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vendredi, février 27, 2015

482_ MOULOUD MAMMERI





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                                                              Mouloud Mammeri 1.2


                          Mouloud Mammeri 2.2




WIKIPEDIA:


Mouloud Mammeri fait ses études primaires dans son village natal. En 1928, il part chez son oncle installé à Rabat au ( Maroc), où ce dernier est alors le précepteur de Mohammed V. Quatre ans après il revient à Alger et poursuit ses études au Lycée Bugeaud (actuel Lycée Emir Abdelkader, à Bab-El-Oued, Alger). Il part ensuite au Lycée Louis-le-Grand à Paris ayant l'intention de rentrer à l’Ecole normale supérieure. Mobilisé en 1939 et libéré en octobre 1940, Mouloud Mammeri s’inscrit à la Faculté des Lettres d’Alger. Mobilisé à nouveau en 1942 après le débarquement américain, il participe aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne.

À la fin de la guerre, il prépare à Paris un concours de professorat de Lettres et rentre en Algérie en septembre 1947. Il enseigne à Médéa, puis à Ben-Aknoun et publie son premier roman, La Colline oubliée en 1952. Sous la pression des événements, il doit quitter Alger en 1957.

De 1957 à 1962, Mouloud Mammeri reste au Maroc et rejoint l'Algérie au lendemain de son indépendance. De 1968 à 1972 il enseigne le berbère à l'université dans le cadre de la section d'ethnologie, la chaire de berbère ayant été supprimée en 1962. Il n'assure des cours dans cette langue qu'au gré des autorisations, animant bénévolement des cours jusqu’en 1973 tandis que certaines matières telles l’ethnologie et l’anthropologie jugées sciences coloniales doivent disparaître des enseignements universitaires. De 1969 à 1980, il dirige le Centre de Recherches Anthropologiques, Préhistoriques et Ethnographiques d’Alger (CRAPE). Il a également un passage éphémère à la tête de la première union nationale des écrivains algériens qu’il abandonne pour discordance de vue sur le rôle de l’écrivain dans la société.

Mouloud Mammeri recueille et publie en 1969, les textes du poète algérien Si Mohand. En 1980, c'est l'interdiction d'une de ses conférences à Tizi Ouzou sur la poésie kabyle ancienne qui est à l'origine des événements du Printemps berbère.

En 1982, il fonde à Paris le Centre d’Études et de Recherches Amazighes (CERAM) et la revue Awal (La parole), animant également un séminaire sur la langue et la littérature amazighes sous forme de conférences complémentaires au sein de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Ce long itinéraire scientifique lui a permis de rassembler une somme d’éléments fondamentaux sur la langue et la littérature amazighes. En 1988, Mouloud Mammeri reçoit le titre de docteur honoris causa à la Sorbonne.

Mouloud Mammeri meurt le soir du 26 février 1989 des suites d'un accident de voiture, qui eut lieu près de Aïn-Defla à son retour d'un colloque d'Oujda (Maroc) sur l’amazighité. Certains disent qu'il ne s'agissait pas d'un simple accident, mais qu'il a été assassiné par le pouvoir algérien pour l'empêcher de continuer son combat pour son identité amazighe.


Le 27 février, sa dépouille est ramenée à son domicile, rue Sfindja (ex Laperlier) à Alger. Mouloud Mammeri est inhumé, le lendemain, à Taourirt Mimoun. Ses funérailles sont spectaculaires : plus de 200 000 personnes assistent à son enterrement. Aucun personnage officiel n'assiste à la cérémonie alors qu'une foule compacte scande des slogans contre le pouvoir en place.

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                                                                                                            La Colline oubliée
 














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Publié le 14 avril 2014


« La colline oubliée », un film et une polémique

Une controverse encore pleine d’enseignements


Quand le premier roman de Mouloud Mammeri, « la Colline oubliée », paraît en 1952, il fut aussitôt suivi d’une vive polémique qui opposa l’auteur à de nombreux intellectuels proches du PPA-MTLD, alors en phase ascendante.
Certains intellectuels, à l’exemple de Mostefa Lacheraf, Amar Ouzegane ou Mohamed Cherif Sahli reprochèrent à l’auteur de « La Colline oubliée » d’avoir écrit une œuvre qui n’était pas, pour reprendre Ouzegane, « une version nationale de ‘’la Case de l’oncle Tom’’ ». Le premier n’hésita pas à parler de « colline du reniement ». Le romancier qui avait répondu à ses détracteurs s’était, aux yeux de ces critiques, rendu coupable de travestir la vérité, de s’intéresser à des « consciences anachroniques » au moment où les Algériens devaient se mobiliser. Evoquant et regrettant cet épisode, Mohamed Harbi écrira dans ses Mémoires : « Nous avions tendance à considérer la création artistique et littéraire comme un simple instrument du combat politique. Nous estimions que l’important dans une œuvre était la cause qu’elle servait » (‘’Une Vie debout’’ p. 100). Bien plus tard, dans son livre d’entretiens avec Tahar Djaout paru en 1987, Mammeri estimera : « Mon critique se trompait de cible. Ce que j’écrivais était un roman ; ce qu’il fallait me demander, ou se demander, c’était est-ce que la peinture était fidèle au modèle vrai et pas aux figures d’artifice qu’une mauvaise idéologie leur substitue ? ». C’est un peu le même reproche que formulera plus tard Lacheraf quand parut « la Soif », le premier roman d’Assia Djebbar où la guerre d’Algérie qui faisait rage ne trouva pas d’écho. Pour Lacheraf et les contempteurs de Mammeri, un roman ne pouvait qu’être un outil pour faire prendre conscience aux Algériens de leur misère et contester l’ordre colonial.Dans le roman de Mammeri, une référence à cette misère à travers le personnage d’Ibrahim, qui peinait à faire vivre les siens, n’était pas absente. On y trouve aussi une vague évocation de maquisards. L’essentiel était pourtant ailleurs. Il s’attachait à décrire un groupe de jeunes troublés davantage par les séparations, des amours impossibles dans un milieu pétri d’authenticité. Il y a surtout cette poésie du monde berbère où d’aucuns crurent déceler un soupçon de berbérisme, un courant alors violemment contesté dans le mouvement nationaliste. Le roman qui eut un énorme succès soulevait des problèmes aussi sensibles que le conflit de générations et de civilisations. Quelle voie choisir ? semblait se demander chacun des protagonistes du livre.

