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lundi, novembre 30, 2015

520_ FATIMA MERNISSI EST MORTE

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Fatima Mernissi, une lumière arabe s’est éteinte au Maroc

Par Youssef Ait Akdim (contributeur Le Monde Afrique) 

LE MONDE Le 30.11.2015 à 16h46 • Mis à jour le 30.11.2015 à 16h49

Elle s’est éteinte en silence, elle qui emplissait le monde de son rire, de son charisme et de la hardiesse de ses propos. La sociologue et écrivaine marocaine Fatima Mernissi est décédée, tôt, lundi 30 novembre, à Rabat. Une disparition regrettée par les nombreux amis et élèves de cette figure complexe, à la fois universitaire et militante féministe, et qui a inspiré des profils variés, de la journaliste américano-égyptienne Mona Eltahawy à la figure de proue du féminisme musulman, Amina Wadud.

Pour s’être saisie avec courage des grandes questions de société – féminisme, islam et modernité –, Fatima Mernissi était devenue, d’abord au Maghreb puis au-delà, une icône pour toute une génération d’intellectuels. « Je suis née en 1940 dans un harem à Fès, ville marocaine du IXe siècle, située à 5 000 km à l’ouest de La Mecque, et à 1 000 km au sud de Madrid, l’une des capitales des féroces chrétiens », écrit-elle en incipit de son best-seller Rêves de femmes, une enfance au harem (Albin Michel/Le Fennec, 1994, le Livre de Poche, 1998).

Cette œuvre résolument fictionnelle tisse les fils de la mémoire en évoquant une multitude de figures féminines hautes en couleur. Dans la lignée assumée des Mille et une nuits, Mernissi y mêle le récit, par moments autobiographique, et des réflexions sociologiques par la bouche d’une fillette découvrant sa place dans le monde et, surtout, les frontières (hûdûd) fixées par une société patriarcale. Originellement écrit en anglais, l’ouvrage est traduit en vingt-cinq langues. Rêves de femmes consacre la carrière originale d’une sociologue sortie des sentiers battus de l’université.

Au service de « la liberté, la création, l’amour »


 
FATIMA MERNISSI_فاطمة المرنيس.
merci Belomar Adil-

Après des études de lettres à Rabat, elle décroche une bourse pour la Sorbonne puis obtient en 1974 un doctorat de sociologie à l’université américaine de Brandeis (Massachusetts). L’année suivante, elle tire de sa thèse une première publication, Beyond the Veil, qui s’impose rapidement aux Etats-Unis comme un classique des cultural studies. Sa thèse : les profondes entraves à la liberté des femmes dans les pays dits « islamiques » ne trouvent pas tant leur origine dans les sources scripturaires que dans des formes de contrôle théorisées dans un second temps de l’islam, notamment sous la dynastie des Omeyyades.

Mernissi retourne ensuite enseigner la sociologie à l’université Mohammed-V de Rabat. Elle y côtoie les principales figures de l’avant-garde intellectuelle, dont Abdelkébir Khatibi, qui la présente au poète Mohammed Bennis. « Elle a brillé bien au-delà de la sociologie, car elle a ouvert des fenêtres vers la culture arabe et islamique, témoigne le poète, ému de cette disparition. «  Vous me l’apprenez », confie-t-il, au téléphone depuis la Chine, où il est en déplacement.



Fatima Mernissi aimait aussi courir le monde, de conférences en cérémonies. En 2003, l’intellectuelle reçoit le prix Prince des Asturies – le Nobel espagnol – que lui remet alors le prince Felipe, pas encore souverain. Cette large reconnaissance n’empêche pas des moments plus douloureux, une solitude parfois, qui semblent avoir été moteur dans son écriture et son engagement civique. La parution, en 1987, de son livre Le Harem politique (Albin Michel, 2010), l’expose à la vindicte des islamistes marocains et de certains oulémas. La sociologue y plaide, après avoir démontré qu’il a été falsifié, une réappropriation du message du prophète Mahomet, qu’elle oppose à la « misogynie » de son successeur, le calife Omar. « En tant que femme, Fatima a toujours bataillé pour revendiquer sa place dans la culture marocaine, et plus largement dans le référentiel arabo-musulman. Elle y a défendu la liberté, la création, l’amour », insiste Mohammed Bennis.

