Une rue de la ville de M. dans le sud de la France, en PACA |
Au
Bled, pendant le ramadan, à l’heure de la rupture du jeun, dans les rues des
villes et villages, plane un étrange silence. Les rues sont totalement vides
des habitants, regroupés en famille autour du dîner. Un étrange silence, mais
léger, un silence paradoxalement de réjouissances. Car nous savons que dans les
maisons on écoute de la musique (chaabi), on échange des nouvelles, on rit… Le
silence dont je vous parle ici est autre. C’est un drôle de silence, un silence
lourd, qui nous enveloppe ces jours-ci et précisément ce matin ici où même les arbres ont perdu de leur superbe. Le clocher
de l’église sonne un coup à 9 h pile, et au cœur de cette petite ville du sud
de la France, les activités ont cessé. Rares sont les commerces qui, comme le
petit Discount ou la boulangerie, sont ouverts. Les gens avancent à pas
pressés. Habituellement ces mêmes rues du cœur de cette petite ville sont très
agitées. Aujourd’hui il n’y a ni chansons, ni brouhahas, ni rumeurs. Rien. Pas
même l’agitation des écoliers du boulevard Chave, astreints à étudier à
domicile. Cet étrange silence est interrompu de temps à autre par le bruit du
moteur des rares véhicules, par le crissement de leurs pneus ou par l’arrivée
d’un train régional hasardeux, vide, qui ralentit mais ne s’arrête pas. Plus
loin le piaffement d’oiseaux insouciants l’allègent. Il n’y a ni rat mort, ni
docteur Rieux, mais elle rode un peu partout, la mort de l’autre peste, la mort
du Covid-19, on le sait. France Inter indiquait tôt ce matin que le nombre de
personnes atteintes du coronavirus en France s’élève à 5423 et que 127 personnes
en sont décédées. Je presse le pas. Quelques personnes avancent, semblent se
murmurer (à elles-mêmes), elles se rassurent peut-être. On évite de trop se
rapprocher lorsqu’on se croise, au contraire on fait chacun un pas de côté,
discret pour ne pas se froisser. Peut-être sourit-on avec gêne. Et on continue
vers ses occupations, l’esprit agité. La poste est fermée. « En raison des
directives gouvernementales, nous sommes contraints de fermer le bureau jusqu’à
nouvel ordre. » Alors je n’ai plus rien à faire à l’extérieur. Pas le cœur
à ma marche quotidienne (5 à 6 kms chaque matin). Dans son intervention
télévisée de ce soir, le président Macron annoncera certainement des mesures de
confinement. Au-delà du stade 3. Et probablement le report du deuxième tour des
élections municipales. Et demain sera un autre jour.
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