Echos actuels
C’est à cette vieille polémique que Hand Sadi, le jeune frère du Dr Saïd Sadi, agrégé de mathématiques, s’intéresse dans un livre qui vient de paraître aux Editions Achab sous le titre « La colline emblématique » Enseignant à l’université de Tizi Ouzou, c’était lui qui prit l’initiative d’inviter l’écrivain pour la conférence annulée en avril 1980. Il a réuni les éléments des débats éparpillés jusque-la dans des compilations de vieux journaux comme « le Jeune musulman » qui abrita une bonne partie des « échanges ». D’autres avant lui à l’exemple de l’ancien ambassadeur et ministre Mohamed Salah Dembri se sont intéressés à ce sujet, mais l’auteur est allé plus loin. Il a cherché à situer les motivations de ceux qui ont contesté le livre que va encenser un grand auteur, en l’occurrence Taha Hussein. Etranger aux considérations politiques qui entouraient le débat autour du livre, le grand romancier égyptien n’en retiendra que ses qualités esthétiques. Cette polémique est ressuscitée avec un souci du détail et une analyse pertinente qui prend en compte les enjeux politiques qui expliquent les positionnements des uns et des autres. Elle est surtout appréhendée comme matrice de questionnements qui se sont prolongés bien après l’indépendance. L’engagement, la place et le rôle de l’intellectuel, la définition de l’identité nationale, trouvent écho au cœur dans cette étude qui s’attarde sur le contexte politique et historique à l’échelle nationale et internationale qui entoura la polémique. Par le biais de ce roman qui avait soulevé une controverse en même temps d’ailleurs qu’un livre de Malek Bennabi (vocation de l’islam). On retrouve les termes d’une équation qui plus d’un demi-siècle plus tard n’a pas encore trouvé de solution. La place de la berbérité et de l’Islam dans la société que posent en filigrane ces deux livres est encore au cœur des débats actuels.

R. Hammoudi
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www.kabyleuniversel.com
Culture_ La colline oubliée ou le roman de la polémique
by onelas_ January 11, 2012

