Je suis très peu disponible, j'ai lu le dernier roman de Salim Bachi, mais n'ai pas pu en faire la critique hélas, hormis ce mot que j'ai adressé à l'auteur, via sa page facebook, il y a quelques jours:
Bonjour Salim. Je viens de lire ton petit dernier. J'ai apprécié ton approche sociologique (et non idéologique) du destin de Kelkal. C'est un monologue intérieur poétique d'outre-tombe, "je suis mort, assassiné par trois gendarmes, 'Finis-le!'''. Ou comment le rejet (ou le sentiment de rejet) quasi permanent d'une personne (le raton, je l'ai vécu ô combien de fois dans les années 70), de ses parents, des siens, peut l'amener (en combinaison avec d'autres raisons, d'autres causes) aux pires extrêmes. J'ai beaucoup pensé à "Tuez-les tous" par le contenu, par le graphisme. Bravo. Et merci. 11.03.2012.
Bravo en effet à Salim Bachi qui ne se contente pas, c'est trop facile, de s'arrêter à l'indexation de l'islamisme intégriste (qui est le stade suprême), mais qui met en avant les facteurs sociétaux, facteurs socialisateurs (ou selon, intégrateurs) qui n'ont pas joué le rôle qui leur est assigné. En France des hommes politiques ne cessent depuis des décennies de stigmatiser des minorités allogènes, responsables selon eux de tous les maux de la société. C'est vulgaire et inacceptable.
Kelkal et Merah : parcours parallèles de la banlieue au terrorisme
L'écrivain Salim Bashi retrace dans un roman l'itinéraire du terroriste Khaled Kelkal, l'un des auteurs de l'attentat de Saint-Michel en juillet 1995. Difficile de ne pas faire le rapprochement avec le parcours de Mohamed Merah à Toulouse.
Ce sont les hasards de l'édition : certains livres se mettent à résonner d'une manière particulière, en miroir avec l'actualité. Il y a 3 semaines sortait chez Grasset un récit estampillé roman, où l'écrivain Salim Bashi a pris le parti de se mettre dans la peau de Khaled Kelkal, le jeune terroriste qui fut l'un des auteurs de l'attentat à la bombe dans le RER à la station St Michel en juillet 1995. En retraçant le parcours d'un garçon de la banlieue, en se glissant à l'intérieur de la tête de celui qui allait devenir un tueur, le romancier décortique les mécanismes qui conduisent un lycéen sur la voie de la délinquance puis de la violence meurtrière et de l'aliénation à la folie terroriste.
Comment ne pas lire ce livre à l'heure qu'il est sans penser à Mohamed Merah? Même si le contexte international a changé – la filiation de Merah avec Al Qaida est bien différente du lien de Kelkal avec les djihadistes algériens de l'époque des GIA - , on ne peut s'empêcher de voir en surimpression de la trajectoire de Kelkal celle de Merah. Les similitudes sont frappantes : jeunes de cité au père absent ou démuni, plutôt bons élèves mais habités très vite à l'adolescence par un sentiment à la fois de rejet et de toute puissance, pris dans l'engrenage de la délinquance, humiliés par le fait de ne trouver leur place nulle part, marqués au fer par l'expérience de la prison à 20 ans. Là, fous de haine et l'esprit détraqué, chacun croisera la soupe doctrinale djihadiste qui va emplir son gouffre identitaire et donner un sens barbare à sa vie.
Le petit voyou de Vaulx-en-Velun, devenu « l'archange exterminateur » et l'ennemi public N°1 durant l'été 1995 après le sinistre bilan des 8 morts du RER, sera abattu par les gendarmes de l'EPIGN à 23 ans fin septembre 1995. Le petit voyou de la cité des Izards à Toulouse, « gueule d'ange » devenu l'ennemi public N°1 pendant deux jours après ses 7 meurtres commis de sang froid, est tombé sous les balles des policiers du RAID à 24 ans.
Personne ne niera que ces deux jeunes déséquilibrés sont des « cas » extrêmes de dérive meurtrière et de manipulation politico-religieuse. Mais comment ne pas voir que le terreau social sur lequel leur frustration, leur haine et leur déséquilibre a grandi n'a guère changé en presque 20 ans? En deux décennies, qu'est-ce qui a évolué dans les banlieues françaises ? Avec une école de la République qui ne joue plus son rôle d'intégration, un maillage psycho-social trop souvent inefficace du fait du manque de moyens et de véritable suivi, une police de proximité qui a déserté, un taux de chômage plus élevé que partout ailleurs, des associations d'aide aux subventions réduites, des extrémistes islamistes qui prospèrent sur cette déréliction : comment peut-on s'étonner qu'une situation de ghetto social qui s'éternise ne finisse par donner des « explosions » individuelles tragiques?
