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vendredi, avril 17, 2020

696_ Et j’ai crié, crié, Aline !



Christophe a été emporté par le Covid 19, cette nuit. Il avait 74 ans. La majorité des jeunes ne le connaissent pas. Mais tous eux qui furent jeunes dans les années Yéyé (et la décennie suivante) le connaissent, ils ont aimé ses chansons. Christophe, c’est Aline (1965), Les marionnettes (1965), Les mots bleus (1974) et tant d’autres belles mélodies.



Comme une fulgurance, à la seconde même où, sur France Inter j’entendais la nouvelle, tôt ce matin, un puis deux lieux, deux moments, deux images ont traversé mon esprit. D’autres sont venus l’embouteiller. Je vous parlerai des deux premiers.



Dans le premier lieu, je me vois nettoyer avec un torchon élimé blanc à rayures vaguement rouges les verres sous le double regard, le premier, attentif de Mireille, la patronne que j’appelais « M’dame », je disais toujours « oui M’dame » et le second plus indulgent peut-être même indifférent et plutôt flottant, celui d’un vieux client à la corpulence d’ancien Sumotori, assis sur un tabouret devant un double Ricard et répétant en jouant de ses mains et de son corps « Et j’ai crié, crié, Aline pour qu’elle revienne, et j'ai pleuré, pleuré, Oh! J'avais trop de peine… » Le lendemain (ou le surlendemain, j’y venais trois ou quatre fois par semaine) il était assis au même endroit et lorsque de nouveau il entendait la même chanson, il fredonnait encore les mêmes paroles « Et j'ai pleuré, pleuré, Oh! J'avais trop de peine… ». Je pense aujourd’hui qu’il en avait plein le cœur ou la tête. Deux ou trois autres clients, plutôt silencieux, se partageaient le reste du pub. Je travaillais dans ce club, depuis la mort de mon père, trois années auparavant, quelques heures par semaine, entre deux et douze (les heures) par semaine. Il s’appelait  « l’Aéroclub d’Oranie » et était situé au 14 de l’avenue Loubet entre deux autres célèbres brasseries, Le Majestic à l’angle sud-ouest (plus ou moins) et Les Falaises à l’angle Nord-ouest (plus ou moins).

 
Aline, par Christophe. 1965

J’étais barman, pas 18 ans, ni fiche de paie, mais des bananes en guise de salaire. Sur son vieux tourne-disque, la patronne passait en boucle les chansons de Sylvie Vartan, Johnny, Marie Laforêt, Les chaussettes noires, Christophe  – Aline n’avait pas cinq ans… « J'avais dessiné Sur le sable Son doux visage Qui me souriait Puis il a plu Sur cette plage Dans cet orage Elle a disparu Et j'ai crié, crié… » Oui je criai aussi souvent à cette époque horrible (pourquoi donc ? laisse béton va) 



