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dimanche 19 mai 2013, 17h 10
Je viens d’apprendre le décès de Yamina Méchakra
Voici quelques-uns de ses poèmes, extraits de son roman "Arris" (ed Marsa), suivis d’un article
sur mon blog, post 208 de juillet 2010
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Douleur, ô ma douleur
De quelle blessure béante
T’écoutes-tu en sourdine
Je t’entends, ô ma douleur
Mon cœur attentif
T’écoute en silence
Ma pensée voguant
T’entraîne et te déroute
Et sans comprendre, je geins
Et l’oiseau seul chante
L’oiseau des jours heureux
L’oiseau des jours funèbres
Ne reste-t-il, mon âme,
Souvenir de bonheur ?
Il ne m’en souvient pas
Perdue par les chemins
Je cherche ta source
Existe-t-elle encore…
S’est-elle perdue en moi ?
Ma mémoire vivante
Me conte mille misères
Et moi l’abandonnée
J’avance à tâtons
Bousculant pierre froide
Epines et chardons.
Plus rien ne me fait mal
Que toi, ô ma douleur.
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Mal aimé et mal aimant.
Je garde pour moi ma peine
Elle est sombre
Elle est muette
Elle est ce que je ne sais pas
Mal aimé, mal aimant
J’écoute seule ma larme couler
Elle est amère
Elle est salée
Elle a le goût que je ne sais pas
Mal aimé et mal aimant
J’attends la fin de l’oubli
Il est triste
Il est mortel
Il a lui le goût que je ne sais pas
Mal aimé et mal aimant
J’ai peur de ma solitude
Elle est noire
Elle est froide
Elle est ce que je ne sais pas.
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J’ai besoin de rêver
Pour pouvoir t’aimer
J’ai besoin de rêver
Pour affubler mon âme
De cristal et de corail
Couleur de ta bouche
J’ai besoin de rêver
Pour embraser le ciel
Et que mon âme s’y fonde
Mon amour
De tes lèvres, de tes doigts
Je rêverai longtemps
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Seul face à mon destin
J’écoute ma solitude pleurer
De larmes, je n’en ai pas
Mon cœur rythme les sanglots
Seul habité par ma douleur
J’attends qu’un éclair d’orage
Eclate ma douleur
Et que la mort m’appelle
Je m’en irai sans mot dire
Me terrer dans un coin secret
Nul ne saura que je vis le jour
Et nul ne dira qu’il m’a vu
pleurer !
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Il me fait peur
Et pourtant, pourtant,
Il est mon seul
Mon unique remède,
Le temps
Il s’en va, s’en va
Comme maintenant
Comme hier
Le temps
Il me fait peur
Il me fait mal
Il me fait bien
Le temps.
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Nassa, petite fleur égarée en mon champ calcinée
Viendras-tu flotter sur la terre qui me couvrira,
Où je reposerai.
Alors, des entrailles de la terre, je hurlerai, je hurlerai.
Et tous les morts se redresseront pour t'aimer.
Et comme il sera doux à mon corps raidi de se redresser.
Alors, alors, je te regarderai comme au premier jour
Et je te chuchoterai,
Ô ma résurrection, ma vie,
Viens et prends l'enfant que tu voulais.
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Messieurs, je vous prie
Ne touchez plus à mes cèdres!
C'est mon unique mémoire
Mon unique racine
Mon unique ancêtre.
Elles cognent,
Elles cognent vos haches.
Le sang coule
Et mon père se tait.
Messieurs, je vous prie
Jetez à terre vos haches
Et laissez-moi regarder les cèdres
Verdoyants et rêveurs,
Là-bas, là-bas,
dans mes Aurès...
La grotte des peines,
Trois mille ans, quatre mille ans...
Et que mon âme apaisée
Y repose éternellement.
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Le chemin est bien court
Qui mène à ton étoile.
Je l’ai si bien connu
Que je m’en souviens à peine.
Et toi, toi tu me souris toujours.
Maintenant, j’ai grandi…
Que le temps passe vite
Seigneur, qu’ai-je fait
Et que me reste-t-il à faire ?
Le temps de vivre est court
Et j’ai perdu tous les chemins.
L’âge est venu où je ne t’aime plus
L’âge est venu où tu m’aimes plus fort.
Pourtant, les temps ont changé
Et les rides se creusent.
Pourtant, je suis un autre
Et tu me souris toujours.
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Je suis venu tête folle
Le regard éperdu
Et je ne sais quoi dire
Et je ne sais quoi aimer
Mon rêve est très lourd à porter
Viens mon amie, mon âme,
Et trempe tes lèvres
Qu’elles effleurent mes roses
Et tout sera bien
Je m’en irai tête folle
Par d’autres chemins, léger
J’accrocherai mon cœur à
l’étoile filante
Et quel enfant malade
Ne me sourirait pas ?
Nous dormirons, ma vie
Dans d’autres matins
De roses et d’orchidées
Je couvrirai ton sein
Et l’enfant qui naîtra
Te le racontera
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Editorial: UNE LUMIERE DANS LA GROTTE
par K. Selim
Yamina
Mechakra est partie, hier, à l'issue d'une longue maladie. Ceux qui ont
été émus par la «Grotte éclatée» parue en 1979 seront sans doute à la
peine. Un livre, suivi d'un deuxième, «Arris» et entre les deux un long
silence. Cette femme n'écrivait pas pour bavarder mais pour dire ce qui
est profond et qui dure. Mais ces deux beaux livres «seulement»
reflètent aussi la réalité d'une génération qui devait aussi faire tant
de choses au point de sembler se dissiper.
