzes blancs qui cherchent à torpiller par la violence le processus de démantèlement de l'apartheid.
Et puis, brusquement, il s'arrête de parler. Il montre du doigt une femme blanche qui se tient debout parmi les participants, un peu en retrait.
"Cette femme, là-bas", dit-il avec un large sourire. "Elle m'a sauvé la vie."
Il l'invite à monter sur scène et l'embrasse chaleureusement. Il raconte qu'en 1988, alors qu'il était incarcéré dans la prison de Pollsmoor, près du Cap, il avait été hospitalisé après avoir attrapé la tuberculose et que c’était cette femme, une infirmière, qui l'avait soigné.
Mandela réussissait à renverser l'humeur de la foule. Les grondements vengeurs se taisent, noyés sous les murmures d'approbation.
Il y a aussi ce jour où Mandela, devenu président de l'Afrique du Sud, accueille une réunion de la Communauté de développement d'Afrique australe. Pratiquement tous les chefs d'Etat et de gouvernement de la région sont là. Depuis le matin, les journalistes attendent une conférence de presse qui n'arrive pas. Une reporter radio, très agitée, doit s'éclipser en milieu d'après-midi pour récupérer son fils à l'école, en priant pour que la conférence de presse ne démarre pas pendant son absence. Heureusement pour elle, elle revient juste à temps, accompagnée de son gamin dont la "chemise Madiba" tranche avec les costumes stricts de l'assistance.
En entrant dans la salle avec les autres dirigeants, Mandela remarque l'enfant. Sans hésiter, il se dirige vers lui, lui serre la main et lui dit: "Bien le bonjour. Comme c'est gentil d'avoir pris le temps de venir parmi nous malgré votre emploi du temps chargé!" Le gamin rayonne, sa mère aussi. Les journalistes sont enchantés et les présidents et Premiers ministres ont l'air de bien s'amuser.
Il en allait toujours ainsi. Nous étions émerveillés en voyant Mandela s'adapter sans difficulté à son nouveau rôle d'homme d'Etat d'envergure mondiale. Nous étions émus lorsque, de temps en temps, il laissait entrevoir son côté humain. Pendant son divorce, il avait confié publiquement que la femme qu'il aimait si profondément, Winnie, n'avait pas passé une seule nuit avec lui depuis sa sortie de prison. L'activiste Strini Moodley, incarcéré à Robben Island, raconte que Mandela avait toujours une photo de Winnie avec lui dans sa cellule. Un jour, Moodley demande à emprunter l'image pour réaliser un croquis. "Tu peux l'avoir pendant la journée, mais la nuit elle revient avec moi", lui répond Mandela.
Pendant la campagne électorale, Nelson Mandela n'oubliait jamais de demander aux journalistes s'ils avaient bien dormi et s'ils avaient bien pris leur petit-déjeuner. Il connaissait beaucoup de reporters et de photographes par leur nom. Il s'arrêtait souvent pour bavarder avec eux, en commençant toujours par un: "Comme c'est bon de vous revoir!"
Un des moments les plus emblématiques de ses efforts permanents pour réconcilier les Sud-Africains fut sa visite à Betsie Verwoerd, la veuve de l'architecte de l'apartheid Hendrik Verwoerd, l'homme qui l'avait, de fait, envoyé en prison.
C'est sous Verwoerd, Premier ministre de 1958 jusqu'à son assassinat en 1966, que le Congrès national africain (ANC) et le Parti communiste avaient été mis hors la loi. Contraint à la clandestinité, Mandela avait été arrêté et condamné à la prison à vie, en 1964, pour "actes de sabotage" et "complot en vue de renverser le gouvernement".
Le "Thé avec Betsie" se déroula au domicile de cette dernière, dans une enclave blanche connue sous le nom d'Orania, au nord-est du Cap, en août 1995. Mme Verwoerd, alors âgée de 94 ans, n'a jamais révélé grand-chose sur cette rencontre, se contentant de dire qu'elle était contente que le président lui ait rendu visite. Sa petite-fille, Elizabeth, s'était avérée moins accueillante, affirmant qu'elle aurait préféré que Mandela devienne "le président d'un pays voisin".
