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J’ai
lu et apprécié les pérégrinations de Daniel Benyacoub, le narrateur de
« L’homme qui n’avait rien compris ». Un Algérien que les circonstances
ont poussé à l’exil, précisément à Paris, qui l’attendait, « c’était écrit ».
Daniel en veut beaucoup à son « géniteur » plutôt que père, lâche qui
l’a abandonné, lui et sa maman. Un père et un mari qui ira jusqu’à les expulser
de l’appartement familial du 6° arrondissement de Paris.
C’est
ce père mauvais auquel il ne pardonne pas d’avoir fait découvrir l’enfer à sa
mère que Daniel ne voudra pas enterrer décemment, suite à la canicule de 2003,
« une véritable hécatombe » qui l’a emporté. Il n’entreprendra rien
pour l’enterrer alors que « les radios et les télévisions tentent de trouver
les mots justes pour me convaincre, pour me réconcilier avec mon père. Mais
leurs discours ne peuvent pas me faire oublier ses absences et ses
trahisons. »
Daniel
est barman, il aime échanger avec les consommateurs du Tipaza. Il aime Paris,
ville lumière, mais aussi combien difficile parfois, où l’on « se sent
seul, perdu et inutile ». Il l’aime autant que son pays d’origine
l’Algérie plurielle, trahie par les politiciens dont son propre père, ancien
conseiller de l’armée algérienne, jouant à « un double jeu » en
informant les services français (la DST). J’ai aimé les déambulations physiques
et culturelles, poétiques, de cet amoureux désillusionné, mais aussi plein
d’espoir. Daniel a aimé, a été aimé. Les réminiscences sont nombreuses.
Les
déambulations sont construites autour de 111 chapitres courts, à l’accès très
facile. « Seuls les mots apportent de la joie » dit le narrateur et
ces mots il y en a beaucoup entre lui et Amine (ancien policier devenu journaliste
à Alger), mais surtout entre lui et Laurent M. son ami journaliste indépendant,
qui « ingurgite des quantités impressionnantes de bière en attendant le
retour » de son amoureuse.
Le
narrateur cherche dans son passé et celui de l’Algérie ses propres vérités qui
l’aideront à le construire pour mieux comprendre son présent. Un roman dépouillé
d’artifices que j’ai trouvé empli de réalisme.
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Ahmed
Hanifi,
Marseille
le 05 mai 2013
L’homme
qui n’avait rien compris. Youcef Zirem. Editions Michalon, Paris 2013. 186
pages.
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L’homme qui n’avait
rien compris de Youssef Zirem ou…les vents de la liberté ne se soulèvent plus !
« Les appels reprennent de plus belles. Les radios et
les télévisions tentent de trouver les mots justes pour me convaincre, pour me
réconcilier avec mon père. Mais leurs dires ne m’impressionnent pas, les
discours ne peuvent pas me faire oublier ses absences et ses trahisons. » Ainsi
s’exprime l’homme qui n’avait rien compris. A travers la solitude d’un homme et
la rancœur d’un fils abandonné par son père, Daniel Llaurriat, juif algérien,
l’auteur nous transporte dans un Paris dont il dit « un pays qui a de plus en plus peur de l’Etranger ». Youssef Zirem
tente tout au long de ce roman de maintenir le lien au-delà des deux rives de
la Méditerranée à travers des personnages qui nous font découvrir « le pays des Lumières qui veut se balader
sur des sentiers obscurs » et l’Algérie «
où le désordre est de tradition ». Tout est dit, Daniel, l’homme qui en
pleine canicule de 2003 en refusant d’enterrer son père, nous met face à nos
contradictions, face à notre déchéance d’hommes soi-disant libres, d’hommes qui
ont abandonné sur les bords de la route leurs espoirs et leurs illusions. Il
n’y a pas d’intrigue, peu d’actions comme l’on pourrait le trouver dans un roman
classique, juste un fil conducteur qui est cette introspection dans laquelle
Youssef plonge son « héros » en fait,
un « anti-héros ». L’auteur nous
entraine dans un questionnement sur l’état du monde et celui de l’Algérie en
particulier par le biais d’un second personnage Laurent M, journaliste jouant
le rôle du miroir comme s’il représentait la conscience de Daniel. Cette
Algérie toujours sous-jacente à travers le regard d’un exilé malgré lui, en
pleine décennie noire et qui nous renvoie à chaque étape de son histoire depuis
la Kahena qui affronta les Almohades qui lui coupèrent la tête jusqu’ à
l’Algérie d’aujourd’hui. Mais le narrateur fait un rappel historique et non pas
des moindres « au fond c’est Paris qui a
libéré l’Algérie. L’idée de l’indépendance est née à Paris dans les années 20 »
et Zirem de casser le tabou messaliste, d’honorer le leader kabyle Akli Banoune
indépendantiste de la première heure et nommer l’Etoile Nord-Africaine, le
MTLD, le PPA et le MNA, ces Partis forts de cette immigration kabyle avec à
leur tête un Messali Hadj écarté du combat par de jeunes militants, comme une
nécessité de remettre à sa place ce pan de l’histoire occulté par 50 ans de
mensonges enseignés. Et pourtant l’auteur fait dire à son personnage « je suis l’homme qui ne comprendra jamais
rien du tout… Je n’ai jamais compris ces guerres, toujours renouvelées… ».