Yamina
Mechakra était médecin psychiatre et c'est un travail prenant quand on y
attache les plus hautes valeurs et qu'on le pratique avec conviction.
Voilà une œuvre brève produite dans la discrétion, sans bruit tout comme
l'activité de l'auteur dans le monde associatif. La discrétion est, en
ces temps d'artifices et de tape-à-l'œil, la marque d'un sérieux aussi
rare que précieux. Peiné par la perte, encore une, d'une créatrice dans
cet univers si stérile, un homme de la même génération explique : «On
n'a pas beaucoup parlé de Yamina Mechakra car elle ne fréquente pas les
espaces mal famés où des célébrités factices se construisent avec la
complaisance des médiocres».
Ecrire
pour soi et pour les siens sans chercher à complaire aux assignements
que l'édition parisienne adresse à une Algérienne ou à un Arabo-Berbère,
cela demande l'ascèse à des encablures de la littérature de
consommation. Et encore pire, à la littérature de «l'exotisme», de la
«commisération» ou de l'autoflagellation exigée pour entrer dans les
circuits des béni-oui-oui et des valets de plumes de la Civilisation.
Ecrire pour dire un monde et non pour appliquer une recette en
continuant à servir la société, à écouter ses femmes et ses hommes.
C'est cela la vie de Yamina Mechakra et cela ne correspond plus au
«standard» du réalisme marchand et de la haine de soi.
A
l'heure actuelle, dans notre pays, une femme qui écrit vaut son pesant
d'or. La chute de la préface de Kateb Yacine ne vaut pas que pour les
femmes. Ceux qui écrivent pour exprimer la diversité sensible de nos
sociétés ne courent pas les rues. Et d'une certaine manière l'année même
de la parution de la «Grotte éclatée» - 1979 - a été celle de l'amorce
d'un mouvement d'inversion de tendance dans le pays. La généreuse vision
de progrès - certains disaient progressistes - qui a très largement
marqué les élites du mouvement national, jusque chez les oulémas,
commençait à être battue en brèche. La génération qui portait ces
valeurs de manière positive a été confinée par l'irrésistible ascension
des infitahistes de tout poil. Le progrès a été bloqué par un système où
les compétences sont marginales et où l'allégeance est essentielle.
Dans
la société, à défaut d'avoir pu prendre en main le pays dans une
évolution "naturelle", cette génération a été débordée par ceux qui ont
compris que l'indigence intellectuelle et morale ouvrait des boulevards
aux intrigants et aux courtisans. Un écrivain s'en va encore dans la brume et l'oubli. Une dame discrète quitte ce caravansérail
de l'imposture. Mais même dans cette phase de repli stérile la mémoire
ne peut être effacée, le nom de Yamina Méchakra est définitivement
inscrit au registre de ceux qui ont réellement honoré ce pays par la
plume et le talent.
On Le quotidien d'Oran, lundi 20 mai 2013;
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Disparition de l’auteure Yamina Mechakra à l’âge de
64 ans
Arris et la Grotte éclatée orphelins de leur
génitrice
20-05-2013
Par Wafia Mouffok
La fille des Aurés, la romancière
Yamina Mechakra s’est éteinte dimanche dernier à l’âge de 64 ans des suites
d’une longue maladie. C’est afin de lui rendre un ultime hommage qu’une
cérémonie de recueillement a été organisée hier dans la matinée au Palais de la
culture où sa dépouille a été exposée.
Femme discrète, auteure hors normes et
psychologue dévouée, la défunte a marqué à sa façon la scène culturelle
algérienne et le monde de la médecine.
Ils étaient peu nombreux hier dans la
matinée à venir lui dire à adieu, un nombre restreint mais dont la composante
porte envers la défunte une grande affection.
«C’était une femme forte et
exceptionnelle, elle s’est battue longuement et avec férocité contre la
maladie. Yamina est une immense écrivaine mais aussi une psychologue née. Née
dans les Aurés en 1949, elle a été témoin de l’oppression coloniale mais a
assisté de très prés à la lutte nationale avec son père moudjahid. Sa douleur
se reflète dans ses écrits, elle est l’une des rares auteurs qui ont su traduire
leurs souffrances», a déclaré Mme Z’hira Yahi, chef du cabinet de la ministre
de la Culture mais aussi fidèle amie de la défunte. Pour sa part, l’auteur
Waciny Laaredj a qualifié sa disparition d’une grande perte pour la littérature
algérienne «la défunte était une femme battante qui a fait de sa souffrance sa
matière première, elle était aussi une grande psychiatre très appréciée»,
a-t-il ajouté. Samia Zenadi, éditrice (Apic éditions) a déploré pour sa part le
fait que la défunte soit méconnue de la jeune génération «c’est une grande
perte pour la scène culturelle algérienne mais ce que je trouve vraiment triste
c’est qu’une grande auteure soit méconnue chez la jeunesse.
Son roman La grotte éclatée qui est
un-chef-d’œuvre saluée par l’immense Kateb Yacine devrait être enseignée à
l’école», a-t-elle déclaré.
