Facebook - Lu 23 jan 2017 |
Variation
Il y avait les froufrous des
jupes et des jeans,
Il y avait les murmures
banals ou affectueux,
Le sifflement des avions en
papier
Et les regards alanguis.
Il y avait le crissement des
chaussures pressées de quitter la salle,
Il y avait le gémissement
des chaises déplacées sans ménagement,
« Eh m’sieur c’est sûr que
les serpents à sonnette sont sourds ? »
Le clin d’œil au coin des
lèvres et de l’interrogation.
Il y avait le tohu-bohu qui
enflait dans la cour nue,
Il y avait le gazouillis que
de l’autre côté
Les moineaux sur la pelouse
caressée par le mistral
Adressaient aux élèves
par-delà les fenêtres béantes et
L’attrape-cœurs.
C’était hier peut-être même,
déjà, avant-hier,
Vacarme des nombrils pubères
égarés dans la nébuleuse
Jusqu’au jour de la
restitution des armes,
« On vous oubliera pas ! »
Il y a désormais l’horloge
grise du temps nouveau.
Il y a un autre soleil, bas,
plus ambré qu’ocre,
La liberté de m’emmurer ou
de plonger dans la grande bleue,
Rêver d’ours blancs au
Nunavut ou de khat à Zanzibar.
Il y a l’immense territoire
des lettres odorantes de l’H au W,
Il y a la marche quotidienne
à travers la campagne chatoyante
Où se mêlent hibiscus,
absinthes, genêts,
Lentisques et ravenelles.
Il y a la lune silencieuse,
suspendue dans la transparence du vide,
Il y a ce discret scarabée
sur ce sable iodé,
Au bord du bel étang de
Berre éclairé,
C’est ici et c’est
maintenant entre chien et loup.
AH- janvier 2017
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Hachakoum (1)
Nous n’étions pas loin du milieu des années 1950. Le ciel s’assombrissait
sur les douars de mes ancêtres, chaque année un peu plus depuis des décennies.
Les plus jeunes, les plus robustes, les plus fiers des hommes de nos tribus, ne
revinrent pas de la Grande guerre. La terre des Béni-Rached ne donnait presque
plus, ses entrailles souffraient le martyre et Dieu avait mes aïeux à l’œil. «
Le quatorzième siècle (Quarn Rbataach) arrive à grands pas » souriait mon
grand-père, goguenard, à près de cent ans de vie agitée, bientôt passée. Mais
une malédiction brutale s’est abattue sur les miens, sans attendre le siècle de
tous les malheurs, le siècle Quatorze. Mon grand-père, dans son dénuement
extrême, souriait toutefois. Il disait que la vie renaissait meilleure et plus belle
après les cataclysmes. Toute sa vie pourtant fut forgée dans la catastrophe ou
une douleur, une douleur indicible mais permanente. Celle de ne pouvoir être
soi, librement. Mais il souriait « Quarn Rbataach arrive ». La fin d’un monde
prédisait-il, pas la fin du monde comme croient les innocents et les ignorants.
Il était impitoyable mon grand-père.
A la fin de l’été de cette année-là, un terrible tremblement de terre
ravagea la sous-préfecture d’Orléansville et sa région. Plusieurs milliers de
vies humaines se brisèrent brusquement ou cessèrent, des dizaines de villages
furent emportés, Béni-Rached le premier. Toutes sortes d’épidémies se
propagèrent alors. La chaleur exceptionnelle du sirocco qui suivit
anachroniquement, fit aussi de nombreuses victimes. Dans ma famille, et
probablement dans bien d’autres, une autre catastrophe pointait cette année-là,
elle s’ajouta aux premières ; la naissance d’une fille. Dans ma famille, mon
père, mon grand-père, mes oncles, mais aussi ma grand-mère et mes tantes et le
gourbi tout entier attendaient que ma mère accouchât de nouveau d’un garçon,
pour jeter un sort définitif à toutes les malédictions. Ce fut moi,
désespérément. J’étais la première d’une fratrie de cinq. Et cela fut
insupportable aux mâles.
Lorsqu’un garçon naît, on rameute traditionnellement tous les hommes du
village d’un côté et toutes les femmes du village de l’autre. Il n’en fut rien
pour ma naissance. Les hommes déguerpirent dès l’annonce de ma venue. Ils
prétextèrent sans rougir du mensonge, que l’environnement et la situation de la
nation interdisaient toute fête. Les colons, le tremblement, le sirocco, la
misère… et moi. Les calamités s’entassaient sur d’autres calamités. Ma mère
pleurait souvent. Cette fois-là elle pleura plus longtemps encore parce qu’on
lui reprochait d’avoir choisi de faire naître une fille, dans le silence et la
cachoterie, et cela fut pire que tout. Aucune de ses tentatives d’explication
ne trouva grâce ou d’écho, pas même et surtout pas auprès de mon père. Ma mère
pleurait aussi parce que c’était l’occasion d’aller vivre quelques temps chez
ses parents, une occasion ratée. Mon père, de honte, refusa tout déplacement.
Honte d’avoir eu une fille et honte d’avoir à affronter le beau-père (mon
grand-père maternel) devant son épouse (ma mère) qui ne le méritait plus, lui
l’homme, chef de famille, honte de présenter à ce beau-père (mon grand-père
maternel) son petit enfant, une fille (moi), hachakoum, que tous deux n’ont
jamais espéré.
Longtemps j’ai eu honte d’être née fille, longtemps j’en ai voulu à ma
mère. Puis, longtemps j’en ai voulu aux hommes du monde entier.
Nous n’étions pas loin du milieu des années 1950. C’était l’année du
sirocco, l’année des malédictions, l’année de l’espoir. Aujourd’hui, soixante
ans plus tard, ma rancœur s’est beaucoup atténuée. Elle a même disparu.
Aujourd’hui je comprends mieux. Les pesanteurs sociales, comme les oppressions,
peuvent mener un peuple à sa ruine, ou, par des chemins inattendus, déclencher
un sursaut pour le fédérer vers le meilleur ou le moins pire.
Durant ces années-là, la nation était anéantie, détruite, avant même la
guerre de libération. Qui arriva. Nécessairement. En 1962, après cent trente
ans de colonisation, quatre-vingt-dix pour cent (90%) des algériens ne savaient
ni lire ni écrire. L’analphabétisme était extrêmement lourd et les pesanteurs
sociales d’un âge ancien, perduraient encore. Elles arrangeaient le dit
colonialisme
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Samedi 19 Mars 2011. Un séisme de magnitude neuf ébranla la côte est du
Japon, au nord de Honshu, ce 11 mars 2011. Il est suivi d’un puissant tsunami
et d’un accident nucléaire. On dénombre des milliers de morts.
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(1): Le sens de Hachakoum (hachek au singulier), selon l'Internaute:
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