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vendredi, décembre 06, 2024

889_ Traversées périlleuses... Présentation (au Salon du livre d'Alger)

 



Vous résidez en France (ou ailleurs dans le monde)

Le roman va bientôt être référencé ici:   https://www.amazon.fr/traversesperilleuses


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Vous résidez en Algérie

Vous résidez en Algérie et, brusquement, l'envie vous prend comme une envie soudaine de me lire... alors, commandez mon dernier roman (Casbah Ed.) Vous le trouverez dans nombre de librairies, mais également (trouvé par hasard) / ici...https://www.booxium.com/.../traversees-perilleuses-du.../
RENSEIGNEZ-VOUS


 



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lundi, décembre 02, 2024

888_ Salon international du livre d’Alger 2024, SILA _ Analyse de la presse.


Salon international du livre d’Alger 2024, SILA 

 Analyse de contenu de la presse

 ahmedhanifi@gmail.com    





L’analyse que je propose ci-après est succincte. Cette analyse de contenu de la presse algérienne concernant le 27e Salon international du Livre d’Alger (SILA) qui s’est déroulé du 6 au 16 novembre 2024 au Palais des expositions à Alger porte sur trois quotidiens francophones : L’Expression, El Watan et Le Quotidien d’Oran. Le site internet du Quotidien d’Oran m’a été très utile car à Alger, je n’ai pas trouvé en kiosque ce quotidien. Le choix de ces trois quotidiens relève de ma propre subjectivité.

Mes questions initiales ont porté sur le type, la diversité des articles et les contenus que proposent ces journaux, leurs analyses et suggestions, leurs type de liens avec la littérature avec un « L », avec les auteurs…Les journaux analysés couvrent la période allant du mercredi 6 novembre, date officielle de l’ouverture du Salon au dimanche 17 novembre, date de comptes-rendus de la dernière journée (le samedi 16) du Salon.

Voici le résultat.

 

J’ai relevé 89 articles dont 12 entretiens. Je n’ai pas retenu les encarts en bas des Unes (une ou deux lignes qui renvoient aux pages intérieures du journal), ni les blocs-notes (calendriers des interventions, conférences, spectacles). Parmi les plus prolifiques des journalistes je citerai Aomar Mohellibi de L’Expression avec 26 articles dont onze entretiens (la quasi-totalité des trois journaux), Nacima (tantôt Nassima) Chabani avec onze article pour El Watan, Nadir Iddir avec sept articles pour El Watan. Notons seize articles anonymes (10 pour L’Expression, 6 pour El Watan). El Yazid Dib a écrit trois encadrés très intéressants « Raïna Raïkoum » dans Le Quotidien d’Oran.

 

Notons également des articles signés M. Kali (dont un sur B. Benachour) et d’autres en faveur de M. Kali. Et Bouziane Benachour sur L. Labter et lui-même ailleurs sur… De nombreux journalistes (ou intervenants extérieurs) n’ont signé qu’un seul article : M.F, Nordine D, Guy Dugas, T.A.S., M. Touati, S.O.K., etc. On trouve des articles de présentation d’auteurs, des articles sur l’histoire, d’autres qui mettent en relief la guerre d’indépendance, la Palestine, des articles sur des disparus, des traductions en Tamazight, sur les « mythes fondateurs », et sur des éditeurs heureux, ainsi Ahed Farouk (Aser Al-kotob) : ‘‘Notre force c’est notre politique de commercialisation’’ ».

Les contenus des entretiens sont souvent de surface, sans profondeur, oiseux, faisant apparaître une méconnaissance apparente de l’objet questionné (ouvrages non lus) … Voici un chapelet de questions posées aux écrivains. 

Le nombre des questions pour onze entretiens sur les 12 varie entre 3 et 8. Les questions de l’un des entretiens n’ont porté que sur la Guerre d’indépendance. Quant aux autres, voici une sélection : « Pouvez-vous vous présenter, À quand remonte votre passion pour l’écriture, Comment est née votre passion pour la littérature, comment s’est déroulée votre première séance de vente-dédicace, comment se déroule votre participation, quels sont les côtés positifs d’un tel événement culturel grandiose, quel est votre avis sur cet événement culturel grandiose, quelle ambiance a prévalu au stand, avez-vous rencontré d’autres écrivains, comment s’est déroulée votre journée au Sila, quelles sont les belles choses que vous avez relevées au Sila, comment expliquez-vous l’affluence phénoménale sur le Sila, quels sont vos coups de cœurs, est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous pensez du Sila, quelle est votre appréciation de cette édition, quelles sont les choses qui vous ont le plus marqué, avez-vous senti une différence palpable dans l’ambiance générale, pouvez-vous nous décrire l’ambiance lors de votre séance de vente-dédicace, peut-on connaître le secret de cette belle ambiance dans votre stand, dans quelle ambiance s’est déroulée votre séance de vente-dédicace, que vous a apporté cette édition du Sila, quels sont les aspects positifs du Sila, quels sont vos coups de cœurs lors de ce Sila, des centaines de livres sont publiés à l’occasion du Sila à quoi peut-on attribuer ce besoin d’écrire, qui vous a inspiré tel personnage, est-ce que vous relisez vos romans… » etc, etc. Autant dire pas de littérature, pas de relief, pas d’envergure, mais de la surface, de la façade, du plat. Peut-être par manque de temps. Peut-être.

 

Je n’ai lu (ai-je tout lu ?) nulle part une seule recension, adaptée au format (pas une seule) d’un titre quelconque. Pas une seule présentation classique et donc en profondeur d’un roman, même si, appropriée. Aussi j’ai trouvé que les articles les plus intéressants sont ceux publiés dans Le Quotidien d’Oran.  Qu’on s’entende bien, il n’y a là ni flagornerie ni ailleurs mésestimation. Évidemment.

Les seuls articles (quatre hélas) que Le Quotidien d’Oran a réservé au SILA montrent que leurs auteurs n’ont manifestement pas apprécié. Les voici. Lisez-les. Ils en valent la chandelle. Sérieusement. Voici quelques passages :

-   Le 11 novembre, page 3, rubrique Raïna Raïkoum par El Yazid Dib : « Les ‘‘auteurs’’ du SILA : Ces derniers temps, un phénomène est apparu laissant voir énormément d'auteurs et peu de lecteurs, beaucoup de maisons d'édition et très peu de librairies. C'est surtout à l'approche du SILA, que tous les esprits épris d'écriture s'échauffent pour pondre de la poésie au roman à l'autobiographie, jusqu'à, par défaut d'inspiration, faire un livre de sa thèse ou de son mémoire. L'important est d'avoir une table de signature dans n'importe quel stand de la foire du livre. Et parfois y élire domicile tout le long de l'événement. La dédicace se fait entre copains et copines sous le clap des selfies et des grands sourires de réjouissance que l'on transfère instantanément sur l'un des réseaux. … C'est là un moment de grande extase, voire d'un accomplissement tant espéré… »

Délicieux

-   Le 12 novembre, page 3, rubrique Raïna Raïkoum par El Yazid Dib : « Le ‘‘Messie’’ saoudien au SILA : … 

« Je n'ai jamais vu autant de ferventes lectrices faire de la bousculade, du coude-à-coude pour une «fantasy» devant un romancier… Des chaînes de télévision nationales privées, de tout bord ont fait de cette huée un évènement culturel de niveau. Au lieu d'aller chercher ce qui a motivé cette catégorie de jeunes à s'amouracher de cet écrivain, de fouiner dans l'idéologie que véhicule son œuvre et d'expliquer la haute préférence dont il est investi par rapport aux auteurs algériens, toute expression d'écriture confondue, elles se sont bien mises, otages de la stratégie de la machine du terrible marketing qui est derrière ce ‘‘phénomène’’. En finalité, je crois qu'il (ce ‘‘messie’’, ce ‘‘ phénomène’’), a raison de déclarer lors d'un récent entretien ‘‘Je pense que les anciens modèles ne sont plus attrayants pour cette génération. Utiliser un langage difficile et mettre en avant ses compétences linguistiques et cognitives pour défier le lecteur n'est plus attrayant. Les lecteurs d'aujourd'hui ont besoin d'une histoire simple, bien tissée et dans un langage fluide’’. En l'état, il ne faut plus se tortiller l'arachnoïde pour peinturlurer avec une escouade lexicale un artefact épistolaire alors que sans boudage et avec des mots simples l'on peut faciliter la vie au lecteur. Voilà le message que tend à nous diffuser la foule du SILA. »

 

