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dimanche, décembre 10, 2017

582_ Du Salon de St-Denis à Johnny en passant par d'Ormesson et mes petites histoires du passé


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Que je vous explique : nous sommes dimanche 10 décembre 1948, non, 2017. Ce lapsus car je pensais à notre regretté Stéphane Hessel… Il est 18 heures. Le récit ci-dessous n’a pu être envoyé au jour le jour à cause d’une sérieuse panne d’ordinateur, désormais réglée. Le texte, je l’ai retravaillé autrement et utilisé la dernière paire de ciseaux, bleue. Quant au problème technique – les techniciens spécialisés ont écrit sur la facture (120 €) : « le disque dur interne a nécessité des réparations logicielles avec échange de nappe HD… » –  ce problème disais-je, je l’ai traîné depuis Takhlidjt, un village du fin fond de la Kabylie, où il a buggué. Vous ne connaissez pas Takhlidjt, Tiferdoud ou Tachekirt ?
    Ih-yuuuh, vous n’êtes pas des gens du monde qui sait !  Bref, voici mon récit que je viens de porter sur l’ordi qui pète le feu aujourd’hui. Un récit entièrement amputé de sa partie « Algérie » (trop long, fastidieux et trop fatigant). S’il vous plaît, ne vous laissez pas intimider par le « je », ne vous y appesantissez pas, il n’est qu’indicateur, un décors. Humez l’air autour, des parfums du temps et de l’environnement ô combien plus importants, s’y nichent.
Dernier jour et jeudi de novembre. Confortablement installé dans un TGV, pour quelques minutes encore, j’extrayais mes yeux de Zabor ou les psaumes. Une annonce sonore nous avait prévu un voyage sans retard et ce fut le cas. Notre train 7830 est arrivé à 20h24 à l’aéroport CDG, précisément à la gare TGV de l’aéroport. J’ai refermé Zabor ou les psaumes de K.D. que je porte sur moi depuis le Salon d’Alger et donc durant le voyage je me suis accroché, décidément, pour le lire. Je confirme ma difficulté de m’approprier la trame (cf. mon post du 2 novembre, « 580_ Virée en Algérie: Oran, Alger... Salon du livre etc. 5_ ») J’ai plusieurs fois pensé « c’est chiant ». De vous à moi, écoutez, ou, mieux, lisez : « Nous escaladions une baleine échouée sous des astres épars. Rien que notre respiration de horde vers la maison du haut. » Ou cet extrait que l’auteur, je suppose, voulut poétique : « Soudain, les eucalyptus se sont écartés et, dans la nuit, j’ai perçu de la clarté, celle de lampes derrière des fenêtres, et les voix d’enfants inquiets ». Probablement qu’en insistant, qu’en forçant au moins jusqu’à la centième page – il y en a trois cent-vingt-neuf, dans un format 20.5X14.5, avec 49 caractères maximum par ligne, espaces comprises, et 34 lignes maximum par page –  la clarté de l’histoire s’ouvrirait à moi enfin.  L’autre réalité, la vraie, celle des retrouvailles, d’abord familiales, s’offre à mes yeux, sur les quais mêmes de la gare…
Le lendemain matin, c’est-à-dire jeudi 30 novembre, j’ai pris le bus jusqu’au marché de Saint-Denis, (2 euros). Le temps se faufilait entre les interstices des gris souris, lunaire, anthracite... Il faisait froid même. Pleuviotait. A la mairie où l’on se prépare activement, j’ai signalé ma présence. « Demain 10 heures, c’est très bien. » Le reste de cette journée du jeudi je l’ai réservée à mon pèlerinage. Je veux dire que lorsque je monte sur Paris après une longue absence, il m’arrive comme ce jour-là, peut-être par superstition, peut-être pour immobiliser le temps qui nous harcèle, pour lui tordre le cou, peut-être bien pour tout cela à la fois, je repasse par des lieux qui me furent jadis chers, des lieux que j’ai fréquentés, habités dans ma jeunesse. Il en va ainsi du haut de l’avenue de la porte de Saint-Ouen. J’étais étudiant et travaillais à mi-temps chez Darty qui était situé à l’emplacement de l’ancienne « gare de la petite ceinture », à hauteur de la vieille voie ferrée, à cheval entre le 18° et le 17° arrondissement ou entre les rues Leibniz et Belliard. J’étais réceptionniste le matin, étudiant le reste de la journée, souvent soir compris. Le magasin a changé de trottoir et son espace est désormais occupé, depuis avril dernier, par un beau bar-restaurant destiné à la mode bobo, « Le Hasard ludique », où je ne prends qu’un café au prix raisonnable (je l’ai oublié, le prix). Mais le marché permanent, en fait ce sont les marchands qui disposent leurs casiers de fruits et légumes sur une partie du trottoir, tout le long de l’avenue, ce marché permanent est toujours aussi vivant. En cette période, les illuminations de rues sont importantes. De l’autre côté du quartier, en descendant vers Brochant, la rue des Moines toujours aussi discrète, et donc attractive. J’ai résidé (nous) dans cet immeuble (photo) qui n’a, pas même en sa façade, changé en quoi que ce soit. Après Brochant, sur l’avenue de Clichy, à l’angle de l’avenue de Saint-Ouen se trouve toujours la belle Brasserie du même nom ou presque « La Fourche royale ». Ici, je me souviens avoir eu une dispute mémorable avec mon ami (d’enfance) T. (Allah yerhmeh) passé nous voir avec son épouse E. Nous nous sommes disputés à propos du Communisme réel, « l’expérience est globalement positive » selon lui – il vivait en Biélorussie ! –  « exécrable » lui disais-je alors et nous nous disputions (autour de verres rouges ou mielleux) comme des chiffonniers (à l’époque, 1977, le fond de l’air était rouge et plusieurs de ces « hooligan », Alexandre Ginsburg, Alexandre Soljenitsyne, Leonide Pliouchtch … ces vauriens, réfractaires à l’ordre soviétique et autres asociaux Russes, souvent rescapés des camps de la Kolyma ou d’autres Goulags pour quelques Samizdats ou réunions politiques, inondaient Paris du communisme réel qui les anéantissait). Avant de nous quitter (pour l’autre monde) mon ami avait largement changé d’avis (sous son mot de remerciement et d'adieu, l’image représente des dissidents russes lors d’une séance de torture. Libération était alors un journal fort respectable).