A partir des années 1990, Mernissi s’engage dans la vie associative au Maroc. L’écrivaine reconnue anime des ateliers d’écriture avec des amateurs, des militants des droits humains, d’anciens prisonniers des « années de plomb » marocaines (années 1960 à 1980), des journalistes. Tous se sentent aujourd’hui orphelins. Comme Fadma Aït Mous. Cette politologue a été la dernière à l’interroger longuement pour son ouvrage cosigné avec Driss Ksikes, Le Métier d’intellectuel. Un recueil de dialogues avec quinze penseurs du Maroc qui a reçu le prix Grand Atlas le 20 novembre, à Rabat. « J’ai rencontré Fatima en 2008, se souvient Fadma Aït Mous. A moi qui voulais l’interviewer, elle m’a orienté vers mes origines. Par son humilité, elle incarne la générosité, la curiosité intellectuelle, la joie de vivre et la capacité de s’émerveiller au quotidien des petits fourmillements de la vie sociale. »

Le legs de Fatima Mernissi paraît immense. Fadma Aït Mous en retient « une grande maîtrise du patrimoine musulman, un travail étymologique minutieux où elle décèle des formes de modernité et dans lequel elle puise l’essence d’un islam cosmique, remède contre la peur et les cloisonnements territoriaux des temps présents »

519_ Rencontres littéraires d'Istres


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Hier, dimanche 29, se sont tenues à Istres, les troisièmes Rencontres littéraires « A portée de mots ». Nous étions une quarantaine d’auteurs présents.
Durant la manifestation, des prix ont été offerts aux lauréats du concours de nouvelles qui portait cette année sur le thème « Miroir ».
Les lauréats, dans l'ordre:
1°_ Monique BROS avec: L'été d'Anna
2°_ Anne-Marie LIAUTARD avec: Meurtre au miroir
3°_ Françoise TEISSIER avec: Le miroir vénitien
Tôt le matin...(mes romans au 1° plan)







Un peu plus tard...


au moment des récompenses....







dimanche, novembre 22, 2015

518_ Il pleut sur Marseille comme il pleure dans nos coeurs








Il pleut et vente sur Marseille comme il pleure et vente dans son cœur, le mien, le vôtre. Il ne fait pas beau donc. Une atmosphère étrange règne sur la ville en cet avant dernier samedi de novembre, une semaine après les attentats de Paris et de St-Denis. Les chaussées ne sont pas chargées de voitures, ni les trottoirs de promeneurs. Marseille est réputée pour sa gouaille son vacarme et sa joie exprimés hautement et sans ambages. Mais là, à quinze heures passées, elle semble bizarrement repliée sur elle-même. 


Devant "La belle équipe"_ 92 rue de Charonne- 11°_ Le 15 nov 2015 par "Best-Image" (c)
Marseille s’est métamorphosée. Paris et sa banlieue, son adversaire et rivale éternelle, est endeuillée et les Marseillais s’associent à la douleur, nationale, et plus encore. Pleinement. La grande place de la Plaine et le quartier Saint-Julien sont étonnamment calmes. Pas de musique. Les enfants ont disparu et les manèges tournent à vide. Dans les bars on échange des banalités. Les vendeurs du souk de Noailles sont solidairement silencieux, tout comme les clients français, comoriens, africains, maghrébins...

Je suis attablé à l’intérieur du filiforme café Prinder. Le nectar divin saupoudré aux senteurs du marché et à l’atmosphère singulière fait remonter des images lointaines, à ma mémoire. Cette atmosphère étrange je l’ai vécue il y a une vingtaine d’années comme des millions d’Algériens. Je vivais alors non loin d’Oran. Les rues étaient en certaines périodes vides. La menace était bien plus proche, bien plus présente, et bien plus lourde, surtout après l’assassinat du président Mohammed Boudiaf en juin 1992. Une menace directe, qui pouvait s’exprimer à tout moment et en tout lieu. Elle pouvait jaillir de toute part. Les islamistes intégristes étaient largement responsables, dans leurs discours comme dans leurs actes, mais seuls les intellectuellement malhonnêtes (et il y en a) évacueront la culpabilité de certains responsables de secteurs de la sécurité de l’Etat et autres commanditaires flirtant dans le giron des rouages officiels. On ne savait pas toujours d’où venait la menace. Retenue et pudeur m’interdisent de parler de ma propre personne, de mes proches. Des médias étrangers, français notamment, des émissions et livres (lire entre autres les confessions de Saïd Mekbel à Monika Bergmann) ont suffisamment montré que des manipulations hautement désastreuses se tramaient alors au sommet de l’Etat (de non-droit) et à sa périphérie, pour maintenir les Algériens sous un certain degré de terreur. Notre exigence d’un Etat de Droit, principe intangible d'un Etat démocratique, était assimilée, par les tenants de la terreur d’Etat et leurs sbires (« s’il faut éradiquer trois millions d’Algériens, nous éradiquerons trois millions d’Algériens »), à une capitulation. Je ne ferais pas de comparaison, nécessairement grossière, entre les responsables algériens et français, dans la gestion à la fois de leurs espaces de pouvoir et des drames vécus par les citoyens. Il ne s’agit ici nullement de quereller quiconque, ni de dédouaner les islamistes intégristes, tant s’en faut, et Dieu me garde. Vingt années plus tard, il pleut et vente sur Marseille retrouvée et dans le verre que je repose. Une atmosphère étrange pèse sur la ville morte, une semaine après les attentats qui ont fait près de 400 blessés et 130 morts dont : Amine I., Charlotte M., Djamila H., Elif D., Emilie M., Gilles L., Guillaume B-D., Halima S., Juan Alberto G., Justine D., Kheireddine S., Lola O., Nick A., Nohemi G., Précilia C., Stéphane A. et tant d'autres. 130. Avec ou sans haine, nos coeurs ont tant de peine.

