El Watan 27 février 2010
Édition. Les dix ans de maison Barzakh : A l’enseigne du millénaire
Un catalogue éloquent qui exprime une véritable vision éditoriale, une passion pour la littérature et un goût de la qualité.
L’histoire de la culture dans notre pays retiendra que durant la décennie noire, le livre fut un extraordinaire outil de résistance spirituelle contre le renoncement. Les maisons d’éditions qui existaient (à quelques rares exceptions, comme Laphomic ou Bouchène, qui durent arrêter ou s’expatrier), poursuivirent malgré tout leur travail, de même que les librairies, pourtant particulièrement exposées. La lecture fut peut-être plus active alors devant l’impossibilité d’une consommation culturelle publique. On vit aussi, à cette période ou à sa fin, naître de nouvelles maisons d’éditions qui connurent l’épreuve d’exercer dans un pays ravagé par la violence et le désarroi.
Les années 90 et le début des années 2000 resteront déterminants pour l’édition privée algérienne, sans compter qu’elles ont suscité, parallèlement, sur le moment ou plus tard, une littérature relativement abondante (qualifiée par certains de « littérature d’urgence ») et la production d’essais liés aux évènements vécus ou à leurs causes historiques, économiques ou politiques. Aujourd’hui, l’édition algérienne compte plus d’une centaine de maisons, plus ou moins grandes, actives et professionnelles. Dans ce lot, un peloton se détache (environ une quinzaine de maisons ?), tirant l’ensemble vers plus de dynamisme et d’innovation. L’âge de ces entreprises culturelles commence à prendre de l’importance, comme un signe encourageant de fiabilité et de durabilité.
L’an dernier, par exemple, les éditions Chihab célébraient leur vingtième année d’existence, attestant d’un parcours honorable et d’un catalogue qui mérite l’attention. Cette année, ce sont les éditions Barzakh qui marquent leur dixième année d’existence après leur création en avril 2000, ce qui les place pleinement sous l’enseigne du IIIe millénaire Barzakh ? Quand ce nom étrange était apparu sur les étals des librairies, beaucoup s’étaient étonnés de son originalité qui signalait déjà une volonté de se distinguer. Son explicitation avait permis aussi de détecter, dès l’entame, un référencement culturel particulier, marqué du sceau de l’universalité et de la modernité, avec un fort ancrage sur le patrimoine et la création algérienne, de même que sur l’ensemble des sources qui les traversent : la civilisation musulmane, l’héritage africain, la dimension méditerranéenne...
Barzakh, une identité polysémique qui renvoie autant à l’isthme, entre deux mers, entre la vie et la mort, au Coran, aux grands auteurs mystiques arabes ainsi qu’à ce roman de Juan Goytisolo, intitulé ainsi. Cet entre-deux, c’est aussi celui des éditeurs, couple dans la vie, duo à la ville, tandem dans l’édition. Au tout départ, cette rencontre, alors qu’ils étudiaient à Paris, Selma Hellal en sciences politiques, et Sofiane Hadjadj en architecture et lettres arabes. En partage, une boulimie de lecteurs curieux, attentifs, éclectiques, exigeants qui les amènent très vite à faire ménage à trois avec le livre. De ce point de vue, les éditions Barzakh apparaissent bien comme un prototype de l’entreprise familiale, à cette nuance près qu’il s’agit d’une famille nucléaire moderne. Et si le qualificatif de « maison » qui s’applique aux éditions trouve, ça et là, des illustrations plus ou moins fortes ou fidèles, dans leur cas elle relève presque de la perfection.
