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mercredi, novembre 12, 2025

970_ BOUALEM SANSAL EST LIBRE

 

in philomag--com

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Ce beau texte de Muh Muhubi. 12 novembre 2025

𝐐𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐥𝐚 𝐥𝐢𝐭𝐭𝐞́𝐫𝐚𝐭𝐮𝐫𝐞 𝐬’𝐢𝐧𝐯𝐢𝐭𝐞 𝐚̀ 𝐥𝐚 𝐠𝐞́𝐨𝐩𝐨𝐥𝐢𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞
Il arrive qu’un pays, en voulant défendre son image, en abîme l’esprit. La grâce accordée à Boualem Sansal sur demande allemande aurait pu être un geste apaisé, une manifestation souveraine d’intelligence politique. Elle restera pourtant entachée par l’erreur première : celle d’avoir cru qu’on pouvait enfermer une idée entre quatre murs. Car les idées, qu’elles soient justes ou fausses, ne connaissent ni cadenas ni geôliers ; elles traversent les frontières et finissent toujours par s’asseoir, tôt ou tard, à la table du monde.
Boualem Sansal n’est pas un saint, et encore moins un stratège du bien commun. Ses déclarations selon lesquelles “l’ouest algérien appartiendrait au Maroc” relèvent moins de l’analyse que de la provocation. Il a blessé la mémoire collective, et les blessures symboliques comptent dans une nation façonnée par la guerre et la dignité. Mais la réponse de l’État — la prison — fut une erreur de hauteur, non de raison. Ce n’est pas la justice qui fut maladroite, mais la méthode. Car emprisonner un écrivain, c’est transformer sa parole en drapeau ; c’est donner aux idées les plus discutables le prestige de la dissidence. L’Algérie n’avait pas besoin de cet épisode pour affirmer sa souveraineté ; elle avait besoin d’y opposer la force tranquille du débat.
Un État fort n’a pas peur des mots : il les affronte, les démonte, les met à nu devant la lumière de la raison. C’est dans l’échange, non dans le silence imposé, que la vérité se fortifie. L’erreur de l’Algérie officielle n’est pas d’avoir voulu défendre son unité, mais d’avoir cru qu’on la préserve en fermant les espaces de parole. Ce réflexe, hérité d’un autre âge, trahit une méfiance envers la maturité de son propre peuple — comme si les Algériens n’étaient pas capables de distinguer l’ivraie du bon grain, la provocation de la pensée. Or, ils le savent mieux que quiconque.
Il faut le dire avec franchise : chaque fois qu’un écrivain, qu’il s’appelle Sansal, Daoud ou un autre, se voit condamné pour ses mots, c’est un peu de la respiration collective qu’on suspend. On croit protéger l’État, on l’étouffe. On croit neutraliser le poison, on le distille dans la rumeur mondiale. La censure, partout et toujours, agit comme une publicité gratuite pour ce qu’elle prétend combattre. L’Algérie n’a rien à gagner à emprisonner ses plumes ; elle a tout à gagner à les confronter.
L’histoire des grandes nations prouve qu’on triomphe des idées non par la répression, mais par la conversation. Ce n’est pas en fermant les clubs littéraires, les cafés intellectuels ou les journaux qu’on protège la cohésion nationale — c’est en y ouvrant des tribunes. La vitalité d’une nation se mesure à la diversité de ses voix, pas à leur conformité. Et lorsqu’un écrivain franchit la ligne, qu’il blesse ou provoque, la meilleure riposte n’est pas la cellule, mais la parole : un contre-argument, un débat public, une mise au clair.
L’Algérie est assez ancienne, assez fière et assez instruite pour accueillir la contradiction sans trembler. Le pays qui a produit Kateb Yacine, Mammeri, Dib et tant d’autres esprits rebelles ne saurait craindre un roman, une phrase, ou même un blasphème littéraire. C’est dans la controverse que se construit la cohésion moderne — non dans le silence ordonné. Si nous voulons que la jeunesse algérienne aime ses écrivains, il faut qu’elle puisse les entendre, les contredire, les lire — pas les craindre.
La littérature n’est pas une arme contre l’État ; elle est une boussole, parfois déréglée, mais nécessaire. Quand elle s’invite à la géopolitique, elle met à nu les fragilités narratives des nations : celles qui doutent de leur récit ont tendance à bâillonner les conteurs. Celles qui ont confiance en leur peuple les laissent parler. L’Algérie, si elle veut demeurer grande, doit choisir la seconde voie.
Oui, Sansal a franchi des lignes. Oui, Daoud et d’autres ont parfois glissé dans le mépris. Mais une République sûre d’elle ne craint pas la parole excessive. Elle y répond avec intelligence, non par réflexe punitif. L’Algérie n’a pas besoin de prisonniers d’opinion pour être respectée ; elle a besoin d’une agora vivante, d’une presse qui ose, de cafés littéraires où l’on discute avec passion, d’universités où l’on contredit sans trembler. C’est ainsi qu’un peuple se fortifie — par la confiance dans la raison de ses citoyens.
Le vrai patriotisme n’est pas celui qui brandit la censure pour protéger la patrie, mais celui qui fait confiance à la maturité de ses enfants. Car une nation n’est jamais menacée par la parole de ses écrivains ; elle l’est seulement quand elle renonce à les écouter. En enfermant un romancier, on enferme un miroir. Et un peuple qui ne veut plus se regarder finit toujours par se perdre.
La grandeur de l’Algérie ne réside pas dans ses interdits, mais dans sa capacité à affronter le tumulte du monde sans perdre sa voix. L’État qui saura cela n’aura plus besoin de grâce, car il n’aura plus rien à pardonner — seulement à comprendre, à débattre, et à laisser les idées, comme l’air, circuler librement dans la maison commune.