lundi, novembre 16, 2015

517_ Des loups sont entrés dans Paris






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Ils sont entrés en Île de France et dans Paris, comme dit la chanson – mais ce n’est pas une chanson – « Des loups sont entrés dans Paris/ L´un par Issy, l´autre par Ivry / Deux loups sont entrés dans Paris » Cessons de rire. C’était il y a trois jours, vendredi 13 novembre 2015.
Je me suis réveillé, samedi dernier, fiévreux. Je me suis réveillé avec difficulté. Il était 9 heures. A 9h45, j'allume mon ardinateur. Sur Facebook, ce nouveau message que je ne comprends pas.

Je fais défiler la bande et je me rends compte qu'un drame c'était produit dans Paris... Aussitôt j'appelle la famille... (je suis à Oran)

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In Libération samedi 14 novembre, 20h21

 Le procureur de la République de Paris, François Molins, a tenu ce samedi à 19 heures une conférence de presse dans laquelle il a livré le déroulé exact des attentats de vendredi soir et donné des premières précisions quant au profil des terroristes.
Le procureur a annoncé que le bilan actuel est de 129 morts, 352 blessés dont au moins 99 en état d’urgence absolue, tout en précisant que c’est un premier état des lieux «provisoire et évolutif compte tenu du nombre de blessés». Ce sont bien sept terroristes qui ont fait usage de «fusils d’assaut de type kalachnikov de calibre 7-62mm» et d’un «dispositif explosif identique visant à faire un maximum de victimes en se donnant mort».



Le déroulé exact

21h20. Lors du match France-Allemagne au Stade de France, «une première explosion a retenti rue Jules-Rimet à Saint-Denis, porte D». Deux corps ont été retrouvés. Le premier est celui du kamikaze portant un gilet explosif composé de «TATP, de piles, de boulons, et de boutons poussoirs». La seconde victime est un passant qui a été soufflé par l’explosion.

21h25. Au bar le Carillon et devant le restaurant le Petit Cambodge à l’angle de la rue Alibert et de la rue Bichat, des assaillants ont fait irruption armés de «fusils d’assaut de type kalachnikov». Ils étaient à bord d’un «véhicule noir pouvant être de marque Seat et de type Leon». Sur place, a été découvert une «centaine douilles de calibre 7-62». Le bilan est de 15 décès et de 10 victimes en «urgence absolue».

21h30. Près du Stade de France, toujours rue Jules-Rimet, porte H, un kamikaze porteur d’un dispositif «identique à celui du premier kamikaze» a fait exploser son gilet, causant sa propre mort.

21h32. A l’angle de la rue de la Fontaine au Roi et de la rue du Faubourg-du-Temple, au bar la Bonne bière, des assaillants à bord d’un véhicule «de couleur noire et de marque Seat» tuent 5 personnes et en blessent 8 autres. Elles sont toujours dans une «urgence absolue». Là encore, une centaine de douilles de calibre 7-62mm est retrouvé.

21h36. Au 92, rue Charonne, au restaurant la belle équipe, des «individus à bord là encore d’une Seat de couleur noire» tirent plusieurs rafales causant la mort de 19 personnes. De nouveau, une centaine de douilles de calibre 7-62 est retrouvée.

21h40. Au bar le Comptoir Voltaire, au 23 boulevard Voltaire, un kamikaze actionne un «dispositif explosif identique» aux deux premiers kamikazes du Stade de France. Une personne est grièvement blessée, et d’autres «plus légèrement».

21h40. Trois individus équipés d’armes de guerre, arrivent à la salle de concert le Bataclan à bord d’une Polo noire. «Ils entrent dans la salle et tirent en rafale en plein concert» avant de «prendre en otage les occupants dans la fosse». Selon le procureur de la République, «ils ont évoqué la Syrie et l’Irak». La BRI et le Raid donnent l’assaut à 00h20, au cours duquel trois terroristes se sont donné la mort en actionnant leur gilet d’explosifs, tandis qu’un autre a été tué par les forces de l’ordre bien qu’ayant aussi activé son gilet. Le bilan fait état de «89 morts et de très nombreux blessés». François Molins a tenu à préciser : «Je ne peux être plus précis sur le déroulé des crimes terroristes compte tenu nombre de victimes et de la configuration des lieux.» 

