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samedi, septembre 06, 2025

946_ UNE FLOTTILLE POUR GAZA (SUITE)




 Il y a une présentation (avant la flottille)...

Puis, plus bas, la flottille.


Puis un fichier avec tous les articles de presse.

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Samedi 6 septembre 2025

Une pensée occupe mon esprit comme une rengaine. Elle a la forme d’une découverte, peut-être même d’une révélation. Je me répète « j’ai délaissé les mots ». Mon carnet de notes actuel - il porte le numéro 39 - entamé le mardi 12 août est dégarni. Des dates, des noms de personnes, des numéros de téléphone. C’est tout. Quelques phrases éparses, plutôt superficielles ou prosaïques, se partagent les premiers feuillets. Depuis mon retour d’Oran, j’ai pris peu de notes. Le tourbillon né de la publication de mon dernier roman et toute l’agitation désordonnée qui en a découlé, s’est comme essoufflée. Six années le nez dans le guidon des mots, pardonnez-moi, s’achèvent. Une page se tourne. Certes je peux y revenir si l’occasion m’en est donnée. J’entends par occasion, des moments de lectures, d’ateliers, de rencontres littéraires. Mais pour l’heure on n’en est pas là.

Six années donc, de grande tension, s’achèvent. Et je me suis retrouvé comme dépouillé, dépourvu. Soudainement nu. Certes le visuel a pris le dessus. J’ai rarement autant utilisé l’appareil photo de mon téléphone portable que depuis cet été. Une raison raisonnable si j’ose dire est celle de la saturation qui me guettait. Il fallait que je m’extraie de la folie de cette dernière fiction qui a emporté tout mon possible depuis l’année du Covid 2019. Et je m’en suis extrait. Sans effort. Naturellement. Logiquement. Complètement essoufflé. Une boucle qui se referme. Je me dis aujourd’hui que l’expérience présente pourrait prendre la relève. Une expérience née de mon récent voyage en Égypte. J’y reviendrai. Je reviendrai (oh que oui !) sur l’expérience présente, quant à l’Égypte, vous pouvez vous référer à mon blog (ici https://leblogdeahmedhanifi.blogspot.com/2025/06/919-marche-pour-gaza-le-caire-01.html) de l’article 919 au 930.

Mon carnet 39 indique en sa première page, « 12 août », puis « motivations, convictions », « 18 heures ». Il s’agit d’un rendez-vous avec une responsable d’une association humanitaire (j’écris « responsable » au sens de chef à dessein, car des chefs et des petits-chefs (mentalité de) il y en a dans les assoc. Des paniers de crabes, je vous le dis. Pour cette dame je n’en sais rien, mais mon expérience des assoc depuis les années 80 me le rappelle) . Quels apports pourraient être les miens dans mon offre de service ? 

Et les semaines se bousculèrent.

Il y a eu Valence le 21 août. Durant quatre jours, La France Insoumise y déroula, précisément à Châteauneuf-sur-Isère, son programme politique, ses formations, ses conférences. La plupart de ses leaders se sont déplacés. Beaucoup de jeunes et beaucoup d’espoir. J’ai pris un studio dans le quartier du Grand Charran. Pas un centimètre n’est de trop.        Durant quatre jours j’ai emprunté la navette depuis le boulevard Bancel jusqu’à l’espace évènementiel  « O lac » lieu des manifestations.  Un lieu situé dans « un cadre naturel avec un parc arboré et un lac pittoresque, en plein cœur de la campagne drômoise » dit la pub. 

Et cette immersion dans Woff. Je dis et écris « Woff » pour nommer l’association Waves of Freedom - France (il y a une sœur jumelle en Suisse). Car Waves est une association à deux têtes (ou deux associations sœurs). Elle a été fondée par deux amis médecins, Yacine Haffaf pour la France (il vit dans l’Île de la Réunion) et Hicham El Ghaoui (en Suisse).

J’y suis entré sur les chapeaux de roue, perturbé toutefois par la nécessité de travailler sur des outils informatiques que je ne connaissais pas du tout jusque-là ou très peu (Proton, Signal, Télégram, Zoom...). Des outils de haute performance s’agissant de la confidentialité et de la cryptographie. Les Facebook, Messenger, WhatsApp, Google, ne les remercieront jamais assez.

