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lundi, novembre 02, 2015

514_ Alger hors du Salon du livre

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Fête nat. donc. 
« Non monsieur, il n’y a de Wifi que dans le salon pas encore dans les chambres. » Je mets à jour Blog et Facebook. J’écris et réponds aux courriels… Avant de sortir je demande au réceptionniste de l’hôtel où se trouve le Musée des Beaux Arts. « Tu rends le métro et tu descends à l’arrêt Jardin d’Essais, après la station Hamma. » 
 
A la dite station un grand panneau indique « Jardin d’Essais de Hamma ».  Je pose la même question à un policier en faction devant le Jardin. « En face il y a le Musée Founoun el-Jamila » me répond-il en me montrant un grand escalier. N’ayant pas saisi, j’insiste « Les Beaux Arts ». Il reprend « Là c’est Founoun el-Jamila ». Bon. Je traverse la route, monte l’escalier – 70 marches – De la dernière marche, la vue est magnifique. Le ciel est dégagé et c’est tout le Jardin et toute la baie en arrière-plan qui s’offre au regard. Belle et étendue comme des fantasmes d’un 1° novembre apaisé surgis d’un cliché d’Henri Cartier-Bresson. Je secoue la porte d’entrée du musée. Il est manifestement fermé. « C’est 1° novembre » me dit un conducteur bizarre, affalé sur son siège de chauffeur, le regard alerte, sur le qui-vive, tenant inutilement un journal entre les mains. Derrière le véhicule, une autre voiture et une pancarte indiquent en arabe et en français en lettres majuscules : « Il est interdit de stationner aux abords du Musée. » Il n’y a pas de lettres majuscules en arabe, autrement on y aurait eu droit. Cette plaque est inutile. Le chauffeur est peut-être autorisé. Il est peut-être en mission ? Les 70 marches ne contribuent pas à la sérénité, et mon esprit s’égare. Je reviens au Jardin d’Essais. Je prends la première des deux entrées, à droite. J’attends mon tour patiemment. Lorsqu’il arrive, je tends un billet de 200 dinars. « Nous n’acceptons pas ces billets » me dit le guichetier. « Pourquoi ? » réponds-je. Vous auriez, vous aussi, certainement réagi identiquement. « C’est comme ça. Voyez l’autre guichet » s’impatiente le guichetier du guichet de droite. Je vais au guichet de gauche (entrée de gauche). J’attends mon tour, moins patiemment. Lorsqu’il arrive enfin, je tends le même billet de 200 dinars. Même réaction : « Nous n’acceptons pas ces billets, donnez-moi de la monnaie ». « Je n’ai pas de monnaie, mais pourquoi refuser mon billet ? » « C’est la direction qui ne veut pas ». « Je peux parler à la direction ? » « C’est 1° novembre, elle est pas là ». Un jour, un vieil ami m’avait juré sur ses grandes certitudes que son père lui avait assuré que Kafka était Algérien. Mon expérience, riche aujourd’hui de plusieurs décennies, remercie ce père et cet ami de m’avoir mis tôt la puce à l’oreille. La banque ou le marchand de journaux vous délivrent des billets de 200 DA et une administration de l’Etat (le Jardin d’Essais est une institution officielle) vous le refuse. Kafka. Sur mon insistance à vouloir comprendre, le guichetier me tend un billet d’accès (rose) « Entrée N°2 – Jardin botanique du Hamma - adult (sic) - Prix : 60 DA. Valable le 01-11-15. 00 : 00 : 00 », et me fait signe d’entrer. Et il sourit. Etrange. J’ai remisé mon billet de banque.

Je m’engage dans le premier des longs chemins, « Allée des platanes ». La foule est nombreuse. A croire que tout Alger s’est donné rendez-vous dans le Jardin. Jeunes, moins jeunes, familles… cris, ballons, bonbons, photos… et klaxons évidemment. 

La végétation est dense. Voici le jardin zoologique. Je n’aime pas les zoos. L’allée des dracaenas très ombragée. Sur l’un des arbres une pancarte rouge prévient : « Interdiction de grimper sur les arbres ». Des enfants jouent à Tarzan. Ne savent-ils pas lire? ou bien sont-ils, ce que je crois, poussés par d'irrésistibles envies d'imiter le vieil héros?  
 