-   Le 14 novembre, page 3, rubrique Raïna Raïkoum par El Yazid Dib : « Maison d’édition, dites-vous ? »

« Il y a là une question existentielle. Est-ce que c'est l'auteur qui donne de l'éclat à une maison d'édition ou c'est elle qui le sort de l'anonymat pour le placer dans la case de la notoriété ?... L'éditeur est dans son droit de chercher en priorité l'aspect commercial…

Mais, une maison qui n'a pas de machine médiatico-relationnelle à faire hisser ses publications, à provoquer l'engouement, à créer le buzz livresque, à faire du bruit, à jouir d'un réseau de distribution performant, c'est comme une équipe de football qui malgré la disponibilité de joueurs de talent n'arrive pas à gagner un match. C'est donc une question de coaching. »  C’est sans bavure.

 

-   Le 16 novembre, page 2, rubrique Analyse par Mustapha Aggoun : « Ferveur littéraire ou illusion médiatique » (sans le point interrogatif).

« Dans l'effervescence du Salon international du livre d'Alger, il est fascinant de voir cette marée de jeunes se précipiter, non pas pour découvrir de nouveaux horizons littéraires, mais pour un livre précis, un auteur en particulier. Un instant de foule, un moment qui interroge. Que cache cet engouement soudain ? … Pour certains, cette scène est le signe vibrant d'une passion renaissante, celle d'une jeunesse avide de mots, enfin éveillée à la beauté des pages imprimées, prête à absorber les idées de ceux qui écrivent. Peut-être est-ce là, se disent-ils, le souffle d'une nouvelle génération de lecteurs, qui donne espoir en la pérennité du livre. D'autres, cependant, voient dans cet enthousiasme une chimère, une quête illusoire attisée par le battage médiatique. Une jeunesse, disent-ils, piégée dans un mirage, cherchant non pas la profondeur des mots, mais la satisfaction fugace d'avoir côtoyé une célébrité, juste l'ombre fugace d'une rencontre, la brillance d'une image… Les réseaux sociaux ont redessiné les contours de notre rapport à la culture. Plus puissants que les moyens traditionnels, ils jouent un rôle quasi-hypnotique sur les jeunes, transformant la quête de lecture en une quête de l'instantané, du sensationnel. Cet élan n'a plus pour but la connaissance mais l'émotion fugace de l'image, la réaction rapide et facile, l'adhésion collective à des tendances qui, demain, pourraient s'évanouir… Devant cela, il devient difficile de ne pas ressentir une certaine amertume, un scepticisme presque inévitable. Ce que nous voyons aujourd'hui, ce n'est pas un éveil littéraire, ce n'est pas une soif véritable de connaissance, mais le produit d'une culture façonnée par l'instantanéité des réseaux sociaux, par l'envie de voir et d'être vu, sans s'attarder sur la profondeur. La lecture, ici, devient un objet de consommation rapide, réduit à l'image de son auteur, effaçant l'essence même de l'expérience littéraire. Loin d'être un acte intime de découverte, la lecture devient alors un acte social, une étiquette, un reflet de soi dans le miroir du monde numérique. Que restera-t-il de cette ferveur éphémère ? » 

À bon entendeur ! Je vous laisse le soin de conclure à votre guise.

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jeudi, novembre 28, 2024

887_ Silence les Sand et les Sénac ! (Et ils se turent/tuèrent)

 

Silence les Sand et les Sénac !

(Et ils se turent/tuèrent)

 

Boite à livres :

Choisissez,

Feuilletez,

Prenez,

Lisez,

Beckett.

Penser,

Beckett.

Penser Beckett.

Dire,

Dire,

Comment dire,

Le serment,

Marcher.

Marcher,

Respirer,

Inspirer.

Marcher, inspirer, expirer.

Et dire.

Comment dire ?

Lumières.

Sérénité.

Sérénité Beckett.

Comment dire ?

Dire,

Beckett.

Sérénité,

Beckett,

Sagan, Saint Exupéry,

Comment dire,

Saint-John Perse,

Sand,

Beckett,

Comment dire Beckett

Comment dire.

Sand,

Sarraute, Simenon,

Sartre,

Sartre,

Stendhal,

Sartre,

Stendhal,

Sembene,

Sénac,

Sénac,

Senghor,

Sue,

Stendhal,

Sarraute, 

Sand, 

Saint John Perse,

Sagan,

Saint-Exupéry,

Sénac,

Senghor,

Sue,

Etc, etc.