Regard juste d’un auteur qui nous rappelle l’attachement de ces hommes et
femmes venus peupler cette Terre qu’ils n’ont cessé d’aimer et Daniel est de
ceux-là, un amour à la Terre-mère, celle des ancêtres transmis par sa mère
issue d’une lignée de Berbères-Juifs. Le message est clair, cette terre riche
de tant de communautés au fil des siècles en est réduite aujourd’hui à enfanter
ces fameux « harragas », préférant la
mort par noyade à une société qui se désagrège sous la main mise « d’un système fermé et autoritaire ».
La femme
n’est pas absente de ce roman, elle est omniprésente à travers la mère de
Daniel mais aussi celles, femmes ou amantes qui ont traversé sa vie sans pour
cela se poser, elles sont présentes mais semblent jouer un rôle à la mesure de
leur position dans une société moderne qui les a émancipées au détriment des
hommes comme Daniel.
Ce roman
est parsemé de références à des auteurs, des artistes ou des acteurs de la vie
quotidienne qui ont croisé Youssef Zirem tel un hommage rendu à ces êtres pour
qui l’auteur ressent une véritable tendresse comme si celui-ci ressentait le
besoin de partager son univers et son entourage proche venu peupler son exil.
L’homme
qui n’avait rien compris est un témoignage et un hymne à la beauté malgré le
regard critique et réaliste de l’auteur. Telle une promenade à travers le temps
et l’histoire et malgré la solitude de Daniel, le roman s’achève sur une note
d’espoir : « La lumière est toujours plus
forte que l’obscurité ».
Par: Rénia Aouadène
Professeur de Lettres
espagnoles
Ecrivaine Poétesse
30 avril 2013
on : www.aokas-aitsmail.forumactif.info
et on: http://aouadene.renia.over-blog.com/article-l-homme-qui-n-avait-rien-compris-de-youssef-zirem-par-renia-aouadene-117587943.html
et on: http://aouadene.renia.over-blog.com/article-l-homme-qui-n-avait-rien-compris-de-youssef-zirem-par-renia-aouadene-117587943.html
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"L’homme qui n’avait rien compris" de Youcef Zirem
Quelle superbe écriture que
celle de ce roman que l’écrivain, poète et journaliste Youcef Zirem vient de
publier aux éditions Michalon.
Le livre.
C’est un roman d’une insondable solitude, dense que vient de
nous offrir là Youcef Zirem. Parfois réjouissant, drôle mais souvent
grave, L’homme qui n’avait rien compris nous interpelle, nous apostrophe, nous
bouscule dans nos petites certitudes. On savait déjà Youcef Zirem inclassable,
cultivant jalousement sa liberté. Avec ce roman, il signe un véritable
plaidoyer sur nos trajectoires et la superficialité des rapports qui régissent
les rapports humains.
En liminaire, il y a cette canicule qui a emporté en 2003 en
France des milliers de personnes âgées. Daniel Benyacoub Laurriat y a perdu son
père. Mais il refuse de l’enterrer. Il nous le dit en convoquant les abîmes de
sa mémoire. D’origine juive, Daniel Benyacoub et sa famille font partie de
ceux, rares, qui sont restés en Algérie, après 1962. Son père a conseillé
l’armée algérienne. Puis quitta tout, sa famille, son boulot et l’Algérie, pour
sa maîtresse parisienne. "Il avait quitté son pays de soleil, il avait
essayé de s’adapter à cette grande capitale mais il n’avais jamais pu se
départir de cette énorme nostalgie pour sa terre natale. La nostalgie tue à
petit feu et il n’y a aucun remède pour ce mal incurable", raconte Daniel
sur son père. Ou peut-être ne serait-ce pas là le lot de nombre d’exilés ?