Mandela était digne. Il était généreux. Il devait affirmer plus tard qu'il avait été reçu à Orania "comme à Soweto", la gigantesque township noire de Johannesburg dont il est le héros. Toujours prêt à rappeler qu'il s'inscrivait dans la lignée de nombreux dirigeants sud-africains, il avait posé pour les photographes au pied d'une statue de Verwoerd haute d'environ 1,80 m. "Vous avez érigé une bien petite statue pour cet homme", avait-il même dit aux résidents d'Orania en prenant un air déçu.
Quelques mois plus tôt, le 27 avril 1994, les journalistes s'étaient massés dans une école près de Durban où Mandela devait voter lors des premières élections multiraciales à avoir lieu dans le pays. Je me souviens avoir pensé: "Est-ce que tout cela est bien réel? Est-ce que Mandela est bien en train de voter? Est-ce que l'apartheid est vraiment en train de se terminer?"
Oui, c'était bien le cas. Dans un bref discours, Mandela avait salué l'aube d'une "Nouvelle Afrique du Sud où tous les Sud-Africains sont égaux". Puis il avait déposé son bulletin dans l'urne et, rayonnant sous le soleil matinal, il avait souri. Un long sourire. Un sourire heureux.
Le genre de sourire qui, on le sent, n'est pas destiné aux caméras. Le genre de sourire qui vient du très profond de l'âme. Et dans le cas de Mandela, d'une âme d'une grande rareté, et d'une grande sagesse.
-----------
-->
___________
Mandela, ce sourire qui venait du plus profond de l'âme
L'auteur de ce témoignage, Bryan Pearson, un Sud-Africain, a été correspondant de l'AFP en Afrique du Sud de 1990 à 1999. Il a, à ce titre, suivi le parcours de Nelson Mandela depuis sa sortie de prison jusqu'à son départ du pouvoir.Mais qu'est-ce qui rendait Mandela si spécial?
A part, bien sûr, le fait d'avoir croupi vingt-sept ans dans les geôles de l'apartheid et d'en avoir émergé sans la moindre rancune.
A part son insistance pour que la "réconciliation" soit au centre d'une commission de vérité constituée pour soigner les plaies infligées à l'Afrique du Sud par des décennies de haine raciale.
A part son apparition sur le terrain de la finale de la Coupe du monde de rugby en 1995, un maillot des Springboks sur les épaules, courageux appel au pays pour qu'il s'unisse derrière une équipe sud-africaine composée en grande majorité de Blancs.
Et à part son départ de la présidence de l'Afrique du Sud au terme de son premier mandat, contrairement à tant de dirigeants dans le monde qui, une fois qu'ils ont goûté au pouvoir, s'accrochent à lui jusqu'à ce qu'il les détruise ou jusqu'à ce qu'ils détruisent les pays qu'ils gouvernent.
Voilà les qualités les plus connues du héros de la lutte contre l'apartheid. Mais pour les journalistes qui ont eu la chance de suivre son remarquable parcours, depuis sa sortie de prison en 1990, pendant les années de transition jusqu'aux premières élections présidentielles multiraciales de 1994 et jusqu'à ce jour de 1999 où --trop tôt pour certains-– il tira sa révérence, Nelson Mandela était plus que cela. Beaucoup plus que cela.
J'assiste à un meeting de campagne dans la township d’Alexandra, dans la banlieue de Johannesburg. La tension est extrême. Mandela prend la parole devant une foule imprégnée de sentiments anti-Blancs après un énième massacre de Noirs attribué à la "Troisième force" --des barbouzes blancs qui cherchent à torpiller par la violence le processus de démantèlement de l'apartheid.
Et puis, brusquement, il s'arrête de parler. Il montre du doigt une femme blanche qui se tient debout parmi les participants, un peu en retrait.
"Cette femme, là-bas", dit-il avec un large sourire. "Elle m'a sauvé la vie."
Il l'invite à monter sur scène et l'embrasse chaleureusement. Il raconte qu'en 1988, alors qu'il était incarcéré dans la prison de Pollsmoor, près du Cap, il avait été hospitalisé après avoir attrapé la tuberculose et que c’était cette femme, une infirmière, qui l'avait soigné.