J’ai plongé donc dans Waves, tête baissée. Mais... (ce mais-là est chargé, très chargé, vous en saurez plus dans deux ou trois ans) la première semaine d’août. Il y a urgence. Structurer le mouvement et nous donner les moyens pour apporter la meilleure aide possible aux Palestiniens. Nombre de marcheurs interdits du Caire ou d’Ismaïlia (comme je le fus)  s’y retrouvent. En quelques semaines, les petites mains de youtubeurs, instagrammeurs, tiktokeurs...webmasters, infographeurs, développeurs... ont fait des miracles. Ne parlons pas des « anciens », ils sont formidables. On m’a intégré pour écrire... 

Cela fait un mois maintenant. Les petites machines sont adossées à la grosse Sumud. Et les voiles sont au vent. Il y eut Barcelone (lire ici, N° 944, 945 :  https://leblogdeahmedhanifi.blogspot.com/2025/09/945-global-sumud-flotilla-waves-of.html)

Aujourd’hui les bateaux sont repartis de Barcelone, demain de Tunis...

 Et les amis embarqués écrivent un Carnet de bord au jour le jour. Voici les premiers textes qu’on peut lire à la rubrique « Carnet de bord »,  du site de WOFF ( waves-of-freedom.fr/) :

Barcelone le 31 août 2025, De Prune, MSF :

« Cela fait plusieurs jours déjà que nous sommes des centaines, rassemblé·es à Barcelone, à organiser notre départ vers Gaza. Aujourd'hui, d'un coup, toute fatigue s'est dissipée. La résistance du peuple palestinien nous revigore.

Ce matin, nous nous retrouvons au port, où les participant·es des derniers bateaux ayant tenté de briser le blocus donnent une conférence de presse. Il y a déjà du monde ; des milliers de personnes convergent et scandent la libération de la Palestine dans une myriade de langues.

Vers 14 h, l'action s'intensifie ; nous recevons nos assignations sur les embarcations. Les membres de la délégation française se dispersent dans les différents bateaux, voiliers, navires à moteur, embarcations de toutes dimensions. Tous unis par un même objectif : ouvrir un corridor humanitaire et rendre visible le soutien international à la lutte du peuple palestinien.

Vers 16h, des dizaines de bateaux prennent la mer sous les cris de « Free Free Palestine », « Nous sommes tous des enfants de Gaza », « Stop Génocide ».

Conscients des risques, la traversée sera longue et difficile, mais nous sommes prêts. »

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D’Adrien, Webmaster (Audio) : « La journée a commencé à neuf heures avec différentes prises de parole, suivies d'une conférence de presse entre onze heures et midi.

Convoqués vers 13h, nous avons embarqué à 15h. Le spectacle était grandiose : danseurs, chanteurs et bateaux en origami flottant autour de nous. Environ 10 000 personnes étaient présentes, c’est fou.

Sur le bateau, face à cette foule venue nous soutenir, l'émotion m'a submergé. Tous ces gens qui s'étaient déplacés pour la cause palestinienne, c'était incroyable.

Nous avons finalement quitté le port vers 16h ». 

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Barcelone, dimanche 1° septembre 2025, De Yanick, chirurgien.

Journée consacrée à régler les multiples problèmes techniques avant de repartir, mais aussi à répartir harmonieusement les médecins et infirmiers sur les différents bateaux. Je change à nouveau de navire pour le « Jeannot 3 », beau bateau de 11,50 m qui n'avait aucun nid/ou nif.

Le départ est imminent. Les nouvelles qui arrivent d'Israël ne sont pas particulièrement rassurantes : serons-nous considérés et jugés comme terroristes ? Moisirons-nous en prison ? Mon unique spray anti-punaises va-t-il suffire ? D'autres nouvelles sont plus encourageantes, notamment la décision des dockers italiens de bloquer le port de Gênes si les bateaux de la flottille voient leurs communications interrompues.

Le mardi, 2 septembre 2025

Le mal de mer s'est emparé des membres de la flottille, qui relatent tous une nuit particulièrement éprouvante, rythmée par des vomissements, des crampes et des vertiges. Cette épreuve a résonné comme une piqûre de rappel, bien qu'à une échelle infinitésimale, de la souffrance quotidienne que traverse le peuple palestinien sous les bombardements incessants. Alors que la famine ravage Gaza et que le génocide en cours décime des familles entières, leur inconfort passager prend une dimension dérisoire.

Malgré l'épuisement physique, passagers et équipages gardaient présente à l'esprit la raison d'être de cette mission humanitaire. Les obstacles ne cessent de s'accumuler : conditions météorologiques adverses, matériel défaillant, fatigue générale. Pourtant, ces difficultés ont produit un effet paradoxal. Face à ces épreuves successives, une cohésion s'est développée, renforçant leur détermination. Loin de décourager les participants, l'adversité a consolidé leur engagement.

Tous les témoignages écrits, audio et vidéo vont dans ce sens.

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De Brahim, GMTG (audio)

2ème départ de Barcelone – 5h du matin. La route sera pavée d'épreuves. Premier jour de mise à l'eau. Nous sommes déjà pris dans une tempête vraiment agressive. Ce sera notre lot, en fait. De jour en jour, nous allons être confrontés à d'autres défis, mais qui ne sont rien comparés à la situation de Gaza.

Des difficultés tous les jours, sachant que nous atteindrons notre objectif.

Donc, là, nous nous écartons de la route pour récupérer les amis en difficulté. Tenir notre objectif, rester Sumud. Je rappelle à tous mes amis, à tous mes camarades que nous rencontrerons des obstacles. C'est là qu'il faut montrer notre force, notre détermination par rapport à cet événement énorme.

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De Yanick, médecin

En mer, au large de l’Espagne. Quelques malades à bord, ça roule pas mal en effet ! Mauvaise idée de vomir dans un des deux éviers qui se bouche. Tentative de débouchage à l'acétone, ça n'a pas l'air de marcher, et maintenant ça pue, l'acétone partout ! La croisière s'amuse.

En vue des Baléares ! On passera au milieu ! Mais si la police à Barcelone a été particulièrement tolérante, cela risque de ne pas être le cas aux Baléares (extrême droite ?).
Notre Starlink n'était pas fonctionnel et j'ai loupé l'interview avec la journaliste canadienne.

Parmi notre équipage, un avocat d’une ONG s’est trouvé pénalisé pendant cette panne, ne pouvant suivre ses dossiers en ligne !

Deux bateaux ont dû faire demi-tour en raison de problèmes techniques.

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Mercredi, 3 septembre 2025

En mer pour Gaza

De Malika

Jour ? Je ne sais plus – quelque part entre le large et la conscience.

Je ne dors plus beaucoup. Non pas à cause du tangage du bateau ou du bruit des moteurs, mais parce que mon esprit est en ébullition. Je suis à bord de cette flottille pour briser le blocus de Gaza, et, à vrai dire, je suis venu avec un mélange de colère, de tristesse, et une sorte de besoin vital de faire quelque chose. Peut-être même pour me sauver moi-même d'un sentiment d'impuissance qui me rongeait depuis des mois.

Trop d'images insoutenables, trop de silences aussi. Trop de normalité dans l'indifférence générale. J'avais besoin de me lever, de prendre le large, au sens propre. Pas pour fuir, mais pour aller au-devant. Pour aller vers Gaza.

Et puis, il y a eu l'embarquement. Ce moment suspendu où des inconnus deviennent peu à peu des compagnons de route, de lutte, presque une famille improvisée. Je ne connaissais personne à bord il y a encore quelques jours. Aujourd'hui, j'ai l'impression de les connaître depuis toujours. Nous venons d'Italie, de France, de Pologne, de Malaisie, d'Allemagne… une mosaïque d'origines, d'histoires et d'accents, unie par un seul cap : la justice.

Ce bateau, c'est devenu un monde à part. Un monde où la solidarité n'est pas un concept, mais une réalité palpable. On partage le peu que l'on a. On s'écoute. On se respecte. On se parle, on rit souvent, malgré l'inquiétude au fond du ventre. Et dans ce petit espace flottant, Gaza est là, déjà, avec nous. Gaza nous parle. Gaza nous rassemble.