Dès sa parution en 1952, le roman La colline oubliée de Mouloud Mammeri allait susciter l’une des premières grandes polémiques, voire la plus grande, de la littérature algérienne en général. La presse française d’alors s’en était saisie pour d’emblée l’étiqueter du Beau roman Kabyle ou encore de roman décrivant L’âme berbère. Comme si les Kabyles n’étaient pas partie intégrante de cette grande entité qu’était le pays Algérie.
Mais, on aurait sans doute pu balayer du revers de la main ces critiques, si elles n’avaient pas juste eu comme origine la France coloniale d’alors. Puisque, les critiques les plus acerbes, les plus nourries par les sentiments les plus contradictoires, émanaient, elles, au contraire, des algériens. Des compatriotes de l’écrivain qui ne voyaient dans la littérature que la dimension utile  ou fonctionnelle. C’est-à-dire à quoi peut servir une œuvre littéraire dans un contexte nationaliste où s’embrasent les sentiments les plus bellicistes si ce n’est pour juste servir la cause nationale et construire une opinion publique en faveur de l’indépendance du pays?  Le contexte historique, arguait alors bien du monde, était pour l’idéalisation de la patrie et pour surtout, le rôle idéologique de l’écrivain ou de tout autre intellectuel, galvaniser les hommes.
Mohamed Chérif Sahli publiait un article dans Le jeune musulman qui n’avait pas besoin de plus d’explications pour annoncer la couleur. Il le titra La colline du reniement (1) ou en en d’autres termes la colline qui se renie, s’auto-flagelle et succombe on ne peut plus indécemment au « jeu » de  «l’autre». Il écrit : « Il nous importe peu qu’un algérien, écrivant en français, se taille une place dans la littérature française par les qualités formelles de son œuvre, y lisons-nous. La théorie de l’art pour l’art est particulièrement odieuse dans ces moments historiques où les peuples engagent leur existence dans les durs combats de la libération. Une œuvre signée d’un algérien ne peut donc nous intéresser que d’un seul point de vue : quelle cause sert-elle? Quelle est sa position dans la lutte qui oppose le mouvement national au colonialisme. » et plus loin d’accuser presque: « La rumeur place l’œuvre de M. Mammeri sous la protection d’un maréchal de France qui s’y connaît fort bien en gommiers (traitres) ».
Bien entendu, l’accusation était entièrement infondée. Il s’agissait selon le spécialiste de la littérature algérienne, Jean Dejeux, de l’œuvre de Taïeb Djemeri La course de l’étoile parue au Maroc en septembre 1953, qui traite de la conquête du Maroc, de la compagne d’Italie et d’Allemagne en 1943-1945 et qui avait été préfacé en effet par le Maréchal Juin (2).  
Pour conclure l’article qui fustigeait ce grand classique de la littérature algérienne, Mohamed Chérif Sahli défiait Mammeri  de démontrer le contraire de ce qu’il lui reprochait pour terminer par cette phrase assassine où il disait que sa Colline oubliée était « digne de l’oubli et du mépris de tout un peuple vaillant et fier ».
Pourtant, la réponse de Mammeri était celle d’un intellectuel et auteur serein dont la préoccupation centrale n’était pas tant de caresser les égos dans le sens du poil, mais de témoigner et de dire ce qu’est l’histoire d’un peuple avec ces petitesses et grandeurs, ses côtés attrayants et ses laideurs, il avait écrit : « Un roman algérien sur des réalités algériennes, un roman qui comme tel ne peut donc que servir la cause algérienne» (3).
Mostapha Lachraf, un jeune intellectuel alors, fait paraître de son côté la même année, c’est-à-dire en 1952, un long article sur le roman de Mammeri qu’il intitule : « La colline oubliée ou les consciences anachroniques»(4) consciences en retard sur l’époque). L’auteur de l’article avoue ce qu’il appelle son dépaysement devant le roman et dit que le livre est loin d’être une avancée dans l’aspiration populaire. C’est un roman selon lui pour une petite partie qui occulte le reste du pays, un roman, dit-il, particulièrement fondé sur « de fausses données ethniques » et où le régionalisme est plus que saillant. M. Lachraf critique par ailleurs l’évocation hésitante de Mammeri dans le roman pour un maquis qui existait bien avant dans les montagnes Kabyles, cet aspect de l’œuvre littéraire que symbolisait le bandit d’honneur Ouali, un peu comme Robin des Bois, un personnage important dans l’histoire et qui donnait à voir cette vieille tradition chevaleresque propre aux méditerranéens.
Pareillement, Mahfoud Kaddache, sans doute l’un des plus grands historiens algériens, pourtant un ami de Mammeri, écrit un article tout simplement intitulé La colline oubliée (5)  où il loue les qualités indéniables du roman : « Langue simple, écrit-il, directe, une certaine bonhomie de l’expression, une certaine malice même » mais pour dire plus loin : « Le ton général du livre choque, Mammeri parle avec désinvolture de certaines croyances, de certaines coutumes ». Il dit explicitement que si le roman plait au colonisateur c’est qu’il est mauvais pour le colonisé : « Du moment que les français réagissent à ce genre de littérature c’est donc qu’il va contre nos intérêts… En se taisant on déforme la vérité, on trahit sa mission, on devient complice… Le jeune colonisé veut que sa cause soit défendue par l’artiste et l’écrivain».
Même Jean Sénac, cet immense poète humaniste, écrit sous le pseudonyme de Gérard Gomma un article dans la revue Terrasses en 1953 dont lequel il assène que « les questions les plus tragiques sont abordées superficiellement » dans le roman.
En général, beaucoup des articles qui avaient critiqué le roman, même s’ils étaient pour la plupart différents dans les angles choisis, ils s’entendaient néanmoins tous sur certains points parmi lesquels le régionalisme du livre, son Berbérisme qui ne cadrait pas avec la «Bienensance» de l’époque, et puis –et surtout- le ton du livre qui abordait des sujets jamais abordés encore par un auteur algérien. Les temps, arguait-on, étaient plutôt pour l’effervescence nationaliste, pour l’intensification des activités de l’OS, de l’Action Unitaire pour un Front algérien, etc. Mais, était-ce pour autant une raison pour qu’un auteur ourdisse le costume à la convenance  du pensé commun? Mammeri se devait-il d’écrire pour faire plaisir, et ce, quels que soient la portée, l’objectif et le soubassement d’un nationalisme naissant aux contours imprécis, indécis et surtout souvent fruit de charges émotionnelles? Le rôle d’un écrivain n’est-il pas d’être en perpétuelle symbiose avec les siens?
Mammeri traite dans La colline oubliée d’une société en proie à des chamboulements inédits, à des changements immanquablement mutationnels. Lorsque Mohammed Cherif Sahli qualifie dans son article La colline du reniement  de «mesquinerie villageoise» (6) l’évocation de Mammeri pour les penchants peut-être homosexuels de deux de ses personnages centraux, n’était-il pas en train justement d’avouer l’incapacité même de l’intellectuel à traiter sur un sujet aussi tabou? Un certain Marc Soriano s’était même posé cette question : « Pourquoi, dit-il, avoir choisi une situation aussi épineuse que celle de la jeunesse algérienne à la croisée des chemins! Comment l’auteur n’a-t-il pas senti que son sujet était de toute évidence le drame d’un peuple mis en demeure de choisir son destin? » (7).
Pourtant, soixante ans plus tard, La colline oubliée est toujours à l’épicentre de l’actualité. Tous les sujets qui y sont traités sont aussi bien universels que profondément ancrés dans une Algérie qui a toujours du mal avec la modernité.
«Ils étaient là, tous les deux, étendus sur le dos, le bras de chacun passé sous le bras de l’autre. Je ne voulais pas en croire mes yeux… Un obscur sentiment me poussait à fuir sans révéler que j’étais là. Un désir mauvais d’en savoir plus m’arrêta… Je n’apporterai pas ce qu’ils dirent… était-il possible que Menach soit descendu aussi bas»  écrit Mammeri dans son roman à la page 56 pour évoquer le sujet de l’homosexualité rattaché inévitablement dans la mémoire collective d’alors et même de maintenant au mythe du peuple de Sodome voué aux flammes éternelles.
Le roman dresse un constat alarmant sur la société traditionnelle comme sur la condition coloniale, ose donner pour une fois la parole à la femme algérienne pour qu’elle outrepasse son ultime condition de femme-épouse et aller vers la femme fatale, la femme rebelle, la femme combattante. Davda, même mariée, ose dire à son amant qu’elle l’aime. Une autre femme épouse ose dire à son mari que son départ pour l’exil est injuste. Bref, un monde occulté jusque là, tout un monde, ose prendre la parole, ose penser son monde de manière autonome.
Mammeri était déjà conscient d’avoir écrit une œuvre méditerranéenne qui reprend un peu de la mythologie grecque, qui perpétue la conception du peuple berbère pour les bandits d’honneur. Ces hommes qui sortaient de la légalité pour être au service des démunis à l’instar D’Arezki Oulvachir chez nous ou du plus célèbre Robin Des Bois ailleurs.
Du reste, puisque on en parle, Ouali, en bandit d’honneur un jour qu’il se trouve en train de pister un assassin pour venger l’honneur d’une famille, est conscient d’être aussi loin des siens qu’il qualifie le pays étranger du pays arabe où les femmes, selon le personnage, ont d’autres mœurs que les femmes qu’il a connues chez lui dans sa Colline oubliée. C’est dire que le berbérisme du roman est incontestable comme était sa vocation algérienne. La preuve en est que l’on revient de plus en plus à la vraie identité ou identités des algériens…
Parce que c’était un livre complet, très actuel, un livre interrogateur, Taha Hussein avait déclaré lors de sa lecture pour ce roman qu’il était l’une des plus belles œuvres qu’il avait lues de sa vie. Tout aussi admiratif, Mostapha Lachraf déclarait dans Les temps modernes après l’indépendance pour répondre à la question quels étaient selon lui les écrivains les plus algériens que Mammeri, Feraoun et Kateb Yacine étaient incontestablement les plus connaisseurs de la réalité algérienne. Pourquoi? avait posé le journaliste la question. Parce, répondait M. Lachraf, leur connaissance du peuple était plus affective qu’intellectuelle. Autrement dit, c’étaient des auteurs qui ne faisaient pas de grands efforts intellectualistes pour décrire les leurs tant ils étaient d’eux.
Pourquoi ce changement d’opinion à l’égard de Mammeri et de son roman par un intellectuel aussi sérieux que Lachraf? D’aucuns diront que c’est parce qu’il était jeune en 1952 lorsqu’il a écrit son article sur le roman et qu’après l’indépendance, là oui!, il avait pris de la maturité, il pouvait par conséquent mieux comprendre ce qu’avait voulu dire l’un des fondateurs de la littérature algérienne.
H. Lounes