Mandela réussissait à renverser l'humeur de la foule. Les grondements vengeurs se taisent, noyés sous les murmures d'approbation.
Il y a aussi ce jour où Mandela, devenu président de l'Afrique du Sud, accueille une réunion de la Communauté de développement d'Afrique australe. Pratiquement tous les chefs d'Etat et de gouvernement de la région sont là. Depuis le matin, les journalistes attendent une conférence de presse qui n'arrive pas. Une reporter radio, très agitée, doit s'éclipser en milieu d'après-midi pour récupérer son fils à l'école, en priant pour que la conférence de presse ne démarre pas pendant son absence. Heureusement pour elle, elle revient juste à temps, accompagnée de son gamin dont la "chemise Madiba" tranche avec les costumes stricts de l'assistance.
En entrant dans la salle avec les autres dirigeants, Mandela remarque l'enfant. Sans hésiter, il se dirige vers lui, lui serre la main et lui dit: "Bien le bonjour. Comme c'est gentil d'avoir pris le temps de venir parmi nous malgré votre emploi du temps chargé!" Le gamin rayonne, sa mère aussi. Les journalistes sont enchantés et les présidents et Premiers ministres ont l'air de bien s'amuser.
Il en allait toujours ainsi. Nous étions émerveillés en voyant Mandela s'adapter sans difficulté à son nouveau rôle d'homme d'Etat d'envergure mondiale. Nous étions émus lorsque, de temps en temps, il laissait entrevoir son côté humain. Pendant son divorce, il avait confié publiquement que la femme qu'il aimait si profondément, Winnie, n'avait pas passé une seule nuit avec lui depuis sa sortie de prison. L'activiste Strini Moodley, incarcéré à Robben Island, raconte que Mandela avait toujours une photo de Winnie avec lui dans sa cellule. Un jour, Moodley demande à emprunter l'image pour réaliser un croquis. "Tu peux l'avoir pendant la journée, mais la nuit elle revient avec moi", lui répond Mandela.
Pendant la campagne électorale, Nelson Mandela n'oubliait jamais de demander aux journalistes s'ils avaient bien dormi et s'ils avaient bien pris leur petit-déjeuner. Il connaissait beaucoup de reporters et de photographes par leur nom. Il s'arrêtait souvent pour bavarder avec eux, en commençant toujours par un: "Comme c'est bon de vous revoir!"
Un des moments les plus emblématiques de ses efforts permanents pour réconcilier les Sud-Africains fut sa visite à Betsie Verwoerd, la veuve de l'architecte de l'apartheid Hendrik Verwoerd, l'homme qui l'avait, de fait, envoyé en prison.
C'est sous Verwoerd, Premier ministre de 1958 jusqu'à son assassinat en 1966, que le Congrès national africain (ANC) et le Parti communiste avaient été mis hors la loi. Contraint à la clandestinité, Mandela avait été arrêté et condamné à la prison à vie, en 1964, pour "actes de sabotage" et "complot en vue de renverser le gouvernement".
Le "Thé avec Betsie" se déroula au domicile de cette dernière, dans une enclave blanche connue sous le nom d'Orania, au nord-est du Cap, en août 1995. Mme Verwoerd, alors âgée de 94 ans, n'a jamais révélé grand-chose sur cette rencontre, se contentant de dire qu'elle était contente que le président lui ait rendu visite. Sa petite-fille, Elizabeth, s'était avérée moins accueillante, affirmant qu'elle aurait préféré que Mandela devienne "le président d'un pays voisin".
Mandela était digne. Il était généreux. Il devait affirmer plus tard qu'il avait été reçu à Orania "comme à Soweto", la gigantesque township noire de Johannesburg dont il est le héros. Toujours prêt à rappeler qu'il s'inscrivait dans la lignée de nombreux dirigeants sud-africains, il avait posé pour les photographes au pied d'une statue de Verwoerd haute d'environ 1,80 m. "Vous avez érigé une bien petite statue pour cet homme", avait-il même dit aux résidents d'Orania en prenant un air déçu.