En flash-back entre cette Algérie meurtrie qui l’a vu naître
et Paris, "la belle et la cruelle", Youcef Zirem nous fait voyager à
travers l’espace et le temps. "Quand je voyage dans le bus de Paris
c’est surtout moi que je recherche", confie Daniel. Le voyage est sans
doute un symbole, une quête personnelle plutôt de l’auteur. De soi sans doute,
donc identitaire, mais également des autres, ses semblables.
Toute l’histoire à tiroirs de cet arpenteur de la capitale
française s’effeuille alors. Par petits chapitres profonds servis par une
écriture sèche, claires et sans fioritures. La trame bruisse dans toute son
étendue d’une colère contenue. Celle d’un homme en colère contre la fatuité, le
cynisme.
En filigrane de ce récit tout en introspection, en
confession affleure la douleur brûlante de l’Algérie. Celle de cette terre
quittée par dépit, désespoir de meilleurs lendemains. "La douleur est
toujours un enseignement. Quelquefois, la douleur arrête le temps. Mais le
temps sait se promener ; il va dans tous les sens, il excelle dans la
fuite. Je ne suis dans aucune époque charnière ; je ne suis réellement que
dans l’absence", lit-on en chapitre 60.
L’homme qui n’avait rien compris brosse une succession de
tableaux d’hommes et de femmes qui ont marqué ce pays damné. Avec ce roman de
Youcef Zirem, l’histoire et la politique ne sont jamais loin, elles sont
souvent au bout du paragraphe. En contre-point d'une écriture de dénonciation
qui refuse de se résoudre au silence. L'exil, la solitude, le temps qui fuit,
les amours sans lendemains, un pays qui saigne et fait saigner, tout y est ou
presque. L'homme qui n'avait rien compris est à lire absolument.
Kassia
G.-A.
13
mars 2013
L’homme qui n’avait rien compris
de Youcef Zirem aux Editions Michalon. Prix : 16 euros.
Youcef
Zirem est aussi l’auteur de :
Le Chemin de l’éternité,
éditions franco-berbères, 2009
La vie est un grand mensonge,
Editions Zirem, 2005.
La guerre des ombres (essai),
GRIP-Complexe, 2002.
L’âme de Sabrina (nouvelles),
Barzakh, 2000.
Les Enfants du brouillard
(poésie), Editions Saint-Germain-des-Prés, 1995.
On :
www.lematindz.net
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Youcef Zirem : "Ecrire pour moi est une façon de respirer"
Youcef Zirem, journaliste, poète
écrivain et par ailleurs animateur de l'émission Grafitti sur Berbère
télévision a publié le Semeur de l'amour en septembre. En mars, c'est
"L'Homme qui n'avait rien compris", un roman écrit de sa main.
Lematindz
: Que devient Youcef Zirem, le journaliste et écrivain ?
Je crois qu’il est toujours le même ; toujours amoureux des
mots et passionné des médias. Juste qu’il a pris du recul sur les choses, sur
le monde, sur la vie dans une ville de la culture et de l’ouverture qu’est
Paris.
Un
recueil de poésie et un roman en quelques mois. Vous êtes prolifique ?
Je ne sais pas si je suis prolifique ; écrire est pour moi
une façon de respirer véritablement ; je le fais pratiquement chaque jour,
d’une façon ou d’une autre. Cela dure depuis des années, et au bout, j’ai
plusieurs textes qui peuvent paraître à n’importe quel moment.
Le
semeur de l'amour est votre dernier recueil, avez-vous le sentiment
que les Algériens ont une relation compliquée avec l'amour ?
Oui, mon Semeur d’amour, paru à Paris au mois de
septembre, plaide pour l’amour de l’Autre…De nos jours, cela est valable aux
quatre coins du monde…En Algérie, la haine a pris le dessus sur l’amour et
cette tendance s’accentue de jour en jour…Même quand nous sommes à l’étranger,
cette haine nous poursuit et nous n’arrivons pas à nous en débarrasser…La
situation politique désastreuse en Algérie est largement générée par notre
incapacité à nous aimer véritablement…
L'autre
livre qui arrivera avec le printemps, L'Homme qui n'avait rien compris revient
par un chemin détourné sur l'Algérie contemporaine, à travers un juif. Original
?