1_DEJEUX Jean, Littérature maghrébine d’expression française, Ottawa, Éditions Naaman, 1973, p. 187.
2- Ibid., p. 187.
3- Ibid., p. 187.
4-  LACHRAF Mostapha, «La colline oubliée ou les consciences anachroniques», In Le Jeune Musulman, février 1953, Numéro 15, p. p 4-6.
5– KADDACHE Mahfoud, La colline oubliée, In La voix Des Jeunes, février 1953, Numéro 8, p. 7.
6- Ibid.
7- Ibid, La pensée numero 46, janvier-fevrier 1953 (Marc Soriano) cité par Jean DEJEUX, ibid., p. 187.
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A propos de Albert Camus


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vendredi, février 20, 2015

481_ Malek Alloula est mort




 
--> je te dis
je te dis la mer
je te dis il y a la mer
la mer la mer
avec des poissons
des hommes le matin
des hommes qui
des hommes partent
je te dis des hommes
et la mer qui bouge
bouge dans la mer
la mer elle-même
son bruit dans l’autre bruit
dans le bruit des hommes
je te dis c’est ça
c’est ça la mer
la mer son bruit
qui ne finit pas
qui ne finit pas dans toi
dans moi
mais ailleurs dans la mer
loin de la terre
de cette terre cette île
où tu es si peu
si peu sans ombre
je te dis alors cette mer
cette terre se touchent
je te dis que le bruit
le bruit là
que tu entends
que ce bruit que tu entends
n’est pas un bruit
je te dis que ce bruit
non ce bruit qui me hante
que j’oublie que j’oublie
je te dis que ce bruit me revient
dans le souvenir même
dont tu es absent
ce souvenir de matins
que la mer caresse
la mer qui bruit
je te dis oui qu’elle bruit
de tellement oui
de tellement vouloir ces caresses
d’une terre d’une terre encore
d’une mer et d’un ciel
d’un ciel sans fin qui
oui épuise
m’épuise
je te dis ses seules couleurs
toutes d’ailleurs
celles de  la mer
je te dis il y a la mer
il y a oui il y a elle
et moi
comme sourde à ce
à ce qui n’est pas elle
qui me trompe
me surprend à vouloir
oui te dire écoute écoute
enfin ce que la mer
ne peut pas nous dire
lorsque nous sommes là
à vouloir lui dire que oui
nous l’entendons
là où elle n’est plus elle

In : https://blogdepoesiedelaquinzainelitteraire.
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                                          in:
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El Watan le 19.02.15
Décès du poète et écrivain : Malek Alloula Un aède «rurbain»

Onze jours après le décès de son ex-épouse, l’écrivaine Assia Djebar, Malek Alloula, le frère du dramaturge Abdelkader Alloula, le poète, essayiste, critique et nouvelliste, l’auteur de Villes et autres lieux, est décédé, hier, à Berlin (Allemagne), où il était en résidence d’écriture. Il avait 78 ans.

