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Tôt le matin du lundi, partiellement remis des effets du décalage
horaire, Omar et Véro prennent un Airbus 320 en direction d’Edmonton et
aussitôt arrivés, sans même quitter le tarmac, ils s’introduisent dans un
Bombardier de la compagnie Jazz-Air d’une cinquantaine de places à destination
de Yellowknife. Le temps est chaud et pluvieux, mais moins pesant que la
veille. Les cinq heures de vol furent plus dures à supporter que l’ensemble des
films de série B diffusés durant la traversée de l’océan. Ils atterrissent à
Yellowknife au début de l’après-midi sous une pluie battante. Au cœur de
l’aérogare, un gros ours polaire naturalisé brave l’indifférence des usagers.
Il trône, les pattes arrière en l’air, sur une élévation figurant un imposant
bloc de glace, posé lui-même au centre du tapis roulant pour bagages. Les
valises sont délivrées dans le quart d’heure qui suit. Omar se dirige
directement vers un grand homme aux cheveux roux qui tient une pancarte sur
laquelle est écrit son nom, en caractères d’imprimerie et en majuscules. Marc Walper, qui est journaliste à Radio Canada les attend comme prévu. Il porte une
chemise bigarrée, un jean et un chapeau texan dont la couleur est assortie à
son visage couvert de taches de rousseur. Il doit frôler la quarantaine. Marc
arbore un large sourire. La poignée de main est longue et sincère. Omar le
prend aussitôt en sympathie.
Sur la route qui mène de l’aéroport à la villa de Marc, où ils sont
invités à boire un verre et à faire plus ample connaissance, les Marseillais
sont surpris, non par la quantité des feux tricolores ou par les nombreux
véhicules tout terrain – des mastodontes –, mais par des fils électriques qui
pendillent à travers le capot des voitures. Ils ne prêtèrent pas attention à
ceux qui sont scotchés sur la calandre de la GMC Sierra de Marc. À quoi
servent-ils ?
« C’est ‘‘le chauffe-moteur’’, on dit ici bloc-heater » explique Marc en anglais. Il articule et parle lentement en glissant de temps à autre des mots en français. « Tous les véhicules en possèdent dans le Grand Nord. C’est pour les faire démarrer à partir de prises électriques chez soi, ou de bornes en ville, auxquelles ces fils sont ‘‘branchés.’’ On en trouve un peu partout. » Marc précise qu’on n’utilise le chauffe-moteur qu’en hiver lorsque le thermomètre atteint quinze degrés au-dessous de zéro Celsius ou quand il descend plus bas. Certaines semaines des premiers mois de l’année, les températures de moins quarante sont fréquentes. Ils arrivent à destination : Marc et sa petite famille habitent dans un grand chalet à l’entrée de la ville entre les lacs Frame et Kam. Karin, sa compagne, les accueille avec un large sourire. Elle connaît le sud de la France pour y avoir séjourné au début des années quatre-vingt-dix. Elle étudiait au CFMI, le Centre de formation des musiciens intervenants de la faculté d’Aix. Aujourd’hui elle est professeure de musique dans plusieurs collèges des Territoires du Nord. Karin parle donc français, mais son accent est abrupt, plus compact que celui des Québécois. Elle est née et a grandi à Gatineau, une ville francophone à la périphérie d’Ottawa. Évidemment, dans la discussion elle entraîne ses auditeurs dans les beaux villages de Provence. Elle aime à évoquer l’Île de la Sorgue, Marseille, Le Puy-Sainte-Réparade, Meyrargues, La Camargue, les marchés odorants avec leurs étals d’olives et d’huile, de tapenades, de savon et de lavande… autant de villages, de lieux qu’elle adorait arpenter. « Mais, tient-elle à préciser, je n’aime pas la Corrida. » Elle fait un geste brusque de la main comme pour chasser la vision d’une mise à mort. Le couple est heureux de les recevoir. Marc leur parle de Yellowknife et du Nord canadien. Lui est né à Saskatoon, la capitale du Saskatchewan. Il y passa sa jeunesse, étudia les Lettres à l’Université. Puis il se tourna vers les médias. Depuis près de huit ans, il travaille pour la CBC-North. Il réalise des reportages sur les villes, les Autochtones, les rennes et la toundra… C’est à Yellowknife que Marc et Karin se rencontrèrent. C’est une jolie ville d’environ vingt mille habitants. Sa latitude est : 62°27’16’’ nord, sa longitude : 114°22’35’’ ouest. L’écrasante majorité de la population est anglophone. Onze langues sont considérées comme officielles dans les Territoires du Nord-Ouest. À Yellowknife on parle le slavey, le déné, le dogrib ou flanc-de-chien qui sont parmi les langues des Premières nations. L’anglais est très employé, le français moins. Le nombre des francophones dans ces régions du grand nord est très peu important. Yellowknife est adossée au Grand lac des Esclaves. Son nom lui vient d’un ancien temps, quand une tribu d’Indiens utilisait des couteaux de cuivre éponymes. En peu de temps Véro et Omar apprennent beaucoup sur leurs hôtes, sur les TNO et sur la diversité des populations. Mais les Marseillais s’étonnent que Karin et Marc n’aient jamais entendu parler de la mosquée d’Inuvik. Omar extrait de son sac à dos une chemise dans laquelle se trouvent de nombreux documents dont un article en anglais de CBC-News intitulé « Arctic mosque lands safely in Inuvik » daté de septembre dernier qu’il donne à Karin. Le papier relate le long voyage de la mosquée. Lorsqu’elle finit de le lire elle s’exclame « Wow, my god, 4.000 kilometres road and river ! » puis le tend à Marc qui n’en revient pas non plus « It’s crazy, it’s incredible ! » fait-il. Karin demande à Véro et à Omar comment ils comptent se rendre jusqu’à la mer de Beaufort. « Inuvik se trouve à près de deux mille cinq cents miles d’ici, vous savez ». À ce propos, Marc leur apprend que Jacques, le cousin de Fred Latraverse, parti en vacances dans son ranch en Patagonie tout l’été, leur confie aussi son camping-car. Un Volkswagen Westfalia Kombi qu’ils pourront utiliser à leur guise jusqu’à Whitehorse. Au-delà, il leur conseille de louer un 4X4, « le Kombi ne tiendra pas sur les graviers de la Dempster ». La Dempster est la route qui relie Dawson City à Inuvik. Elle n’est pas bitumée. Les Marseillais se regardent. Ils sourient, puis rient franchement. Cette proposition de Jacques les ravit. Ils ne savent comment remercier. Ils disent qu’ils avaient prévu de réserver un véhicule dans une agence à Yellowknife. Ils le feront donc à Whitehorse.
« C’est ‘‘le chauffe-moteur’’, on dit ici bloc-heater » explique Marc en anglais. Il articule et parle lentement en glissant de temps à autre des mots en français. « Tous les véhicules en possèdent dans le Grand Nord. C’est pour les faire démarrer à partir de prises électriques chez soi, ou de bornes en ville, auxquelles ces fils sont ‘‘branchés.’’ On en trouve un peu partout. » Marc précise qu’on n’utilise le chauffe-moteur qu’en hiver lorsque le thermomètre atteint quinze degrés au-dessous de zéro Celsius ou quand il descend plus bas. Certaines semaines des premiers mois de l’année, les températures de moins quarante sont fréquentes. Ils arrivent à destination : Marc et sa petite famille habitent dans un grand chalet à l’entrée de la ville entre les lacs Frame et Kam. Karin, sa compagne, les accueille avec un large sourire. Elle connaît le sud de la France pour y avoir séjourné au début des années quatre-vingt-dix. Elle étudiait au CFMI, le Centre de formation des musiciens intervenants de la faculté d’Aix. Aujourd’hui elle est professeure de musique dans plusieurs collèges des Territoires du Nord. Karin parle donc français, mais son accent est abrupt, plus compact que celui des Québécois. Elle est née et a grandi à Gatineau, une ville francophone à la périphérie d’Ottawa. Évidemment, dans la discussion elle entraîne ses auditeurs dans les beaux villages de Provence. Elle aime à évoquer l’Île de la Sorgue, Marseille, Le Puy-Sainte-Réparade, Meyrargues, La Camargue, les marchés odorants avec leurs étals d’olives et d’huile, de tapenades, de savon et de lavande… autant de villages, de lieux qu’elle adorait arpenter. « Mais, tient-elle à préciser, je n’aime pas la Corrida. » Elle fait un geste brusque de la main comme pour chasser la vision d’une mise à mort. Le couple est heureux de les recevoir. Marc leur parle de Yellowknife et du Nord canadien. Lui est né à Saskatoon, la capitale du Saskatchewan. Il y passa sa jeunesse, étudia les Lettres à l’Université. Puis il se tourna vers les médias. Depuis près de huit ans, il travaille pour la CBC-North. Il réalise des reportages sur les villes, les Autochtones, les rennes et la toundra… C’est à Yellowknife que Marc et Karin se rencontrèrent. C’est une jolie ville d’environ vingt mille habitants. Sa latitude est : 62°27’16’’ nord, sa longitude : 114°22’35’’ ouest. L’écrasante majorité de la population est anglophone. Onze langues sont considérées comme officielles dans les Territoires du Nord-Ouest. À Yellowknife on parle le slavey, le déné, le dogrib ou flanc-de-chien qui sont parmi les langues des Premières nations. L’anglais est très employé, le français moins. Le nombre des francophones dans ces régions du grand nord est très peu important. Yellowknife est adossée au Grand lac des Esclaves. Son nom lui vient d’un ancien temps, quand une tribu d’Indiens utilisait des couteaux de cuivre éponymes. En peu de temps Véro et Omar apprennent beaucoup sur leurs hôtes, sur les TNO et sur la diversité des populations. Mais les Marseillais s’étonnent que Karin et Marc n’aient jamais entendu parler de la mosquée d’Inuvik. Omar extrait de son sac à dos une chemise dans laquelle se trouvent de nombreux documents dont un article en anglais de CBC-News intitulé « Arctic mosque lands safely in Inuvik » daté de septembre dernier qu’il donne à Karin. Le papier relate le long voyage de la mosquée. Lorsqu’elle finit de le lire elle s’exclame « Wow, my god, 4.000 kilometres road and river ! » puis le tend à Marc qui n’en revient pas non plus « It’s crazy, it’s incredible ! » fait-il. Karin demande à Véro et à Omar comment ils comptent se rendre jusqu’à la mer de Beaufort. « Inuvik se trouve à près de deux mille cinq cents miles d’ici, vous savez ». À ce propos, Marc leur apprend que Jacques, le cousin de Fred Latraverse, parti en vacances dans son ranch en Patagonie tout l’été, leur confie aussi son camping-car. Un Volkswagen Westfalia Kombi qu’ils pourront utiliser à leur guise jusqu’à Whitehorse. Au-delà, il leur conseille de louer un 4X4, « le Kombi ne tiendra pas sur les graviers de la Dempster ». La Dempster est la route qui relie Dawson City à Inuvik. Elle n’est pas bitumée. Les Marseillais se regardent. Ils sourient, puis rient franchement. Cette proposition de Jacques les ravit. Ils ne savent comment remercier. Ils disent qu’ils avaient prévu de réserver un véhicule dans une agence à Yellowknife. Ils le feront donc à Whitehorse.
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