La maison Barzakh donc, naît à leur retour au pays, à la fin des années 90, quand partir était encore la pulsion la plus naturelle de la plupart des intellectuels et des cadres algériens. Si ces derniers n’ont pas à s’en justifier – pour des raisons bien connues –, on ne peut que souligner l’engouement de Sofiane et Selma à regagner l’Algérie dans tous les sens du verbe. La foi du charbonnier peut mener à bien des métiers et celui d’éditeur s’est imposé à eux du fait de leur parenté avec la littérature et de ce constat simple et douloureux qu’ils établissent alors : « La frustration était immense : les auteurs algériens de langue française étaient publiés à Paris et ceux de langue arabe à Beyrouth ou Le Caire ». Dix ans après, on peut affirmer que cet axiome a perdu de son caractère inéluctable et que les éditions Barzakh, ainsi que leurs pairs algériens, n’y sont pas pour rien.
Bien plus, de même que la presse algérienne commence à devenir une référence pour les médias étrangers, l’édition réussit à placer des ouvrages au-delà de nos frontières, de manière encore timide mais encourageante. L’annonce de la parution, ce mois-ci, du roman de notre confrère Adlène Meddi, La Prière du Maure chez Jigal, l’éditeur français spécialiste du polar, après sa parution en 2008 chez Barzakh, vient attester de la possibilité d’établir des échanges dans les deux sens et non plus dans un seul comme ce fut toujours le cas. Pareillement, en 2002, L’Aube avait repris Cinq Fragments pour un désert de Rachid Boudjedra, et Actes Sud Maintenant ils peuvent venir de Areski Mellal, parus initialement chez Barzakh.
A ses débuts, Barzakh comptait s’en tenir à la littérature, passion de ses gérants. Dans une interview (parue dans Libre Algérie), Sofiane Hadjadj affirmait : « Notre stratégie est avant tout, outre la qualité littéraire d’un texte, de donner à entendre des voix qui sont d’abord algériennes, de gens sincères et qui expriment la diversité de ce pays. Je ne m’interdirai rien. En revanche, je ne m’inscrirai dans aucun courant non plus. » A quoi Selma Hellal ajoutait : « …arriver à casser les cloisons, (…) faire en sorte que des francophones puissent avoir accès à une littérature arabophone et vice versa. » Ces propos signalaient déjà une ligne éditoriale précise, chose rare qui n’empêchait pas la lucidité, comme le soulignait Hadjadj : « Malheureusement, il y a des contraintes financières et nous en sommes conscients.
On va peut-être élargir le champ à des essais sociologiques ou politiques qui soient d’une facture assez relevée. Ce qui permettrait d’accéder à un plus large public. » C’est cette démarche qui a été effectivement suivie par la suite, sans que la donne commerciale dilue l’objectif initial. Autour du noyau littéraire, toujours dominant, Barzakh a diversifié ses collections en direction des essais et, dans une moindre mesure, du beau livre. Ce mouvement apparemment excentrique a cependant conservé l’âme littéraire de la maison et les beaux livres ont généralement un rapport étroit au texte littéraire comme Une Nation en exil de Mahmoud Darwish ou La Plume, la Voix et le Plectre de Saâdane Benbabaâli et Beihdja Rahal. L’ensemble du catalogue présente ainsi une complémentarité des genres et une cohérence centrée sur la littérature.
Barzakh aligne aujourd’hui une belle escouade (on dit « écurie » dans le monde éditorial, mais c’est si infâmant) d’écrivains parmi lesquels figurent des « classiques » comme Mohamed Dib, de grands auteurs vivants, tel Rachid Boudjedra, et de nombreux écrivains nouveaux ou moins nouveaux : Saddek Aïssat, Malek Alloula, Habib Ayyoub, Mustapha Belfodil, Maïssa Bey, Kamel Daoud, Amara Lakhous, Adlène Meddi, Noureddine Saadi, Amine Zaoui… qui représentent des expressions littéraires algériennes de qualité, novatrices et, en tout cas, recherchées. Ce résultat est dû à un travail de lecture et de suivi assidu des auteurs, à un investissement dans la relation éditeur-auteur qui a fait dire dernièrement, en aparté, à un nouvel écrivain : « J’aimerais être publié par Barzakh car ils soignent leurs auteurs ».