Plus loin le célèbre et géant arbre. L'Arbre de Tarzan.  C’est ici en effet, sur cet arbre et autour,  que furent tournées avec Johnny Weissmuller les mythiques scènes de Tarzan l’homme singe (W.S. Van Dyke, 1932) et de Cheeta sur des lianes avec la divine Maureen O’ Sullivan…
Je continue: le Carré des plantes autochtones, l’allée des bambous…

Au même agent de police (Founoun el-Jamila) je demande s’il connaît La Maison Abdellatif ? Il lève les bras pour me signifier son ignorance de ce lieu en me regardant étrangement, « ce type me dit quelque chose » semble-t-il penser. Un jeune qui attendait le déluge ou sa dulcinée, un pied posé sur un muret, à la manière d’Aldo Maccione, entend notre échange. Il dit en accompagnant ses paroles d'un grand demi-cercle avec son bras de gauche à droite, suivi d’un autre de droite à gauche : « Chouf yak ho, tu prends cette montée, la première à droite non, la deuxième tu tournes. Tu longes la route sur deux cents mètres, c’est là, tu prends à gauche. » En moins de dix j’y étais. Moins de dix, peut-être pas. C’est juste une expression. Il m’a fallu une petite demi-heure (ça monte 6% de dénivelé ou pente). 
L’accueil et la visite de ce bel endroit sont à la hauteur de la renommée de Dar Abdellatif (Abd El-Tif) ou Aarc (Agence algérienne pour le rayonnement culturel). Je suis accueilli par un homme, qui s’éponge le front. Ne me demande rien. Il dit «  on a failli brûler ! » Je comprends qu’il commence à me relater un événement ancien. « Non, là, il y a moins d’une heure, il y a eu le feu. Heureusement les pompiers sont vite arrivés ! » Essoufflé. Je lui demande si je peux toutefois visiter la Maison. Oui, bien sûr.

C’est une véritable demeure dont l’esprit même est tourné vers l’art. Une maison construite au début du 18°. Abd El-Tif l’achète et sa famille la conserve jusqu’à l’invasion française.

Aujourd’hui, ce beau palais accueille, à la manière de la Maison Médicis en Italie, mais à la renommé moindre, faut pas exagérer, des artistes de tous bords. Ses nombreuses pièces sont occupées aujourd’hui par un seul exposant, le miniaturiste Hachemi Ameur. Le sympathique Aïssam m’en fait visiter toutes les pièces qu’il commente avec malice. Ainsi me montre-t-il une illustration, persifleur : « Hadi c’est pour dénoncer ceux qui ont fui et renié le pays, "Ma yenkar aslou ghir el bghal'' ». Moi : « ils ont fui, mais tous n’ont pas renié le pays ! » Notre ami réajuste son propos « Non, pas tous… » Devrais-je lui raconter ma vie ? Je suis d'autant vexé que ce n'est pas la première fois que j'entends ce type de réflexion, faisant accroire que tous ceux "qui n'ont pas fui" ont courageusement lutté contre les "islamistes, intégristes, terroristes..." et tous les istes imaginables. Diantre. Cela ne m'étonnerait guère qu'ils se mettent à réclamer des cartes d'anciens (nouveaux) combattants... Bref. Un personnage de Maalouf dirait non sans malice (Les Désorientés): "lâcheté de ceux qui partent, et mains rouges de ceux qui restent"... Passons. 


Je reprends la pente… direction Le Makam Chahid, Le Mausolée du Martyr, le Musée du Moudjahid, celui de l’Armée… Ce n’est plus une foule, mais un fluide continu, une marée humaine… Dans le musée de l’Armée on avertit « Il est interdit de prendre des photos. Rangez vos portables ! » Le hall d’entrée et la rotonde sont occupés (squattés) essentiellement par tout ce qui renvoie à Boumediène : photos, cigares, pièces de monnaie, pièces de collection offertes par l’empereur Haïlé Sélassié et par Anissa, une DS 21 « Véhicule personnel du défunt président », avec cette immatriculation toute moderne « 366.172.16 ». Une statue en pied de plus de deux mètres, trône bien en vue « Jughurta. Roi de Numidie ». En tout petits caractères, sur un côté du socle cette signature, M. Konieczny, 84. Très probablement le sculpteur polonais, Marian Konieczny, l’auteur de la belle « Warsaw Nike », le mémorial des Martyrs polonais. Il y a d’autres statues comme celle de Abdelmoumen Ben Ali le fondateur de l’Etat Almohade, de Barberousse, et à l’étage de Massinissa, de Syphax, de Macypsa, de Juba père et fils, de Takfarinas… J’en sors, exténué. Vivement le centre-ville et un rafraîchissement.

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