Malek Alloula, celui qui taquinait la muse des «monts Chenoua», Assia Djebar, son ex-épouse, — ils s’étaient mariés en 1981—, ce trouvère d’expression francophone déclamant et déclarant sa flamme à sa ville natale, Oran, à Alger, à l’Algérie, était ce témoin oculaire à charge des interstices fleurant bon l’humus et le terroir. Et ce, de par un trait cursif foncièrement recherché et immanquablement rare. Car d’une beauté littéralement littéraire. Dans le recueil de poésie intitulé Villes et autres lieux, Malek Alloula est un barde «torturé», sensible et d’une grande humilité.
Car se voulant «effacé» et loin des «spotlights» : «Il est un terme où j’arrive toujours/ A la tombée de la nuit/ Un aveuglement ancestral/Dont je retrouvais le sens circulaire/D’où partaient ces voix/Pour parler si calmement de la mort/Comme d’une lampe éteinte avant la débâcle...».
Malek Alloula est né le 13 novembre 1937 à Oran. Un enfant terrible de Aïn El Berd, village situé à 25 km de Sidi Bel Abbès et de M’dina J’dida, le quartier populaire d’Oran. Son premier jet au courant de sa plume juvénile fut un poème intitulé Petit cireur mon frère.
Et ce, quand le président Ben Bella mit fin, en 1963, à  l’exercice du métier de petits cireurs de chaussures en les exhortant à aller à l’école. Déjà une conscience, un talent brut de décoffrage. Elève de l’Ecole normale supérieure, études de lettres modernes à la faculté d’Alger, ensuite à la Sorbonne, à Paris, avec un sujet de thèse portant sur Denis Diderot et le XVIIIe siècle. Il poursuivra des activités éditoriales à Paris depuis 1967. Après l’assassinat de son frère, le grand metteur en scène Abdelkader Alloula (El Khobza, Legoual, El Ajouad ), le 10 mars 1994, Malek Alloula fera la promotion et la vulgarisation de ses œuvres à travers une association éponyme dont il était le président.
Malek Alloula est considéré par ses pairs comme un acteur majeur de la poésie algérienne, un de ces écrivains pratiquant une écriture exigeante, élégante, sobre  et inédite. Et de surcroît authentique et avec un je ne sais quoi de minéral. Car il revendiquait fièrement sa «paysannerie». Il est l’auteur notamment d’ouvrages comme Le Harem colonial, images d’un sous-érotisme (essai illustré de photographies), Alger photographiée au XIXe siècle (avec Khemir Mounira et Elias Sanbat), Belles Algériennes de Geiser, costumes, parures et bijoux (L’autre Regard , commentaires de Leyla Belkaïd) Marval, Les Festins de l’exil (essai),  L’Accès au corps (poèmes), Alger 1951 ou encore Un pays dans l’attente (photographies d’Etienne Sved, textes de Malek Alloula, Maïssa Bey, Benjamin Stora, Manosque).
Les éditions Barzakh ont réédité les recueils de poésie Mesures du vent, Villes et autres lieux Rêveurs/Sépulture et mesure du vent et publié un inédit, un recueil de nouvelles intitulé Le Cri de Tarzan : dans un village oranais, un questionnaire et questionnement philosophique et mnémonique dans une «cour des miracles», à la périphérie de la société et d’Oran. «C’est l’un des plus grands poètes francophones algériens avec Jean Sénac. Un type merveilleux. Décéder quelques jours après son ex-femme, Assia Djebar, c’est triste ! Je suis très touché et affligé par le décès d’un grand ami…», témoignera l’écrivain Rachid Boudjedra. «Il pousse la fidélité à ce point ? C’est un drame ! C’était quelqu’un de très sensible, spirituel…Un très grand admirateur de Denis Diderot. Je ne trouve pas les mots.
J’ai le souffle coupé. C’est toute une jeunesse soixante-huitarde qui part. Il était d’une grande fidélité légendaire avec ses amis. Il était aussi un grand cinéphile. Je le croisais souvent à la Cinémathèque d’Alger. Je suis bouleversé ! C’est une génération perdue et sacrifiée…», se souviendra le penseur et universitaire Mohamed Lakhdar Maougal. «Juste après Assia Djebar, c’est incroyable ! C’était un ami. C’est une grosse perte. J’aime ce qu’il a écrit. Peut-être qu’on n’a pas donné assez d’importance à ses œuvres. En les présentant à la jeunesse. Il avait des valeurs, un idéal à transmettre. Il n’est jamais trop tard…», saluera sa mémoire la poétesse Zineb Laouedj.
K. Smail

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El Watan le 20.02.15 |

Malek Alloula : «Une certaine Algérie est en train de disparaître»
Encore une perte : mardi 17 février, Malek Alloula, «poète complet», pour reprendre Amin Zaoui, décède à Berlin.
«Quelques jours après le décès d’Assia Djebar, ce monument littéraire qui était jadis son épouse, Malek Alloula, la suit et nous laisse bouleversés.» L’écrivain Amin Zaoui, qui a connu le poète, décédé mardi dernier à l’âge de 77 ans, est encore sous le coup de l’émotion. L’homme de lettres, que ses amis décrivent «humble, timide et surtout généreux», se trouvait en résidence d’écriture à Berlin où il bénéficiait d’une bourse à l’Office allemand d’échange universitaire (DAAD).
Son ami, l’écrivain Nourredine Saâdi, resté à son chevet jusqu’à son dernier souffle, nous apprend que le poète sera transféré à Oran aussitôt les démarches administratives réglées. Comme il l’a toujours souhaité, il sera inhumé à côté de son frère Abdelkader Alloula, l’homme de théâtre assassiné en 1994. «C’étaient des enfants qui se complétaient, ils avaient la même physionomie», raconte encore Amin Zaoui, qui dit les avoir fréquentés.
Malek Alloula était un admirateur de Denis Diderot sur lequel il a fait son sujet de thèse à la Sorbonne : «C’était un amoureux de ce philosophe des lumières, c’est  même lui qui me l’a fait découvrir, et depuis je partage sa passion, explique son ami du temps de la fac d’Alger, Mohamed Lakhdar Maougal. A Paris, on se rencontrait boulevard Saint-Germain où il y a la statue de Diderot et on prenait des pots ensemble juste en face, c’était notre folie et notre époque.»
Symboles
«Ils sont tous en train de mourir ! Une certaine Algérie est en train de disparaître ! Le pays s’appauvrit ! Il se vide à tout jamais, s’alarme l’écrivain Boualem Sansal. Je ressens de la douleur, voilà que les Algériens, tous poussés à quitter le pays par un régime dictatorial, sont en train de quitter la vie.» Maïssa Bey ajoute : «On ne l’a pas laissé être acteur dans sa société, comme d’autres de sa génération.
C’est pour ça qu’il a été obligé de quitter le pays. Si les jeunes ne le connaissent pas aujourd’hui, comme Assia Djebar ou d’autres écrivains, c’est parce qu’ils n’ont pas été intégrés dans les manuels scolaires.» Elle souligne aussi son «nationalisme». «Nous avons travaillé ensemble sur un livre, Algérie 1951, un pays dans l’attente. Je me souviens de ses réactions et de sa sensibilité aux photos d’Etienne Sved.» L’historien Mohamed Harbi, un de ses proches amis, témoigne : «C’était un ami, un grand monsieur et un écrivain qui aurait pu aller plus loin, n’étaient les vicissitudes de la vie, dont l’exil et l’assassinat de son frère qui l’ont fait souffrir et même freiné.»
Il faisait donc partie de cette «génération sacrifiée par l’Algérie indépendante», selon Mohamed Lakhdar Maougal, cette génération qui «portait beaucoup d’espoir pour le pays post-révolution, mais aussitôt l’indépendance chèrement acquise, ces brillants de leur époque ont été déçus…
L’Algérie indépendante n’avait rien de ce qu’ils rêvaient, et même si on ne les a pas laissés émerger, ils ont continué à donner le meilleur d’eux-mêmes à leur patrie.» Où en est donc la relève ? «On nous a mis tellement de bâtons dans les roues qu’on n’a même pas pu libérer les chemins pour les novices, regrette Maougal. La nouvelle génération a tout le temps pour s’exprimer et s’affirmer, et ensuite porter le flambeau.»

