Salon international du livre d’Alger 2024, SILA
Analyse de contenu de la presse
L’analyse que je propose ci-après est succincte. Cette analyse de contenu de la presse algérienne concernant le 27e Salon international du Livre d’Alger (SILA) qui s’est déroulé du 6 au 16 novembre 2024 au Palais des expositions à Alger porte sur trois quotidiens francophones : L’Expression, El Watan et Le Quotidien d’Oran. Le site internet du Quotidien d’Oran m’a été très utile car à Alger, je n’ai pas trouvé en kiosque ce quotidien. Le choix de ces trois quotidiens relève de ma propre subjectivité.
Mes questions initiales ont porté sur le type, la diversité des articles et les contenus que proposent ces journaux, leurs analyses et suggestions, leurs type de liens avec la littérature avec un « L », avec les auteurs…Les journaux analysés couvrent la période allant du mercredi 6 novembre, date officielle de l’ouverture du Salon au dimanche 17 novembre, date de comptes-rendus de la dernière journée (le samedi 16) du Salon.
Voici le résultat.
J’ai relevé 89 articles dont 12 entretiens. Je n’ai pas retenu les encarts en bas des Unes (une ou deux lignes qui renvoient aux pages intérieures du journal), ni les blocs-notes (calendriers des interventions, conférences, spectacles). Parmi les plus prolifiques des journalistes je citerai Aomar Mohellibi de L’Expression avec 26 articles dont onze entretiens (la quasi-totalité des trois journaux), Nacima (tantôt Nassima) Chabani avec onze article pour El Watan, Nadir Iddir avec sept articles pour El Watan. Notons seize articles anonymes (10 pour L’Expression, 6 pour El Watan). El Yazid Dib a écrit trois encadrés très intéressants « Raïna Raïkoum » dans Le Quotidien d’Oran.
Notons également des articles signés M. Kali (dont un sur B. Benachour) et d’autres en faveur de M. Kali. Et Bouziane Benachour sur L. Labter et lui-même ailleurs sur… De nombreux journalistes (ou intervenants extérieurs) n’ont signé qu’un seul article : M.F, Nordine D, Guy Dugas, T.A.S., M. Touati, S.O.K., etc. On trouve des articles de présentation d’auteurs, des articles sur l’histoire, d’autres qui mettent en relief la guerre d’indépendance, la Palestine, des articles sur des disparus, des traductions en Tamazight, sur les « mythes fondateurs », et sur des éditeurs heureux, ainsi Ahed Farouk (Aser Al-kotob) : ‘‘Notre force c’est notre politique de commercialisation’’ ».
Les contenus des entretiens sont souvent de surface, sans profondeur, oiseux, faisant apparaître une méconnaissance apparente de l’objet questionné (ouvrages non lus) … Voici un chapelet de questions posées aux écrivains.
Le nombre des questions pour onze entretiens sur les 12 varie entre 3 et 8. Les questions de l’un des entretiens n’ont porté que sur la Guerre d’indépendance. Quant aux autres, voici une sélection : « Pouvez-vous vous présenter, À quand remonte votre passion pour l’écriture, Comment est née votre passion pour la littérature, comment s’est déroulée votre première séance de vente-dédicace, comment se déroule votre participation, quels sont les côtés positifs d’un tel événement culturel grandiose, quel est votre avis sur cet événement culturel grandiose, quelle ambiance a prévalu au stand, avez-vous rencontré d’autres écrivains, comment s’est déroulée votre journée au Sila, quelles sont les belles choses que vous avez relevées au Sila, comment expliquez-vous l’affluence phénoménale sur le Sila, quels sont vos coups de cœurs, est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous pensez du Sila, quelle est votre appréciation de cette édition, quelles sont les choses qui vous ont le plus marqué, avez-vous senti une différence palpable dans l’ambiance générale, pouvez-vous nous décrire l’ambiance lors de votre séance de vente-dédicace, peut-on connaître le secret de cette belle ambiance dans votre stand, dans quelle ambiance s’est déroulée votre séance de vente-dédicace, que vous a apporté cette édition du Sila, quels sont les aspects positifs du Sila, quels sont vos coups de cœurs lors de ce Sila, des centaines de livres sont publiés à l’occasion du Sila à quoi peut-on attribuer ce besoin d’écrire, qui vous a inspiré tel personnage, est-ce que vous relisez vos romans… » etc, etc. Autant dire pas de littérature, pas de relief, pas d’envergure, mais de la surface, de la façade, du plat. Peut-être par manque de temps. Peut-être.
Je n’ai lu (ai-je tout lu ?) nulle part une seule recension, adaptée au format (pas une seule) d’un titre quelconque. Pas une seule présentation classique et donc en profondeur d’un roman, même si, appropriée. Aussi j’ai trouvé que les articles les plus intéressants sont ceux publiés dans Le Quotidien d’Oran. Qu’on s’entende bien, il n’y a là ni flagornerie ni ailleurs mésestimation. Évidemment.