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On ne peut pas dire qu'on est sortis de l'auberge: Lisez:



Je viens de l'apprendre...




N'oubliez pas ces mots que j'ai écrits durant tout le temps du Salon du livre d'Alger




La littérature est-elle un outil de contrôle ? Peut-on indéfiniment récrire l’Histoire afin qu’elle corresponde à nos désirs, à ceux du Grand frère ?
Mais alors comment bâillonner la poésie, la libre poésie et les émotions qu’elle véhicule ? Comment défaire le faire (poiein) ? comment défaire « ce monde enfermé dans un homme ». Même s’il est enfermé, agenouillé, bâillonné lui, le poète. Toujours libre.
Lisez l’horreur...
Allez, GO ! 

Mardi 20251028


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POSTÉ CE MATIN, JEUDI 13 NOVEMBRE 2025 SUR FACEBOOK













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L’intervention de Frank-Walter Steinmeier auprès d’Abdelmadjid Tebboune pour obtenir la grâce de Boualem Sansal — arrêté le 16 novembre 2024, condamné en mars puis en appel en juillet 2025 — révèle l’état de déliquescence morale d’un régime qui n’agit que sous pression étrangère. Le président allemand a demandé un « geste humanitaire » pour que l’auteur du Village de l’Allemand, malade et âgé, puisse recevoir des soins outre-Rhin. Berlin propose même de l’accueillir. Paris, pour sa part, multiplie les « dialogues exigeants » avec Alger. Et c’est là que le spectacle devient obscène.

La presse nationale algérienne, cette courroie de transmission du pouvoir, cette machine à propagande qui s’est nourrie pendant des mois de la mise à mort symbolique de Sansal, découvre subitement les vertus de l’humanisme. Les mêmes plumes qui l’ont traité de « bâtard », d’« agent du Mossad », d’« agent de la France » et de « traître », parlent désormais d’un « homme âgé et malade ». Le vocabulaire change. Le ton s’adoucit. La meute a reçu l’ordre de lever le siège.

Plus grave encore : des figures de l’opposition elle-même ont cédé à la propagande. Noureddine Aït Hamouda, ancien dirigeant du RCD et plusieurs fois victime de l’arbitraire du pouvoir algérien, a rejoint le chœur des justiciers. Les journalistes Abed Charef, Ghania Mouffok, Saïd Djafer, les écrivains Yasmina Khadra, Rachid Boudjedra, Akli Tadjer et tant d’autres ont, eux aussi, traité Sansal de traître. Indirectement, ils ont justifié son envoi à l’échafaud. Ils ont cautionné l’inacceptable. Cette opposition-là n’en est plus une. Elle est devenue le reflet inversé du pouvoir qu’elle prétend combattre : autoritaire, sectaire, incapable de tolérer la dissidence. Dans ce pays où les fractures identitaires sont instrumentalisées par le régime, même ceux qui se disent démocrates confondent débat et hérésie, critique et trahison.

Que dit cette affaire de l’Algérie en 2025 ? Qu’elle est un pays où la conscience s’importe de l’étranger. Où les droits de l’homme ne s’appliquent que sur injonction internationale. Où un pouvoir sans culture, sans dignité, sans conscience, ne reconnaît la valeur d’un homme que lorsqu’un président européen daigne le lui rappeler.

La présidence algérienne fonctionne comme une chambre d’échos. Elle répète, mécaniquement, les ordres reçus. Elle n’a ni vision, ni projet, ni colonne vertébrale. Les institutions de l’État sont en état de délabrement absolu. La justice ? Son visage est illisible, son indépendance inexistante. Elle condamne sur commande et réhabilite sur pression.

C’est le règne de l’arbitraire érigé en système. Un territoire qui ressemble davantage à un goulag qu’à une société moderne. Les hommes de lettres n’y jouent que le rôle de décor dans un simulacre de vie culturelle. Ils sont tolérés tant qu’ils se taisent, anéantis dès qu’ils parlent.

Boualem Sansal mérite mieux que cette mascarade. Il mérite mieux que d’être réhabilité par procuration, sous la pression diplomatique. Il mérite d’être reconnu pour ce qu’il est : l’un des plus grands écrivains algériens contemporains. Un homme qui a osé dire ce que beaucoup pensent tout bas. Un homme qui a refusé de courber l’échine devant les nouveaux inquisiteurs.

Tant mieux s’il sort de prison. C’est le minimum qu’une nation doive à l’un de ses plus grands écrivains. Mais cette libération, si elle advient, ne sera pas un acte de justice. Elle sera un geste calculé, une concession tactique d’un régime aux abois, acculé par la communauté internationale.

Il existe des nations où les écrivains sont considérés comme des êtres de lumière, des prophètes qui éclairent le chemin. L’Allemagne en fait partie. La France aussi. Ces pays savent que la liberté d’expression n’est pas négociable, que la pensée ne se condamne pas, que les idées ne se mettent pas en prison. L’Algérie, elle, préfère la nuit à la lumière. Elle préfère le silence au débat. Elle préfère la servitude à la liberté. Et c’est ainsi qu’elle roule à sec en matière de dignité humaine. C’est ainsi qu’elle importe jusqu’à sa conscience.



Certaines formulations de cette "Anais Dray" (pseudo?) sont outrancières., "goulag" par exemple. Elle n'a pas lu l'Archipel. Ou "la conscience s'importe" , quel mépris.
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LE QUOTIDIEN D'ORAN
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                                                LE FIGARO SAMEDI 15 NOVEMBRE 2025

            
                    Le Figaro, jeudi 13 novembre 2025
















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