Quelques mois plus tôt, le 27 avril 1994, les journalistes s'étaient massés dans une école près de Durban où Mandela devait voter lors des premières élections multiraciales à avoir lieu dans le pays. Je me souviens avoir pensé: "Est-ce que tout cela est bien réel? Est-ce que Mandela est bien en train de voter? Est-ce que l'apartheid est vraiment en train de se terminer?"
Oui, c'était bien le cas. Dans un bref discours, Mandela avait salué l'aube d'une "Nouvelle Afrique du Sud où tous les Sud-Africains sont égaux". Puis il avait déposé son bulletin dans l'urne et, rayonnant sous le soleil matinal, il avait souri. Un long sourire. Un sourire heureux.
Le genre de sourire qui, on le sent, n'est pas destiné aux caméras. Le genre de sourire qui vient du très profond de l'âme. Et dans le cas de Mandela, d'une âme d'une grande rareté, et d'une grande sagesse.
AFP
in: El Watan le 06.12.13 | 01h49 | mis à jour le 06.12.13 | 08h25-----------
Mandela, un signe de reconnaissance remarquable
Mai 90, de Robben Island à Alger
"L’Algérie a fait de moi un homme."
Ainsi parlait Madiba lors de sa visite à Alger, en mai 1990. Deux mois
seulement après sa sortie de la prison Robben Island.
Le témoignage est de Noureddine Djoudi, ancien ambassadeur
d’Algérie en Afrique du Sud et interprète de Nelson Mandela. Tayeb Belghiche,
éditorialiste à El Watan, raconte la ferveur populaire suscitée par la visite
du leader de l’ANC dans la capitale algérienne ; il se souvient de cet
accueil officiel pas du tout «à la hauteur» de la légende sud-africaine.
«Mandela vénérait l’Algérie combattante», témoignait le journaliste qui
couvrait à l’époque l’événement. «Son premier voyage à l’étranger, à sa sortie
de prison, Mandela le réserva à l’Algérie et ce, au moment où toutes les
capitales mondiales le réclamaient à cor et à cri.»
Mai 1990, à l’aéroport d’Alger, pas de faste ni de tapis rouge
pour l’icône flamboyante des peuples en lutte pour leur liberté. «Sur le
tarmac, il n’y avait pas le président Chadli, seulement le ministre des
Affaires étrangères Sid Ahmed Ghozali et le secrétaire général du FLN,
Abdelhamid Mehri.» Froissés, les décideurs algériens étaient «contrariés»,
confie une source du comité d’accueil par la demande formulée par Mandela de
rencontrer le président Ben Bella, Chawki Mostafai et Cherif Belkacem,
personnages que le résistant sud-africain avait rencontrés au maquis. Sid Ahmed
Ghozali avait reçu en mai 1990 le prophète de la lutte anti-apartheid. Il garde
des souvenirs indélébiles de chacune de ses rencontres avec Mandela.
«A Alger, il était venu pour dire aux Algériens toute sa
reconnaissance à l’Algérie combattante.» Dans ses trois meetings animés en
Algérie, sa conférence télévisée à la RTA, Mandela n’avait de cesse de réitérer
que sa «formation, il la devait à l’ALN», conte Ghozali. «C’est que Mandela
entretenait une relation spéciale à l’Algérie», ajoute-t-il. «Imaginez Mandela
arrêté quelque temps après qu’il avait séjourné dans les maquis algériens et
qui ne pense, à sa sortie de prison, qu’à se faire inviter en Algérie alors que
tous les grands de ce monde se précipitaient vers lui et le réclamaient.»
L’ancien chef de gouvernement avoue tout le privilège d’être
l’un des rares responsables algériens et étrangers à l’avoir côtoyé de près et
rencontré nombre de fois. Ghozali garde en mémoire ces «cinq heures mémorables»
de vol Abuja-Alger à bord de l’avion présidentiel : «A Abuja, à la fin du
sommet de l’OUA, en juin 1991, il m’avait demandé si je pouvais le déposer à
Paris. Ce que je fis. Après m’avoir déposé à Alger, l’avion présidentiel
continua son vol vers la capitale française et à son bord, Nelson Mandela.»Mai 1990, Alger
Dans les années 1960, Djelloul Malaïka coordonnait l’action de
nombre de mouvements de libération dont il était l’interface à Alger du temps où
celle-ci était un carrefour pour combattants de la liberté. Malaïka se souvient
de l’arrivée (en 1961 et plus tard, après le cessez-le-feu, en mars 1962) des
combattants de l’ANC dans les bases de l’Armée de libération nationale à Oujda.
