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vendredi, mars 13, 2009

138- Salon du livre de Paris - 13 au 18 mars

http://culture.france2.fr/livres/actu/52249647-fr.php

Un Salon du Livre aux couleurs du Mexique

Le Salon du Livre de Paris (13-18 mars) franchit cette année le Rio Bravo et plonge dans les lettres mexicaines
Par delà les figures tutélaires du romancier Carlos Fuentes (en principe présent à Paris, à 80 ans) et du poète Octavio Paz (1914-1998, prix Nobel de littérature 1990), l'occasion de découvrir une littérature hispanique lucide, violente et corrosive.
Contre les maux qui ravagent mégalopoles et société mexicaines du IIIe millénaire, elle en appelle désormais aux sortilèges d'un humour ravageur, arme ultime contre le désespoir, plutôt qu'à ceux, défunts, des dieux aztèques.
"Une littérature chargée d'humour noir"
Spécialiste de la littérature du Mexique, où il dirige la « Casa Refugio », qui accueille des auteurs menacés dans leur pays, et auteur de l'anthologie "Cent ans de littérature mexicaine" (aux éditions La Différence), Philippe Ollé-Laprune a répondu à nos questions, par mail transatlantique.

Quelles sont les caractéristiques de la littérature mexicaine contemporaine (vous parlez dans Livres Hebdo de désillusion, triste lucidité et humour corrosif) ?
Après avoir acquis une certaine expérience, les écrivains mexicains ont développé des oeuvres dont la lucidité les amène à se heurter à se heurter à une réalité qui désormais invite peu aux rêves. Le roman contemporain est chargé d'humour noir, comme s'il avait besoin de cette arme pour se défendre du désespoir trop immédiat. S'ils savent la fin des idéologies dans le monde, ils sont aussi les témoins d'une société qui, d'un côté, arrive à maturité, (d'où la lucidité recherchée) et d'un autre côté ne sait comment résoudre ses problèmes, comment arriver à une réalité plus satisfaisante.

Quels sont les grands maîtres, les pères fondateurs de cette littérature ?
Les plus célèbres des auteurs mexicains sont ceux qui laissent une trace dans les œuvres des autres : Octavio Paz, Carlos Fuentes et Juan Rulfo. Je crois aussi que désormais ont ce rôle : Martin Luis Guzman (pourtant plus ancien), Jorge Ibarguengoitio et Sergio Pitpol.
Pourquoi ? Martin Luis Guzman : le premier romancier moderne mexicain, celui qui sait mettre en scène la Révolution et sa récupération. sait user d'un registre très fin , de découpage de scène particulièrement dynamique.
Jorge Ibarguengoitia: narrateur et dramaturge inspiré. Il sait user d'un humour noir qui sera repris par de nombreux jeunes auteurs. Son utilisation n'empêche pas une grande tendresse pour ses personnages.
Sergio Pitol: le plus international des écrivains mexicains, plus proche des littératures des pays de l'Est que des romans latino-américains. Avec la publication de "L'art de la fugue", il offre à cette littérature une porte ouverte vers d'autres registres, entre mélange des genres et frontières floues entre fiction et réalité.

Quels livres recommandez-vous en priorité, pour un lecteur non averti ou non spécialiste ?
"Le Labyrinthe de la solitude": le grand essai d'Octavio Paz qui pose la question de la mexicanité , de l'originalité de la forme d'être dans ce pays. Et, du même, "Liberté sur parole" : un des premiers livres de poèmes de Paz où éclate son goût pour les mots et la force qu'il place en eux . Un grand manifeste de la puissance de la création aux relents presque libertaires.

"La plus limpide région" de Carlos Fuentes : le roman qui fait basculer la littérature mexicaine dans un registre international. A partir de ce livre, un écrivain mexicain n'écrit plus uniquement pour ses compatriotes...

"Pedro Paramo" de Juan Rulfo. Le plus mexicain des livres pour l'ambiance, la relation avec la mort et le sens du merveilleux. Mais il est aussi un livre universel qui touche tous les lecteurs qui s'y aventurent.

"L'art de la fugue" de Sergio Pitol, par lequel l'écrivain inaugure une nouvelle forme d’écriture, après la publication d'excellents romans plus classiques. Il brise ici les limitations entre essai, autobiographie, récit de voyage. Un livre à placer à coté de ceux de Claudio Magris ou Sebald.

"Le rêve mexicain" de JMG Le Clézio : réunion d'essais sur le Mexique qui permet l'introduction à la culture et l'identité mexicaine. une visite dans l'histoire du pays très bien agencée. Et "Trois villes saintes" : court texte moins connu de notre prix Nobel (2008) de littérature. Magnifiques proses qui nous emmènent visiter des ruines mayas dans le Yucatan. Un des textes littéraires les plus inspirés sur ces beautés du Mexique.