Mon prochain roman, L’Homme qui n’avait rien compris,
sort le 7 mars aux éditions Michalon à Paris. Ce livre ne laissera aucun
lecteur indifférent. Cette fiction revient largement sur l’histoire algérienne
depuis la création de l’Etoile nord africaine jusqu’aux errances actuelles d’un
pouvoir illégitime qui emprisonne un pays et un peuple. Cette histoire est
racontée par un Juif algérien, Daniel Benyacoub Laurriat, qui ne veut pas
enterrer son père, mort à Paris, durant la canicule de l’été 2003. Joseph, le
père de Daniel, lui aussi né en Algérie, a longtemps conseillé l’armée
algérienne, avant de quitter l’Algérie et sa femme Sylvia. Durant ses
pérégrinations parisiennes, Daniel rencontre Laurent, un journaliste parisien
qui ne cesse de dénoncer certaines pratiques du microcosme parisien. Laurent
tient le coup grâce à une femme, Adriana, qui vient d’Argentine. Ce roman
raconte, d’une certaine façon, le passé juif de l’Algérie pour dire que ce pays
est porteur de diversité à tous les niveaux. C’est, peut-être, cette diversité
qui peut le sauver un jour. A bien des égards, L’Homme qui n’avait rien
compris passe en revue les déchirements du monde actuel.
L'identité
est importante si je comprends bien, pourtant vous écrivez en français. Vous
arrive-t-il d'écrire en kabyle ?
Oui, l’identité est importante ; les racines peuvent nous
guider à trouver notre chemin. Mais il faut aussi s’ouvrir sur l’Autre, sur les
autres, sur le monde. Oui, j’écris aussi en langue kabyle même si jusqu’à
aujourd’hui, je n’ai rien publié dans la langue de ma mère. Mais cela se fera
un jour, c’est inévitable.
Quelle
analyse faites-vous justement de la revendication amazighe sous l'ère
Bouteflika ?
La revendication amazighe doit aujourd’hui dépasser le
slogan pour arriver sur le terrain de la production à tous les niveaux.
Bouteflika a été acculé par l’extraordinaire Mouvement Citoyen de Kabylie à
accepter le statut de langue nationale pour la langue amazighe. Mais Bouteflika
et le système de Toufik Mediène n’encouragent guère cette langue. Il y a encore
du chemin à faire pour réhabiliter complètement la langue amazighe.
Le
président français ira en Algérie, ne pensez-vous qu'il y a un flagrant
décalage entre ce président qui a été déjà ministre pendant la présidence de de
Gaulle et ce jeune président français ?
Oui, il y a un décalage énorme parce que l’Algérie n’est pas
une démocratie. Bouteflika a été imposé par le DRS aux Algériens ; c’est dans
la continuité d’un régime qui n’a jamais eu d’alternance politique depuis
l’indépendance algérienne. L’argent du pétrole aidant, le système
Bouteflika-Toufik a corrompu des larges pans de la société algérienne. Les pays
occidentaux eux-mêmes, y compris la France, soutiennent largement le régime
algérien pour profiter des richesses algériennes.
Quel
est le dernier livre que vous avez lu ?
Je lis ou relis souvent plusieurs livres en même temps : en
ce moment, je suis avec Gatsby le Magnifique de Scott Fitzgerald et
Lumière d’août de William Faulkner. La semaine passée, j’ai relu Le
Polygone étoilé de Kateb Yacine…
On
revient au journalisme, sachant votre longue expérience depuis la naissance de
ce qu'on appelle la presse indépendante, j'ai le sentiment que vous cultivez
une certaine amertume et du scepticisme quant au rôle réel de la presse.
Oui, j’ai quitté mon poste d’ingénieur en pétrole à la
Sonatrach pour le journalisme et je ne le regrette pas. En Algérie, la presse
écrite est passée par des moments meilleurs que ceux d’aujourd’hui. Même la
télévision algérienne, hermétique et au service unique du pouvoir, s’était
ouverte à la suite des tragiques événements d’octobre 1988. Je ne cultive
aucune amertume mais je suis réaliste : tant que le citoyen algérien ne sera
pas libre, la presse algérienne sera toujours limitée et aura des lignes rouges
à ne pas dépasser.
Que
souhaitez-vous pour l'année à venir ?
Pour l’année à venir, je souhaite de l’Amour, de la Paix et
de l’Harmonie à tous les habitants de la terre
Entretien
réalisé par Hamid Arab
17
décembre 2012
On :
www.lematindz.net
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