21h53. Une troisième explosion a lieu, rue de la Cokerie, près du stade de France. Le corps d’un kamikaze est retrouvé.

Les premières identifications

Selon le procureur de la République, il est très vraisemblable que «trois équipes coordonnées [soient] à l’origine» des attaques. Selon les premiers éléments de l’enquête, «le terroriste auteur de la prise d’otage du Bataclan a été formellement identifié». Il est né le 21 novembre 1985 à Courcouronnes dans l’Essone et est connu «pour des délis de droit commun» (8 condamnations entre 2004 et 2010). L’individu n’a «jamais été incarcéré», mais faisait l’objet d’une fiche S depuis 2010 pour radicalisation, «sans jamais être impliqué». Un passeport d’un individu né en 1990 en Syrie a également été trouvé. Selon le procureur, «il n’est pas connu des services de renseignement français».

Trois interpellations

L’un des deux véhicules, la Polo de couleur noire est immatriculée en Belgique et a été louée par un «individu de nationalité française résidant en Belgique qui a fait l’objet d’un contrôle à la frontière belge samedi matin». A bord du véhicule se trouvaient également deux autres personnes «résidant dans la région de Bruxelles».
Le parquet fédéral belge a ouvert une enquête spécifique, et les autorités judiciaires belges ont procédé à l’interpellation de trois individus. François Molins a toutefois précisé : «Je ne souhaite pas m’exprimer d’avantage pour préserver les opérations de perquisition qui sont en cours en Belgique». Et qu’il s’agit d’individus «qui ne sont pas connus des services de renseignement français».
Les attaques ont bien été revendiquées par le groupe Etat islamique via des «vidéos, communiqués écrits, et montages sonores».

(In Libération samedi 14 novembre, 20h21)

Alger, en solidarité.




Les loups
Et si c'était,
Et si c’était une nuit
Comme on n’en connaît pas depuis, depuis cent mille nuits
Une nuit d'enfer, une nuit de sang, une nuit
Un chien hurle
Regardez bien gens de Nanterre
Regardez-le
Son manteau de bronze vert
Le lion, le lion tremble
Les hommes avaient perdu le goût
De vivre, et se foutaient de tout
Leurs mères, leurs frangins, leurs nanas
Pour eux c´était qu´du cinéma
Le ciel redevenait sauvage,
Le béton bouffait le paysage... d'alors

Les loups, ououh! ououououh!
Les loups étaient loin de Paris
En Croatie, en Germanie
Les loups étaient loin de Paris
J´aimais ton rire, charmante Elvire
Les loups étaient loin de Paris.

Mais ça fait ses cinquante lieues
En une nuit à queue leu leu
Dès que ça flaire une ripaille
De morts sur un champ de bataille
Dès que la peur hante les rues
Les loups s´en viennent la nuit venue... alors

Les loups, ououh! ououououh!
Les loups ont regardé vers Paris
De Croatie, de Germanie
Les loups ont regardé vers Paris
Oh, tu peux rire, charmante Elvire
Les loups regardent vers Paris.

Et v´là qu´il fit un rude hiver
Cent congestions en fait divers
Volets clos, on claquait des dents
Même dans les beaux arrondissements
Et personne n´osait plus le soir
Affronter la neige des boulevards... alors

Des loups ououh! ououououh!
Des loups sont entrés dans Paris
L´un par Issy, l´autre par Ivry
Deux loups sont entrés dans Paris
Tu peux sourire ( ?), charmante Elvire
Deux loups sont entrés dans Paris.

Le premier n´avait plus qu´un œil
C´était un vieux mâle de Krivoï
Il installa ses dix femelles
Dans le maigre square de Grenelle
Et nourrit ses deux cents petits
Avec les enfants de Passy... alors

Cent loups, ououh! ououououh!
Cent loups sont entrés dans Paris
Soit par Issy, soit par Ivry
Cent loups sont entrés dans Paris
Cessez de rire, charmante Elvire
Cent loups sont entrés dans Paris.

Le deuxième n´avait que trois pattes
C´était un loup gris des Carpates
Qu´on appelait Carêm´-Prenant
Il fit faire gras à ses enfants
Et leur offrit six ministères
Et tous les gardiens des fourrières... alors

Les loups ououh! ououououh!
Les loups ont envahi Paris
Soit par Issy, soit par Ivry
Les loups ont envahi Paris
Cessez de rire, charmante Elvire
Les loups ont envahi Paris.