«Mandela était subjugué par la révolution algérienne, confie-t-il. Il nous
disait que la Révolution algérienne était la révolution de l’espoir. Et
effectivement, bien avant même l’indépendance, la Révolution algérienne
accueillait et inspirait déjà les combattants de la liberté venus du monde
entier. Du Mozambique, d’Angola, de Guinée Bessau, du Cap Vert, etc.» Comme
Madiba, Amilcar Cabral, le leader nationaliste cap-verdien, pensait avoir
trouvé en l’Algérie la terre sainte de la résistance. «Les musulmans vont en
pèlerinage à La Mecque, les chrétiens au Vatican et les mouvements de
libération nationale à Alger !» dixit Amilcar.
Mohand Aziri
El
Watan le 07.12.13
------------
Un combat qui a marqué l'hunanimité
1948-1991 l’apartheid vaincu
Il est parfois, mais autant dire très
souvent, difficile de trouver une quelconque morale à la politique, à plus
forte raison quand cela concerne les relations internationales, en considérant
que l’opinion publique n’en est pas concernée, et quand elle revendique ce
droit, c’est pour son bien lui est-il affirmé. Mais à quoi tient le bonheur
s’il faille faire fi de nombreuses considérations, et dans un tel cas de
figure, celles qui touchent aux droits les plus élémentaires des peuples et des
personnes.
De nombreux mouvements de libération à travers le monde ont eu à
y faire face, subissant même des complicités jamais reconnues. Mais est-ce
toujours les affaires quand cela s’apparente à des crimes ou alors quand il
s’agit d’armer les bras des tueurs ? C’est sous embargo international, que
l’Afrique du Sud est devenue une puissance nucléaire et au pays qui lui a vendu
une centrale nucléaire, on pavoisait. «Le contrat du siècle», disait-on alors.
C’est dire à quel point de tels rapports étaient poussés, où le
politique et l’économique se confondaient. Car à l’inverse, l’ANC (African
National Congress) qui menait la lutte contre le système d’apartheid, était
considéré comme un mouvement terroriste par certains pays. Comme d’autres
mouvements à travers le monde, ainsi que les combattants algériens. Là encore,
la période de la guerre froide ne saurait tout expliquer, même s’il faille
relever que l’apartheid a été mis en place en 1948, et démantelé en 1991. Il
est tout de même heureux de voir certains dirigeants procéder à des ruptures et
donner un sens, en termes de valeurs humaines, à la politique de leurs pays
respectifs.
Durant les années d’apartheid, l’Afrique du Sud était considérée
comme un immense réservoir de matières premières, ce qu’elle continue à être,
et elle jouissait d’une position stratégique éminente, avec deux bases de
sous-marins (Simonstown et Walvis Bay), le fait que la seconde se situe en
Namibie (territoire alors occupé par l’Afrique du Sud), importe peu. Ces deux
bases étaient utilisées dans les rapports est-ouest, pour contrôler les routes
du pétrole (après la fermeture du canal de Suez) ou espionner le monde.
Fallait-il pour cela soutenir la politique d’apartheid, un
système cruel et injuste qui niait jusqu’à l’existence de la majorité de la
population comme d’autres systèmes d’oppression et de domination l’ont fait
notamment en Afrique ? Des pays n’ont pas hésité à le faire, probablement
convaincus, eux aussi, de certaines théories racistes, mais dans certains cas
de figure, par intérêt, l’Afrique du Sud étant aussi un immense marché. Ce qui explique,
mais sans jamais pouvoir les justifier, les violations de l’embargo
international décrété pourtant par l’ONU, alors que l’opposition internationale
contre l’apartheid commençait à se manifester principalement après le massacre
de Sharpeville, perpétré le 23 mars 1960. Le 6 novembre 1962, la résolution
1761 de l’ONU était adoptée.