Libre.

Penser.

Dire,

Comment dire.

Comment dire.

Dire. Dire. Dire.

Silence.

Une feuille morte.

La lumière jaillira,

Hors de la Caverne.

 

Ahmed Hanifi,

Mercredi 27 novembre 2024

 

Lire vidéo :


(L’incarcération de Boualem Sansal « S », est inacceptable quoi qu’il ait pu dire)



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mercredi, novembre 27, 2024

886_ SANSAL, DAOUD... "L’Algérie et le sacre de ses écrivains" par Houari Touati

  26 NOVEMBRE 2024, BILLET DE BLOG – MEDIAPART_ PAR HOUARI TOUATI

 

L’Algérie et le sacre de ses écrivains

Il y a une chose dont la nouvelle Algérie a enfanté dans la douleur des spasmes de la « tragédie nationale » de la décennie 1990 et dans l’exaltation du bonheur politique retrouvé avec le grand mouvement de droits civiques des années 2019-2021. Cette chose n’est ni politique, ni religieuse, ni sociale, elle est littéraire et s’appelle le sacre de l’écrivain. Durant longtemps, le débat public en Algérie fut animé par des intellectuels, comme ils se définissaient eux-mêmes, alors que la plupart étaient universitaires. Presque tous ces intellectuels s’identifiant au modèle gramscien étaient des francophones, mais certains étaient arabophones, selon la terminologie d’usage. Autant dire que c’est dans la langue française que ces publicistes – car c’est surtout à travers la presse qu’ils s’exprimaient –, ainsi que leurs lecteurs, savouraient leur croyance en une espérance à la Ernst Bloch. Ils étaient quasiment tous marqués à gauche, et leur modèle d’intelligibilité du monde était celui du marxisme.

Les plus brillants, les plus cultivés, étaient issus de l’extrême-gauche maoïste et trotskyste, manifestement sur le modèle français. C’était l’époque du Boumédiénisme triomphant dont l’Occident n’a retenu que le seul versant militaire du système politique qu’il a instauré. Or ce système, porteur d’une occidentalisation décomplexée, a eu une dimension sociale et culturelle profonde. Mais tout cela a fini par sombrer avec l’échec de cette promesse de modernité. Lesdits intellectuels ont continué de s’exprimer, mais ils ont peu à peu perdu leur aura. Dans un contexte d’ébranlement généralisé, vieillissants et traumatisés par tant de drames qui se sont succédé en si peu de temps, et qu’ils n'ont pas su voir venir, ils sont supplantés par une nouvelle génération d’écrivains francophones et arabophones qui semble avoir surgi du néant comme pour le défier, tant des pans entiers de la modernité algérienne avaient volé en éclats sous l’action corrosive de la contre-réforme.

Mais le temps n’est ni à la réflexion ni à l’examen critique, il est à la dénonciation et à la diatribe contre les travers du pays. Tout y passe : l’État, la société, le conservatisme, l’islamisme, les inégalités de statut entre hommes et femmes, et j’en passe. Un nouveau paradigme s’instaure dans le paysage idéologique et intellectuel algérien : il est rhétorique. C’est la force du verbe, le sens de la formule bien frappée, l’audace de la comparaison et de l’analogie, qui prennent le pas sur la critique patiente de la société et de l’État au moyen de la connaissance positive et de l’érudition raisonnée.

C’est dans ce contexte que sont apparues les deux plumes les plus marquantes et les plus talentueuses : Boualem Sansal et Kamel Daoud. Les deux écrivains sont cependant l’arbre qui cache la forêt. Car ils sont la partie la plus visible d’un phénomène littéraire algérien d’une remarquable ampleur, qui a vu les écritures francophones proliférer au moment même où la mort de la langue française était annoncée comme imminente.

L’autre phénomène nouveau de ces années d’après-guerre civile est l’intervention régulière d’écrivains algériens dans les médias français, ainsi que dans la presse arabe paraissant à Londres. Mais c’est encore Kamel Daoud et Boualem Sansal qui prennent toute la place, à cause de leur surface médiatique et de la virulence de leurs propos exposés en particulier dans la presse de la droite identitaire et de l’extrême-droite identitaire française, dans un contexte de tensions et de crispations entre la France et son ancienne colonie. L’un et l’autre ne s’embarrassent pas de contre-vérités ni de jugements énoncés à l’emporte-pièce.