Attirés par l´odeur du sang
Il en vint des mille et des cents
Faire carouss´, liesse et bombance
Dans ce foutu pays de France
Jusqu´à c´que les hommes aient retrouvé
L´amour et la fraternité.... et alors

Les loups ououh! ououououh!
Les loups sont sortis de Paris
Soit par Issy, soit par Ivry
Les loups sont sortis de Paris
J'aime ton rire (tu peux sourire), charmante Elvire
Les loups sont sortis de Paris
J´aime ton rire, charmante Elvire
Les loups sont sortis de Paris
Les loups, les loups, les loups.
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jeudi, novembre 05, 2015

516- Derniers jours au SILA et à Alger



Mardi  3 novembre. Non loin de la Grande poste les bouquinistes s'installent pour une nouvelle aventure... Je me suis rendu directement au Musée des Beaux-Arts.  70 marches, rappelez-vous et 200 dinars. « Laissez votre sac à dos à l’entrée. Gardez bien le ticket ». Numéro 4. Longue bâtisse sur quatre niveaux.



De sa terrasse on peut observer toute la baie de la capitale. « Quelques photos s’il vous plaît. C’est pour mon site, vous ne connaissez pas ? 10 ans pourtant et beaucoup de visiteurs…  http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.com/ . C’est pour faire connaître ce magnifique lieu ». « Une seule ? » « non quelques-unes ». J’ai renouvelé cette demande plusieurs fois car les gardiens qui circulent à travers les différentes travées sont nombreux.  Que de beaux ouvrages en effet, de la peinture, de la sculpture, art déco et contemporain… bref, des siècles d’histoire de l’Art en Algérie. De Utrillo, Bourdon à Matisse, Vlamenck, de Gammiéro  à Maya. De l’espace Belmondo à Racim… Un régal. Deux heures plus tard, je ne sentais plus mes jambes. Il me fallait reprendre quelques forces, attablé  à la gigantesque terrasse.

Je reprends le métro et le tram jusqu’à… vous avez deviné : « La Foire ! » Mon ami… A.K. me fait faux bond. Un sociologue très demandé. Je prends un thé dans la grande Kheima de Béchar. Les allées du Salon me semblent moins bondées. On circule mieux. C’est moins le souk. Si la majorité des personnes ont le cou libéré, d’autres portent, pendues autour, des cartes rouges avec cette mention « 20° SILA », d’autres celle-ci « Presse », sur des cartes blanches.  De la chaise où je me suis installé pour charger mon appareil photo (j’ai oublié de m’en occuper à l’hôtel). J’aperçois au stand du très sérieux CRASC, un professeur que je connais pour avoir participé à une de ses interventions(en cercle réduit) à Manosque. Monsieur Q. J-M. Il tient entre les mains le dernier ouvrage (reconnaissable par ses volume et couleurs) du centre de recherches anthropologiques. CRASC : « Dictionnaire du passé de l’Algérie : de la préhistoire à 1962. » Je débranche mon Leica Lumix le temps de prendre en photos monsieur le professeur.  Il est plongé sur la même page qu’il semble lire et relire. Je participerai un peu plus tard à sa conférence intitulée « L’enfant, le livre et l’école : l’expérience française »


Tiens voilà quelqu’un d’autre que je connais (ou plutôt « reconnais »,  nos relations sont certes amicales, mais superficielles). S. H. éditeur de son état. « Bonjour, bonjour » « quoi de neuf, » « ça va ? » « oui ça va » « et Marseille ? » « Ah, Marseille… » J’ai peine à comprendre ce qu’il dit.  Il traîne d’une main une lourde (en apparence) valise mauve sur roulettes noires et de l’autre il presse un sandwich quelconque, qu’il porte à sa bouche encore pleine. Il lève un bras pour dire « désolé, je dois continuer ». Il ne le dit pas, car il mâche, goulûment, son sandwich, mais je comprends. Il hoche la tête devant une dame qui le croise. Une journaliste. Elle le croise, elle vient donc vers moi. Cette fois ce sont nos propres regards qui se croisent. Dans le sien je vois un point d’interrogation aussi gros qu’une boule de pétanque prête à être lancée sur le cochonnet qui l’attend. Je lui tends la main et lance « La Tribune ? », elle dit « Chaîne 3 ». Les journalistes, comme les éditeurs, et contrairement aux chercheurs, sont toujours pressés. L’actualité leur colle au corps pour mieux les berner et nous avec. Je lui offre mon dernier recueil dont elle lit le titre et lance « Ah ghrompawghawch ! ». Comme vous, moi non plus je n’ai pas vraiment saisi ce qu’elle m’a envoyé. Etait-ce une amabilité ? Pendant ce temps mon appareil photo se gave de particules élémentaires. A l'Espace Institut français, Maïssa Bey et les représentants de l'Institut (M. Alexi A...) récompensent les lauréats de La nouvelle fantastique.