Le vendredi, je me suis présenté tôt à la salle de la Légion d’Honneur de la mairie de Saint-Denis où se déroule une partie des activités des « 1ères rencontres populaires du livre ». Notre maison d’édition, vous ne le savez pas, fut conviée auprès d’une petite trentaine d’autres maisons indépendante (petites donc, comme la nôtre).  


 L’installation des stands s’effectua jusqu’à midi et l’ouverture au public dès 14 heures, lequel ne se bousculait pas. Dans l’immense salle, il faisait toujours froid, un froid de canard du Gers en décembre, et à l’extérieur un froid d’élan de Narvik, donc plus encore. La chaussée était glissante, la neige fondue s’invitait avant la neige drue le soir. Entre temps monsieur le maire a livré un discours de bienvenue, très convenu. Salamalecs à toutes et à tous, suivis d’un pot débordant, qui raviva les esprits et la bonne humeur s’installa, jusqu’à la fermeture, à 21 heures. Le lendemain nous avons idem, squatté les lieux jusqu’au soir.
Le dimanche je me suis rendu au Salon du livre de Boulogne- Billancourt, près de Marcel Sembat. Une journée aussi moche que les précédentes n’incitait pas notre humeur à enfourcher le dada de la jovialité : ciel entièrement couvert, froid de… (ce que vous voulez, en deçà de zéro). 250 écrivains sont associés à cette manifestation (sur deux jours). Une gazette spéciale de 16 pages est même éditée à cette occasion. Il y a là Philippe Jaenada (La Serpe, ou le triple meurtre du château d’Escoire), Bernard Werber ( la trilogie sur les fourmis : la Voix de la Terre, Les Micro-Humains, Troisième Humanité), Bernard Minier, Erik Orsenna, et surtout Sorj Chalandon. Quel plaisir ! Voilà un gars que j’apprécie beaucoup, à la fois pour son écriture, son style et pour les sujets qu’il convoque ( Le jour d’avant, Une promesse, profession du père et bien sûr Le quatrième mur). Le quatrième mur est mon préféré. Un livre-« témoignage » (et je mets entre guillemets pour ne pas que l’ont croie qu’il s’agit là d’écrits d’un journaliste, car Sorj n’est pas journaliste à ce moment-là, il est plus que cela, il est écrivain et son texte est sublime. Voici comment il évoque les enfants de Sabra et Chatilla (le Liban en guerre est au cœur de l’ouvrage Le quatrième mur) : «Ils étaient orphelins. Je le devinais aux gestes des adultes. A leur façon de caresser une tête en passant, de faire une grimace rassurante. Je l’ai deviné à ce médecin, qui s’est accroupi pour leur distribuer des chewing-gums. J’aurais voulu être ce médecin ou cet enfant. Être de cette compassion ou de cette douleur.» Lors de notre échange je lui montre la page de mon dernier roman, Le choc des ombres, dans laquelle je lui rends hommage (via ses personnages). Il a lu, levé le pouce, l’extrait l’a manifestement touché, et me remercie sincèrement. La voisine qu’il me présente, Sigolène Vinson (Les Jouisseurs, Le Caillou) est intriguée. Il lui expliquera. Ce nom me dit quelque chose… Oui, c’est bien cela, Charlie, c’est une Charlie. Le 7 janvier 2015, elle a échappé à la mort, lors de l’attaque de Charlie-Hebdo où elle chronique. Ce jour-là on allait tenir la première conférence de rédaction de l’année. Son voisin de table de rédaction, Wolinski, comme sept autres collègues du journal dont Elsa Cayat elle aussi chroniqueuse, n’y réchappera pas. Le terroriste dit à Sigolène Vinson « N’aie pas peur. Calme-toi. Je ne te tuerai pas. Tu es une femme. On ne tue pas les femmes… » La foule

