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samedi, avril 07, 2012

314 - Boualem SANSAL à Marseille

 


Dans le cadre du cycle "Escales en librairies", programmé par l'association Libraires à Marseille, la librairie « l’attrape-mots », qui se trouve au 212 rue de Paradis à Marseille a reçu hier soir vendredi, l’écrivain Boualem Sansal. La rencontre, qui a duré une heure trente, a été animée par la directrice des lieux, madame Agnès Gateff. Une cinquantaine de personnes a assisté à la séance.

En ouverture, madame Gateff a demandé à Boualem Sansal d’évoquer sa participation au récent colloque qui s’est tenu au théâtre de la Criée « La guerre d’Algérie 50 ans après ». 

 
L’écrivain a insisté sur le débat entre madame Drif Zohra (militante FLN durant la guerre de libération) et Bernard Henri Levy, celui-ci lui demandant, insistant, de s’expliquer, voire même de s’excuser d’avoir utilisé le terrorisme. En réponse dit Sansal, madame Drif a répondu en substance, « je suis prête à reconnaître que nous avons utilisé le terrorisme, si vous acceptez, si la France accepte de reconnaître qu’elle ne nous a laissé de choix que celui du terrorisme. » Pour l’auteur algérien, ce colloque est un déclic, un début à une nouvelle page de discussion, à l’avenir nécessairement plus sereine, sur la guerre contre l’Algérie, la guerre d’indépendance.

Puis Boualem Sansal a évoqué le rapport des Allemands avec la seconde guerre mondiale, avec les crimes commis par leurs parents, pour dire que son roman, Le village de l’Allemand (plusieurs prix), a introduit dans la société allemande qui avait en quelque sorte « atteint une certaine sérénité » par rapport à la question, une interrogation profonde : « sommes-nous, nous Allemands, responsables des crimes commis par nos parents ? pour répondre que nous ne pouvons qu’hériter de l’histoire dans sa totalité, de son actif comme de son passif. Puis d’ajouter, « des Rachel il y en a des tas en Allemagne, certains se sont même suicidés, d’autres se sont convertis au judaïsme et sont devenus des ultras défenseurs de l’Etat d’Israël, quoi qu’il fasse ». Pour rappel, Rachel est, dans Le village de l’Allemand, l’un des deux fils du nazi Hans Schiller qui finira ses jours en Algérie après avoir été instructeur au sein du FLN. Rachel va vivre une culpabilité croissante au fur et à mesure qu’il découvre les horreurs du passé de son père, une culpabilité qui le mènera au suicide. Il n’a pu assumer le passé nazi de son père.

Sansal a largement développé la question de l’identité éclatée (ou plurielle) de l’Algérie du fait de son histoire, une région colonisée des centaines d’années, et jusqu’aux « printemps arabes »…

Pour faire lien avec ces questions, madame Agnès Gateff puis l’auteur, ont lu des extraits de Rue Darwin, le dernier des romans de Boualem Sansal. A la demande de l’animatrice, qui l’interrogea sur les « printemps arabes et l’Algérie » , Sansal fera un long développement sur l’Algérie, depuis octobre 1988. Un printemps raté, « l’armée a tiré sur les gens, elle a provoqué le divorce… L’expérience montre que lorsque les islamistes, les fascistes s’installent quelque part, ils renforcent tellement leurs positions qu’ils deviennent inamovibles. Mais il faut espérer qu’il y aura d’autres printemps. »
A une question à propos du « monolithisme islamiste » il dira qu’ « il y a autant d’islamismes que d’islamistes »
A une autre interrogation (plusieurs même) sur la part de l’autobiographie dans Rue Darwin, Sansal répond « C’est un roman que j’ai écrit sous cette forme autobiographique, mais en fait je me suis appuyé sur plusieurs vies. Ma famille est grande, et je ne voudrais pas me faire trucider ! »
Lorsqu’une auditrice lui pose une question sur ce « cher Daoud » du roman, le jeune homme ostracisé par sa société, qui émigre à Paris, Sansal dit « Comme Daoud avait des penchants homosexuels et qu’on pensait que cela se soignait, on l’a envoyé en Suisse… On a pensé qu’il était mort… mais le hasard de la vie a fait que je l’ai rencontré à Paris, nous avons passé deux années ensemble.. ». « Vous voyez l'interrompt l’animatrice, en racontant l’histoire vous dites ‘‘je’’, vous troublez le lecteur, l’auditeur, où est la part de la vérité, de la fiction, de l’imaginaire ? » Boualem Sansal invite le lecteur, si la question lui paraît importante, à décider lui-même de la part de vérité et de celle de la fiction dans son roman, dans ses romans.
Très agréable soirée.

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