Dans le second lieu, je me vois avec mon ami B., à la même époque, sur le sable très chaud de Paradis-Plage, pas loin où l’Arabe Snp fut descendu par Meursault, bien avant le coup d’État et l’indépendance. Nous étions une bonne vingtaine d’adolescents agglutinés autour du stand de la RTA, autour de la bellissima Leïla Boutaleb. Elle faisait le tour des plages d’Algérie et offrait des disques, des jouets, des jeux… à celui ou celle (les filles étaient aussi nombreuses que les garçons) qui découvrait le titre de la chanson qu’elle nous donnait à entendre… à l’envers. C’eût été trop facile autrement ! Ce jour-là mon ami B. et moi ne savions pas que l’émission, « Radio-crochet » était son nom, se déroulerait sur les plages oranaises, mais nous la connaissions. « Écoutez » fit l’animatrice à la première note. Elle n’eut pas le temps de reprendre sa respiration.  À la deuxième ou troisième, peut-être la quatrième note, j’ai levé tous mes bras, et crié, mais crié comme un putois heureux, en trépignant : Aline ! Aline ! Aline ! » La bellissima (oui) Leïla Boutaleb avait des yeux gros comme ça de surprise. « Applaudissez-le, allez, applaudissez-le » se réjouissait-elle. Autour d’elle ses collaborateurs, techniciens, chauffeurs… applaudissaient, m’applaudissaient. Ils étaient tout autant cois qu’elle. Je l’aimais beaucoup Leïla Boutaleb, savez-vous. Elle nous faisait rêver avec ses émissions matinales. Elle en animait ou animerait plusieurs : le réveil musical, à cœur ouvert, le chant du coq (j’appréciais moins, il me semble aujourd’hui que c’était de la propagande). Je peux écrire aujourd’hui qu’elle (et d’autres) m’a aidé à tenir (quoi donc ? laisse béton va). Un jour, bien plus tard, non loin du Majestic, j’ai rencontré Djamel Amrani qui flânait sous les arcades. Je souhaitais parler de « Psaumes dans la rafale », mais il m’a assommé pendant quinze minutes en ne parlant que d’elle, « ma chérie, ma chérie » répétait-il, Leïla Boutaleb, sa fusion. Il me semble que je m’égare là. Revenons à l’émission « Radio crochet ». Ce jour-là, je suis reparti de Paradis-Plage avec une belle table pliante en fer (60X40) toute bleue que je n’ai pu partager avec mon ami B. Comme des vagues à l’âme. « J'avais dessiné/ Sur le sable/ Son doux visage/ Qui me souriait/ Puis il a plu/ Sur cette plage/ Dans cet orage/ Elle a disparu/Et j'ai crié, crié/Aline/Pour qu'elle revienne/Et j'ai pleuré, pleuré /Oh! J'avais trop de peine/Je me suis assis /Auprès de son âme/Mais la belle dame/S'était enfuie/Je l'ai cherchée /Sans plus y croire/Et sans un espoir/Pour me guider/Et j'ai crié, crié/Aline/Pour qu'elle revienne/Et j'ai pleuré, pleuré /Oh! J'avais trop de peine/Je n'ai gardé /Que ce doux visage/Comme une épave /Sur le sable mouillé /Et j'ai crié, crié/Aline/Pour qu'elle revienne/Et j'ai pleuré, pleuré /Oh! J'avais trop de peine… (de quoi de qui donc ? laisse béton va).