La ministre de la Culture aussi
présente à cette cérémonie, a tenu pour sa part à présenter ses condoléances à
la famille de la défunte mais aussi aux membres de la grande famille artistique
qui vient de perdre un grand nom.
«Yamina Mechakra est une personnalité
brillante qui nous a quittés de la même manière dont elle a vécu à savoir
dans la discrétion. C’est une femme qui a connu les affres de la Guerre
d’indépendance et qui a su exorciser sa douleur par ses écrits poignants.
Nourrie aux classiques universels, elle a commencé à écrire très jeune pour
nous offrir deux romans qui nous ont tous marqués. Elle a aussi fait de
brillantes études en psychologie et intégré plus tard l’équipe du regretté docteur
Bousebssi», a déclaré la ministre dans son discours.
Slimane Hachi, directeur du Cnrpah, a
procédé par la suite à la lecture de quelques extraits du roman La Grotte
éclatée face à une présence qui observait un silence religieux. Après la
lecture de la Fatiha, la dépouille de Yamnia Mechakra a été transférée au
cimetière de Sidi Yahia où elle a été inhumée. Repose en paix.
On : www.latribune-online.com
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Dernier hommage à la défunte Yamina Mechakra au Palais de la Culture
Un dernier hommage a été rendu lundi au Palais de la Culture Moufdi Zakaria à
Alger à la défunte Yamina Mechakra, femme de lettres et psychiatre, en présence
de Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture, de personnalités du monde de la
culture, des membres de la famille de la défunte et d'un grand nombre de
citoyens.
Dans un climat chargé d'émotion, plusieurs hommes de
lettres et romanciers ont défilé autour de la dépouille de celle à propos de
laquelle Kateb Yacine aimait dire qu'elle "vaut son pesant de
poudre", parmi lesquels figuraient Amine Zaoui, Wassini Laaredj, Ibrahim
Nawel, Ahmed Benaissa, ainsi que des responsables au ministère de la Culture.
Slimane Hachi, directeur du Centre national des recherches préhistoriques et
anthropologiques, a mis en exergue les qualités de la défunte, dans l'oraison
funèbre qu'il a prononcée au nom de la ministre de la Culture, soulignant que
Mechakra "qui nous a quittée en silence et paisiblement, était une femme
brillante et intelligente".
Sa vie à proximité de gens atteints de troubles mentaux lui a permis dès l'âge
de l'adolescence de traduire ses sentiments d'affection à ces malades en
romans, tels "la grotte éclatée" et "Arris".
De son coté, Zahia Yahi Chef de cabinet au ministère de la Culture et ancienne
journaliste à l'APS, a déclaré que la disparition de Yamina Mechakra
"était une grande perte pour l'Algérie" la qualifiant de "femme
intelligente, brillante et extrêmement sensible".
"Mechakra était une grande écrivaine" a ajouté Mme Yahi citant le
romancier Kateb Yacine connu pour sa rigueur intellectuelle, émettant son
souhait de voir ses œuvres traduites dans d'autres langues.
Le romancier Amine Zaoui a indiqué quant à lui que Yamina Mechakra n'a pas
laissé un grand nombre d'ouvrages (un roman et un recueil de poèmes), précisant
toutefois que l'écrivain ne se mesure pas par le nombre de ses œuvres mais par
leur valeur.
Il a souligné à ce propos, que "la valeur des écrits de Yamina Mechakra
réside dans leur profondeur philosophique" comme c'est le cas de "La
grotte éclatée" qui traite de la révolution algérienne et de son impact
psychologique sur l'individu.
Yamina Mechakra était un "écrivain de l'ombre qui
a de tout temps préféré rester en marge pour traiter des questions d'ordre
psychologique", a encore dit Amine Zaoui avant de faire remarquer que
"l'université lui a accordé un intérêt particulier à travers les
nombreuses thèses consacrées à ses ouvrages".
Il a appelé en outre, à prendre en considération ses écrits durant ces
dernières années en vue d'une éventuelle publication.
Le Dr Hadj Cherif Fatma a évoqué le
côté humain de la défunte, précisant qu'"elle était modeste et adorait
rire".
Après le recueillement, la dépouille de Yamina Mechakra a été recouverte de
l'emblème national pour être transportée au cimetière de Sidi Yahia où elle a
été inhumée. L'écrivain algérien et psychiatre Yamina Mechakra est décédée
dimanche à l'âge de 64 ans des suites d'une longue maladie.
20-05-2013
On : www.letempsdz.com
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YAMINA MECHAKRA (1949-2013)
Une katébienne nous quitte…
“Je m’en allais vers Arris, les yeux
fixés sur mes doigts qui, à l’horizon, se tressaient avec d’autres doigts pour
ramasser les nuages du ciel et les presser sur une terre brisée d’oubli,
enceinte d’un grain millénaire, parcheminé de routes lointaines pour que pousse
le blé que nos ancêtres avaient promis”, écrivait Yamina Mechakra dans “la
Grotte éclatée”.
Avant-hier, la nouvelle de la disparition de la romancière, fille de Meskiana,
Yamina Mechakra, a eu certainement l’effet d’une bombe assourdissante dans le
milieu journalistique, mais aussi littéraire de la capitale (Alger).