  dans ce salon est si importante qu’on se croirait dans le gradin d’un stade de foot brésilien un jour de coupe, et il fait très chaud. Insupportable. Je finis la  journée en déambulant dans les Champs Élysées « piétonnisés » comme dit le conducteur du métro au micro ( « pas d’arrêt à la station George V pour cause de piétonnisation… », bien couvert et ganté. 
Bd St Germain près des 2 Magots
Les jours suivants (lundi et plus), je rencontre plusieurs amis. A quoi servent les amis si ce n’est, - lorsqu’on n’est plus, ou plus tout à fait, en âge de barouder, lorsque el waqt fatna comme on dit à Oran - pour ressasser les bons, et les mauvais moments aussi, passés ensemble ou à proximité durant les années mortes, « et tu te souviens de ceci et de cela et de flen et de felten (de tel et untel) », à tricher avec les faits (sacrée mémoire !) à parfois enjoliver quand il faut noircir et à noircir quand il faut blanchir. On évite le futur comme la peste. Et le présent ma foi, on y est (on y rame) comme on peut. Ah, j’oubliai, la belle Zouhour de Radio... a accepté avec plaisir Le choc des ombres (mais où est passée Nadia … ?)

Ah, j’oubliai (2), les jeunes du Bondy Blog ont pris les airs. Comme m’a dit le préposé à la réception de la mairie de Bondy « depuis qu’ils ont le succès qu’ils ont, on ne les voit plus ». Et pan, sur le bec. Je ne sais quoi, mais quelque chose dans sa réflexion me renvoie à Coluche. Impossible en effet de grappiner l’un d’eux. Et ce n’est pas le courrier (e-mails) qui manque. Il me semble qu’un ouvrage dont le cœur arpente la question des enfants des quartiers populaires (mais pas que- http://editions-incipitenw.com/ahmed-hanifi/ ) mérite à tout le moins une réponse (peu importe qu’elle soit positive ou négative) plutôt que le dédain (n’est-ce pas F. Z désormais aussi à Médiapart, n’est-ce pas N. El-M ?), l’excuse éventuelle d’« une charge de travail, comprenez-vous… » n’excusant rien. Mais les ailes et les airs sont ce qu’ils sont et moi mes chers amis je vous fais emprunter des chemins de traverse, vous fais sortir du sujet, du contexte et du cortex. Revenons.
Le mardi, alors que nous nous trouvions à Aubervilliers à déguster des galettes de Msemen avec du thé au naanaa chez Saadia, mon ami H. nous tend son portable, « la France a perdu en Jean d’Ormesson un grand homme » « quoi un grand homme s’offusque l’autre ami, écoute ce que répondait Ferrat à monsieur d’O suite à son article pro-américain au Vietnam, écoute ! (il tend à son tour son téléphone, une vidéo) ‘‘Votre cause déjà sentait la pourriture./ Et c'est ce fumet-là que vous trouvez plaisant./ Ah! Monsieur d'Ormesson./ Vous osez déclarer/ Qu'un air de liberté/ Flottait sur Saigon/ Avant que cette ville s'appelle Ville Ho-Chi-Minh…’’. » Il est vrai qu’à la télé on nous tartine du d’Ormesson fort agréablement souriant et avenant, tout en douceur…. apparente pour nous faire oublier les autres facettes du personnage, peu ragoûtantes (https://www.slate.fr/story/154793/jean-dormesson-contre-jean-ferrat-les-deux-france-des-annees-1970 ) M. d’Ormesson écrivait en effet sur la défaite américaine au Vietnam « Pour l'ensemble du monde libre, c'est un échec sanglant.» « Merde alors ! » faisons-nous, on ne savait pas ou plus ! notre mémoire, encore elle… Mais, heureusement, Jean d’Ormesson n’était pas que cela, il me faut le dire, il fut l’homme de « Je dirais malgré tout que cette vie fut belle - Les aventures d’un écrivain qui a aimé le bonheur et le plaisir en dépit de tant de malheurs cèdent peu à peu la place à un regard plus grave sur le drame qui ne cesse jamais de se jouer entre le temps et l’éternité, et qui nous emportera. » (4° de couv).  Ce drame entre « Le temps et l’éternité » nous emportera tous… Mais qu’est-ce que le temps ? où est passé Saint-Augustin, au secours !

