A
travers ce texte je soulève deux points importants à mes yeux : le premier
concerne la perception par les officiels et la presse français de la guerre
« Israélo-palestinienne », le second est une mise au point quant au
soutien à accorder ou non au peuple de Palestine.
En
France les crimes commis par Israël sont officiellement et comme souvent
condamnés du bout des lèvres, lorsqu’ils ne sont pas tacitement appuyés, comme l’a
fait le président Hollande lors d’une récente déclaration dans laquelle il a
appelé l’Etat colonialiste à « prendre toutes les mesures pour
protéger sa population face aux menaces (palestiniennes). » Son Premier ministre n’est pas en
reste lui qui clamait sur radio Judaïca il y a quelques années qu’il était « lié de manière éternelle à l’Etat
d’Israël ». De manière éternelle, sans condition donc. D’autres hommes
politiques ont manifesté aussi leur veulerie. Qu’ils soient de droite ou du
parti socialiste.
La
presse publique ou privée dans son ensemble ne joue pas, tant s’en faut, son rôle
de passeur d’information objective. Son parti pris, intelligemment démontré et
démonté par Acrimed, aujourd’hui mais hier aussi, est manifeste lorsque par
exemple elle reprend des termes comme « Tsahal » ou lorsqu’à la radio
on évoque le Hamas en le nommant « Khamas », mimant les Israéliens
qui utilisent délibérément ce terme hébreu (Khamas) fortement connoté
négativement (« voleur »- cf Ayman E.K.). La presse prend parti
lorsqu’elle met sur le même pied d’égalité agresseur et agressé, colonisateur
et colonisé. Lorsqu’elle interroge des citoyens israéliens qui justifient en
bon français l’agression de leur Etat alors même qu’elle ne trouve aucun
Palestinien parlant cette langue. Dans ses justifications, intellectuellement
malhonnêtes, elle évoque « la neutralité ». Elle prend parti aussi
lorsque, comme récemment, sur les centaines de milliers de manifestants
pacifistes à travers toute la France, elle met en avant les saloperies (c’en
sont) d’une poignée d’individus antisémites, dont certains (photographiés)
n’appartiendraient même pas à la manifestation, et en faire un point de
fixation. Elle prend parti dès lors qu’à la suite de ces ignobles (et très peu
nombreuses) attitudes, elle se détourne des massacres israéliens pour
enclencher sur « le nouvel antisémitisme en France » –à la remorque
du Crif, de ses lobbies, du 1° Ministre et d’autres leaders politiques
foncièrement pro-israéliens. Nous connaissons depuis longtemps la chanson. Il
ne s’agit point de renier l’antisémitisme en France qui est le fait de ces
jeunes désaxés se disant musulmans, ni de celui plus franchement ancré dans ce
pays, j’entends l’antisémitisme « franchouillard » ou
« souchien » et bien blanc donc. Celui des grandes villes, des
villages, des montagnes du nord et du sud. Cet antisémitisme existe depuis des
lustres, même s’il a reculé depuis la fin des années soixante. Il ne s’agit
donc pas de renier ces antisémitismes, non, il s’agit de montrer comment une
certaine presse et certains hommes politiques évidemment, peuvent aisément
s’extraire d’un sujet brûlant qu’ils ne veulent pas aborder de front pour
ouvrir un autre sujet qu’ils jugent politiquement et financièrement plus
« portable, rentable ».
Aujourd’hui
cette presse se détourne des massacres israéliens pour traiter en Une « le
nouvel antisémitisme » donc. En arrière-plan elle commente ces
manifestations qu’elle appelle « pro-palestiniennes » et non des
manifestations contre les crimes commis par Israël, ce qu’elles sont (photos
d’enfants notamment par dizaines). Jusqu’à faire des Unes de ces dérapages et
« passer à autre chose », forcer les regards vers d’autres directions
que Gaza. Les 700 assassinats (mille ou trois mille demain) ne sont que des
chiffres. En tant que tels ils passeront par pertes et profits, comme l’ont été
les milliers de morts palestiniens de 2012, 2008, 2006 et d’avant. « C’est
la guerre » écrivent les journalistes. Ils n’écrivent pas, ou si peu, que
c’est une occupation coloniale. La presse comme les officiels évoque la
« défense » d’Israël et met en avant trois « assassinats du
Hamas qui ont enclenché la guerre ».
Comme par le passé elle pointe un fait divers et évite de parler
d’occupation des terres palestiniennes depuis 1967 ou du blocus de Gaza depuis
plus de sept années.
En
Algérie, c’est le second point, je déplore et dénonce certains écrits et
déclarations qui, d’une certaine manière et objectivement, veulent faire
l’impasse sur le soutien des populations au peuple palestinien au prétexte
qu’il y a d’autres combats qui n’ont pas été menés ou qui sont à mener. Une
injonction est ainsi adressée (parfois teinté d’arrogance à partir d’un bureau
de rédaction, d’une terrasse de café ou d’une page de réseau social). En
somme nous sommes enjoints de hiérarchiser les luttes. Faut-il que chacun
apporte les justifications personnelles, idéologiques, de proximité, etc avant
de se lancer dans tel ou tel combat ? Et à qui faut-il qu’il les
présente ces justifications? Quel gâchis ! A ce jeu, pas très sain
admettons-le, je pourrais à mon tour poser ces questions : Qui en Algérie
a soutenu la lutte des peuples amérindiens ? qui a soutenu les minorités
chinoises ? et les étudiants de Tien An Men ? qui a dénoncé les exactions
commises en Afrique noire, les condamnations à mort en Turquie hier, aux
Etats-Unis hier et aujourd’hui ? qui a dénoncé les disparitions forcées au
Chili hier, en Algérie récemment ? qui soutenait les minorités en Algérie
avant le grand déballage ? qui s’est tranché derrière un clan ou un autre
plutôt que d’exiger une démocratie réelle (avec ses droits, ses devoirs et
limites) accessible à chacun, quelles que soient ses croyances ou ses
proximités idéologiques dès lors qu’elles n’outrepassent pas les règles
édictées ? qui est au four et au moulin, qui… ? Nous n’avons pas
besoin d’ultimatum, de mise en garde ou d’indexation. S’il le voulait, le passé
de chacun parlerait pour lui. Non vraiment, si c’était un jeu de plume et de
papier et non de drames qui se nouent, qui se jouent, je dirais que cela est
trop facile, trop futile et trop ridicule. Mais, il y a mort d’innocents, de
résistants.
Défendre
le droit à la vie, le droit à un espace vital, en l’occurrence aujourd’hui pour
les Palestiniens est un grand honneur et une obligation pour tous les hommes
épris de liberté et de justice. Tout le reste n’est que littérature de chiens
écrasés.
Ahmed
Hanifi,
Marseille,
le 24 juillet 2014
Dernier
roman : La folle d’Alger, ed L’Harmattan.