La maison se caractérise en effet par un travail de promotion soutenu de ses auteurs et publications. Mais ce soin apparaît déjà dans la matérialité du livre : ligne graphique étudiée et respectée, impression qui n’a rien à envier à celle d’éditeurs étrangers renommés, papiers sélectionnés, couvertures qui se tiennent... Le livre est d’abord un objet et sa conception et sa fabrication sont des éléments éminemment culturels qui incitent à la lecture, la rendent agréable et assurent la durabilité de l’ouvrage. Pour cela aussi, chapeau bas à Barzakh, qui établit ainsi une référence qui se généralise dans les bonnes maisons d’édition.
Pour cette année qui coïncide avec à son anniversaire, Barzakh a lancé déjà quatre nouveaux titres : trois romans et un livre de théâtre, Rêve et vol d’oiseau de Hajar Bali (après La Délégation officielle de Areski Mellal,) ce qui ouvre courageusement une collection de cet art en Algérie. Pour les romans, on signale Miroir d’un fou de Hacene Zehar, annoncé comme « un pur éblouissement » d’un auteur décédé il y a quelques années ; Une Année sans guerre de Ali Malek et Ravissements de Ryad Girod dont nous découvrons l’écriture exceptionnelle. Le lancement d’une collection de livres de référence sur l’architecture, avec trois titres, est aussi un évènement éditorial dont nous parlerons prochainement. Au printemps, l’éditeur organisera une rencontre pour marquer sa décennie d’existence, tandis que paraîtra Les Figuiers de Barbarie, le dernier roman attendu de Rachid Boudjedra (sortie quasi-simultané chez Grasset en mars) et que Hôtel Saint-Georges sera réédité.
Maïssa Bey reviendra sur la scène littéraire avec son nouveau roman Puisque mon cœur est mort et un essai. Quant à Abdelkader Djemaï, il verra publier sa trilogie chez Barzakh, à l’instar de Mohammed Dib et Sadek Aïssat. Cette pratique de la trilogie est une des marques de fabrique de l’éditeur qui a voulu ainsi répondre à l’indisponibilité de titres déjà publiés mais peu diffusés en Algérie et offrir aux lecteurs des prix attractifs. Enfin, on annonce un petit météore avec Kaouther Adimi, âgée de 23 ans, qui signe son premier roman au titre savoureux : Des Ballerines de papicha !
Aujourd’hui, le catalogue de Barzakh comprend 110 ouvrages en littérature, essais et beaux livres. On comptait ainsi en 2008, cinq ouvrages en arabe sur 27 et, en 2009, quatre sur 20 et la maison espère accroître les parutions en langue arabe dans le respect de ses critères. Une collaboration serait sur le point de s’établir avec Dar El Jadeed (Beyrouth) dirigée par l’écrivaine Rasha El Ameer. Barzakh a développé une démarche de partenariat qui lui a permis d’engager des échanges fructueux, notamment pour les essais, avec les éditeurs français Le Bec en l’Air et Actes Sud. L’événementiel littéraire et culturel a aussi caractérisé le travail de Barzakh avec la coordination des Rencontres Ibn Rochd en 2006 à Alger ou la participation, avec l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel, au mois Darwish l’an dernier.
Un beau parcours en somme, qui doit tout à la passion et au sérieux, au prix d’un acharnement qui a été marqué parfois par un sentiment d’abattement dû à la situation globale de l’édition. Le soutien du ministère de la Culture au monde éditorial par l’achat d’ouvrages, a joué un rôle salvateur, mais Barzak, comme tous les éditeurs algériens, espère une organisation en profondeur de la filière aujourd’hui menacée. Enfin, comment ne pas signaler ici ce qui nous semble l’une des plus belles actions de cet éditeur : l’achat des droits et la traduction en arabe dialectal algérien du Petit Prince de Saint-Exupery ? Une petite merveille éditoriale dont la symbolique est du pur Barzakh. Allez, courage !