Nous ne voulons pas voir en face la situation catastrophique de nos banlieues, le sujet est même devenu tabou dans cette campagne électorale. Un François Bayrou, qui a osé l'évoquer – peut-être un peu trop tôt - s'est fait méchamment tacler. Le chercheur Gilles Kepel, qui n'a rien d'un dangereux gauchiste, mais est le plus pointu et le plus crédible des spécialistes de l'islam contemporain, depuis 30 ans années qu'il ratisse le terrain, prévoit une explosion – collective, cette fois – des banlieues pour l'été prochain. C'est à lire dans son dernier essai Quatre-vingt treize, qui vient de sortir chez Gallimard. Encore un livre qui donne l'alerte. Mais qui entendra le message?
Marie Chaudey - publié le 27/03/2012
A lire
- Salim Bachi, Moi, Khaled Kelkal, Grasset, 15€
- Gilles Kepel, Quatre-vingt treize, Gallimard, 21€
Pour aller plus loin
+ DOSSIER : toutes nos publications sur Mohamed Merah et les fusillades de Toulouse et de Montauban
in: http://www.lavie.fr
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Mohamed Merah ressemble beaucoup à Khaled Kelkal»
«Le cas de Mohamed Merah ressemble beaucoup à celui de Khaled Kelkal»
le 26-03-2012
ENTRETIEN. L’écrivain algérien Salim Bachi vient de publier «Moi, Khaled Kelkal», où il se glisse dans la tête du célèbre terroriste mort en 1995: il a répondu à nos questions sur la sinistre affaire Merah.
BibliObs Pour écrire «Moi, Khaled Kelkal» (Grasset), vous vous êtes glissé dans le cerveau détraqué du jeune terroriste responsable de l'attentat du RER Saint-Michel, en 1995. Qu’a-t-il pu se passer dans la tête de Mohamed Merah?
Salim Bachi Je crois qu’il a pété les plombs. Son cas ressemble beaucoup à celui de Khaled Kelkal: un jeune garçon de banlieue qui connaît des problèmes de délinquance, et chez qui la prison me semble avoir joué le rôle de déclencheur ultime de violences incontrôlables. Des garçons de ce genre sont des proies faciles pour les gens qui veulent les utiliser. Ils n’ont aucune attache identitaire, ils sont ballottés entre France et Algérie. Ils ont l'impression d’être rejetés partout, le sentiment qu’ils n’arrivent à rien.
Du coup, c’est très simple de prendre un jeune comme ça, de lui dire qu’il a raison et que l’islam est la réponse à son problème. Leur islamisation n'est alors pas forcément très solide: ils se bricolent un islam assez différent du salafisme tel qu’on l’imagine. Ils se servent de l’islam pour asseoir leur révolte et la légitimer. Tous deux ont d'ailleurs fini exactement de la même manière: abattus par les forces de l'ordre, avec un traitement médiatique très comparable. Merah avait 23 ans, et Kelkal 24.
Diriez-vous, comme Boualem Sansal par exemple, que la «matrice de l’islamisme» est le monde musulman? Et si oui, pourquoi ce monde musulman ne parvient-il pas à délégitimer la parole fondamentaliste, comme ont à peu près réussi à le faire les Chrétiens et les juifs?
C’est une question que je me suis posée en écrivant «le Silence de Mahomet». Pourquoi est-il l’étendard de tous les combats extrémistes dans le monde arabe? Les gens qui s'en réclament ne connaissent pas les textes essentiels, ni leurs commentateurs. Et ceux qui les connaissent ne cherchent pas du tout à lancer un débat sur ce sujet. Comme s'il y avait des gens qui ne souhaitaient pas ce débat. Enfin, il ne faut pas oublier que le monde musulman est très éclaté; il n'a pas du tout de structure comparable à l’Eglise catholique, par exemple.
Avant «Moi, Khaled Kelkal», vous aviez écrit «Tuez-les tous», où il était question d'un terroriste du 11-Septembre: quelle évolution du terrorisme islamiste Merah incarne-t-il à vos yeux?