En 1965, est signée la Convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ou encore en 1977
quand l’ONU décréta l’embargo sur les ventes d’armes à destination de l’Afrique
du Sud. C’est à cette même époque que ce pays a pu, du moins a failli, devenir
une puissance nucléaire grâce à des soutiens occidentaux, mais aussi Israël,
avec la fourniture d’équipements divers, de matière fissile, de technologie de
pointe et d’aides financières.
Selon des chercheurs, ce faisceau de soutiens aurait permis à
l’Afrique du Sud de fabriquer une bombe atomique. Pendant ce
temps, Mandela venait de boucler sa douzième année dans le bagne de Robben
Island. Son crime ? Son combat contre l’injustice, mais il a dû faire face
à d’autres injustices que le temps aidera peut-être à réparer, mais que le
monde ne doit pas oublier afin que de tels crimes ne puissent se
reproduire.
Réactions :
-Le Dalaï Lama : «Je salue un
homme de courage, de principes et à l’intégrité incontestable. Le meilleur
hommage que nous pouvons lui rendre est de faire tout ce que nous pouvons pour
contribuer au respect de l’unité de l’humanité et travailler à la paix et à la
réconciliation comme il l’a fait. J’ai personnellement perdu un ami cher, que
j’avais espéré encore revoir et pour qui j’avais une grande admiration et un
grand respect. Avec sa mort, le monde a perdu un grand leader dont la
détermination inébranlable et résolue a joué un rôle-clé pour assurer la paix
et la réconciliation pendant la transition en Afrique du Sud, après
l’apartheid.»
-L’archevêque Desmond Tutu : «Au cours de 24
années (depuis sa libération, ndlr), Madiba (nom de clan de Mandela) nous a
appris comment vivre ensemble et croire en nous-mêmes et en chacun. Il a été un
unificateur à partir du moment où il est sorti de prison, en février 1990. Il a
transcendé race et classe sociale dans son action personnelle, par sa chaleur
et sa volonté d’écouter et de compatir avec les autres. Et il a restauré la foi
des autres en l’Afrique et en les Africains. Que va-t-il se passer si notre
père est mort ? Cela va-t-il plonger l’Afrique du Sud dans la fin du monde
et le désastre ? Suggérer que l’Afrique du Sud pourrait partir en flammes
– comme certains l’on prédit – revient à discréditer les Sud-Africains et
l’héritage de Madiba. Le soleil se lèvera demain et le jour d’après et encore
après...Il se peut qu’il ne soit pas aussi brillant qu’hier, mais la vie
continue. Alors que nous entrons dans une période de deuil, nous le faisons, en
tant que pays, avec la plus grande dignité, avec respect car nous le devons à
Madiba et à nous-mêmes.»
-L’Union africaine (UA) : «Madiba, comme
il était affectueusement surnommé, symbolise l’esprit du panafricanisme et de
la solidarité dans les luttes de l’humanité contre l’apartheid, l’oppression et
le colonialisme et pour l’autodétermination, la paix et la réconciliation.
Mandela a livré un bon combat et a tiré sa révérence, admiré de tous. Son décès
est une perte énorme pour sa famille, notre continent et, en fait, l’humanité
elle-même.»
Denis Sassou Nguesso, président du
Congo :
«Pour nous les dirigeants, les peuples africains, c’est un monument, c’est un
géant, un grand, le héros des luttes de libération des peuples du monde. Il
aura marqué l’histoire du monde. Il y a une grande tristesse, une grande
émotion et cette annonce est tombée comme un coup de tonnerre. Sa mort va sans
doute peser sur le sommet (sommet de l’Elysée pour la paix et la sécurité en
Afrique qui s’est ouvert hier, ndlr), mais je pense qu’il devrait se tenir. Au
contraire, le thème du sommet fait que ce devrait être un grand moment de
concertation, un grand moment de prise de responsabilité pour nous tous. Ce
serait une forme d’hommage que l’on rendra à Mandela qui a passé toute sa vie à
lutter pour la libération des peuples africains et pour la paix.»