Hanane Semane
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Un monde s’en va

Mots épars. Moments de détresse. Difficile de penser, de respirer. Les mots, la voix, le souffle manquent justement pour dire ce qui nous a liés. Malek Alloula. Poète. Cela suffit à peine. Erudit, cinéphile averti, amateur de peinture, c’est déjà plus proche de ce qu’il fut.
Et puis : «La fraternité des fines gueules», cette congrégation d’amateurs de bonne chère, souvenirs de son adolescence et qu’il recréa à Paris avec d’autres joyeux drilles, Nono Saadi, Mourad Bourboune, Abdelkader Djemaï…Un monde s’en va.
Discret aussi. Je retrouve un mail d’octobre 2008 au moment d’achever son recueil de nouvelles Le cri de Tarzan, où il me parle de la notice biographique qu’il aimerait voir figurer au dos du livre : «Pour la quatrième, je te laisse libre, sauf pour la notice bio qui doit être minimale, subliminaire, du genre : Malek Alloula vit et travaille à Paris.
J’adore cette formule qui est une sorte de monade leibnizienne». Exagérément discret, oui, mais un homme du mot, de la précision des mots. Je ne connais personne qui ait eu un tel rapport aux mots. Tellement scrupuleux, tellement exact, qu’il lui arrivait de renvoyer un mail car il y avait repéré une faute d’orthographe ou une formule inappropriée.
Que la poésie algérienne et maghrébine lui doive beaucoup, c’est certain. On le découvrira et on le comprendra très lentement parce que sa voix va à l’essentiel. Et qu’il demeurera dans l’ombre, c’est certain. Malheureux, mais certain.
Là où il est, je suis absolument certain enfin qu’il doit retoucher indéfiniment les derniers textes qu’il écrivait, à Berlin, une ville qu’il avait découverte et apprivoisée depuis 2011, une ville qui lui allait bien.
Ou bien doit-il relire un recueil de Mahmoud Darwich, revoir un vieux film américain ou réécouter une chanson de Blaoui Houari. En toute discrétion mais avec délectation. Adieu l’ami. Sofiane Hadjadj
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Hadj Miliani, novembre 2010

Malek Alloula à l’IDRH: Quand un écrivain revendique sa «paysannerie»

Le public qui a assisté, samedi dernier à l’IDRH, à la rencontre autour de l’œuvre de Malek Alloula a eu comme l’impression d’assister à la réparation d’une injustice, en l’occurrence cela a consisté à réhabiliter l’œuvre de cet écrivain oranais, hélas à ce jour encore méconnu dans sa propre ville.