Dans le Talkshow de Léa Salamé, Kamel Daoud a exaspéré ses compatriotes algériens en déclarant que les jeunes filles algériennes étaient retirées de l’école de force à seize ans pour être mariées. Le propos est d’autant plus provocateur que l’école est obligatoire jusqu’à seize ans en Algérie, comme en France, et que la loi algérienne interdit le mariage forcé et que, enfin, les statistiques démentent cette assertion, en établissant que l’âge moyen au premier mariage oscille entre 24 ans dans le Sud (Illizi) et 29 ans dans le Nord (Alger). Cette évolution sociale et démographique est à mettre sur le compte de la démocratisation de l’enseignement, qui est l’une des rares réussites du pays. Car l’Algérie a un des taux de scolarisation des enfants de six ans qui est l’un des plus élevés au monde. En outre, comme partout où la démocratisation de l’enseignement est à l’œuvre, même dans les pays les plus conservateurs comme l’Arabie Saoudite, les filles en profitent mieux et plus que les garçons, en réussissant leur scolarité, si bien que – s’agissant de l’Algérie – elles sont plus nombreuses à l’université (57,3%, contre 38,5% sur 1,7 million d’étudiants en 2017).

À quelques jours d’intervalle, Boualem Sansal est allé plus loin dans cette démarche contrefactuelle dans un média de l’extrême-droite identitaire – Frontières – dont il est membre du comité éditorial.

Vue d’Algérie, la déclaration de l’écrivain est explosive, qui a consisté à soutenir « quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara (…). Quand la France colonise l’Algérie, elle s’installe comme protectorat au Maroc et décide comme ça, arbitrairement, de rattacher tout l’est du Maroc à l’Algérie, en traçant une frontière. » En tenant un tel propos, Boualem Sansal s’est livré à une opération de falsification de l’histoire, qui ne pouvait qu’agacer et navrer en même temps. Mais seule compte la formule choc. Et c’est ce qui caractérise le mieux la plupart de ces écrivains médiatiques algériens qui sont devenus les nouveaux intellectuels du moment. La propension à la dénonciation l’emporte sur le reste et justifie qu’on ait recours à l’à-peu-près, à la demi-vérité et à la contre-vérité.

S’agissant de la frontière algérienne, les sources historiques marocaines elles-mêmes démentent les allégations de l’écrivain algérien. Il y avait bien une frontière qui distinguait l’actuelle Algérie de l’actuel Maroc, et c’est sur sa base que la France agissant en qualité de puissance tutélaire de l’Algérie a négocié le tracé des frontières, qui est en grande partie celui de l’Algérie d’aujourd’hui. Et elle est plus ancienne qu’on le croit. C’est ce que déclare le grand historien marocain de la deuxième moitié du XIXe siècle Ahmad b. Nāsir al-Salāwī, lorsqu’il rapporte au sujet du sultan Mawlāy Ismā‘īl (1672-1727) dans un chapitre intitulé « Conclusion de la paix entre lui et le gouvernement turc d’Alger » ce qui suit : « Les Turcs lui écrivirent de renoncer à leur pays, et de respecter la frontière établie par ses ancêtres et par les rois sa‘diens leurs prédécesseurs, qui jamais n’étaient venus fouler leur territoire. Ils lui envoyaient en même temps la lettre que leur avait fait porter son frère Mawlāy Muhammad par leurs ambassadeurs, ainsi qu’une lettre de son frère Moulay al-Rashīd établissant une frontière entre leur territoire et le sien. La paix fut conclue en prenant l’oued Tafna comme frontière des deux pays ».

Il est difficile d’établir ce qu’était cette frontière naturelle à l’époque concernée. Mais il ne fait aucun doute dans l’esprit de l’historien marocain que la frontière passait par Oujda : « Cette ville, dit-il, est la frontière du Maghreb [extrême] », comme on désignait alors l’actuel Maroc. Et c’est ce que confirme « la construction de qasba-s sur la frontière ». Or aucune de ces forteresses bâties entre 1679 et 1680 n’était implantée dans l’actuel territoire algérien. La chose est évidente pour lui : ni Tlemcen, ni Oran, ni Mascara n’ont jamais fait partie du territoire de l’actuel Maroc. Ces villes ont toujours appartenu au Maghreb central, et non au Maghreb extrême, comme les géographes arabes désignaient l’actuelle Algérie et l’actuel Maroc. Et c’est encore ce que confirme un autre lettré marocain illustre.