Né à Paris en 1962, Philippe Ollé-Laprune a été co-directeur de la collection "Les voix du Sud", aux éditions de la Différence, responsable du marché de la poésie de Paris. Puis de 1994 à 1998, dirige le bureau du livre de l'Ambassade de France au Mexique. Il est le créateur et le directeur de la Casa refugio Citlaltetepetl et de la revue Lineas de Fuga. Auteur de l'anthologie "100 ans de littérature mexicaine" (éditions de la Différence) et de l'essai "Mexique, les visiteurs du rêve". Aussi auteur d'"Ombre de la mémoire" (éditions Gallimard, 2009), anthologie de Poésie d'Amérique Latine.
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Lectures mexicaines
"El ùltimo lector" David Toscana (Zulma, 215 pages, 18 euros)

Et si les romans étaient des plagiats par anticipation * d'histoires à venir ? Si les vies étaient déjà écrites dans les livres ? De ce postulat borgesien est né "El ùltimo lector" du mexicain David Toscana.

Le héros, l'"ultime lecteur", s'appelle Lucio, bibliothécaire dans un village dévasté par la sécheresse, où personne ne se soucie plus de lecture depuis longtemps.

Mais quand Remigio, le fils de Lucio, trouve au fonds d'un puits le corps d'une fillette, où son érudit de père cherchera-t-il le fin mot de l'énigme ? Dans les romans bien sûr, qu'il dévore en censeur, mais surtout en lecteur impitoyable, sans indulgence pour les faux-fuyants, les métaphores faciles, les parenthèses inutiles, les mots choc qui éludent une vraie description.

En lecteur exigeant, Lucio sait donner des coups de chapeau ( "Quel type, l'auteur de la Bible"!) tout en repérant les défauts majeurs de l'ouvrage ("ce serait un excellent livre... si l'on n'y voyait pas les excès du romancier payé au mot").

Magistrale leçon de critique littéraire, "El ultimo lector" offre au lecteur un double voyage : un séjour dans un pays aride, peu avenant et mal gouverné, et une échappée au long cours dans la ligne de fuite des livres, qui ouvre mille fenêtres, drôles, cruelles et parfois assassines, sur la vie et la littérature.

("Plagiats par anticipation" renvoie au livre de Pierre Bayard, éditions de Minuit).
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"Batailles dans le désert" José Emilio Pacheco (La Différence, 91 pages, 6 euros)
"Si vous aimez les Tropiques -les mangues, les papayes, les dictateurs, les plages : Acapulco, Cancùn, Copacabana-, inscrivez-vous au Club Méditerranée et n'oubliez pas d'emmener Garcia Marquez dans vos valises." Mais "il existe une autre Amérique latine", prévient Jacques Bellefroid, dans sa préface à la première édition.

Bon résumé : sec comme un coup de trique, "Batailles dans le désert" relate, sans un mot de trop, les premiers émois d'un enfant des années 50 qui tombe amoureux de la mère trop jolie d'un de ses camarades de classes Pour le punir de cet amour indécent, aux yeux d'une société puritaine, il sera changé d'école.

Si le narrateur se souvient de ce premier chagrin d'amour, longtemps étouffé, il se souvient aussi que ces années-là, le Mexique se tournait fiévreusement vers l'Amérique. Que son père, alors quadragénaire, tentait d'apprendre l'anglais. La culture était américaine, aux couleurs d'Hollywood. Le progrès était américain et se concrétisait en réfrigérateurs, aspirateurs, mixeurs, tant attendus par sa mère. Une américanisation qui sert de toile de fond à cette "éducation sentimentale" mexicaine, déchirante et sans douceur.
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"Oeuvres" Octavio Paz (La Pléiade, 1648 pages, 63 euros jusqu'au 31 mars)
Poète majeur récompensé en 1990 par le prix Nobel de littérature, ami des surréalistes, diplomate qui avait démissionné de ses fonctions en 1968 après le massacre des étudiants pendant les jeux Oympiques de Mexico, grand intellectuel et figure écrasante du paysage littéraire mexicain, Octavio Paz ( 1914-1998) est désormais accueilli, dix ans après sa mort, dans la prestigieuse collection de La Pléiade.

Un volume qui doit beaucoup au poète : "J’appartiens à une tradition où la création poétique est complétée par la réflexion sur la poésie", écrivait-il.

Une tradition à laquelle l'auteur de "Liberté sur parole" et "Pierre de Soleil" s'est montré fidèle en préparant de son vivant ce volume qui contient l'’essentiel de son œuvre poétique, y compris de nombreux poèmes inédits en français.
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