L’idée même d’organiser cette rencontre s’est faite à l’occasion de la réédition de l’intégralité de l’œuvre de ce poète oranais par les éditions Barzakh, à Alger. Ont donc pris part à cette rencontre, en plus du principal intéressé, à savoir Malek Alloula, le directeur de l’IDRH, Mohamed Bahloul, ainsi le directeur des éditions Barzakh, Sofiane Benhadjaj. A la fois écrivain, poète, nouvelliste et essayiste, Malek Alloula s’est longuement penché sur son parcours, commençant par nous raconter son enfance à Aïn El Berd, en pleine «paysannerie», lieu où d’ailleurs, il a contracté «la fibre paysanne» qui a forgé sa sensibilité. A ce propos, afin de nous prouver qu’il revendique pleinement ses racines, il n’a pas manqué de tonner en pleine conférence, et en version dialectale qui plus est : «ana aroubi !»et fier de l’être, a-t-il ajouté avec humour. C’est donc dans un milieu tout à fait coupé de la culture citadine que s’est déroulé l’enfance de Malek.
Ce n’est que lors de l’adolescence qu’il s’installe, lui ainsi que toute sa famille, à Oran, plus précisément à M’din-Jdida. En 1956, à la suite de la grève des étudiants algériens, il participe avec son frère à cette action. Et il fallait attendre le recouvrement de l’indépendance de l’Algérie pour qu’il s’essaye enfin dans l’art de l’écriture. A cette époque, il faisait des piges pour le journal l’Echo d’Oran. Le président Ben Bella, à l’occasion d’une tournée nationale, se trouvait à Oran en compagnie du président malien Sekou Touré. Au cours de son intervention, le président algérien a annoncé la nationalisation des salles de cinéma, ainsi que l’interdiction sur l’ensemble du territoire algérien l’exercice du métier de cireur. D’où l’idée pour Malek Alloula d’écrire son premier poème, intitulé : «Petit cireur mon frère». Quelques semaines après, à la suite de sa rencontre avec Bachir Hadj Ali, qui se trouvait à Oran pour une vente-dédicace, il réussit à se faire une petite place à Alger Républicain, «je me suis alors senti investi d’une mission poétique», dit-il, non sans humour. Par ailleurs, durant son intervention, il n’a pas oublié de parler de son frère, le dramaturge Abdelkader Alloula. Il faut savoir qu’entre les deux frères, il n’y a qu’à peine vingt mois de différence d’âge. «Ce n’était pas seulement de la fraternité entre nous, c’était presque de la gémellité. J’étais son aîné de quelques mois à peine. Généralement, dans les familles, c’est le cadet qui est extraverti, et l’aîné l’introverti, ça a été le cas pour nous !». N’appartenant pas tout à fait à la même «obédience» politique, leur lecture, ipso facto, divergeait quelque peu. Cela dit, Malek Alloula a de tout temps reconnu en son frère un grand homme de culture, capable «d’ingurgiter» des livres à profusion. La conférence donnée samedi dernier a été donc axée sur trois points : l’écriture, la ville d’Oran, ainsi que Abdelkader. Sofiane Benhadjaj a précisé quant à lui que Malek Alloula n’a jamais été complètement méconnu en Algérie, puisque ses textes étaient disponibles, durant les années 80 aux éditions Sindbad, à un temps où le livre coûtait à peine 40DA. »Une autre époque!» n’a-t-il pas manqué d’ajouter avec regret. Aujourd’hui, pour ceux qui sont intéressés de découvrir, ou de redécouvrir l’oeuvre de Malek Alloula, il est à savoir que bons nombres de ses textes sont disponibles sur les étals, aux éditions Barzakh: «Villes et autres lieux» (poèmes); «Rêveurs/sépulture et mesure du vent» (poèmes); «Le cri de Tarzan, la nuit dans un village oranais» (nouvelles).

 
In : https://milianihadj.wordpress.com/2010/11/22
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ALLOULA_ Aek_ un texte de MALEK ALLOULAin En mémoire du futur texte collectif- Ed Sindbad Actes sud-1_

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Livre d'où sont extraites
les pages ci-dessus
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Le poète algérien Malek Alloula est mort


Comme tous les grands poètes, l'Algérien Malek Alloula, qui vient de nous quitter à l'âge de 77 ans alors qu'il était en résidence d'écriture à Berlin, était d'une discrétion et d'une pudeur qui m'intimidaient. Je me souviens d'une lecture que nous avions faite ensemble au théâtre de Saint-Denis, ville gérée à l'époque par les communistes. C'était une des dernières apparitions de Louis Aragon, qui ne se sentait pas bien. Il nous a regardés en nous demandant si nous étions des poètes. Malek lui a dit : "C'est vous, le poète !" C'était une soirée étrange où les poèmes d'Aragon furent lus par un comédien. Malek, comme à son habitude, lut trois courts poèmes, très mystérieux, très beaux, puis s'éclipsa.
Malek était un excellent connaisseur de la langue française, un poète qui a enrichi et embelli cette langue. Il avait travaillé des années aux éditions Christian Bourgois. Lecteur, correcteur, réviseur, il écrivait peu, mais chacun de ses textes est ciselé comme un diamant. C'était un artisan des mots, un magicien, car il avait l'art de trouver la juste place à chaque mot, ce qui produisait un effet troublant tant la musicalité était parfaite.
Un frère assassiné par le GIA
Cet homme qui revendiquait ses origines paysannes, sa condition modeste, ne se faisait aucune illusion sur les hommes politiques ni de son pays ni d'ailleurs. En mars 1994, son frère aîné, Abdelkader, fut assassiné probablement par des éléments du Groupe islamique armé. Depuis, cette blessure n'a jamais pu se fermer. Il parlait de ce frère les yeux toujours au bord des larmes. Jamais le deuil n'eut lieu dans cette relation.
Malek Alloula fréquentait les poètes soufis comme Ibn Arabî et Al-Hallaj tout en lisant Hölderlin et Paul Celan. Son regard sur le monde était juste, c'est-à-dire totalement désespéré. Que ce soit dans Villes et autres lieux, dans Rêves/Sépultures ou dans Mesures du vent, l'écriture est d'une forte rigueur, avec une belle exigence. C'est un grand poète qui s'en est allé. On peut regretter que sa poésie, publiée principalement aux éditions Sindbad, n'ait pas eu le succès qu'elle mérite. Mais les poètes, les vrais, sont souvent de cette sorte, non seulement ils ne s'occupent pas du "marché", mais se contentent de quelques lecteurs fidèles.
J'ai trouvé ce poème dans un article que lui a consacré un journal algérien. Ce poème est peut-être l'un des derniers qu'il a écrits :
"Il est un terme où j'arrive toujours
À la tombée de la nuit
Un aveuglement ancestral
Dont je retrouvais le sens circulaire
D'où partaient ces voix
Pour parler si calmement de la mort
Comme d'une lampe éteinte avant la débâcle."
Par Tahar Ben Jelloun
Le 20 02 2015
In Lepoint.fr
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Disparition de Malek Alloula