Plus tard j’assiste à une table-ronde assez animée sur « La nouvelle littérature africaine, vers la rupture ? » Un ébat chaud disais-je, avec le dynamique et talentueux Armand Gauz, avec aussi Kangni Alem, Parkes Nii Ayikwei et la traductrice Sika Fakambi. La modératrice ne fut hélas pas à la hauteur.

Mercredi 4 : « Gare d’ Agha ». 8 heures. Départ du train à destination d’Oran où l’on arrive à 12h52 (oui, parfaitement, tel qu’annoncé).

mardi, novembre 03, 2015

515_ Le Salon (encore)





Il a plu cette nuit de dimanche à lundi. Il ne fait pas chaud, mais je n’irai pas à parler de petite laine, nous en sommes loin. Métro Grande poste Tifourah. Toujours du monde. Lorsqu’arrive mon tour je demande « un aller pour La foire s’il vous plaît ». Le guichetier me tend le ticket. Je lui demande s’il combine bien les deux trajets métro et tram. Il est sur le point de répondre, mais derrière moi un homme s’impatiente. Depuis un moment d’ailleurs, à vouloir passer devant sans bonne raison, un handicap, je ne sais... Il tend son bras par dessus mon épaule (il est grand l’abruti) et pause une pièce sur la plate-forme. Je lui demande si cela l’ennuie d’attendre son tour. Il me répond « je suis pressé ». Plus abruti que cela tu meurs aurait dit mon fils, ou ma fille, à l’âge de son adolescence. Il insiste et répète « tu nous fais perdre notre temps ». Je lui fais signe, l’invite à passer devant. J’étais sur le point de l’applaudir, mais je lui dis simplement « vous ne manquez pas de culot, mais beaucoup de respect ». «  Tu monopolises le guichet. » Personne n’a rien dit. Pas d’approbation, pas d’acquiescement, en tout cas, non exprimés. Neutralité.
Arrivé à « La foire » je prends deux galettes, m’semen aux oignons, des M’hajba » (50DAX2). Au stand de l’Institut français Amhis Djouhar raconte une histoire à une quinzaine de gamins attentifs. A l’Esprit Panaf une table-ronde s’apprête à commencer. Je m’installe. « Quel regard sur le temps qui passe ? » Vaste et inextricable question. Il y a des confusions dans l’air. On confond temps, mouvement, durée… (vidéo)
Cette question fut l’objet principal de mon premier roman, il y a quinze ans… « Le temps d’un aller simple », lui-même aussi confus (normal) que la question. Voici ce que j’y écrivais (entre autres), page 105 :

« Le mercredi, d'un commun accord nous quittâmes tôt la rue Dejean pour la porte de Clichy. Le pieux patron qui nous vit sortir ne répondit pas à notre "au revoir" mais baissa la tête et tira sur sa moustache. Puis il cracha, contraint par la chique ou bien pour nous maudire. Par je ne sais quelle combinaison sinon celle du hasard nous tombâmes dans la rue saint Honoré. Un passant qui tuait son temps s'alarma devant mon visage défait et son regard sur le mien. Il devina que nous étions perdus. J'ai naturellement bafouillé quelques mots pour justifier notre égarement. "Prenez sur la Madeleine puis les Mathurins dit le passant. Surtout ne vous y arrêtez pas. Continuez sur votre gauche. Plus loin vous aurez Rome sur votre droite et Messine sur votre gauche. Ne prenez ni l'une ni l'autre. Allez tout droit devant vous. A saint Augustin redemandez votre chemin". L'inconnu n'avait pas tout à fait tort et sa conviction était graniteuse. Il ajouta à Katarina : "Et bonne chance parce qu'avec ce sac à dos…!" Elle sourit et l'homme s'évapora. Nous arrivâmes devant la place le métro l'église et le bar-tabac saint Augustin. Nous ne vîmes pas le temps passer. A hauteur d'yeux sur la partie gauche du portail de l'église une plaque sans âge se laisse parcourir. Elle brave l'éternité et nous met en garde : Ecce puta uox corporis incipit sonare… Imagine-toi qu'une voix corporelle commence à se faire entendre, qu'elle continue à se faire entendre, et puis qu'elle cesse, et que le silence lui succède. Alors cette voix est passée, et ce n'est plus une voix : elle était à venir avant qu'elle se fit entendre ; et comme elle ne pouvait alors être mesurée, parce qu'elle n'était pas encore, elle ne le saurait être maintenant, à cause qu'elle n'est plus. Elle pouvait donc être mesurée pendant qu'elle résonnait, parce qu'elle était, et qu'ainsi on la pouvait mesurer ; mais en ce temps-là même elle n'était pas ferme et stable, puisqu'elle marchait et passait. Amen.
- Tu as compris ? »