Par Ameziane Ferhani
Édition. Les dix ans de maison Barzakh : A l’enseigne du millénaire
Un catalogue éloquent qui exprime une véritable vision éditoriale, une passion pour la littérature et un goût de la qualité.
L’histoire de la culture dans notre pays retiendra que durant la décennie noire, le livre fut un extraordinaire outil de résistance spirituelle contre le renoncement. Les maisons d’éditions qui existaient (à quelques rares exceptions, comme Laphomic ou Bouchène, qui durent arrêter ou s’expatrier), poursuivirent malgré tout leur travail, de même que les librairies, pourtant particulièrement exposées. La lecture fut peut-être plus active alors devant l’impossibilité d’une consommation culturelle publique. On vit aussi, à cette période ou à sa fin, naître de nouvelles maisons d’éditions qui connurent l’épreuve d’exercer dans un pays ravagé par la violence et le désarroi.
Les années 90 et le début des années 2000 resteront déterminants pour l’édition privée algérienne, sans compter qu’elles ont suscité, parallèlement, sur le moment ou plus tard, une littérature relativement abondante (qualifiée par certains de « littérature d’urgence ») et la production d’essais liés aux évènements vécus ou à leurs causes historiques, économiques ou politiques. Aujourd’hui, l’édition algérienne compte plus d’une centaine de maisons, plus ou moins grandes, actives et professionnelles. Dans ce lot, un peloton se détache (environ une quinzaine de maisons ?), tirant l’ensemble vers plus de dynamisme et d’innovation. L’âge de ces entreprises culturelles commence à prendre de l’importance, comme un signe encourageant de fiabilité et de durabilité.
L’an dernier, par exemple, les éditions Chihab célébraient leur vingtième année d’existence, attestant d’un parcours honorable et d’un catalogue qui mérite l’attention. Cette année, ce sont les éditions Barzakh qui marquent leur dixième année d’existence après leur création en avril 2000, ce qui les place pleinement sous l’enseigne du IIIe millénaire Barzakh ? Quand ce nom étrange était apparu sur les étals des librairies, beaucoup s’étaient étonnés de son originalité qui signalait déjà une volonté de se distinguer. Son explicitation avait permis aussi de détecter, dès l’entame, un référencement culturel particulier, marqué du sceau de l’universalité et de la modernité, avec un fort ancrage sur le patrimoine et la création algérienne, de même que sur l’ensemble des sources qui les traversent : la civilisation musulmane, l’héritage africain, la dimension méditerranéenne...
Barzakh, une identité polysémique qui renvoie autant à l’isthme, entre deux mers, entre la vie et la mort, au Coran, aux grands auteurs mystiques arabes ainsi qu’à ce roman de Juan Goytisolo, intitulé ainsi. Cet entre-deux, c’est aussi celui des éditeurs, couple dans la vie, duo à la ville, tandem dans l’édition. Au tout départ, cette rencontre, alors qu’ils étudiaient à Paris, Selma Hellal en sciences politiques, et Sofiane Hadjadj en architecture et lettres arabes. En partage, une boulimie de lecteurs curieux, attentifs, éclectiques, exigeants qui les amènent très vite à faire ménage à trois avec le livre. De ce point de vue, les éditions Barzakh apparaissent bien comme un prototype de l’entreprise familiale, à cette nuance près qu’il s’agit d’une famille nucléaire moderne. Et si le qualificatif de « maison » qui s’applique aux éditions trouve, ça et là, des illustrations plus ou moins fortes ou fidèles, dans leur cas elle relève presque de la perfection.