Mais sans nul doute, la douloureuse information de sa disparition a été
doublement ou triplement plus éprouvante dans son pays d’origine, les Aurès.
Auteur d’un véritable chef-d’œuvre avec “la Grotte éclatée” (éditions Sned,
Alger, 1979), et préfacé par Kateb Yacine, qui a accompagné Yamina Mechakra
dans l’écriture de ce roman/récit par ses conseils et ses précieuses
orientations. Ils étaient nombreux à se pencher sur une œuvre qu’on n’arrivait
pas à classer : roman, récit, nouvelle… “La Grotte éclatée”, à sa sortie,
donnait un agréable fil à retordre aux lecteurs mais aussi aux critiques, qui
dans leur quasi-majorité aimaient, lisaient et relisaient. Une des dernières
approches et tentatives de déchiffrage, qui est considérée comme une bonne
tentative de cerner l’écriture mechakrienne (car elle existe !), nous vient de
l’université de Batna (département des langues, 2012) où, à l’occasion d’un
mémoire de fin d’études (“La quête identitaire et spéléologique de Yamina
Mechakra”), Meriem Safia Gharib, deuxième année master littérature et
civilisation étrangère, avait apporté de nouveaux éléments de lecture,
notamment ceux relatifs au fait que l’écrivaine donnait l’impression de prendre
un malin plaisir à codifier et rendre mystérieux son texte, à travers une
écriture en rétrospective. Il est courant que les lecteurs “fuient” ce style
d’écriture, mais avec Yamina et sa Grotte, “le compliqué devient plaisir”,
déclare la jeune étudiante, qui, contactée par nos soins pour nous livrer ses
impressions à l’annonce du décès de la fille de Meskiana, nous dit avec grande
peine et tristesse : “C’est la plus mauvais nouvelle que j’ai reçue depuis
celle du décès de mon père il y a une dizaine d’années. Je ne connais pas
Yamina Mechakra personnellement, mais à la lumière et à la lecture de son
roman, j’ai l’impression de l’avoir connue depuis toujours. Lisez une seule
fois ‘La Grotte éclatée’ et vous deviendrez auressienne ou auressien par la
couleur, le mot, la description. Un récit aussi profond que complexe.” A propos
du texte, notre interlocutrice nous dira : “Ce qui ressort est la force de
l’auteur et son génie à mettre en valeur et donner de la voix à la littérature
orale longtemps marginalisée, voire méprisée.” Et de regretter : “J’aurais tant
aimé que lors du dernier colloque sur la littérature maghrébine d’expression
française, qu’on fasse un hommage de son vivant à Yamina Mechakra, mais il
n’est pas trop tard pour que cette Chaouia jusqu’à l’os et Algérienne jusqu’au
bout des ongles soit honorée.” L’omniprésence de la mythologie berbère, le
récit, le sacré et le profane, la fécondité, l’usage de la symbolique et de la
parabole, ainsi que le subtil dosage de l’intertextualité donnent un caractère
unique et particulier qui distingue l’écrit de Yamina Mechakra, auteur de “la
Grotte éclatée” et “Arris”.
A l’annonce du décès de Yamina Mechakra, un ancien ami qui a connu et côtoyé la
romancière, qui faisait des voyages à Batna, pour aller visiter le tombeau
d’Imedghassen et Timgad, Ali Ben Belkacem, journaliste à Batna, nous a fait
parvenir un courrier, comme contribution et témoignage en tant qu’ami : “Le
besoin de communiquer chez ma sœur Yamina n’a pas de limite, et son altruisme
sont certainement les deux facteurs qui l’on dirigée vers l’expression
littéraire. Il y a toujours eu un nœud central dans les écrits de Yamina comme
d’ailleurs chez Kateb, l’un s’appelle Nedjma l’autre Arris… un point de départ.
Elle était comme en transe lorsqu’elle affirma avec un grand élan de dignité
qu’elle constatait déjà les signes ou prémices de l’avènement de cette
révolution culturelle nationale se construire à Batna et Meskiana. Il est vrai
que l’atmosphère à cette époque était à l’activisme thématique et qualitatif, ce
qui créa de l’optimisme et de l’espoir.” Le mot qui revenait souvent dans la
bouche de Yamina, nous dit son ami, est “révolution culturelle”.
Elle ne l’a pas connue ni vue de son vivant, mais des jeunes, pleins de jeunes
s’intéressent plus que jamais à son œuvre ; peut-être que le rêve aura lieu à
titre posthume. Ce qui ne sera pas trop mal non plus !