Le problème, c’est que tout le monde peut s’approprier ce terrorisme-là. Le norvégien Anders Breivik, même si c’était en invoquant une autre idéologie, a opéré sur le même mode en août dernier. Dans des cas comme ceux-là, on a affaire à des jeunes gens complètement largués, asociaux: ils veulent se venger d’une société qu’ils estiment agressive à leur égard – sur un mode fantasmatique. En ce sens, Merah est assez différent des kamikazes du 11-Septembre. Kelkal était peut-être davantage annonciateur de ce terrorisme-là que du 11-Septembre.
Il reste que ce garçon était français. Est-il aussi l’expression d’un problème français?
L’étonnant, c’est que 17 ans après l’affaire Kelkal, la même chose ou presque se reproduit. C’est donc que l’on n’a pas trouvé le moyen de l’empêcher. Et c'est, au moins en partie, parce que l'on n’a apporté que des réponses sécuritaires au problème posé par certains jeunes gens de banlieues pauvres. C'est absurde. Car ce n’est pas en leur envoyant la BAC qu’on résout ce genre de problème. Convoquer un garçon devant des juges à chaque petit larcin n’est sans doute pas la meilleure méthode pour l'insérer. On leur demande de se débrouiller avec 20% de chômage. Beaucoup vont vers la délinquance, et une minorité vers le fanatisme. Et ça risque d’empirer, ne serait-ce qu’avec la crise économique. Si ça donne 17 ans plus tard un parcours similaire à celui de Khaled Kelkal, c'est bien que la réponse faite à la banlieue n’est pas satisfaisante.
Certaines réactions vous ont-elles choqué?
Pas vraiment. C’est un drame terrible, je comprends qu’il y ait des réactions à chaud, même quand elles sont un peu extrêmes. Ce qui me gêne beaucoup plus, ce sont les réactions extrêmes sur des choses qui ne le sont pas. J’ai été bien plus choqué par les débats sur le hallal ou sur la double nationalité que par les réactions sur la tuerie de Toulouse. Ce sont des sujets qui n’aident pas y voir clair.
Grégoire Leménager
in: http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20120326.OBS4584/mohamed-merah-ressemble-beaucoup-a-khaled-kelkal.html
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Dans la peau de Khaled Kelkal
Étonnante prémonition... À l'heure où de nombreux écrivains puisent dans les faits divers crapoteux pour tenter d'aligner les quelque 200.000 signes requis pour pénétrer les arcanes pseudo sociologiques d'un quelconque dysfonctionnement sociétal (cela va de la séquestration d'enfants marytrs à la transposition homophobe de l'affaire Ilan Halimi en passant par les états d'âme de telle ou telle starlette sans intérêt), l'écrivain Salim Bachi, auteur délicat et styliste, en lice lors du dernier Renaudot, s'est glissé discrètement dans la peau du premier djihadiste de France, Khaled Kelkal, et cela bien avant que Mohamed Merah ne déclenche son carnage toulousain.
Autant dire que son livre risque de connaître dans l'actualité un singulier retentissement. Mais qu'on ne s'y trompe pas. Le livre offre une vraie alternative aux propos insipides de nos intarissables raisonneurs médiatiques. Point de considération d'ex du GIGN sur l'art "d'étourdir" le forcené comme une bête d'abattoir, point de propos d'antennes pour meubler le néant, point de ces polémiques de chasseurs sur la façon de tirer le lapin. Point de clichés moralistes non plus ou de militantisme béat.
C'est par la littérature et la littérature seule que le jeune auteur français (coïncidence, il est né la même année que cet "ennemi public numéro un" qu'il décrit) entend faire surgir la signification de cette aventure tragique renouant en cela avec une des taches sacrées de la littérature: donner des mots à ceux qui en sont privés.
Un exemple. Il est peu probable que de son vivant Kelkal ait pu dire de lui-même "Je n'ai pas encore rencontré mon Andy Wharol. Un jour viendra où un peintre s'emparera de cette image et elle ornera la chambre d'une adolescente". La même adolescente, "poitrine à peine éclose, s'endort et rêve en regardant mon beau visage d'ange exterminateur". Il est peu probable qu'il ait pu ainsi théoriser sa fin: "que tombent les voiles de la nécessité et de la violence,les deux déesses nocturnes de notre monde. On ne peut se soustraire à la foudre une fois le ciel mis en péril".