La maison Barzakh donc, naît à leur retour au pays, à la fin des années 90, quand partir était encore la pulsion la plus naturelle de la plupart des intellectuels et des cadres algériens. Si ces derniers n’ont pas à s’en justifier – pour des raisons bien connues –, on ne peut que souligner l’engouement de Sofiane et Selma à regagner l’Algérie dans tous les sens du verbe. La foi du charbonnier peut mener à bien des métiers et celui d’éditeur s’est imposé à eux du fait de leur parenté avec la littérature et de ce constat simple et douloureux qu’ils établissent alors : « La frustration était immense : les auteurs algériens de langue française étaient publiés à Paris et ceux de langue arabe à Beyrouth ou Le Caire ». Dix ans après, on peut affirmer que cet axiome a perdu de son caractère inéluctable et que les éditions Barzakh, ainsi que leurs pairs algériens, n’y sont pas pour rien.
Bien plus, de même que la presse algérienne commence à devenir une référence pour les médias étrangers, l’édition réussit à placer des ouvrages au-delà de nos frontières, de manière encore timide mais encourageante. L’annonce de la parution, ce mois-ci, du roman de notre confrère Adlène Meddi, La Prière du Maure chez Jigal, l’éditeur français spécialiste du polar, après sa parution en 2008 chez Barzakh, vient attester de la possibilité d’établir des échanges dans les deux sens et non plus dans un seul comme ce fut toujours le cas. Pareillement, en 2002, L’Aube avait repris Cinq Fragments pour un désert de Rachid Boudjedra, et Actes Sud Maintenant ils peuvent venir de Areski Mellal, parus initialement chez Barzakh.
A ses débuts, Barzakh comptait s’en tenir à la littérature, passion de ses gérants. Dans une interview (parue dans Libre Algérie), Sofiane Hadjadj affirmait : « Notre stratégie est avant tout, outre la qualité littéraire d’un texte, de donner à entendre des voix qui sont d’abord algériennes, de gens sincères et qui expriment la diversité de ce pays. Je ne m’interdirai rien. En revanche, je ne m’inscrirai dans aucun courant non plus. » A quoi Selma Hellal ajoutait : « …arriver à casser les cloisons, (…) faire en sorte que des francophones puissent avoir accès à une littérature arabophone et vice versa. » Ces propos signalaient déjà une ligne éditoriale précise, chose rare qui n’empêchait pas la lucidité, comme le soulignait Hadjadj : « Malheureusement, il y a des contraintes financières et nous en sommes conscients.
On va peut-être élargir le champ à des essais sociologiques ou politiques qui soient d’une facture assez relevée. Ce qui permettrait d’accéder à un plus large public. » C’est cette démarche qui a été effectivement suivie par la suite, sans que la donne commerciale dilue l’objectif initial. Autour du noyau littéraire, toujours dominant, Barzakh a diversifié ses collections en direction des essais et, dans une moindre mesure, du beau livre. Ce mouvement apparemment excentrique a cependant conservé l’âme littéraire de la maison et les beaux livres ont généralement un rapport étroit au texte littéraire comme Une Nation en exil de Mahmoud Darwish ou La Plume, la Voix et le Plectre de Saâdane Benbabaâli et Beihdja Rahal. L’ensemble du catalogue présente ainsi une complémentarité des genres et une cohérence centrée sur la littérature.
Barzakh aligne aujourd’hui une belle escouade (on dit « écurie » dans le monde éditorial, mais c’est si infâmant) d’écrivains parmi lesquels figurent des « classiques » comme Mohamed Dib, de grands auteurs vivants, tel Rachid Boudjedra, et de nombreux écrivains nouveaux ou moins nouveaux : Saddek Aïssat, Malek Alloula, Habib Ayyoub, Mustapha Belfodil, Maïssa Bey, Kamel Daoud, Amara Lakhous, Adlène Meddi, Noureddine Saadi, Amine Zaoui… qui représentent des expressions littéraires algériennes de qualité, novatrices et, en tout cas, recherchées. Ce résultat est dû à un travail de lecture et de suivi assidu des auteurs, à un investissement dans la relation éditeur-auteur qui a fait dire dernièrement, en aparté, à un nouvel écrivain : « J’aimerais être publié par Barzakh car ils soignent leurs auteurs ».