En effet, lorsqu’il délimite le royaume de Tlemcen, pour dire ce qu’il était vers 1515, Jean-Léon l’Africain lui donne pour limite occidentale l’oued Za et l’oued Moulouya, qui se trouvent actuellement en territoire marocain. Or al-Wazzan, avant de devenir Jean-Léon l’Africain, était un scribe de chancellerie, puis diplomate. Il savait de quoi il parlait. Mais il serait absurde de tirer argument de telle ou telle source historique pour fonder des ambitions territoriales. Car il y a ce que les juristes musulmans appellent la « possession » (iyāza), qui est différente de la propriété et qui confère néanmoins des droits, si toutefois ces droits ne sont pas contestés pendant une ou deux générations. C’est là une matière inflammable qu’on ne devrait pas manipuler sans précautions. Or Boualem Sansal a ajouté en expliquant que l’Algérie n’a jamais eu d’unité politique, puisqu’elle n’a jamais eu d’Etat qui ait inscrit sa permanence dans la durée, pour qu’il soit possible d’en écrire l’histoire, réduite à n’être qu’un « truc », selon son propre mot. Pouvait-il ignorer qu’il s’agir là de l’un des lieux communs fondateurs de la vulgate coloniale théorisée par le géographe Emile-Félix Gautier en 1927 dans ses « Siècles obscurs du Maghreb » ? Étrangement, Boualem Sansal aggrave son cas, en étalant au grand jour son inculture politique, notamment lorsqu’il déclare que « l’Algérie est devenue communiste à son Indépendance ».

Faut-il pour tant d’ignorance et d’inculture persécuter quelqu’un, qui se trouve être par ailleurs l’un des meilleurs écrivains que l’Algérie indépendante ait donné à la littérature française et francophone ? Évidemment, non. Ce serait une faute politique et morale. Dès lors qu’il n’attente pas à la dignité humaine, un écrivain a le droit de dire et d’écrire ce qu’il veut. Aucune justice, aucune prison, aucun procès, ne peut le réfuter. Seule une plume réfute une plume. Mais il faut que l’une et l’autre ne soient pas serves. Or le président Tebboune a frappé fort et sans discernement toute expression émanant de la société civile. Comme il a interdit toute critique de l’appareil de l’État sans discernement. Ce n’est pas la meilleure des pédagogies que celle du redressement appliqué à ses citoyens pour marcher droit. Elle nous humilie et discrédite notre pays. Et puis le redresseur a beau frapper, il jugera toujours que les lois liberticides qu’il multiplie ne sont jamais suffisantes. Cette violence infligée au corps social est la négation de la politique, de l’éducation et de la culture, c’est-à-dire de tout ce qui fait qu’un homme est homme.

Le Président Tebboune devrait méditer cette leçon qui nous vient du grand écrivain littéraire et théologien rationaliste du IXe siècle al-Jahiz : « Que de fois, résolus à donner cinq coups de fouet, on en donne cent ! En effet, lorsqu’on commence à frapper, le tempérament est au repos ; cet état de quiétude suggère que le bon sens consiste à diminuer le nombre de coup. À peine le châtiment a-t-il débuté que le sang se met à bouillir, la chaleur gagne tout le corps, ce qui a pour effet d’intensifier la colère, laquelle intervient à son tour pour suggérer que le bon sens est de multiplier les coups. » Alors, il saurait que ce sont tous les Jāi de son pays, qui est autant le leur, qu’il abîme

Dernier ouvrage paru : L'arrivée de l'homme de l'homme en Islam et sa disparition. D'Athènes à Bagdad, Paris, Vrin, 2024

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lundi, novembre 18, 2024

885_ Chronique d’un prix Goncourt annoncé, par Christiane Chaulet Achour

www-histoirecoloniale-net


Chronique d’un prix Goncourt annoncé, 

par Christiane Chaulet Achour

15 novembre 2024

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 Chronique d’un prix Goncourt annoncé, 

 

par Christiane Chaulet 

 

Christiane Chaulet Achour revient pour histoirecoloniale.net sur les raisons très politiques de l'attribution du Prix Goncourt à l'écrivain algérien Kamel Daoud.