R H
Mardi, 21 Mai 2013
09:50
Par : Rachid Hamatou
On : www.liberte-algerie.com
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Cérémonie de recueillement au palais de
la culture
Yamina Mechakra a rejoint le monde du
silence
C’est avec une grande tristesse que les amoureux de
littérature ont appris la disparition de la romancière et écrivaine algérienne
Yamina Mechakra. Décédée avant-hier matin à l’âge de 64 ans, l’écrivaine a
rejoint l’au-delà après un long combat contre la maladie. Une cérémonie de
recueillement sur sa dépouille a été organisée hier matin au palais de la
culture Moufdi-Zakaria. Famille, amis proches ainsi qu’un bon nombre d’hommes
de lettres ont tenu à être présents. Lors de cette cérémonie, forte en émotion,
quelques passages de son œuvre à succès la Grotte éclatée ont été
majestueusement récités à l’assistance. La ministre de la Culture, Khalida
Toumi, présente à la cérémonie, a évoqué “la personnalité brillante, sensible
et attachante” que fut Yamina Mechakra. “Elle a traversé la lutte de Libération
nationale avec les yeux d’un enfant mais le regard d’une adulte”, a-t-elle
écrit dans un hommage. Quant aux hommes de lettres et écrivains présents,
beaucoup l’ont côtoyée ; certains étaient même très proches d’elle, et c’est le
cœur serré qu’ils ont fait leurs adieux à leur amie et consœur. L’écrivain
Waciny Laredj retient d’elle la femme simple, très attachée à la mémoire de
Kateb Yacine. “Je l’ai toujours appelé l’écrivaine de l’isolement. Elle disait
avoir besoin de se sentir en sécurité”, a-t-il confié. Le docteur Amin Zaoui a,
quant à lui, estimé que la disparition de Yamina Mechakra représente “une
grande perte pour le monde littéraire maghrébin et méditerranéen. À l’exemple
de Kateb Yacine, Yamina aborde l’individu dans ses cassures et sa sensibilité,
Yamina Mechakra incarne pour moi la fragilité solide”, a-t-il déclaré. La
défunte a été enterrée au cimetière de Sidi-Yahia à Alger en début
d’après-midi. Un dîner funéraire en sa mémoire a été organisé en début de
soirée par le ministère de la Culture au palais de la culture Moufdi-Zakaria.
F Y N
Par : Farah Yasmine
Nia
Mardi, 21 Mai 2013
09:50
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Mon blog. Post 208- juillet 2010
Yamina Méchakra
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208- Amine Zaoui: pour Yamina Méchakra
18 juillet 2010
“Comme si le devoir de mourir ne suffisait pas, il faut aussi compter sur le
laisser mourir et le faire mourir. (Anthropologie de la mort : L.-V. Thomas
p : 103).”
Qui parmi nous se rappelle de cette femme de verbe, en vers, de plume, en encre
et de cœur, fille de Meskiana, celle qui sa maman l’a appelée Yamina, oui
Yamina Mechakra ? Les mamans, toutes les mamans, savent bien choisir les noms
de leurs filles. J’adore ce nom “YAMINA” très algérien. Il est très fort par sa
musicalité rurale et fine. D’ailleurs, Ahmed Wahbi a chanté sa Yamina : “Yamina
Ghadra”.Une femme fragile au sourire douloureux ! Elle appartient à la race
“des roses” ! Celle qui, autour de son premier roman La Grotte éclatée a pu
réunir deux géants de la culture algérienne : M’hamed Issiakhem pour la
couverture (tableau de l’aveugle) et Kateb Yacine pour la préface, cette
écrivaine est menacée d’extinction.“Issiakhem lui a dit un jour : attention, il
ne faut pas écrire comme les femmes, hein ?!” cette écrivaine qui a écrit comme
“les grands” sombre dans le silence d’un hôpital psychiatrique, sans caresses,
sans amis et sans poésie ! Elle qui adorait écouter le vin des vers.
Elle est plus grande que notre silence complice qui l’enterre vivante. Nous regardons
sa mort unique et spectaculaire et nous croquons des pistaches persanes
grillées ! Nous évitons de regarder sa descente en enfer de la folie pour mieux
déguster ce match en direct de Johannesburg ! Et, dehors, les drapeaux aux
couleurs nationales flottent partout dans les rues et les ruelles, nous sommes
le 5 juillet, 48 ans d’indépendance. Et Yamina garde de cette guerre de
libération des images : “un homme écartelé sur le canon d’un char, exposé dans
la rue. Elle a vu torturer son père. Elle l’a vu mourir en lui recommandant de
garder la tête haute… c’est à lui qu’elle dédia le livre.” Comment une poétesse
internée à l’hôpital psychiatrique Frantz-Fanon de Blida vit ce jumelage : la
poésie et la folie ? Qui est l’origine de l’autre ?
À l’image de son maître Kateb Yacine, Yamina Mechakra est l’écrivaine d’un seul
texte, d’un seul livre. Les prophètes, comme les poètes, eux aussi n’ont qu’un
seul livre. Par son roman La Grotte éclatée (1979), Yamina Mechakra a
bouleversé l’écriture algérienne des années 70/80. Sur les traces de Nedjma, de
Kateb Yacine, vingt-cinq ans après l’apparition de Nedjma (1956), Yamina
Mechakra a révolutionné l’écriture romanesque sur la révolution algérienne.
Comme Mohammed Dib, dans Qui se souvient de la mer (1962), Yamina Mechakra
voulait subvertir l’écriture de l’intérieur, en dynamitant la langue et les
genres littéraires.
La Grotte éclatée est un texte en plein feu de la
folie. La folie créative est la sœur jumelle de toute écriture honnête et
révélatrice. La folie est installée dans le texte ou dans l’âme de Yamina ?
C’est kif-kif ?
Dans sa préface au roman, Kateb Yacine écrit : “À l’heure actuelle, dans notre
pays, une femme qui écrit vaut son pesant de poudre.” “L’écrivaine éclatée” !