Le jeudi c’est ma nièce S. qui nous informe sur Facebook « Johnny Halliday est mort ». Une de ses amies : « meskine… », une autre « ni chaud ni froid… » La plaisanterie de d’Ormesson s’est retournée contre lui. Il disait en effet, malicieux et ironique : ‘‘L’écrivain doit faire attention à tout ce qu’il écrit, il doit faire attention à tout ce qu’il dit. Et il doit faire attention à la façon dont il meurt… Vous savez, c’est très mauvais pour un écrivain de mourir, par exemple, en même temps que Piaf’’. La télé, friande d’audimat, l’écrasa sous le poids des effets de la mort de l’idole des jeunes, « j’ai nommé Jean-Philippe Smet ! ».

Parmi les innombrables souvenirs qui m’assaillent concernant Johnny, j’ai la nostalgie de celui-ci… J’avais neuf ans, la chanson venait de sortir, juste avant l’été. 
 J’entrais en cours moyen chez madame Congi (école de Gambetta à Oran, derrière la rue Shakespeare , je disais alors ‘‘Chacaisse péare’’), la plus belle et la plus gentille de tous les maîtres et maîtresses. J’entends d’ici les éternels grognards rabat-joie et autres renaudeurs « il sublime la colonisation… » suffit ! il s’agit d’enfance et rien que de cela. Durant une récréation, mon meilleur ami, José (José pour Joselito que ses parents, d’origine espagnole, aimaient), s’était avancé vers moi, le bras gauche plié car il avait une déformation, et me proposa un troc. Échanger la partition que j’avais en main contre le stylo à encre à plume Sergent Major dont la forme tortueuse, ressemblant à un étrange animal mi-serpent mi-dragon, me plaisait énormément. Une partition de « Souvenirs, souvenirs »…
« Souvenirs...souvenirs... je vous retrouve en mon coeur

Et vous faites refleurir, tous mes rêves de bonheur.

Je me souviens des soirs de danse, joue contre joue,
 
Des rendez-vous de nos vacances, quand nous faisions les fous, hou hou.

Souvenirs...souvenirs... de nos beaux jours de l'été,

Lorsque nous partions cueillir mille fleurs, mille baisers.

Et pour mieux garder dans ma tête, les joies de la belle saison,

Souvenirs... souvenirs... il me reste nos chansooooons !... »
Affiche Johnny en Algérie - in site dia-algerie.com
 
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 Mon ami H. m’a appelé :

- Tu te souviens du passage de Johnny à Oran ? j’y étais tu sais… au Régent… 
Hachemi B. des Student's
- Oui, et même qu’un des frères B. des Student’s (fameux groupe rock oranais) lui a piqué sa guitare !

- C’est vrai ce vol ? 

- C’est ce qu’on disait à l’époque… 
(LIRE précision ci-dessous après l'article)

Depuis, enfin je veux dire depuis ce jeudi, j’ai éteint radio et télé… qui savent souvent par leur frénésie lacrymale (notamment) outrageuse, devenir absolument insupportables. Des journaux nous apprennent qu’on continue de mourir, du fait des armes, comme en Palestine par exemple du fait d’une déclaration, ce mercredi 6, unilatérale et irresponsable du dingue Trump en faveur de l'état colon : « L’heure est venue pour les États-Unis de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël » mettant ainsi le feu aux poudres.


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PRECISION concernant le vol de guitare de Johnny à Oran

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Ajouté le lundi 11 décembre 2017:
Sur le Rwanda d'Ormesson a dit et écrit des horreurs abominables:
« Partout, dans les villes, dans les villages, dans les collines, dans la forêt et dans les vallées, le long des rives ravissantes du lac Kivu, le sang a coulé à flots – et coule sans doute encore. Ce sont des massacres grandioses dans des paysages sublimes. »

Lire détails ici: 

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