Avant de partir, on m'a demandé : « Mais qu'est-ce que tu espères vraiment changer avec ça ? » Je n'ai pas répondu. Parce que ce n'est pas seulement une question d'impact visible. C'est une question de dignité. Aller vers Gaza, c'est dire que nous ne nous résignons pas. C'est porter un message, c'est briser le silence autant que le blocus. C'est poser un acte humain face à une injustice inhumaine.

Ce qui est fou, c'est que cette traversée, je croyais l'avoir entreprise pour donner quelque chose à Gaza. Mais c'est Gaza qui, depuis le début, nous donne tant. Une leçon de courage, de résistance, d'humanité. Ce peuple assiégé nous enseigne ce que c'est que de tenir debout. Ce que c'est que de rester digne.

Gaza nous a réunis. Gaza nous a transformés. Gaza est à la fois notre destination… et notre boussole.

Je ne sais pas ce qui nous attend à l'arrivée. Mais je sais une chose : je ne suis plus seul. Nous sommes là. Ensemble. Et nous continuerons.

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De Yanick, médecin

N, coordo, crâne à demi rasé, des tatouages partout, toujours à rire : un trésor !

E, jeune Chilienne, nous quitte à Minorque, problèmes familiaux… et surtout seasick !

Une habitante de Minorque nous rejoint à la nage à notre mouillage, juste pour nous encourager…

Le bord s'organise, Starlink est branché, départ a priori demain…

Notre caméra à bord s'allume très fort par intermittence. Test ? Défaut ? En pleine nuit, ça risque d'être gênant.

La réunion d’aujourd’hui avec les organisateurs a insisté sur la nécessité absolue de rester groupés en flottille, et c'est vrai que le fait de naviguer rapprochés est très fort pour le moral et, bien entendu, pour la sécurité.

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Jeudi, 4 septembre 2025

De Yanick, médecin

Escale d’un peu plus de 24 heures à Minorque. Nous sommes très exposés à des actions malveillantes, car dispersés dans plusieurs endroits touristiques et également à des témoignages malveillants nous présentant comme des « sub-touristes » profitant de la beauté du coin, baignades. Il nous faut être discrets.

Au moment du départ, plus de batterie ! Pannes en série. J’admire Paco notre skipper, qui reste en toute situation calme. Changement de batterie à la dernière minute et la flottille se regroupe enfin devant Minorque. 17 bateaux, le bonheur. Nous serons rejoints par ceux partis en retard de Barcelone, et ceux de Majorque.

Le petit-fils de Mandela nous rejoindra à Tunis. Il était déjà parmi nous en Égypte et bien sûr, Jef, frère de lutte, pose avec lui… 

Somptueux coucher de soleil sur la flottille qui reste soudée maintenant, sentiment de sécurité, même s’il va falloir veiller de nuit.

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De Malika

Ce soir, en observant les vagues depuis Tunis, nous restons solidaires avec nos camarades en mer. Nous savons que nous reprendrons la mer sous peu. D’ici là, notre esprit reste avec eux, à naviguer, à résister, à avancer pour ce qui est juste.

Demain, nous serons prêts à repartir. Il le faut.

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Vendredi, 5 septembre 2025

En mer

Préoccupation grandissante concernant une rencontre avec des réfugiés. Au fur et à mesure que l'on se rapproche des côtes algériennes et tunisiennes, un protocole précis s'applique avec la mobilisation d'un des plus beaux bateaux à moteur pour porter assistance.

Très beau temps, mais mer un peu formée. La préparation des repas devient acrobatique et les volontaires se font rares.

Première expérience/répétition des réflexes à acquérir avant et au moment de l'interception, moment que tout le monde attend avec appréhension...

J'ai vu passer une proposition de Thomas Guénolé invitant de nombreux bateaux à nous rejoindre jusqu'à une ligne rouge qu'ils ne franchiraient pas. Mais qui va empêcher les bateaux de continuer ? On voudrait saboter le projet qu'on ne s'y prendrait pas mieux... 

Des bateaux d'inconnus non formés, sans vérification préalable, nous rejoindraient en masse puis s'arrêteraient au niveau d'une ligne rouge ! Et s'ils continuent ? On les coule ? Complètement biscornu...

Yannick, chirurgien

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(À SUIVRE)



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