 

Dans une récente recension du roman Houris de Kamel Daoud, antérieure à son obtention du Prix Goncourt 2024, Christiane Chaulet Achour, professeure de littérature comparée et de littérature française à l’université de Cergy-Pontoise, pronostiquait que ce livre « aura certainement des prix mais sans doute pas pour des raisons littéraires ». Pour histoirecoloniale.net, elle revient ici sur les raisons de ce prix « annoncé », qui témoigne selon elle « une fois de plus de la difficulté hexagonale à regarder en face l’héritage impérial et de l’avidité à s’emparer d’une représentation partielle de l’Algérie, exonérant la France de toute responsabilité dans la transmission de la violence ». Dans un autre article, elle montre que contrairement à ce qu’on peut lire en France, ce roman n’est aucunement ‘‘le premier’’ sur la décennie noire écrit et publié en Algérie. On lira aussi avec intérêt sur Orient XXI « La fascination de Kamel Daoud pour l’extrême droite », par Fares Lounis (AH: cf. lien en bas de cette page), qui fournit quelques clés pour comprendre l’engouement de certains media et acteurs politiques, notamment dans l’extrême droite française, pour cet écrivain et éditorialiste.


Chronique d’un prix Goncourt annoncé

La France a occupé l’Algérie pendant 130 ans, fait historique non contestable… Il a fallu un certain temps pour que la domination linguistique, diffusée avec parcimonie il faut le dire – on ne va pas refaire l’histoire de la diffusion du français dans la colonie de peuplement – pour qu’elle produise des effets pérennes par l’entrée dans le champ littéraire français de « colonisés », écrivains talentueux. Inutile de s’attarder tant ils sont connus !

Le prix Goncourt fut créé au tournant du XIXe et XXe s. et le premier prix, décerné en 1903. Depuis plus de cent vingt romans ont été couronnés : c’est la première fois qu’un écrivain algérien est primé, sous colonisation ou sous nation. On ne reviendra pas sur les sept écrivains des suds primés entre 1921 et 2021 si ce n’est pour souligner le constat : aucun Algérien. Alors la question se pose légitimement : pourquoi ce prix en 2024, au moment où, comme l’écrit le journaliste Makhlouf Mehenni, dans Le Courrier international du 30-09-24, « les nuages sombres continuent de s’amonceler dans le ciel déjà pas trop serein des relations entre la France et l’Algérie. De part et d’autre, les signaux négatifs se multiplient, ce qui n’augure rien de bon pour l’avenir des relations entre les deux pays, qui s’écrit désormais en pointillé ».

Le président du prix a précisé les raisons du choix de Houris de Kamel Daoud par les jurés (6 sur 10, après le 5ème tour de vote) : « L’Académie Goncourt couronne un livre où le lyrisme le dispute au tragique, et qui donne voix aux souffrances liées à une période noire de l’Algérie, celle des femmes en particulier. Ce roman montre combien la littérature, dans sa haute liberté d’auscultation du réel, sa densité émotionnelle trace, aux côtés du récit historique d’un peuple, un autre chemin de mémoire ».


La dernière expression est particulièrement intéressante. Quel est cet « autre chemin de mémoire » que trace Houris pour les jurés du prix français le plus prestigieux ? Désigne-t-il la dissidence appréciable au plus haut point aujourd’hui en France d’un écrivain algérien ? On ne nous opposera pas le coup du chef d’œuvre littéraire qui s’impose dans une course où il y a tant de talents. On sait, depuis les études décisives faites qu’un prix littéraire renommé cumule le littéraire, l’économique et le politique et que les deux derniers pèsent de tout leur poids dans le choix. Un exemple parlant du poids du politique est le prix Nobel décerné à Albert Camus en octobre 1957, au moment où la Bataille d’Alger se termine. On appréciera aussi qu’une fois encore ce soit un des trois éditeurs du « triangle des Bermudes » (Le Seuil/Grasset/Gallimard) qui soit honoré en la personne d’un de ses romanciers. Mais chez Gallimard, la même année, un autre roman a été publié sur cette décennie noire, Bientôt les vivants d’Amina Damerdji. Ne proposait-il pas « un autre chemin » pour avoir été laissé au bord de la route, en ne le citant même jamais dans tous les articles qui paraissent sur Houris depuis septembre ?

