Me
voilà de nouveau en Algérie. Je m’y trouve pour des raisons familiales que
j’effleure dans Sur le rebord du monde
(http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.com/2018/06/sur-le-rebord-du-monde.html),
un poème écrit récemment, plus ou moins spontanément, à Istanbul
où je passais en
juin quelques jours de vacances. Je suis ici donc, souvent à l’hôpital – en
visite. Ceux-là, les hôpitaux, je vous les épargnerai. Je vous promets de ne
pas en dire un mot de plus que ce qui suit, cela incendierait Facebook, et toute
la toile de l’Internet tant leur réalité est inacceptable pour le dernier des
animaux honnis, pensants ou non. Les malades y sont (objectivement et au final)
maltraités et le terme est doux (avec toutefois mon respect sincère dû aux
quelques employés médecins, infirmiers ou autres agents de sécurité qui font au
mieux de leur possible et des moyens indignes de cet hôpital d’Oran qui se veut
grand, moderne).
Bref.
En feuilletant un quotidien national, j’appris que, comme à la même période de l’année
écoulée, une navette marine quotidienne a été mise en place ce lundi 2 juillet,
reliant le port d’Oran au lieu dit « Les Dunes », une plage située à
une vingtaine de kilomètres à l’ouest d’Oran, entre Aïn-el-Turck et Cap Falcon.
Je me suis mis en tête de l’emprunter. Il nous faut bien parfois ruser avec les
épreuves que nous impose parfois la vie pour, simplement, continuer de vivre
aussi ordinairement que possible.
Renseignement
pris, je me présente à l’entrée principale du port d’Oran. « C’est à la pêcherie
me dit le préposé, deux cents mètres plus loin ». J’y suis. À la pêcherie,
les marins pêcheurs vaquent à leurs occupations de marins-pêcheurs, vérifier
l’état de leurs embarcations ou des impressionnants filets de pêche... La
chaleur s’annonce de saison.
3.3
Il y
a cinq chats trois pelés et un tondus et moi. Un employé de l’agence, assis
sous un grand panneau « Ne pas fumer », fume. Les autres employés et
agents de sécurité le regardent fumer. On retrouve ces mêmes interdictions (un
grand cercle rouge sur fond blanc barré d’une oblique rouge elle aussi, étreint
une cigarette à l’agonie) dans les beaux espaces réservés aux toilettes (une
pièce pour les hommes, une autre pour les femmes. Une propreté que salueraient
des Suédois ou des Slovènes. Je gage que la durée de vie de celle-ci – la
propreté – n’excèdera pas la fin de la prière de vendredi prochain). Non je ne
dénigre pas. Regardez les lieux publics autour de vous.
Tous
(chats, pelés, tondus, employés) s’amusent de rien. Ils sourient, blaguent. Un
couple avec deux enfants est assis non loin. Ensemble ils occupent trois des
150 sièges tout neufs. Un jeune ado passe sous le tourniquet qui nous sépare du
ponton, il se fait sermonner par un adulte qui porte d’imposantes lunettes
noires type Ray-Ban avec sacoche en cuir marron en bandoulière délicatement
posée sur une chemisette kaki. Est-ce un chef ? (chef de quoi ?) Un
enfant s’amuse, inhale l’air qu’un adulte empoisonne. Un homme passe lui aussi
par-delà la zone réservée au passagers. Il observe le Capitan Morgan maintenant
arrimé devant nous, et peut être plus loin, la mer, la digue, ou son avenir. Il
est habillé d’une chemise courte blanche avec des rayures minces parallèles,
couleur or. Deux lignes ténues à gauche, deux à droite et d’un pantalon
bleu-nuit impeccablement repassé. Lui aussi a des lunettes noires de type
Ray-Ban et un sac en bandoulière. Noir, plus petit et bien usé. Il porte à ses
lèvres une cigarette qu’il allume aussitôt. Je n’ai pas réussi à saisir la
marque. Il rêve d’un monde autre, c’est sûr.
Autour de moi, sur les nombreux sièges métalliques,
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Capture du journal ajoutée ce jour dimanche 31 janvier 2021
Vous décrivez le scène avec une langue si chirurgicale quecela me donne des envies de retour au pays, moi, oranais, qui n'ai pas eu l'occasion de revenir vers ma ville natale depuis maintenant six ans. Je crois que c'est ce qui est particulier avec ce pays, l'ALgérie, c'est que même des anecdotes comme celle-ci, par forcément positive, pas forcément réouissante, un peu comme vous, moi aussi, on m'a souvent demandé pourquoi je grifonnais mon carnet - ou plus simplement on s'étonnait que je puisse lire dans un bus ou dans un parc - des anecdotes pas frocément réjouissantes ou positives donc, et pourtant, cela exerce une nostalgie sur nous (moi), toute singulière, encore merci !
RépondreSupprimerMerci à vous cher ami. Et pardonnez-moi de ne réagir qu'aujourd'hui. Me rendre régulièrement en Algérie, ce pays chaotique, ce pays qui est le mien (aussi), que je chéris bien sûr, me permet de garder suffisamment de sérénité face au branle-bas de combat permanent. D'en prendre le pouls, à ma manière. Et de lui montrer, ainsi qu'aux habitants, mon sincère attachement, même désabusé.
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