-Ban Ki-moon, secrétaire général de
l’ONU : «Nous
devons nous inspirer de sa sagesse, de sa détermination et de son engagement
pour nous efforcer de rendre le monde meilleur. Beaucoup dans le monde ont été
grandement influencés par sa lutte pour la dignité humaine, l’égalité et la
liberté. Il a eu une influence très personnelle sur nos vies. Sa force morale
avait été décisive pour démanteler ce système.» Ban Ki-Moon dit avoir été
frappé par l’humilité de Mandela, qui insistait à dire que «des centaines et
des centaines d’inconnus avait eux aussi contribué à la fin de l’apartheid».
«Continuons d’être inspirés chaque jour par l’exemple de Nelson Mandela pour
tenter de construire un monde meilleur et plus juste.»
-Jacques Chirac, ancien président
français : «C’est un être d’exception qui s’en va, un de ceux qui nous
font croire en l’homme. Dès qu’il s’est élevé contre l’odieux système
d’apartheid, j’ai admiré en lui le combattant de la liberté, inflexible, altier
devant l’épreuve, fidèle à son vœu de non-violence. Une grande lumière s’est
éteinte. Alors que tout était fait pour le briser ou le conduire à prendre les
armes, les seules qu’il ait jamais voulu porter sont celles du courage devant
l’oppression, du rassemblement pacifique du peuple, du dialogue et de la
réconciliation.
Il a su gagner la guerre contre le racisme et la ségrégation
par la seule force de ses convictions, il a gagné le combat de la paix en
construisant un Etat de droit qui réunit Noirs et Blancs dans un projet commun.
Je me remémore toutes nos rencontres avec l’émotion des plus grands moments de
ma vie, avec aussi le sentiment très particulier que l’on éprouve devant ces
personnages rares qui accomplissent l’exceptionnel avec l’humilité, le sourire
et l’humour des très grands. Adieu à toi, Nelson Mandela et que ton souvenir
illumine à jamais une Afrique à la conquête de la paix et du progrès pour
tous.»
-Barack Obama, président des
Etats-Unis : «Grâce à sa farouche dignité et à sa volonté
inébranlable de sacrifier sa propre liberté pour la liberté des autres, il a
transformé l’Afrique du Sud et nous a tous émus. Il a fait plus que ce que l’on
peut attendre d’un homme. Aujourd’hui il est parti et nous avons perdu l’un des
hommes les plus influents, les plus courageux, l’un des êtres humains les plus
profondément bons sur cette Terre. Il ne nous appartient plus, il appartient à
l’éternité.»
-François Hollande, président
français : «Il était un résistant exceptionnel, un combattant magnifique
qui aura fait l’histoire, celle de l’Afrique du Sud, celle du monde tout
entier.
Combattant infatigable de l’apartheid, il l’aura terrassé par son
courage, son obstination et sa persévérance. Malgré les épreuves personnelles
et les humiliations interminables d’une détention qui aura duré 27 ans, il
a pu non seulement renverser un régime abject, mais réconcilier les
Sud-Africains et faire prévaloir la démocratie. Nelson Mandela fut pendant
toutes ces années l’incarnation de la nation sud-africaine, le ciment de son
unité et la fierté de toute l’Afrique.»
-Frederik De Klerk, dernier président
blanc sud-africain : «Le courage, le charme et l’engagement de Nelson Mandela envers
la réconciliation et la Constitution, ont été une source d’inspiration non
seulement pour les Sud-Africains, mais pour le monde entier. Je crois que son
exemple lui survivra et qu’il continuera à inspirer tous les Sud-Africains,
pour réaliser sa vision de société multiraciale, de justice, de dignité humaine
et d’égalité pour tous. Même pendant sa retraite bien méritée, il a continué à
être une force, œuvrant pour la réconciliation et la justice sociale non
seulement en Afrique du Sud, mais dans le monde entier. Tata (père, ndlr), vous
allez nous manquer. Mais sachez que votre esprit et votre exemple seront
toujours là pour nous guider vers la vision d’une Afrique du Sud meilleure et
plus juste.»
Mohammed Larbi
El
Watan le 07.12.13