En 2014, Kamel Daoud avait raté le coche, au profit de Lydie Salvayre, pour Meursault contre-enquête, roman qui reste, de mon point de vue, sa meilleure performance à ce jour. Il n’est pas inutile de rappeler les propos de son éditeur algérien (éditions Barzakh), Sofiane Hadjadj, qui le premier a édité ce roman, au Huffington Post Algérie : « C’est la première fois qu’un auteur algérien est nominé la même année pour les prix les plus prestigieux de la littérature francophone (…) avec un livre paru d’abord dans son pays d’origine. (…) Kamel Daoud est un écrivain algérien vivant en Algérie et qui a été édité en Algérie. Cette reconnaissance française et internationale est donc une grande fierté ».

Après la non-obtention du prix, le romancier avait tweeté : « J’aurais voulu offrir de la joie aux miens, aux gens et aux lecteurs, rentrer au pays avec une belle image de soi ».

Dix années ont passé et… beaucoup d’eau sous les ponts ont coulé tant dans les relations franco-algériennes que dans le parcours du romancier. Cette fois-ci, le travail vers le couronnement a été bien fait dans le champ médiatique et littéraire franco-occidental que Kamel Daoud occupe avec talent, provocation, opportunité et opportunisme. Selon ce qui semble être devenues des convictions bien chevillées au corps, tous les petits cailloux blancs ont été posés : positionnement volontairement provocateur sur le conflit Israël/Palestine, dialogues avec certaines personnalités, contempteur inlassable des islamistes, etc…

Il se crée autour de lui une atmosphère de la dissidence qui le distingue parmi les Algériens jamais assez « critiques » sur leur pays. On ne peut multiplier les citations mais les deux mots que les médias français accolent le plus volontiers à son nom sont ceux de lucidité et de courage. Sous le titre : « L’intellectuel qui secoue le monde », Le Point lui consacre un dossier, le 9 février 2017 : « Les prises de position de l’écrivain algérien sur l’islamisme et les dictatures arabes ont un retentissement mondial »… Rien que ça !  Dans Télérama, en février 2020, sous la plume de Marie Cailletet, à propos d’un documentaire sur l’Algérie auquel Kamel Daoud a participé : « ses prises de position sur l’islamisme, la place des femmes, les archaïsmes de la société algérienne, les turpitudes de l’ère Bouteflika ont valu à Kamel Daoud, chroniqueur et écrivain, fatwa, attaques et campagnes de dénigrement virulentes (…) Une parole lucide, sans complaisance et insoumise ». C’est un écho comparable qu’on trouve cette fois dans le « Grand entretien » de Rachel Binhas dans Marianne en septembre 2024 : 


« L’écrivain Kamel Daoud analyse avec lucidité le Hirak ». Ces exemples montrent que de 2017 à 2024, « l’autre chemin de mémoire » a été bien tracé.

Alors Houris, couronné pour dissidence ? De quelle dissidence s’agit-il ? De celle qui donne à lire un roman entièrement consacré aux islamistes, à leurs méfaits et à leur criminalité – que plus d’un roman algérien a dénoncé et qui n’est pas contestable –, en dehors de toute mise en contexte antérieure, nationale et internationale, et surtout en dehors de tout rappel de la période coloniale, lavant ainsi la France de 130 années de « gestion » algérienne ou y faisant allusion comme un épisode moindre que la guerre de la décennie noire ? Enfin un écrivain algérien, lucide, qui s’en prend aux siens « islamistes », rencontrant un combat actif dans l’hexagone, plutôt qu’à l’ennemi « historique » !… Ce prix décerné l’est, avant tout, sur le plan politique. Il témoigne une fois de plus de la difficulté hexagonale à regarder en face l’héritage impérial et de l’avidité à s’emparer d’une représentation partielle de l’Algérie, exonérant la France de toute responsabilité dans la transmission de la violence.

Christiane Chaulet Achour

7 novembre 2024

*Pour une analyse détaillée de la fabrique du texte, voir mon article dans Collateral, 13 septembre 2024, « Kamel Daoud écrit sa catabasse » ; et dans 24HDZ du 6 novembre 2024 : « Houris, ‘‘ premier roman algérien sur la décennie noire ?’’

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Pour lire, « La fascination de Kamel Daoud pour l’extrême droite », par Fares Lounis

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