Boudjedra, pour justifier sa grandeur ou sa hauteur (il ne connaît pas Montaigne (pas Beaumarché) peut-être ? « Sur le plus haut trône du monde, on a beau s’élever… »), ne se présente pas laissant en plan le public. Amin Zaoui arrive. Evoque sa famille, particulièrement l’amour qu’il porte à sa mère et celui qu’elle-même et son mari partagent… et de ses romans et nouvelles. Son parler est direct, courtois. En arabe dialectal, une réjouissance, mais aussi en français. De nombreuses questions furent posées, certaines fortement marquées par des contenus idéologiques rétrogrades qu’il a su remettre à leur place, et passer à la littérature.



lundi, novembre 02, 2015

514_ Alger hors du Salon du livre

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Fête nat. donc. 
« Non monsieur, il n’y a de Wifi que dans le salon pas encore dans les chambres. » Je mets à jour Blog et Facebook. J’écris et réponds aux courriels… Avant de sortir je demande au réceptionniste de l’hôtel où se trouve le Musée des Beaux Arts. « Tu rends le métro et tu descends à l’arrêt Jardin d’Essais, après la station Hamma. » 
 
A la dite station un grand panneau indique « Jardin d’Essais de Hamma ».  Je pose la même question à un policier en faction devant le Jardin. « En face il y a le Musée Founoun el-Jamila » me répond-il en me montrant un grand escalier. N’ayant pas saisi, j’insiste « Les Beaux Arts ». Il reprend « Là c’est Founoun el-Jamila ». Bon. Je traverse la route, monte l’escalier – 70 marches – De la dernière marche, la vue est magnifique. Le ciel est dégagé et c’est tout le Jardin et toute la baie en arrière-plan qui s’offre au regard. Belle et étendue comme des fantasmes d’un 1° novembre apaisé surgis d’un cliché d’Henri Cartier-Bresson. Je secoue la porte d’entrée du musée. Il est manifestement fermé. « C’est 1° novembre » me dit un conducteur bizarre, affalé sur son siège de chauffeur, le regard alerte, sur le qui-vive, tenant inutilement un journal entre les mains. Derrière le véhicule, une autre voiture et une pancarte indiquent en arabe et en français en lettres majuscules : « Il est interdit de stationner aux abords du Musée. » Il n’y a pas de lettres majuscules en arabe, autrement on y aurait eu droit. Cette plaque est inutile. Le chauffeur est peut-être autorisé. Il est peut-être en mission ? Les 70 marches ne contribuent pas à la sérénité, et mon esprit s’égare. Je reviens au Jardin d’Essais. Je prends la première des deux entrées, à droite. J’attends mon tour patiemment. Lorsqu’il arrive, je tends un billet de 200 dinars. « Nous n’acceptons pas ces billets » me dit le guichetier. « Pourquoi ? » réponds-je. Vous auriez, vous aussi, certainement réagi identiquement. « C’est comme ça. Voyez l’autre guichet » s’impatiente le guichetier du guichet de droite. Je vais au guichet de gauche (entrée de gauche). J’attends mon tour, moins patiemment. Lorsqu’il arrive enfin, je tends le même billet de 200 dinars. Même réaction : « Nous n’acceptons pas ces billets, donnez-moi de la monnaie ». « Je n’ai pas de monnaie, mais pourquoi refuser mon billet ? » « C’est la direction qui ne veut pas ». « Je peux parler à la direction ? » « C’est 1° novembre, elle est pas là ». Un jour, un vieil ami m’avait juré sur ses grandes certitudes que son père lui avait assuré que Kafka était Algérien. Mon expérience, riche aujourd’hui de plusieurs décennies, remercie ce père et cet ami de m’avoir mis tôt la puce à l’oreille. La banque ou le marchand de journaux vous délivrent des billets de 200 DA et une administration de l’Etat (le Jardin d’Essais est une institution officielle) vous le refuse. Kafka. Sur mon insistance à vouloir comprendre, le guichetier me tend un billet d’accès (rose) « Entrée N°2 – Jardin botanique du Hamma - adult (sic) - Prix : 60 DA. Valable le 01-11-15. 00 : 00 : 00 », et me fait signe d’entrer. Et il sourit. Etrange. J’ai remisé mon billet de banque.

Je m’engage dans le premier des longs chemins, « Allée des platanes ». La foule est nombreuse. A croire que tout Alger s’est donné rendez-vous dans le Jardin. Jeunes, moins jeunes, familles… cris, ballons, bonbons, photos… et klaxons évidemment. 

La végétation est dense. Voici le jardin zoologique. Je n’aime pas les zoos. L’allée des dracaenas très ombragée. Sur l’un des arbres une pancarte rouge prévient : « Interdiction de grimper sur les arbres ». Des enfants jouent à Tarzan. Ne savent-ils pas lire? ou bien sont-ils, ce que je crois, poussés par d'irrésistibles envies d'imiter le vieil héros?  
 