Dans les années soixante-dix, un autre écrivain de talent, Roger Vrigny avait dans "Un ange passe" frayé les chemins délétères de la conscience terroriste. Il arrive parfois que la fiction dise plus de vérité que toutes les arguties impotentes de prétendus spécialistes. C'est de l'intérieur de son monologue faulknérien que l'auteur Bachi parvient à faire surgir toute la mécanique historique, qui de la banlieue où il a grandi à l'Algérie (son pays natal) qui le rejette, noie Khaled Kelkal dans l'océan de ses frustrations.
Dans ce paysage en ruines, la prison (dans laquelle il est jeté très jeune au motif d'avoir volé la voiture du président de l'Olympique lyonnais, le club de foot local) joue un rôle toxique, "lieu des fiançailles avec le diable". Dans sa cellule lyonnaise, le diable s'appelle Khelif, jeune comme lui et qui pour la première fois paraît comprendre sa souffrance. Khelif qui, pour la première fois, lui dit que sa vie a un sens, Khelif qui l'entraînera sur les chemins de la terreur...
Moi, Khaled Kelkal de Salim Bachi répond on ne peut mieux à la question que se posait Libération au lendemain du carnage toulousain "Comment devient-on Mohamed Merah?" Il pose surtout un regard lucide mais sans complaisance sur l'exclusion et la violence d'une société qui ne sait plus répondre au désespoir de certains.
Jean-Laurent Poli Journaliste et écrivain
26/03/2012
in: http://www.huffingtonpost.fr
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El Watan le 10.03.12
Le dernier roman de Salim Bachi «Moi, Khaled Kelkal»
Comment devient-on l’ennemi public numéro Un ?
Le nouveau roman de Salim Bachi, intitulé Moi, Khaled Kelkal, se lit comme une biographie romancée de celui qui fut désigné, dans les années quatre-vingt dix en France, comme l’ennemi public numéro un. C’est un exercice littéraire qui réussit bien à l’un des meilleurs auteurs algériens qui avait déjà fréquenté cette thématique. On se souvient de Tuez-les tous, où il raconte le parcours d’un des participants aux attentats du 11 septembre 2011 de New York. Avec cette toute nouvelle livraison, c’est l’âme du jeune de la banlieue lyonnaise qui a mobilisé toutes les forces de l’ordre de France, que l’auteur nous propose de pénétrer. Cette fiction emprunte à la réalité historique son déroulement implacable, où l’on voit les drames individuels et collectifs se muer en tragédie. Avec son écriture dépouillée et sobre, Salim Bachi parvient à restituer l’état d’esprit d’un jeune que la société a relégué dans les ténèbres de la bêtise humaine.
La trame du roman n’est pas linéaire et épouse les contours d’un cerveau torturé par l’incompréhension et les coups durs de la vie. Le narrateur, qui n’est autre que Khaled Kelkal, vadrouille dans sa vie comme un explorateur sans boussole. Les événements se succèdent pêle-mêle dans sa tête, puis une sorte de hiérarchie s’établit par elle-même et permet aux pièces du puzzle de s’agencer. D’emblée, on est au cœur de l’action. L’acte inaugural qui met au monde la dure légende de Khaled Kelkal. Elle va naître au cœur de Paris, dans une rame de métro à la station Saint-Michel. Dans cet attentat où les corps déchiquetés portent les stigmates d’une bombe fabriquée sur le tas, Khaled Kelkal et son compère Mehdi savourent à distance les relents sanguinolents d’une victoire longtemps attendue.
Au fur et à mesure que les souvenirs du premier s’égrènent, le lecteur fait connaissance avec une galerie de personnages atypiques. On apprend que Mehdi est l’artificier attitré des groupes armés intégristes en Algérie. Ses méfaits ont causé des centaines de morts à Alger. Devant l’étau des forces anti-terroristes qui se resserre autour de lui, il s’exfiltre en France. Il est chargé d’installer des cellules terroristes à Paris, Lyon et Lille. Il apprend à Khaled Kelkal comment fabriquer une bombe à partir de quelques composants rudimentaires et accessibles. C’est cette rencontre des deux jeunes hommes, Khaled et Mehdi, qui fait entrer en scène Khélif. Il est considéré par Khaled Kelkal comme son maître à penser. Ils se sont connus dans la prison où le futur ennemi public purgeait une peine de quatre ans.