jeudi, avril 16, 2020

695_ Covid-19, L’An 01 et la PM



Le monde entier se souviendra du passage du Covid-19, et en sera marqué pour très longtemps, comme on est tatoué à vie. Des dizaines de milliers de morts en quelques mois. Le monde est bouleversé. Beaucoup de larmes de crocodile chez les dominants. On parle d’un monde nouveau à construire. « Rien ne sera plus comme avant » entend-on ici et là, parfois par ceux-là mêmes qui ont contribué, chacun dans leurs territoires, à leur niveau de responsabilité,  avec plus ou moins de fougue, plus ou moins d’ardeur, d’acharnement, à la situation dans laquelle se trouve notre monde aujourd’hui. Un monde déchiré, obnubilé par l’individualisme (méthodologique dirait Boudon à partir de l’ubac), par le gain facile, par l’outrance. « Il faut tout balayer », « il faut repenser la société » « jeter par dessus-bord la mondialisation »… « Une vieille rengaine » s’exclame un hebdomadaire de droite, qui n’est pas en reste. Tout ce cinéma, ces propos presque indécents venant de ces mêmes responsables ou quidam qui, jusque-là louaient la société des individus et du nombrilisme, jusque-là vouaient aux gémonies tout modèle sociétal qui s’écarterait de l’hégémonie des Bourses, des puissants, de leurs lois, de leurs outrances. Tout cela pour vous dire que ces mots m’ont renvoyé au cinéma. Un film revient au devant de la scène ces jours-ci. Un film que j’ai vu il y a très longtemps. Un film de Jacques Doillon tourné dans l’après Mai 68, « L’An 01 », c’est un film qui me replonge dans l’Oran des années 70 – peu avant mon grand départ – précisément dans la cinémathèque lorsqu’avec le théâtre d’Oran elle tournait à plein régime (mais c’est vrai aussi, dans une seule et unique direction). La cinémathèque, en contrebas du quartier Mirauchaux, passait des films du « cinéma nouveau » algérien et d’autres films engagés. Nombreux acteurs et réalisateurs nationaux et étrangers y sont intervenus. Je me souviens de Maryna Vlady, de Mohamed Rondo, de Marcel Hanoun, Mohamed Bouamari et combien d’autres. Mes souvenirs, vaporeux, me renvoient à ces jours où on projetait « L’An 01 ». Le film fait leur peau à l’économie capitaliste, au Stakhanovisme de l’Ouest. « On arrête tout et on recommence autrement ». Cette utopie nous faisait rêver. Certains d’entre nous voulaient tout bazarder pour aller voir ailleurs, mais nous étions surveillés. Il y avait des « débats » à la cinémathèque. Je mets débats entre guillemets. À vrai dire, c’étaient des moments de défoulement où rien n’était possible sous notre Big Brother national et ses bras nombreux. Respirer le bon air équivalait à respirer l’idéologie du Grand Est que propageaient des étudiants Stal eux-mêmes aveuglés.
« L’An 01 » a été toléré car il interrogeait la seule société de conso. Puis sortis du cinéma on tombait dans notre noire réalité, notre nuit. Enfermement généralisé. Le virus (ou Le pharaon) régnait au sommet de l’État tentaculaire. La parole « critique » (corollaire du « soutien critique » des plus engagés) n’était tolérée que dans les espaces confinés (tiens, tiens). Les « Hbat » allaient et venaient le long des rues du centre-ville. Ils avançaient en tenue de combat, par groupe de cinq, en file indienne, la trique noire prête à l’usage. Et ils cognaient, embarquaient, quiconque dont la tête ne leur revenait pas, qui portait les cheveux trop longs ou les cheveux trop courts, qui avait un regard ou une tenue inadaptés, qui n’avait pas éteint, écrasé sa cigarette à leur passage en signe de soumission. Les « Hbat » c’est la Police Militaire ou « PM » en noir charbon sur leurs casques blancs. Entre nous, nous les chuchotions « Hbats », pour nous en moquer. Mais nous en avions peur. Qui n’avait pas peur en Algérie ? « Hbat » signifie « descend », un terme qu’ils utilisaient pour interpeller les jeunes. Dans notre parler oranais on ne dit pas « Hbat ». Ces militaires étaient souvent de l’Est du pays, alors que les militaires d’Oran faisaient leur loi dans l’est ou le sud algérien etc. 

Je me suis éloigné de L’An 01. Tant pis. Les années ont coulé sous les ponts et beaucoup, marqués par les contrariétés, voire les impasses de l’époque présente, ont hélas oublié l’inoubliable. N’oublions jamais pour venir à bout du présent, du Corona et construire de meilleurs lendemains. 

 ------------------ CLIQUER ICI POUR VOIR 
LA VIDÉO: extrait de L'AN 01--------------------

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lundi, avril 13, 2020

694_ Promenade déconfinée

En application de l’article 3 du décret du 23 mars etcetera, je soussigné ah certifie que mon déplacement est lié au motif suivant : Déplacements brefs, dans la limite d’une heure quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile, liés soit à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d’autres personnes, soit…
Fait à M. ma ville, le… quotidiennement.
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IMPOSSIBLE D'IMPORTER ICI LA VIDÉO
VOUS POUVEZ LA VOIR SUR MON SITE, ICI:
 "La promenade confinée"

 

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dimanche, avril 12, 2020

693_ Lecture confinée... Une nouvelle de Mohammed DIB


 
« Je suis confiné, tu es, nous, ils et elles idem »
Reclus
Comment ça « confinés » ?
Regardez, touchez, goûtez, sentez, écoutez,
C’est en vous, c’est devant vous

Regardez autour de vous ou dans le creux de votre mémoire
Touchez votre portable et cliquez,
Goûtez les sons qui s’en extraient, ceux de l’exil et de la perfidie du temps
Sentez les saveurs et les amertumes des mots du brave Hamadi
Écoutez cette nouvelle de Mohamed DIB, « la station de lavache »
ah.
(au Oud, Alla)
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- De 0'00'' à 0'.59'' présentation du texte ci-dessus.
- Ensuite, présentation de la vidéo
- La lecture du poème de Mohammed DIB commence à 1.'22''
- À la suite du poème, à la minute 12'50: extrait d'une intervention de Mohammed DIB au festival du livre "Les Étonnants voyageurs" en 1995.

    LA VIDÉO