"Poète, critique, essayiste de langue française, l’Algérien Malek Alloula, 77 ans, s’est éteint mardi soir à Berlin où il était en résidence d’écriture. Il était le frère du dramaturge et comédien Abdelkader Alloula assassiné en 1994 par les islamistes. Malek Alloula fut aussi autrefois l’époux de la romancière et l’académicienne franco-algérienne Assia Djebar qui, elle, a tiré sa révérence le 6 février dernier.
Originaire d'Oran, Malek Alloula avait fait des études de lettres modernes à la faculté d’Alger, ensuite à la Sorbonne à Paris où il a fait sa thèse sur Denis Diderot et le XVIIIe siècle. Il vivait et travaillait à Paris où il s’était installé définitivement en 1967. Il est l’auteur de plusieurs recueils de poésies (Villes et autres lieux, Rêveurs/Sépultures, L’Exercice des sens, Mesures du Vent, L’accès au corps et Les Festins de l’exil). « Il est une figure discrète et essentielle de littérature algérienne », peut-on lire sur la page consacrée au poète, sur le site de son éditeur algérien Barzakh, qui a réédité l'intégralité de l'oeuvre de ce poète oranais.
La poésie d’Alloula, publiée à Paris mais aussi au Maghreb, se signale à l’attention par son écriture élégante, riche en métaphores et en symboles. Celle-ci a pour thèmes la ville, la beauté des paysages, les corps de femmes. « D’un rire qui se suspend/ En ces sentiers où vous halent/ D’équivoques compagnes/ Voici que s’inverse la fête/ Sur vos profils à contre-jour/ Naissant et mourant ici à vos corps de femmes », proclame le poète dans son plus beau recueil Rêveurs/Sépultures (1982)."
RFI
"Il est un terme où j’arrive toujours
À la tombée de la nuit
Un aveuglement ancestral
Dont je retrouvais le sens circulaire
D’où partaient ces voix
Pour parler si calmement de la mort
Comme d’une lampe éteinte avant la débâcle".
Villes et autres lieux, éd. Bourgois, Paris, 1979; réédition barzakh, Alger, 2007
Rêveurs/Sépultures, éd. Sindbad, Paris, 1982 ; réédition barzakh, Alger, 2007
Mesures du vent, éd. Sindbad, Paris, 1984 ; réédition barzakh, Alger, 2007
Belles algériennes de Geiser, éd. Marval, Paris, 2001
Le Harem colonial (images d'un sous-érotismes), éd. Slatkine, 1980 et éd. Séguier, Paris, 2001
Alger photographiée au XIXe siècle, éd. Marval, Paris, 2002
Les Festins de l'exil, éd. Françoise Truffaut Éditions, Paris, 2003
L'accès au corps, poésie, Horlieu éditions, 2005.
Le cri de Tarzan, nouvelles, barzakh, Alger, 2008
le 20 février 2015 par Vincent Ferré

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Le poète algérien Malek Alloula, époux de feue Assia Djebar, est décédé

Décédé à Berlin mardi 17 février au soir, le poète algérien Malek Alloula sera inhumé à Oran, ville où il a grandi. Il était l'auteur d'une dizaine de volumes de poésies et de romans publiés en France et au Maghreb.
Poète, critique, essayiste de langue française, l’Algérien Malek Alloula, 77 ans, s’est éteint mardi soir à Berlin où il était en résidence d’écriture. Il était le frère du dramaturge et comédien Abdelkader Alloula assassiné en 1994 par les islamistes. Malek Alloula fut aussi autrefois l’époux de la romancière et l’académicienne franco-algérienne Assia Djebar qui, elle, a tiré sa révérence le 6 février dernier.
Originaire d'Oran, Malek Alloula avait fait des études de lettres modernes à la faculté d’Alger, ensuite à la Sorbonne à Paris où il a fait sa thèse sur Denis Diderot et le XVIIIe siècle. Il vivait et travaillait à Paris où il s’était installé définitivement en 1967. Il est l’auteur de plusieurs recueils de poésies (Villes et autres lieux, Rêveurs/Sépultures, L’Exercice des sens, Mesures du Vent, L’accès au corps et Les Festins de l’exil). « Il est une figure discrète et essentielle de littérature algérienne », peut-on lire sur la page consacrée au poète, sur le site de son éditeur algérien Barzakh, qui a réédité l'intégralité de l'oeuvre de ce poète oranais.
La poésie d’Alloula, publiée à Paris mais aussi au Maghreb, se signale à l’attention par son écriture élégante, riche en métaphores et en symboles. Celle-ci a pour thèmes la ville, la beauté des paysages, les corps de femmes. « D’un rire qui se suspend/ En ces sentiers où vous halent/ D’équivoques compagnes/ Voici que s’inverse la fête/ Sur vos profils à contre-jour/ Naissant et mourant ici à vos corps de femmes », proclame le poète dans son plus beau recueil Rêveurs/Sépultures (1982).
«Petit cireur, mon frère»
Né en 1923, dans l’Algérie profonde, « en pleine paysannerie » aimait ajouter le défunt, Malek Alloula est essentiellement un poète de la ruralité, qui a vu la fibre paysanne forger sa sensibilité. Ce n’est que lors de son adolescence qu’il est venu s’établir à Oran avec toute sa famille. L'homme puisait aussi son inspiration dans les heurs et malheurs des petites gens dont le destin ne lui indifférait guère. Son premier poème « Petit cireur mon frère » lui fut inspiré par la proclamation par le président Ben Bella interdisant sur l’ensemble du territoire algérien l’exercice du métier du cireur.
Il faut aussi lire les essais de cet auteur talentueux, notamment son Harem colonial, images d’un sous-érotisme, illustré de photographies des cartes postales d’Algérie sous la colonisation. Paru pour la première fois en 1981, plus proche de pamphlet polémique que brochure touristique, cet essai déconstruit la pensée ethnographique dont les cartes se réclament, révélant ses fondements à la fois idéologiques et fantasmatiques. Les commentaires perspicaces et critiques que l'auteur propose dans ces pages ne sont pas sans rappeler le travail d'Edouard Saïd sur la représentation de l'Orient dans la littérature occidentale du XIXe siècle et sa contribution à la production d'un imaginaire « orientalisant ».
Le dernier livre publié de Malek Alloula est un roman photo intitulé Paysage d’un retour que le défunt avait fat paraître en 2010 en collaboration avec le photographe Pierre Clauss.


le 18 et 19-02-2015
Par Tirthankar Chanda


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