La maison se caractérise en effet par un travail de promotion soutenu de ses auteurs et publications. Mais ce soin apparaît déjà dans la matérialité du livre : ligne graphique étudiée et respectée, impression qui n’a rien à envier à celle d’éditeurs étrangers renommés, papiers sélectionnés, couvertures qui se tiennent... Le livre est d’abord un objet et sa conception et sa fabrication sont des éléments éminemment culturels qui incitent à la lecture, la rendent agréable et assurent la durabilité de l’ouvrage. Pour cela aussi, chapeau bas à Barzakh, qui établit ainsi une référence qui se généralise dans les bonnes maisons d’édition.
Pour cette année qui coïncide avec à son anniversaire, Barzakh a lancé déjà quatre nouveaux titres : trois romans et un livre de théâtre, Rêve et vol d’oiseau de Hajar Bali (après La Délégation officielle de Areski Mellal,) ce qui ouvre courageusement une collection de cet art en Algérie. Pour les romans, on signale Miroir d’un fou de Hacene Zehar, annoncé comme « un pur éblouissement » d’un auteur décédé il y a quelques années ; Une Année sans guerre de Ali Malek et Ravissements de Ryad Girod dont nous découvrons l’écriture exceptionnelle. Le lancement d’une collection de livres de référence sur l’architecture, avec trois titres, est aussi un évènement éditorial dont nous parlerons prochainement. Au printemps, l’éditeur organisera une rencontre pour marquer sa décennie d’existence, tandis que paraîtra Les Figuiers de Barbarie, le dernier roman attendu de Rachid Boudjedra (sortie quasi-simultané chez Grasset en mars) et que Hôtel Saint-Georges sera réédité.
Maïssa Bey reviendra sur la scène littéraire avec son nouveau roman Puisque mon cœur est mort et un essai. Quant à Abdelkader Djemaï, il verra publier sa trilogie chez Barzakh, à l’instar de Mohammed Dib et Sadek Aïssat. Cette pratique de la trilogie est une des marques de fabrique de l’éditeur qui a voulu ainsi répondre à l’indisponibilité de titres déjà publiés mais peu diffusés en Algérie et offrir aux lecteurs des prix attractifs. Enfin, on annonce un petit météore avec Kaouther Adimi, âgée de 23 ans, qui signe son premier roman au titre savoureux : Des Ballerines de papicha !
Aujourd’hui, le catalogue de Barzakh comprend 110 ouvrages en littérature, essais et beaux livres. On comptait ainsi en 2008, cinq ouvrages en arabe sur 27 et, en 2009, quatre sur 20 et la maison espère accroître les parutions en langue arabe dans le respect de ses critères. Une collaboration serait sur le point de s’établir avec Dar El Jadeed (Beyrouth) dirigée par l’écrivaine Rasha El Ameer. Barzakh a développé une démarche de partenariat qui lui a permis d’engager des échanges fructueux, notamment pour les essais, avec les éditeurs français Le Bec en l’Air et Actes Sud. L’événementiel littéraire et culturel a aussi caractérisé le travail de Barzakh avec la coordination des Rencontres Ibn Rochd en 2006 à Alger ou la participation, avec l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel, au mois Darwish l’an dernier.
Un beau parcours en somme, qui doit tout à la passion et au sérieux, au prix d’un acharnement qui a été marqué parfois par un sentiment d’abattement dû à la situation globale de l’édition. Le soutien du ministère de la Culture au monde éditorial par l’achat d’ouvrages, a joué un rôle salvateur, mais Barzak, comme tous les éditeurs algériens, espère une organisation en profondeur de la filière aujourd’hui menacée. Enfin, comment ne pas signaler ici ce qui nous semble l’une des plus belles actions de cet éditeur : l’achat des droits et la traduction en arabe dialectal algérien du Petit Prince de Saint-Exupery ? Une petite merveille éditoriale dont la symbolique est du pur Barzakh. Allez, courage !
Par Ameziane Ferhani
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