L’or est l’affaire des femmes esclaves ! Et en ce 5 juillet, 48 ans
d’indépendance, un demi-siècle, la poudre est mouillée à l’hôpital
psychiatrique de Blida. Seule, esseulée ! Le baroud ne répond plus ! Et l’âme
subversive saigne ! L’âme est blessée !
En ces jours de fête du 5 juillet 2010, face à ces drapeaux aux couleurs
nationales qui flottent, berçant la mémoire de la révolution, en soutien à
l’écrivaine Yamina Mechakra dans sa souffrance, j’invite les Algériens à lire
ou à relire son roman La Grotte éclatée (je signale que le roman est disponible
en traduction arabe).
Merci Yamina Mechakra pour tout ce que tu nous as appris, dans et par le texte,
dans et par ta vie peinée.
Amine Zaoui.
in:
Liberté / Culture Jeudi 08 Juillet 2010
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Extrait de : La grotte éclatée.
4 Juin 1962 - Cinq heures du matin. Un soleil rouge et
ruisselant se levait derrière les collines. La caravane s'immobilisa au bord de
la frontière. Je glissai de la fourgonnette. Debout, le soleil dans le dos, le
vent dans les cheveux, la main sur mon cœur, je me dis tout bas mon pays et ma
maison, ma grotte et ma peine. Quelque part dans le monde, une autre femme
peut-être, debout sur une autre frontière priait pour la dernière fois. Je
laissai tomber mon bras puis je me déchaussai. De mes pieds couverts des
cratères du napalm, mes pieds nus et carbonisés, je foulai avec douceur la
terre brûlante de mon pays. Je fis un pas. puis un autre, puis encore un autre.
Les cailloux me déchiraient la peau. Les ronces m'égratignaient, j'eus soif,
j'eus mal à la tête et m'évanouis. Quand je me réveillai, j'étais allongée au
pied de la fourgonnette, le cadavre castré me passait un peu d'eau sur le
visage. Il devait être midi. Je lui demandai de verser un peu d'eau fraîche sur
le cercueil métallique. Kouider devait suffoquer. Mon fils tendait l'oreille à
la voix du poète, qui le tenait dans ses bras. Je laissai la caravane gorgée de
milliers d’émigrés sur la route de Tébessa et partis avec le poète, le cadavre
castré et Rima à la recherche d'un arbre nu et déchiré, mort debout, au pied
duquel dormaient ma grotte et mes amis. Je le vis au bout de ma route, les bras
levés vers le ciel. Face à mon arbre, je cessai de respirer et le regardai avec
mes yeux mêlés aux yeux de Kouider. Je m'approchai de lui et glissai mes lèvres
sur son écorce rugueuse. Il avait survécu à mes amis. Il était ce quelque chose
qui avait poussé dans ma mémoire quand ma grotte mourut, il était l'unique
quelque chose qui me parlait encore de mes amis J'y accrochai ma ceinture. Le
sol ne trahissait plus l'existence de ma grotte. J'arrachai une motte de terre.
Je l'emporterai avec moi à ARRIS. Je la déposerai dans une jarre et j'y
planterai des marguerites.
Extrait de : La Grotte Éclatée Alger SNED.
1979.
In
:http://timkardhit.hautetfort.com/archive/2007/03/10/la-grotte-eclatee-yamina-mechakra.html
____________
Extrait de Arris :
La mère ferme les mains en coquille autour de la
bouche d’Arris. Recueille le vomi bilieux qu’elle verse dans un vieux chiffon
qui lui sert de serviette. Le petit se remet à somnoler.
La mère plonge la main dans son corsage, en tire un
minuscule paquet. De ses doigts fébriles, elle écarte les bouts entachés
d’huile du journal et découvre un beignet doré, couvert de sucre. Le petit
refuse de manger. Elle se sent moins seule. Sur une banquette, vieille de deux
guerres, elle allonge Arris enveloppé dans une serviette de bain. Les malades
couchés à même le sol, et dehors jusque sur les trottoirs, lui rappellent
atrocement l’année du typhus : ça sent les crachats verts, spumeux et couverts
de mouches lui meurtrissent la vue et l’estomac.
La mère se frotte la main pour la réchauffer, soulève
la serviette et la glisse doucement sur le dos d’Arris.
Le monstre est là, gros comme une orange. Elle le
palpe ; il est fluctuant. Le petit geint. Elle retire discrètement sa main.
Puis la glisse de nouveau vers le monstre ; ce n’est pas de l’os. Elle vérifie
les vertèbres, une à une : toutes présentes. Le monstre, c’est quoi alors ?
Il est de nature qu’aujourd’hui encore en Algérie on continue d’ignorer nos
plus belles plumes. Ceux qui sont poussés par un excès de zèle tenteront de
renier cette donne, mais la vérité est malheureusement là, à nous faire face.
Elle est tellement cinglante qu’on n’ose même pas la regarder. Et le cas de
l’écrivaine algérienne Yamina Mechakra n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
L’auteur de la Grotte éclatée est aujourd’hui dans la détresse. Pourtant, elle
a tant donné à un pays qui continue d’ignorer encore ses meilleurs enfants.
Il est vrai qu’il n’est pas de l’habitude des
officiels algériens de bouger le petit doigt pour venir à l’aide d’une frange
aussi fragile que celle à qui appartient Mechakra, mais on n’est mieux compris
que par ses semblables. Ses semblables comme Hayder Ben Hassen qui a adapté au
théâtre la Grotte éclatée, ou Ahmed Benaïssa qui la mis en scène. La générale
de la pièce a été présentée, hier, au Théâtre national algérien. Pour ceux qui
veulent la voir, il n’est nullement trop tard, puisqu’une deuxième représentation
sera donnée aujourd’hui, à 15h, au TNA. Cette pièce est un pan de la vie
“fictive” de Yamina Mechakra. “Fictive, le mot est juste puisque le roman est
une fiction. Néanmoins, cette œuvre n’est pas de celles qui appartiennent à la
science fiction. Le roman de Mechakra est une fiction qui traite de faits
réels”, dira Ahmed Benaïssa, lundi dernier, lors d’une conférence de presse
animée au TNA. Tout en reconnaissant la difficulté de la mise en scène d’une
pareille pièce, le metteur en scène a néanmoins souligné que “ça a été un
énorme plaisir de mettre en scène une œuvre d’une pareille force
psychologique”. En effet, la force psychologique de l’œuvre de Mechakra réside
dans le fait qu’elle nous présente des personnages schizophréniques. A cela, on
peut également ajouter le caractère d’une violence inouïe de ces mêmes
personnages. Yamina Mechakra les a presque traînés dans la boue. Toutefois, les
scènes décrites dans le roman ne reflètent que le vrai visage de la guerre de
Libération nationale. Ahmed Benaïssa a, dans ce contexte, estimé que le “roman
de Mechakra traite également de la situation actuelle de l’Algérie. Il est de
ce fait affranchi des rênes du temps”. Par ailleurs, l’adaptateur de la pièce a
indiqué que le texte de Mechakra est doté d’une force au point où il n’a de
cesse de le tarauder depuis plus de dix ans. “J’étais absorbé par sa portée
poétique et prosaïque à tel point que j’ai décidé de l’adapter. Et le projet je
l’ai entamé en 2001, à l’Institut national des arts dramatiques et chorégraphiques
de Bordj El Kiffan. Je l’ai fait en présence de Mechakra ; elle a trouvé l’idée
géniale”, a indiqué Hayder Ben Hassen. Soulignons enfin que la pièce, la Grotte
éclatée, est la cinquième pièce qui entre dans le cadre d’“Alger, capitale de
la culture arabe 2007”. Elle sera jouée par trois comédiens du Théâtre national
algérien, en l’occurrence Linda Sallam, Malika Belbey et Ali Djebarra.
Hakim C. Le Soir d’Algérie 08 mars 2007
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YAMINA MECHAKRA, LE
RETOUR DE LA KEBLOUTI
Dire l’amour dans ses trois dimensions symboliques autour du même nous Arris ,
le pays ;l’ amant , l’ enfant : Je dis ma foi en demain clouée sur ma poitrine.
Je dis Arris mon pays et ses moissons. Arris mes ancêtres et mon honneur. Arris
mon amour et ma demeure
«A l'heure actuelle, dans notre pays, une femme qui écrit vaut son pesant
d'or. » C'est par cette phrase restée célèbre que Kateb Yacine terminait la
préface de La Grotte éclatée de Yamina Mechkra (ENAG-1979). Ce roman-poème,
pluriel dans la pluralité des « je » féminins, mémoires et sensibilités de
l'Algérie en lutte pour son indépendance, outre de nombreuses études
universitaires qu'il a suscitées, a été traduit en plusieurs langues dont la
plus récente, en cours, en version anglaise, est entreprise par trois Américaines
de l'Etat de l'Ohio. Yamina Mechakra revient à l'écriture par la publication
récente de Arris aux Editions Marsa (collection Algérie- Littérature-Action) ;
un roman qui continue, en forme et en fond, La Grotte éclatée. A-t-elle cessé
d'écrire depuis ? Comment a-t-elle vécu depuis ? Nous l'avons rencontrée dans
l'ambiance katébienne. En fait, cette fille de la pierre aurésienne est une
Keblouti obsédée par l'écriture, une écriture transhumante mais vrillée à
l'Algérie : « Je creuserais la terre de mes mains, de ma bouche, mais je ne
quitterai pas l'Algérie. »
Arris paraît vingt-deux ans après la publication de La Grotte éclatée (SNED,
1979) préfacé par Kateb Yacine qui a dit de vous : « A l'heure actuelle, dans
notre pays, une femme qui écrit vaut son pesant d'or ».
Q : Pourquoi cette absence ?
Les gens s'imaginent que je me suis tue. Or, je n'ai pas cessé d'écrire, mais
j'écris et je perds. Je n'ai pas la chance de Kateb Yacine qui a eu Jacqueline
Arnaud qui a sauvé et fixé ses textes transhumants.
J'ai commencé à écrire à neuf ans, un roman à douze ans (manuscrit [qu’elle
a] illustré de ses propres dessins intitulé Le Fils de qui ?) et j'ai publié à
vingt-quatre ans. Je viens de sauver Arris et je n'en ai publié que le un
dixième.
A l'origine, Arris fait 400 pages, et la mythologie d'Araki incluse dans le
roman 120 pages. La Grotte éclatée est un roman que j'ai écrit en 1973. Ce
n'est qu'au bout de sa troisième version (toutes ont été lues par Kateb Yacine)
que je l'ai publié en 1979. Pour écrire Arris, je suis retournée vingt-six ans
en arrière, l'année 1974 où j'ai rencontré le professeur Grangaud, pédiatre à
l'hôpital de Béni Messous. Dans son service ambulatoire de pédiatrie, je
prenais des notes.
Quand les patients s'endorment, je les reprends. Ainsi, l'idée d'Arris m'est
venue de cette réalité des enfants hospitalisé(e)s. C'est donc une fiction
construite à partir de cette expérience à Béni Messous. Les enfants que je
soignais m'ont donné l'idée d'Arris. Surtout dans le service que j'ai créé pour
les filles-mères. Un soir de garde, une mère se présente avec son enfant
déshydraté. On lui exige un livret de famille qu'elle n'a pas et on lui refuse
l'hospitalisation de son enfant. De ce personnage-clé que j'ai gardé, c'est le
statut de la fille-mère et des enfants abandonnés que je pose dans sa réalité
sociale et émotionnelle. Je suis restée six mois à Béni Messous. Je garde cette
image d'une mère de 17 ans qui m'a jeté dans les bras son nourrisson et elle
est tombée par terre. S'est-elle évanouie ? Elle était sûre d'avoir confié son
bébé.
Q : Le récit d'Arris est simple, mais d'une tension psychologique extrême.
D'où avez- vous puisé cette énergie textuelle qui se déploie dans le cri
obsessionnel d'une mère dans la quête de son enfant ?
J'écris avec mon coeur, mes viscères ; mes textes, en gestation, sont des
accouchements douloureux. Seule la mère peut se permettre cette fulgurance du
cri, ces gémissements. Elle emmène son fils malade, âgé de quatre printemps, en
ville au prix de tous les sacrifices de la communauté pour l'hospitaliser. Or,
et pour l'enfant, les quatre premières années de sa vie sont décisives. C'est
pourquoi Arris, volé à sa mère, ne cesse de reconstruire son itinéraire. Mais
Petite mère, c'est la Patrie. Elle est à l'image de ces femmes de Khenchela qui
se sont révoltées en 1916 et se sont battues pelles et pioches à la main contre
la France qui venait prendre leur fils pour la Première Guerre mondiale. Dans
notre culture, la mère est gardienne de la mémoire et est épicentre des
attaches, du groupe, de la communauté, de la grotte. Kateb Yacine était très
lié à sa mère que j'ai connue. Issiakhem pleurait l'ancienne Kabylie des
solidarités. La mère, malgré sa blessure béante, a confié à Arris, par les
contes, la légende de la déesse-mère, Araki, le message de ses racines, de son
identité. Où que l'on soit et de quelque origine, la mère est l'attache
primitive. La Petite mère a gardé la culture, c'est la gardienne du temple
jusqu'à son dernier souffle. C'est en quelque sorte une terre absolue.
Q : Le personnage d'Arris est fait de « transhumances intérieures », un concept
que vous aviez étudié en psychiatrie. Est-ce une identité de la
transculturation ?
Arris est une quête obsessionnelle des racines premières, de sa culture primaire,
en dehors de toute religion et de toute langue, comme dans la mythologie
d'Araki. Toute la littérature algérienne est marquée par ces états psychotiques
de l'identité. Arris est un déraciné au premier degré, mais il est symbole de
l'entêtement identitaire dans ses transhumances géographiques et surtout
intérieures, dans les « bouffées délirantes » de la quête de soi. Kateb Yacine
avait dit que chacun de nous sera quelque part caché dans la mémoire de son
terroir. Certes, Arris a vécu ailleurs une autre culture, une autre famille qui
l'a choyé, mais obsédé par son terroir, sa terre maternelle. Il retrouve ses
racines mais il rencontre l'absence de son monde d'enfant. Il a vécu deux
absences : la sienne et ceux qu'il a aimés. Ce texte a fait pleurer beaucoup de
lecteurs, en majorité des femmes intellectuelles.
Q : Kateb Yacine reste votre référentiel en écriture. Peut-on dire que vous
écrivez dans le texte katébien ?
Kateb Yacine m'a fait beaucoup lire des ouvrages qui lui étaient dédicacés. Je
l'en remercie. Ma rencontre avec lui a été capitale. Mais, aujourd'hui, chacun
se l'approprie. Or, lui, il était l'ami de tous. On disait de lui qu'il ne
pouvait plus écrire ; or, son écriture est un long silence. Qu'on le laisse en
paix. Issiakhem que j'ai connu est une montagne de sensibilités comme Kateb. Je
ne les ai jamais vus pleurer.
In: Batnainfo mars 2009:
http://www.scribd.com/doc/13974115/Batna-Info-Mars-2009fr
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Et cet appel :
Yamina Méchakra, est malade, elle séjourne actuellement à l'hôpital de Chéraga
(Alger). Je lui souhaiterai un prompt rétablissement.
Svp tous ce qui peuvent lui rendre visite pour faire ainsi, tous ce qui ne
peuvent pas satisfaire d'essayer de lui envoyer vos bénédictions de bonne santé
Juin 2010 ( ?)
In :
http://www.chawiland.com/blogComment.php?blog_id=22
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