Une condamnation qu’il a jugée disproportionnée par rapport au délit commis. Khaled Kelkal a osé voler la voiture du président de l’Olympique Lyonnais, puis de l’utiliser comme voiture-bélier pour commettre un vol. Lors de la confrontation avec le patron du club-phare, il se rend compte qu’on ne s’attaque pas impunément aux puissants. L’univers carcéral va l’aguerrir et lui faire perdre toutes illusions sur le genre humain. C’est dans ces espaces clos qu’il commet son premier meurtre : «Je me souviens que j’ai dû en planter un dans les douches parce qu’il voulait me voler mes pompes, elles lui plaisaient, il en rêvait, mais dans son cas, ce n’était qu’un prétexte, une entrée en matière, alors j’ai trouvé un autre damné qui m’a procuré une tige en métal».
Ce coup d’éclat l’aide à se faire respecter parmi les autres prisonniers. Après ce qui s’apparente à une grève de la faim, il tombe dans la même cellule que Khélif qui va l’endoctriner et l’initier à une pratique religieuse fondée sur le rejet de l’autre. Khaled Kelkal rejoint rapidement la légion des soldats de la foi prêts à en découdre avec tous les mécréants qui peuplent la terre. Bénéficiant d’une remise de peine pour bonne conduite, il retrouve Khélif qui lui facilite l’enrôlement dans la cellule terroriste de Lyon. Les attentats en France, en exploitant le désœuvrement et l’absence de repères des jeunes de banlieues, aideront à donner un second souffle aux maquis intégristes défaits en Algérie.
Il évoque aussi une autre personne qui a compté dans sa vie : sa femme, Linda, qu’il décrit comme le diable incarné. Il l’accuse même d’avoir tout fait pour le séduire afin qu’elle l’épouse alors qu’elle n’aurait été qu’une fille de petite vertu : «Linda était de cette qualité de femmes qui prolifèrent ici. Je ne les aime pas beaucoup. Ce genre sans opinion suit le troupeau et se fond dans le milieu comme un caméléon». Il se débarrasse d’elle et repart en Algérie pour prendre le pouls de son pays natal. Son séjour coïncide avec les années noires du terrorisme. Mostaganem et son cousin Faouzi achèvent une bonne fois tous ses espoirs de s’y installer. Faouzi fait tout pour le dissuader et le faire revenir en France.
Le dernier épisode de sa vie va se jouer sur l’échec de l’attentat à la bombe qu’il a posée sur la ligne TGV Lyon-Paris. La bonbonne de gaz n’ explose pas au passage du train. La police scientifique entre en scène et retrouve sa trace grâce aux empreintes digitales. Sentant le danger, il s’enfuit dans les forêts environnantes du Rhône avant d’être abattu sous l’œil des caméras de télévision. Avec le récit de cette histoire d’outre-tombe, l’auteur ne cherche à susciter ni émotion ni compassion, mais juste donner à voir une trajectoire terrible et criminelle en faisant éventuellement réfléchir le lecteur sur sa survenance. Salim Bachi a su restituer avec talent tous les avatars d’une vie tumultueuse et tragique.
*Salim Bachi. «Moi, Khaled Kelkal», Ed. Grasset, Paris, 2012.
Slimane Aït Sidhoum
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http://bibliobs.nouvelobs.com
Dans la tête de Khaled Kelkal - le 15-03-2012
Salim Bachi, l'auteur de «Tuez-les tous» et du «Silence de Mahomet», s'est glissé dans la cervelle détraquée du terroriste dont le nom claque encore comme celui d'un des pires cauchemars de la France des années 1990.
Vous verrez qu'il se trouvera un jour un romancier assez gonflé pour écrire l'autobiographie fictive de Ben Laden. Salim Bachi, peut-être? L'auteur de «Tuez-les tous» et du «Silence de Mahomet» s'était risqué, en 2006, à raconter les dernières heures d'un kamikaze du 11-Septembre. Le voici qui récidive en se glissant dans la cervelle détraquée de Khaled Kelkal, dont le nom claque encore comme celui d'un des pires cauchemars de la France des années 1990.
Comment un petit voyou de Vaulx-en-Velin devient-il ennemi public n°1? Comment se laisse-t-on convaincre de semer des bonbonnes de gaz pleines de clous avec la régularité d'un distributeur de tracts contre la réforme des retraites? Comment peut-on crever, à 24 ans, troué par onze balles sous le regard obscène du JT et les cris tendus d'un gendarme («Finis-le! Finis-le!»)?