Les seuls articles (quatre hélas) que Le Quotidien d’Oran a réservé au SILA montrent que leurs auteurs n’ont manifestement pas apprécié. Les voici. Lisez-les. Ils en valent la chandelle. Sérieusement. Voici quelques passages :
- Le 11 novembre, page 3, rubrique Raïna Raïkoum par El Yazid Dib : « Les ‘‘auteurs’’ du SILA : Ces derniers temps, un phénomène est apparu laissant voir énormément d'auteurs et peu de lecteurs, beaucoup de maisons d'édition et très peu de librairies. C'est surtout à l'approche du SILA, que tous les esprits épris d'écriture s'échauffent pour pondre de la poésie au roman à l'autobiographie, jusqu'à, par défaut d'inspiration, faire un livre de sa thèse ou de son mémoire. L'important est d'avoir une table de signature dans n'importe quel stand de la foire du livre. Et parfois y élire domicile tout le long de l'événement. La dédicace se fait entre copains et copines sous le clap des selfies et des grands sourires de réjouissance que l'on transfère instantanément sur l'un des réseaux. … C'est là un moment de grande extase, voire d'un accomplissement tant espéré… »
Délicieux
- Le 12 novembre, page 3, rubrique Raïna Raïkoum par El Yazid Dib : « Le ‘‘Messie’’ saoudien au SILA : …
« Je n'ai jamais vu autant de ferventes lectrices faire de la bousculade, du coude-à-coude pour une «fantasy» devant un romancier… Des chaînes de télévision nationales privées, de tout bord ont fait de cette huée un évènement culturel de niveau. Au lieu d'aller chercher ce qui a motivé cette catégorie de jeunes à s'amouracher de cet écrivain, de fouiner dans l'idéologie que véhicule son œuvre et d'expliquer la haute préférence dont il est investi par rapport aux auteurs algériens, toute expression d'écriture confondue, elles se sont bien mises, otages de la stratégie de la machine du terrible marketing qui est derrière ce ‘‘phénomène’’. En finalité, je crois qu'il (ce ‘‘messie’’, ce ‘‘ phénomène’’), a raison de déclarer lors d'un récent entretien ‘‘Je pense que les anciens modèles ne sont plus attrayants pour cette génération. Utiliser un langage difficile et mettre en avant ses compétences linguistiques et cognitives pour défier le lecteur n'est plus attrayant. Les lecteurs d'aujourd'hui ont besoin d'une histoire simple, bien tissée et dans un langage fluide’’. En l'état, il ne faut plus se tortiller l'arachnoïde pour peinturlurer avec une escouade lexicale un artefact épistolaire alors que sans boudage et avec des mots simples l'on peut faciliter la vie au lecteur. Voilà le message que tend à nous diffuser la foule du SILA. »
- Le 14 novembre, page 3, rubrique Raïna Raïkoum par El Yazid Dib : « Maison d’édition, dites-vous ? »
« Il y a là une question existentielle. Est-ce que c'est l'auteur qui donne de l'éclat à une maison d'édition ou c'est elle qui le sort de l'anonymat pour le placer dans la case de la notoriété ?... L'éditeur est dans son droit de chercher en priorité l'aspect commercial…
Mais, une maison qui n'a pas de machine médiatico-relationnelle à faire hisser ses publications, à provoquer l'engouement, à créer le buzz livresque, à faire du bruit, à jouir d'un réseau de distribution performant, c'est comme une équipe de football qui malgré la disponibilité de joueurs de talent n'arrive pas à gagner un match. C'est donc une question de coaching. » C’est sans bavure.
- Le 16 novembre, page 2, rubrique Analyse par Mustapha Aggoun : « Ferveur littéraire ou illusion médiatique » (sans le point interrogatif).
« Dans l'effervescence du Salon international du livre d'Alger, il est fascinant de voir cette marée de jeunes se précipiter, non pas pour découvrir de nouveaux horizons littéraires, mais pour un livre précis, un auteur en particulier. Un instant de foule, un moment qui interroge. Que cache cet engouement soudain ? … Pour certains, cette scène est le signe vibrant d'une passion renaissante, celle d'une jeunesse avide de mots, enfin éveillée à la beauté des pages imprimées, prête à absorber les idées de ceux qui écrivent. Peut-être est-ce là, se disent-ils, le souffle d'une nouvelle génération de lecteurs, qui donne espoir en la pérennité du livre. D'autres, cependant, voient dans cet enthousiasme une chimère, une quête illusoire attisée par le battage médiatique. Une jeunesse, disent-ils, piégée dans un mirage, cherchant non pas la profondeur des mots, mais la satisfaction fugace d'avoir côtoyé une célébrité, juste l'ombre fugace d'une rencontre, la brillance d'une image… Les réseaux sociaux ont redessiné les contours de notre rapport à la culture. Plus puissants que les moyens traditionnels, ils jouent un rôle quasi-hypnotique sur les jeunes, transformant la quête de lecture en une quête de l'instantané, du sensationnel. Cet élan n'a plus pour but la connaissance mais l'émotion fugace de l'image, la réaction rapide et facile, l'adhésion collective à des tendances qui, demain, pourraient s'évanouir… Devant cela, il devient difficile de ne pas ressentir une certaine amertume, un scepticisme presque inévitable. Ce que nous voyons aujourd'hui, ce n'est pas un éveil littéraire, ce n'est pas une soif véritable de connaissance, mais le produit d'une culture façonnée par l'instantanéité des réseaux sociaux, par l'envie de voir et d'être vu, sans s'attarder sur la profondeur. La lecture, ici, devient un objet de consommation rapide, réduit à l'image de son auteur, effaçant l'essence même de l'expérience littéraire. Loin d'être un acte intime de découverte, la lecture devient alors un acte social, une étiquette, un reflet de soi dans le miroir du monde numérique. Que restera-t-il de cette ferveur éphémère ? »
À bon entendeur ! Je vous laisse le soin de conclure à votre guise.
--------------
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire