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mardi, mars 31, 2020

692_ Mon atelier d’écriture, confiné


« photos d’une bibliothèque et son contenu » 


 (1) Ici la photo d’où germa l’idée de cet atelier


« photos d’une bibliothèque et son contenu » 

 Tout a commencé le matin de ce 4° lundi du mois de mars – il y a donc quatre jours – avec cette image trouvée sur Facebook (1) intitulée Labyrinthe de livres, elle montre deux adolescents courant dans un dédale de livres… La photo illustre l’occupation du temps en un lieu clos ou dans « un labyrinthe de livres ». Ce lundi ouvre la deuxième semaine de confinement (ordonné le mardi 17 à compter de midi). Le confinement nous oblige, par définition, à rester dans un lieu fermé sauf exceptions comme par exemple effectuer des « déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle, soit à la promenade… » Du coup, j’ai réduit à peau de chagrin ma marche quotidienne, pourtant hautement recommandée par mon médecin traitant « au moins 10000 pas ! » Me voilà confiné comme le gardien du phare de Langoz ou de Nividic en temps de tempête. Je passe mon temps dans mon bureau à errer de Facebook à YouTube en passant par des sites de toutes sortes. Mais, avec ou sans coronavirus, je continue de lire et d’écrire. Plus d’écrire, des heures durant. Ce matin, en regardant cette belle photo (1) des deux jeunes ados courant dans un dédale de livres, une idée a germé dans mon esprit. Je me suis dit que moi aussi je pouvais courir au cœur de ma bibliothèque, de mon labyrinthe de livres et monter un atelier d’écriture créative, ce que des années durant j’ai pratiqué (avec des élèves de tous niveaux et aussi des adultes, au profit d’associations, parfois de prisonniers), mais aujourd’hui sans aucun participant sinon moi-même « joueur et arbitre ». Le temps de jadis à naguère, avec ou sans regret, est révolu. Alors, par où et comment commencer ? Par la photo justement. Dans la préparation d’un atelier d’écriture créative il est important de choisir « la situation initiale » sur laquelle reposera tout l’atelier. J’ai choisi celle de la combinaison « photos d’une bibliothèque et son contenu ». On peut apporter aux ateliers d’écriture créative autant de nuances qu’il y a de couleurs.  
J’ai donc pris des photos, beaucoup. Il en a fallu 44 pour balayer tous les rayons de ma bibliothèque, celle de mon bureau. Une à deux photos par casier. En moyenne chaque photo montre deux douzaines de livres. Beaucoup d’autres livres de vieilles éditions (voir photo n° 16)…, classés en deuxième rangée, ne sont pas visibles sur les photos. Je me suis contenté de travailler sur les titres apparents, en respectant des consignes ou contraintes élaborées en amont.
J’ai extrait parmi ces mille livres un par photo. J’ai ensuite feuilleté chacun des 44 livres choisis au hasard (plus ou moins), pour en extraire au hasard aussi (plus ou moins) un court passage de cinq phrases maximum. J’ai ensuite mis bout à bout les 44 courts textes en intégrant un apport personnel de deux phrases maximum (ou segment de phrases) pour faire jonction entre les extraits de livres. Cet ensemble j’ai « monté un texte » plus ou moins cohérent. Habituellement, avec les groupes de jeunes (ou non) je ne proposais pas autant de livres, deux ou trois par participant selon l’importance du groupe. À la fin de l’exercice, chacun lisait son texte que l’on portait au tableau, puis, dans un capharnaüm (obligé) indescriptible, ils en faisaient un texte global cohérent. Nécessairement nous abordions tel ou tel auteur, tel ou tel type de roman, de contenu, d’écriture…
Pour ce qui concerne l’exercice présent, j’ai retenu, comme écrit plus haut, un extrait par livre, soit 44 en tout. Je les ai ensuite classés de sorte qu’ils forment un ensemble censé sans quoi le jeu ne vaut rien. Cela n’a pas été facile et cela n’est pas toujours aisé. J’ai gardé les textes des auteurs quasiment tels quels. J’ai réduit au maximum mes interventions d’où les concordances de temps par exemple boiteuses. L’essentiel est ailleurs. Il a fallu que j’ajoute entre les extraits des auteurs ou au cœur des extraits eux-mêmes mes propres mots (ils sont en italique), mais cela fait partie du jeu, une contrainte parmi d’autres. Les nombres entre parenthèse renvoient aux titres/auteurs que l’on retrouve en fin du texte.
Voici d’abord la liste des 44 ouvrages. Puis ensuite le résultat de l’atelier
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Liste des ouvrages
1 : Amin Malouf- Les désorientés p 357
2 : David Grossman-Une femme fuyant l’annonce-p 95
3 : Philippe Roth- Némésis- page 157
4 : Carlos Liscano- Souvenirs de la guerre récente, p 43
5 : Jack Kerouac- Sur la route, 173
6 : Basho, Issa, Shiki- L’Art du Haïku, p 130
7 : Alessandro Barico- soie, p 15
8 : Marie Ndiaye- Trois femmes puissantes, p 250
9 : Mahmoud Darwich- La terre nous est étroite, p 215
10 : Attac- Transgénial !, p 98
11 : Edgar Morin- La méthode : 5-L’humanité de l’humanité, p 330
12 : Jorge Luis Borges- Fictions, p 96
13 : William Faulkner- Lumière d’août, p 527
14 : Michel Foucault- Surveiller et punir, p 294
15 : Georges Friedmann- Le travail en miettes, p 221
16 : Edouard Dujardin- Les lauriers sont coupés, p96-97
17 : Laurent Gaudé- De sang et de lumière, p 11 
18 : Arthur Rimbaud- Œuvres, Une saison en enfer, p 193
19 : Blaise Pascal- Pensées, p 76
20 : Littré- Tome 5, p 5720
21 : Marcel Proust- Du côté de chez Swann
22 : Homère- L’Odyssée, p 171
23 : Taha Hussein- Le livre des jours, p 224
24 : Tahar Ben Jelloun- La réclusion solitaire, p 39
25 : Ahlam Mostegnanemi- Le chaos des sens, p 360
26 : Salim Bachi- Autoportrait avec Grenade, p 45
27 : Isabelle Eberhardt- Amours nomades, p 49
28 : Abdelkader Djemaï- Zorah sur la terrasse, p 83
29 : Kaoutar Harchi- Je n’ai qu’une langue…, p 282
30 : Marsa- Jean Sénac, Pour une terre possible, p 212
31 : Mohamed Nedali- Morceaux de choix, p 112
32 : Ibn Khaldoun- Discours sur l’Histoire universelle T3, p 1214
33 : Saint Augustin- Confessions, p 422
34 : Jacques Ferrandez- L’Étranger (BD), p 64
35 : Albert Camus- Noces suivi de l’été, p 108
36 : Les Cahiers de l’Orient- 4°tr. 1994, 1° tr. 1995
37 : Pierre Bourdieu- Raisons pratiques, p 15
38 : El Hadi Chalabi- La presse algérienne au-dessus de tout soupçon, p 16
39 : Larousse : Encyclopédie médicale de la famille
40 : Dominique Eddé- Edward Said, le roman de sa pensée, p 57
41 : Ahmed Hanifi (désolé) Le choc des ombres, p 244
42 : Encyclopédia Universalis- Tome 18, p 133
43 : Encyclopédia Universalis- 1999, p 472
44 : JMG Le Clézio- Histoire du pied (ma lecture actuelle), p 259
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Résultat de l’atelier 

Pour commencer Le terme ‘‘photography’’ (des termes grecs ‘‘lumière’’ et ‘‘inscription’’ ou ‘‘écriture’’) a été créé en 1836 par sir John William Herschel, en Angleterre, pour désigner l’action ‘‘scriptrice’’ de la lumière sur certaines surfaces sensibles. (42)
Ensuite les textes. Je dois dire que Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : ‘‘je m’endors.’’ (21) C’est décidé, Je monte à Paris, armé, dissident et heureux. Face aux heures noires, il me reste cet îlot, l’amitié de quelques-uns, la vôtre et l’espoir d’un soleil imputrescible. Avec cela, on peut affronter le dédale. (30) À propos de dédale tiens, je me souviens de Didier Le soir, il sortait avec des gens de son âge pour aller, en des endroits qui ne conviennent pas aux savants, entendre de la musique qui n’était pas faite pour les hommes graves ; enfin il prenait des plaisirs normalement interdits à ceux qui détiennent des fonctions religieuses. (23) Nous nous retrouvions au bistrot de la rue de la Charbonnière C’était un bistrot où on servait de grandes tasses de désolation, de lassitude et de tristesse ; de la bière à la pression et du vin ordinaire. C’était un dimanche matin ; le moment suprême du tiercé et des combinaisons bourrées de rêves petits et courts. J’étais bien habillé. (24) Un soir, il racontait son enfance à un peintre du nord de la France rencontré là Il n’y avait pas de calendriers illustrés, de portraits sous-verre ou de tableaux accrochés à nos murs. Sur ceux de votre enfance à Bohain-en-Vermandois non plus. Les seules images que je regardais étaient celles des livres de classe, des bandes dessinées, les photos de films et l’affiche en couleurs placardée au fronton du Kid, qui me faisait parfois rêver et voyager loin. (28) Le peintre préférait parler littérature  L’œuvre d’Octavio Paz est en cours de publication, sous la direction de J.C. Masson, dans la bibliothèque de la Pléiade, aux éditions Gallimard, où sont déjà publiés la plupart de ses livres traduits en français. (43) La pensée développée dans cet ouvrage a été une pensée par cas, ancrée dans un terrain, bornée par un certain espace et une certaine temporalité. (29) L’auteur mexicain a beaucoup été imité disait Didier et cela lui déplaisait Tel écrivain tente de reprendre à son compte l’œuvre d’un ancien auteur, avec d’autres mots et une disposition différente : c’est du plagiat pur et simple. Tel autre supprime des passages essentiels, ou mentionne des choses inutiles, ou remplace le vrai par le faux. Tout cela n’est que présomption et ignorance. (32) Quant à moi, je pensais à mon poème pastiche de Mouloudji J’avais glissé ce poème dans mon carnet noir. J’eus brusquement envie de le relire, de voir l’effet qu’il aurait sur moi, en ce lieu. (25) Je pensai à un labyrinthe de labyrinthes, à un sinueux labyrinthe croissant qui embrasserait le passé et l’avenir et qui impliquerait les astres en quelque sorte. Plongé dans ces images illusoires, j’oubliai mon destin d’homme poursuivi. (12) Je n’ai pas osé, peur du ridicule, c’est que Nous sommes dans plusieurs jeux, joués, jouets, mais en même temps joueurs. Toute existence humaine est à la fois jouante et jouée ; tout individu est une marionnette manipulée de l’antérieur, de l’intérieur et de l’extérieur, et en même temps un être qui s’auto-affirme dans sa qualité de sujet. (11)
Je les ai quittés tard dans la nuit pour rentrer chez moi Bercé par le roulis du taxi, des pensées décousues, sans lien aucun, me traversent comme des nuages gris, puis m’abandonnent sous la lumière écrasante. Je me souviens d’un jour semblable, où malade à en crever, je sentis que mourir sous l’éclatant soleil serait un gâchis insupportable. (26) C’était une époque ou nous vivions sous tension à cause d’épidémies Après ces cinq ou six nuits, l’alerte cessa de sonner durant quelques jours. On l’entendit de nouveau, sporadiquement, pendant un mois environ, puis elle ne sonna plus, de manière définitive. (4) Les conducteurs  d’autobus de la ligne 8 et de la ligne 14 disent qu’ils refusent de traverser Weequahic si on ne leur donne pas des masques de protection. Certains refusent même carrément de passer par là. Les facteurs refusent de venir distribuer le courrier. Les chauffeurs de camion qui livrent les marchandises aux magasins, aux épiceries, ceux qui ravitaillent les stations-service, et ainsi de suite, refusent eux aussi de venir. (3)Je suivais la foule grossissante de ruelle en ruelle, la tête lourde, les oreilles encore bourdonnantes de fièvre, les tempes en feu, les coudes et les genoux douloureux. La pression de la foule m’emportait comme un long torrent. (31) Arrivé à la maison, je pensais à Ora À dix-neuf heures trente, ce soir-là, elle s’active dans la cuisine en T-shirt et en jean sans oublier, pour parachever le tableau, le tablier à fleurs de la parfaite maîtresse de maison : un vrai cordon bleu. Et tandis que casseroles et poêles fumantes frétillent sur le feu, que des volutes de vapeur odorante s’élèvent jusqu’au plafond, Ora se dit que tout ira bien. (2) Puis, je ne sais pourquoi, j’ai pensé à Ingrid Bergman dans Gaslight Tour à tour son visage est éclairé puis obscurci, tour à tour dans l’ombre indécise et dans le  blanc des lumières, tandis que s’avance la voiture ; près des becs de gaz, en effet, est une grande clarté puis, après les becs, un obscurcissement ; encore ; le gaz de droite brille davantage ; oh ! sa belle blanche face, blanche mat, blanche d’ivoire, blanche de neige obscure, dans le noir qui l’enserre, et tour à tour plus blanche, plus lumineuse dans des lumières, et dans l’ombre s’atténuant, et puis resurgissant ; cependant sur le bois uni du pavé roule la voiture où nous sommes ; doucement, entre sa robe, il prend ses doigts ; elle les retire un peu ; et il lui dit : votre visage dans cette ombre et ces clartés s’harmonisent exquisément… (16) Je pensais à la Grèce et à l’auto-stop avec Dora On est retourné sur la route en pleine nuit, et bien entendu il ne s’est arrêté personne, vu qu’il ne passait pas grand monde, de toute façon. Comme ça jusqu’à trois heures du matin. (5) Dora était samienne Samienne : Terre samienne, nom d’une sorte de terre blanche et gluante à la langue, qui vient de l’île de Samos, et qui a été employée en médecine. (20) Je veux dire samienne, grecque de Samos où je l’ai rencontrée. Elle était avec un type à tourner dans l’île Ils montaient, se tenant par la main, comme des enfants bien sages, l’escalier bleu, puis, soulevant le mince rideau voilant leur porte comme d’une brume légère, ils retrouvaient l’ivresse interrompue la veille, les mille caresses, les mille jeux charmants. (27) Ils me laissaient rêveur, plus rêveur que mélancolique. Le type était nerveux, il gesticulait Où irons-nous, après l’ultime frontière ? Où partent les oiseaux, après le dernier. Ciel ? Où s’endorment les plantes, après le dernier vent ? Nous écrirons nos noms avec la vapeur. (9)La presse alimente l’affrontement tout en voulant donner l’impression qu’elle informe sur son contenu et sa dimension. Elle n’est donc rien d’autre qu’un instrument au service de choix stratégiques dans un affrontement sans merci où l’enjeu reste la population. (38)Beaucoup d’intellectuels sacrifient par ailleurs à des stratégies de pouvoir qu’ils font passer avant ce qui est à mes yeux la première fonction de l’intellectuel, la fonction critique. (36)Mais ce nouveau  courant, bien qu’il doive s’accentuer avec les progrès de l’automatisme et l’apparition de nouvelles fonctions, ne constitue ni une solution universelle, ni une panacée. (15) Apparemment, un homme peut tout supporter. Il peut même supporter ce qu’il n’a jamais fait. Il peut même supporter l’idée que certaines choses dépassent légèrement la limite de ce qu’il peut supporter. Il peut même supporter l’idée que, s’il pouvait se laisser aller à pleurer, il ne le ferait pas. Il peut même supporter l’idée de ne pas se retourner, même quand il sait que se retourner ou ne pas se retourner, ça revient en somme à la même chose. (13)Voilà je touche au but/ et je ne suis pas mort/ fin de l’automne (6) Oui dit Dora en souriant. Elle était triste, mais elle souriait L’automne déjà ! – Mais pourquoi regretter un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine, – loin des gens qui meurent sur les saisons. L’automne. Notre barque élevée dans les brumes immobiles tourne vers le port de la misère, la cité énorme au ciel taché de feu et de boue. (18) Le type l’a reprise. « La clarté, l’automne, l’hiver, le passé, le futur… » En quelle manière sont donc ces deux temps, le passé, et l’avenir ; puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore ? Et quant au présent,  s’il était toujours présent, et qu’en s’écoulant il ne devînt point un temps passé, ce ne serait plus le temps, mais l’éternité. (33) L’éternité dans le cœur de la ville qui a changé depuis le tremblement de terre. On ne trouvait plus aucune trace, par exemple, de l’ancienne épicerie, du bouquiniste ou du vieux cinéma, celui devant lequel il était passé deux fois par jour, pendant des années, le matin autour de sept heures et le soir vers dix-huit heures trente. (10) J’étais triste lui dit Dora Curieusement ma colère est tombée d’un coup. J’ai ressenti une immense tristesse, je veux dire une immense fatigue. Je regardais cette ville, dont je connais chaque détour, chaque coin de rue, chaque coupole, parce que je n’ai jamais vécu ailleurs. (44)  Avant le tremblement dit le type, Au début des années soixante, cependant, l’épidémie de pébrine qui avait rendu inutilisables les œufs des élevages européens se répandit au-delà des mers, jusqu’en Afrique et même, selon certains, jusqu’en Inde. (7) Un virus implacable Virus : ce sont les plus petits agents infectieux que l’on connaisse. (39)Il faut survivre aux maladies,/ de celle qu’on attrape/ dans les rues éventrées des capitales immondes, de celles qu’on se transmet,/ de celles qu’on respire en famille/ attaché aux jambes d’une mère/ à ses seins,/ à ses bras,/ la mère/ qui n’en peut plus/ Mais se lève chaque matin en attendant de finir. (17)Ainsi s’écoule toute la vie ; on cherche le repos en combattant quelques obstacles, et, si on les a surmontés, le repos devient insupportable, par l’ennui qu’il engendre ; il en faut sortir et mendier le tumulte. (19) Le type, Il s’était levé puis, dans un soupir étranglé, presque un sanglot mais contenu, discret comme l’était cet homme, il s’était écroulé. (8) Appelle les pompiers lui ai-je dit, les pompiers Je parlerai d’un pays que je connais bien, non parce que j’y suis né, et que j’en parle la langue, mais parce que je l’ai beaucoup étudié… Est-ce à dire que ce faisant je m’enfermerai dans la particularité d’une société singulière et que je ne parlerai en rien de la Grèce ou de l’Algérie ? Je ne crois pas. (37)
Doria pleurait, elle semblait avoir perdu le fil de la réalité Autrefois, l’Occident reprochait à nos pays d’Orient leurs éphèbes et leurs femmes lascives, et aujourd’hui on nous reproche notre extrême pudeur. À leurs yeux, quoi que nous fassions, nous sommes toujours en faute. (1) Elle respira longuement Sur ces plages…, tous les matins d’été ont l’air d’être les premiers du monde. Tous les crépuscules semblent être les derniers, agonies solennelles annoncées au coucher du soleil par une dernière lumière qui fonce toutes les teintes. (35)
Plus tard, Doria me parlera de Larbi, cet ami abandonné qui n’aimait pas les journalistes « il te ressemble » Larbi : « le journaliste dit que nous sommes son cauchemar. Il répète ‘‘la France c’est plus la France, c’est l’Afrique.’’ Pourquoi ces gens-là ils nous humilient, pourquoi ils nous assassinent ? Ces gens-là ils nous poussent à détester nos parents, à renier nos arrières grands-parents et nos racines ». (41) Dora me dira aussi qu’un jour, alors qu’elle se promenait avec Larbi sur la plage ils entendirent derrière eux « S’il y a de la bagarre, toi Masson, tu prendras le deuxième. Moi je me charge de mon type… Toi Meursault, s’il en arrive un autre, il est pour toi. » (34)J’ai là cet étranger dont j’ignore le nom ; en ma demeure, après naufrage il est venu ; mais nous arrive-t-il des peuples de l’aurore ou de ceux du couchant ? (22) Elle me dit que Larbi s’était dressé contre les agresseurs Ne craignez-vous pas que le pauvre que l’on traduit sur les bancs des criminels pour avoir arraché un morceau de pain à travers les barreaux d’une boulangerie, ne s’indigne pas assez, quelque jour, pour démolir pierre à pierre la Bourse, un antre sauvage où l’on vole impunément les trésors de l’État, la fortune des familles. Or cette délinquance propre à la richesse est tolérée par les lois, et lorsqu’il lui arrive de tomber sous leurs coups, elle est sûre de l’indulgence des tribunaux et de la discrétion de la presse. (14) Ces mots de Larbi me renvoyèrent à ceux d’un vieil ami d’Edward. Derrière la révolte d’Edward Saïd contre le regard supérieur que porte l’Occident sur l’Orient, d’où naîtra ‘‘L’Orientalisme’’, se jouent deux libérations : d’un côté, la sienne vis-à-vis d’un père en accord avec le pouvoir du plus fort (l’Amérique) et, bien plus complexe, plus difficile à formuler, vis-à-vis d’une mère aussi possessive que changeante, et, puis enfin, sur le plan collectif : celle des peuples abusés par les dominants. (40) »
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Moralité de cet atelier ?
Faut-il qu’il y ait une moralité ? je ne sais pas, mais je sais que l’on peut, avec un minimum de volonté, vivre intelligemment en interagissant par exemple avec des écrivains de tous horizons, à travers leurs écrits, quitte à en dégager sa propre morale et une idée d’écriture pour soi-même.
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