On l'a fini. Le 29 septembre 1995, deux mois et quatre jours après l'attentat du RER Saint-Michel, ses huit morts et sa centaine de blessés: «Justice a été faite devant une caméra de la télévision, au lieu-dit Maison-Blanche, non loin des contreforts du Lyonnais.»
Parce que personne ne saura jamais, faute de procès, quelle bouillie conceptuelle macérait sous le crâne de cet «archange exterminateur», Bachi l'a imaginé. Son bref roman est un étrange monologue d'outre-tombe, plein de fureur et de versets sataniques, où ce que Camus appelait la «casuistique du sang» vire à la confusion mentale.
On y retrouve les étapes d'un parcours hélas classique: le racisme ordinaire subi par un jeune Algérien déraciné; les vols de bagnole «sans réfléchir»; la prison, surtout, où il n'y a guère qu'un certain Khélif pour le sauver du suicide, et le regonfler en évoquant Khalid Ibn al-Walid, cet homonyme qui «devint le plus grand guerrier de l'histoire» au côté de Mahomet.
Si le Khaled Kelkal de Bachi fait froid dans le dos, ce n'est pas seulement parce qu'il se perçoit comme un «glaive de l'islam» décidé à exécuter «les innocents coupables d'ignorer». C'est parce qu'il est ce que seul un écrivain pouvait montrer: un pauvre type transformé en «poupée ventriloque», une sorte de conscience vide où les mots des autres se bousculent et dansent, jusqu'au vertige.
Grégoire Leménager
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http://www.humanite.fr
1 Mars 2012 - Littérature
Une autobiographie fictive de Khaled Kelkal
L’écrivain algérien Salim Bachi, né en 1971, revient sur le personnage du jeune délinquant devenu terroriste et abattu par les forces de l’ordre en 1995.
Moi, Khaled Kelkal,de Salim Bachi. Grasset, 136 pages, 15 euros. L’écrivain algérien Salim Bachi se met dans la peau de celui qui fut désigné comme l’ennemi public numéro un à 24 ans, après l’attentat qui fit huit morts et une centaine de blessés, le 25 juillet 1995, à la station Saint-Michel. Interpellé deux mois plus tard, il est abattu de onze balles par les parachutistes de l’Epign. Le projet de Salim Bachi semble à première vue rejoindre l’engouement d’un nombre croissant d’auteurs délaissant peu ou prou l’autofiction pour la vie de personnages qui furent un temps sous les feux de l’actualité. Le romancier, en la matière, n’en est pas à son coup d’essai. Dans Tuez-les tous (2006), il mettait ses pas dans ceux de l’un des terroristes des Twin Towers. Dans Amours et aventures de Sindbad le Marin (2010), il devenait Sindbad, un héros postmoderne dans un monde globalisé. Auparavant, avec le Silence de Mahomet (2008), le prophète en personne disait « je » dans le texte. En 2003, le narrateur de la Kahéna n’était autre qu’un colon revenu en Algérie en 1990, tandis que le Chien d’Ulysse (2001, prix Goncourt du premier roman) mettait en scène un Ulysse algérien.
Cette fois, cela ressemble au journal d’un condamné à mort lucide, capable de faire son propre procès en même temps que celui de l’époque et d’une société qui le refuse. Fils d’émigrés algériens, né à Mostaganem en 1971, Khaled Kelkal arrive en France deux ans plus tard pour rejoindre son père ouvrier à Vaulx-en-Velin. L’engrenage fatal a lieu dès le licenciement du paternel. Kelkal est arrêté pour casses à la voiture bélier. C’est en prison, cet « anus du monde », qu’il se lie avec Khélif qui fait son éducation religieuse À sa sortie c’est Mehdi, « un salaud intégral avant d’être un croyant intégriste », qui sera là pour activer le processus qui mènera Kelkal à la mort. Une langue constamment rugueuse, violente à dessein fait tout le prix de ce compte rendu sans concession d’une révolte. L’écriture procède par retours en arrière, répétitions voulues, citations détournées, phrases à l’emporte-pièce. L’auteur évoque aussi le paradis perdu d’une brève enfance en Algérie, quand « l’islam n’était pas encore advenu », puis remonte plus loin encore, jusqu’à ce tableau vivement brossé d’un Maghreb rouge où l’on se nourrissait de « patates socialistes ».
M. S.
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