Plus loin le célèbre et géant arbre. L'Arbre de Tarzan.  C’est ici en effet, sur cet arbre et autour,  que furent tournées avec Johnny Weissmuller les mythiques scènes de Tarzan l’homme singe (W.S. Van Dyke, 1932) et de Cheeta sur des lianes avec la divine Maureen O’ Sullivan…
Je continue: le Carré des plantes autochtones, l’allée des bambous…

Au même agent de police (Founoun el-Jamila) je demande s’il connaît La Maison Abdellatif ? Il lève les bras pour me signifier son ignorance de ce lieu en me regardant étrangement, « ce type me dit quelque chose » semble-t-il penser. Un jeune qui attendait le déluge ou sa dulcinée, un pied posé sur un muret, à la manière d’Aldo Maccione, entend notre échange. Il dit en accompagnant ses paroles d'un grand demi-cercle avec son bras de gauche à droite, suivi d’un autre de droite à gauche : « Chouf yak ho, tu prends cette montée, la première à droite non, la deuxième tu tournes. Tu longes la route sur deux cents mètres, c’est là, tu prends à gauche. » En moins de dix j’y étais. Moins de dix, peut-être pas. C’est juste une expression. Il m’a fallu une petite demi-heure (ça monte 6% de dénivelé ou pente). 
L’accueil et la visite de ce bel endroit sont à la hauteur de la renommée de Dar Abdellatif (Abd El-Tif) ou Aarc (Agence algérienne pour le rayonnement culturel). Je suis accueilli par un homme, qui s’éponge le front. Ne me demande rien. Il dit «  on a failli brûler ! » Je comprends qu’il commence à me relater un événement ancien. « Non, là, il y a moins d’une heure, il y a eu le feu. Heureusement les pompiers sont vite arrivés ! » Essoufflé. Je lui demande si je peux toutefois visiter la Maison. Oui, bien sûr.

C’est une véritable demeure dont l’esprit même est tourné vers l’art. Une maison construite au début du 18°. Abd El-Tif l’achète et sa famille la conserve jusqu’à l’invasion française.

Aujourd’hui, ce beau palais accueille, à la manière de la Maison Médicis en Italie, mais à la renommé moindre, faut pas exagérer, des artistes de tous bords. Ses nombreuses pièces sont occupées aujourd’hui par un seul exposant, le miniaturiste Hachemi Ameur. Le sympathique Aïssam m’en fait visiter toutes les pièces qu’il commente avec malice. Ainsi me montre-t-il une illustration, persifleur : « Hadi c’est pour dénoncer ceux qui ont fui et renié le pays, "Ma yenkar aslou ghir el bghal'' ». Moi : « ils ont fui, mais tous n’ont pas renié le pays ! » Notre ami réajuste son propos « Non, pas tous… » Devrais-je lui raconter ma vie ? Je suis d'autant vexé que ce n'est pas la première fois que j'entends ce type de réflexion, faisant accroire que tous ceux "qui n'ont pas fui" ont courageusement lutté contre les "islamistes, intégristes, terroristes..." et tous les istes imaginables. Diantre. Cela ne m'étonnerait guère qu'ils se mettent à réclamer des cartes d'anciens (nouveaux) combattants... Bref. Un personnage de Maalouf dirait non sans malice (Les Désorientés): "lâcheté de ceux qui partent, et mains rouges de ceux qui restent"... Passons. 


Je reprends la pente… direction Le Makam Chahid, Le Mausolée du Martyr, le Musée du Moudjahid, celui de l’Armée… Ce n’est plus une foule, mais un fluide continu, une marée humaine… Dans le musée de l’Armée on avertit « Il est interdit de prendre des photos. Rangez vos portables ! » Le hall d’entrée et la rotonde sont occupés (squattés) essentiellement par tout ce qui renvoie à Boumediène : photos, cigares, pièces de monnaie, pièces de collection offertes par l’empereur Haïlé Sélassié et par Anissa, une DS 21 « Véhicule personnel du défunt président », avec cette immatriculation toute moderne « 366.172.16 ». Une statue en pied de plus de deux mètres, trône bien en vue « Jughurta. Roi de Numidie ». En tout petits caractères, sur un côté du socle cette signature, M. Konieczny, 84. Très probablement le sculpteur polonais, Marian Konieczny, l’auteur de la belle « Warsaw Nike », le mémorial des Martyrs polonais. Il y a d’autres statues comme celle de Abdelmoumen Ben Ali le fondateur de l’Etat Almohade, de Barberousse, et à l’étage de Massinissa, de Syphax, de Macypsa, de Juba père et fils, de Takfarinas… J’en sors, exténué. Vivement le centre-ville et un rafraîchissement.