Rechercher dans ce blog

dimanche, novembre 23, 2025

972_ Marche blanche pour Mehdi Kessaci, Marseille

 


Sept mille fleurs pour Mehdi Kessaci assassiné par des narcotrafiquants le 13 novembre dernier. Sept mille fleurs sur le lieu même du crime pour ne pas oublier. Mehdi tué, mais c’est Amine qui était visé. Nous étions 7000 rassemblés derrière le Dôme du Conseil départemental à l’appel de Conscience (13° arrt), l’association créée par Amine et sa mère en 2020 pour venir en aide aux jeunes marseillais. Des citoyens ordinaires les bras haut levés pour dire « non » Le soleil est haut, la température autour de 7- 8 degrés. « Levez-les pour dire que nous sommes ensemble dit Amine. Levez-les pour dire que ce pays ne baissera pas la tête. Levez vos mains et levez-vous. N’attendons pas assis que le narcotrafic détruise nos vies et notre pays. Pour nos quartiers, pour la justice, pour nos familles, pour nos vies, levons-nous. Debout, debout, debout.»

_______





Texte de Amine Kessaci :

«Au nom de mon frère Mehdi, mort pour rien, exécuté en pleine rue, au nom de ma famille déchirée de douleur, au nom de tous les miens, je veux vous remercier d’être mobilisés aujourd’hui.

«Mon frère Mehdi était innocent. Il n’était coupable que d’être mon frère. Il était bon, droit, sincère. Il avait la vie devant lui. Retenez son nom. Faites-le retentir ou murmurez-le, peu importe. Mille fois répétez son nom. Ne le laissez pas tomber dans l’oubli qui est une seconde mort. Mehdi, Mehdi, Mehdi. Mehdi mon frère. Je suis inconsolable.

«Je demande la justice pour Mehdi. Je demande la Justice pour Brahim, mon autre frère assassiné. Je demande la sécurité pour ma famille.

«Mon frère Mehdi voulait être gardien de la paix. Il faut que la paix revienne dans nos quartiers. Il faut que notre jeunesse puisse grandir sans craindre de mourir. Ce n’est pas parce que nous vivons dans des quartiers populaires que nos vies ne valent rien.

«Mon frère est mort pour rien, et on nous traite comme des moins que rien.

«Nous aussi, nous valons la peine. Nous aussi, nous voulons un avenir. Nous aussi, nos nuits sont mêlées de cauchemars et de rêves. Nous aussi, nous aimons nos parents, et nos parents aiment leurs enfants.

«Un homme politique a proposé que je reçoive la légion d’honneur, mais je ne cherche aucun honneur pour moi. Ma poitrine est trop lourde de douleur pour recevoir une quelconque décoration.

«Ce sont les mamans des quartiers qui méritent une décoration. Pour leur courage, leur dignité, pour leur combat de chaque jour. Ma mère s’est battue pour nous élever et nous protéger. Et aujourd’hui, elle a perdu deux fils. C’est elle pourtant, qui me permet de tenir debout.

«Pour elle, je ne me tairai pas. Je continuerai à dire ce que mes yeux voient, ce que mon esprit sait et ce que mon cœur me dicte.

«Depuis des années, nous alertons. Nous parlons parce que nous savons que le silence tue. Mais qui nous écoute ?

«L’Etat nous abandonne depuis trop longtemps. Chacun de ses reculs a favorisé l’avancée du narcotrafic. Le départ des services publics, la fin de la police de proximité, les moyens trop faibles des enquêteurs et des enquêteuses, les enseignants auxquels on demande tant en leur donnant si peu. Voilà ce qui fait les affaires des trafiquants.

«Bien sûr, nous avons besoin de policiers, de sécurité. Bien sûr, il faut renforcer les moyens de la lutte contre le narcotrafic. Mais nous avons besoin de justice sociale, d’engagement de l’Etat et des collectivités, de soutien aux associations qui font le boulot tous les jours avec très peu de moyens, et je sais de quoi je parle parce que depuis des années l’association Conscience, présidée par ma mère, fonctionne avec des moyens dérisoires.

«Nous ne demandons pas la charité. Nous demandons la justice. La France entière doit comprendre que ce qui se passe dans nos quartiers la concerne. Ce pays a fermé les yeux sur ce que nous vivions, et maintenant il se réveille avec un monstre qui s’est infiltré partout. Notre pays a un problème avec les drogues : il vit sous dépendance. Et cette dépendance est exploitée par le narcotrafic. La souffrance psychologique et la misère qui monte sont des armes puissantes entre leurs mains. Ils jettent leur dévolu sur les enfants perdus de la République, les déshumanisent en les dressant comme on dresse des bêtes féroces, puis en font des esclaves dociles.

«Voilà la vérité : le narcotrafic recrute. Le narcotrafic contrôle. Le narcotrafic corrompt. Et le narcotrafic tue. Plus personne ne peut dire que nous ne savions pas.

«Mes frères sont morts. Mais vous tous, vous êtes vivants. Nous sommes vivants. Je ne sais pas ce que sera ma vie maintenant. Mais je sais que j’ai besoin de vous, de votre engagement, dans la durée.

«Entrez en résistance. Luttez, parce que lutter c’est vivre.

«Je veux voir toutes les mains se lever. Dressez-les vers le ciel pour rendre hommage à mes frères assassinés. Levez-les pour dire que nous sommes ensemble. Levez-les pour dire que ce pays ne baissera pas la tête. Levez vos mains et levez-vous. N’attendons pas assis que le narcotrafic détruise nos vies et notre pays. Pour nos quartiers, pour la justice, pour nos familles, pour nos vies, levons-nous. Debout, debout, debout.»

In Libération.fr - 22 novembre 2025

--------------------------------

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire