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lundi, avril 29, 2013

390- Boualem Sansal au 25° Printemps de Cassis





Ce samedi 27 avril, ombrageux puis pluvieux, a été inauguré à la mairie de Cassis, la ville aimée de Virginia Woolf, le 25° printemps du livre intitulé cette année « Horizons multiples », en présence de madame Danièle Milon maire (UMP) de la ville. Des personnalités étaient présentes comme l’ ex présentateur du journal de TF1, Patrick Poivre-d’Arvor (président d’honneur), le cinéaste Claude Lelouch, Jean-Paul Kaufmann (président de ce Printemps), Olivier Rolin etc. Ils ont presque tous pris la parole. Ainsi que les chargés de l’animation des rencontres : Serge Koster et Antoine Spire. Le prix de cette 25° édition a été attribué à Olivier Rolin pour « Circus1 et Circus2 ».


Le printemps du livre est accompagné d’une exposition photos de Valérie Perrin sur la filmographie de Claude Lelouch, de concerts avec le « trio (quatuor !) Tenderly »  et de projection de films. Le printemps du livre se déroule sur quatre jours : 27 et 28 avril puis : 4 et 5 mai.


Le samedi je ne m’y suis pas attardé. Le lendemain, dimanche je me suis présenté alors que Olivier Rolin présentait son roman (lire article de l’Huma plus bas).


A 17 heures commence l’intervention de Boualem Sansal. L’animation est assurée par Serge Koster et Antoine Spire. Le thème, indiqué partout est : « La douleur identitaire d’un grand Algérien » avec « Rue Darwin » de Boualem Sansal.

Monsieur Spire entame la rencontre et d’emblée l’oriente. La rencontre se déroule de 17 h donc à 18 heures.


 (« il faut libérer la salle car une autre rencontre aura lieu à 18 h autour de « Histoire familiale et transmission » avec Marcel Rufo ». Nous étions avertis donc).

Par ses prises de paroles intempestives, Spire a réussi à faire en sorte que la discussion ne tourne durant 53 minutes qu’autour du roman « Le village de l’Allemand ». Quelques mots sur l’objet de la réunion, c’est à dire « Rue Darwin », le dernier roman de Sansal, furent glissés au vol.



















Dans ses interventions l’animateur principal a lourdement insisté sur les défaillances des sociétés arabes, en mettant dans le même sac gouvernants et citoyens. Il a été malhonnête et je le lui ai dit.

Monsieur Koster a tenté d’introduire les questions d’écriture, de la construction romanesque, ce pourquoi je me suis déplacé, mais il n’a pas tenu. Nous avons été gorgés d’histoire, de Shoah et d’islamisme.

C’est alors que je me suis interrogé sur cet homme. Evidemment, je ne fus pas surpris et je compris aisément son acharnement. Ainsi j’appris qu’il avait Israël dans le cœur, et pas seulement. Je vous propose de lire et écouter ce que j’ai rapidement glané sur ce Sbire.

Piedestal
Je suis las Cassis
de Sbire ton faux fils 
le prestidigitateur


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Quant à mes recensions concernant ces deux ouvrages, lire mes posts ici-même:
LE VILLAGE DE L'ALLEMAND: 
                       Post n° 65 de janvier 2008 et n° 71 de mars 2008
RUE DARWIN: 
                       Post n° 281 de septembre 2011

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Antoine Spire :

Antoine Spire et le drame d’al Dura : « Le 30septembre 2000, un cameraman du bureau de France 2 en Israël dirigé par le journaliste franco-israélien Charles Enderlin filmait la mort de Mohammed Al Dura, douze ans, tué par des balles israéliennes lors d’un échange de tirs avec les combattants palestiniens face à la position israélienne de Netzarim dans la bande de Gaza. Les images, diffusées le soir même au journal télévisé de 20heures, ont fait le tour du monde et suscité une incroyable levée de boucliers de conspirationnistes hurlant au montage et à la falsification. Philippe Karsenty, directeur de l’agence de notation des médias Media-Ratings, adjoint au maire de Neuilly-sur-Seine, porte-parole du Parti démocrate libéral, et détracteur en chef du journaliste de France 2, qualifiait en 2004 par voix de communiqué ce reportage de «supercherie» et de «série de scènes jouées». Charles Enderlin l’avait alors attaqué en diffamation. Condamné en première instance, Philippe Karsenty a bénéficié d’une relaxe en appel. Une décision annulée par la suite par la Cour de cassation estimant que la cour d’appel avait outrepassé ses droits, notamment en ordonnant à France 2 de lui remettre ses rushs.
Dans un entretien accordé à l’Humanité en décembre2010, Charles Enderlin confiait ne pas comprendre la campagne de dénigrement menée à son encontre. «Que des centaines de jeunes Palestiniens participent à une mise en scène devant une position militaire israélienne, sous le feu à balles réelles de soldats israéliens. Qu’ensuite l’hôpital de Gaza mette de la sauce tomate sur les pansements du père de ce petit Mohammed blessé, l’ambassadeur de Jordanie qui emmène cet homme, le roi Abdallah II de Jordanie qui lui rende visite, que tout ce monde-là ait soi-disant participé à un complot digne d’Hollywood et que les gens puissent y croire, oui, cela m’a surpris»” L’humanité 18 janvier 2013.

Voici ce que dit Spire : « En réponse à ce crime, deux réservistes israéliens ont été quelques jours plus tard lynchés par des Palestiniens ». Le Nouvel Obs a publié un appel Pour Charles Enderlin en date du 27 mai 2008 qu’Antoine Spire trouve « particulièrement étrange » (…) Antoine Spire précise sa pensée : « Combien d’exemples dans l’histoire récente de la presse prouvent que des journalistes peuvent se tromper et nous tromper. Comment oublier par exemple les fausses informations sur les charniers de Timişoara ? » En décembre 1989, lors de l’ébranlement du régime communiste du dirigeant roumain Nicolae Ceauşescu, de nombreux médias ont annoncé la découverte, à Timişoara, ville située à l’Ouest de la Roumanie, de charniers contenant des milliers, voire des dizaines de milliers, de cadavres de victimes de ce régime. Il s’est avéré que ces cadavres, au nombre d’environ une centaine, provenaient de la morgue d’un hôpital. »
On : www.véroniquechemla.info.
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Sur son lien et son admiration à l’Etat d’Israël écoutez bien l’entretien qu’il a avec Dominique-Emmanuel BLANCHARD (vidéo), notamment à la minute 3’15’’ le passage sur « le trépied ».

Il faut noter aussi qu’il anime une émission hebdomadaire sur la radio Judaïque FM, émission consacrée aux livres qui traitent uniquement d’Israël ou de la diaspora.





Olivier Rolin : "La littérature aide à être plus intelligent, plus rusé, à être libre"
À l’occasion de la parution de Circus, recueil de ses écrits parus entre 1980 et aujourd’hui, on mesure mieux la 
cohérence et l’importance du romancier de l’Invention du monde, de Port-Soudan, de l’essayiste de Bric et broc. Qu’est ce-qui a fait du militant d’extrême gauche un écrivain ? 
Quel écrivain est-il ? Il nous répond.
Circus, le recueil qui vient de paraître, ne sépare pas vos différents modes d’écriture, journalisme, essai, roman, mais s’organise selon un ordre chronologique. Pourquoi ce choix ?
Olivier Rolin : Je me suis aperçu qu’il y avait une sorte de cohérence entre la partie journalistique et la partie littéraire. Dans certains cas, le rapport est évident. Les reportages sur l’Argentine au moment de la dictature, puis du retour à la démocratie ont fourni beaucoup de matière à « Bar des flots noirs ». Un portrait littéraire d’Alexandrie va se retrouver dans « Port-Soudan ». Le travail journalistique a permis un repérage, une documentation avant une écriture plus fictionnelle. Mais les relations ne sont pas toujours si simples. En relisant toute la partie critique littéraire, je me suis aperçu que je n’ai jamais chroniqué des livres qui me sont aujourd’hui indifférents. Et même, certains, comme « L’Usage de l’homme » du Yougoslave Aleksander Tyszma, me paraissent importants, et commencent à être reconnus. Ces livres parlent tous des convulsions de l’histoire, ce qui n’est pas complètement à côté de mes romans.
La typographie de l’ouvrage est conçue pour qu’on ne se trompe pas, et vous avez à plusieurs reprises pris soin d’opposer, en tout cas de distinguer le romancier du mémorialiste, ou du journaliste
Olivier Rolin : Je l’ai fait de façon parfois excessive. D’abord parce que c’est suivre les sentiers battus, et puis parce que ce n’est pas si vrai que ça. L’œuvre de mon frère, Jean, comprend beaucoup plus de reportages au sens strict, et je la considère comme très littéraire. La distinction n’est pas si opératoire, même s’il est vrai que comme disait à peu près Valéry, la littérature ne doit pas dire il pleut mais faire de la pluie. Il y a donc une différence. Le journaliste doit dire que quelqu’un est mort, et non faire que le cadavre soit là sur la table.
Votre premier livre « Phénomène futur » était placé très explicitement sous l’autorité de Mallarmé. On repérait cependant de manière allusive des éléments de votre histoire immédiate, qu’on retrouvera dans « Tigre en papier », il y avait une volonté forte de mise à distance.
Olivier Rolin : Rétrospectivement, je me sens quand même plus proche de « Tigre en papier », qui dit les choses plus frontalement, plus simplement aussi. Cette espèce de passion mallarméenne que j’avais à l’époque avait quelque chose d’un peu post adolescent. Dans un des textes choisis pour une lecture, un des personnages, qui a un peu à voir avec moi, dit que les poètes qui l’intéressent sont ceux qui trimbalent un revolver dans leurs poches ou bien ont été contrebandiers et que les histoires d’azur et de cristal ne l’intéressent pas. C’est excessif, mais il y avait quelque chose d’un peu naïf dans mon attitude de l’époque. Je suis beaucoup moins fasciné par Mallarmé aujourd’hui. Et en plus, à l’époque, j’aimais l’ésotérisme ! Je lisais Gadda, « La Connaissance de la douleur », et on dit que la traduction française en avait rajouté sur l’obscurité. J’aimais la clandestinité, les sociétés secrètes, et j’aimais retrouver ça en littérature. D’ailleurs, l’idée de littérature me gênait. Je voyais cela comme une activité futile, en fin de compte. Donc, plus elle se dissimulait derrière des tentures obscures, plus elle se sauvait. « Tigre en papier » aborde cette période plus clairement.
C’était aussi une époque où résonnait encore l’écho de la prohibition du roman par les surréalistes, en tout cas Breton, où le nouveau roman était dominant
Olivier Rolin : Et il fallait être plus ou moins lacanien, dans ma fascination pour Mallarmé, il y avait du Lacan. J’ai lu il y a quelque temps « La deuxième mort de Ramon Mercader » de Jorge Semprun, un excellent roman, mais bourré de maniérismes qui tiennent à l’époque.
Étudiant, vous vouliez –c’est ce que vous aviez dit à Althusser- produire une théorie marxiste de la littérature. Mais vous n’envisagiez pas d’en écrire… Qu’est ce qui vous a poussé dans cette voie ?
Olivier Rolin : La confusion… Voilà une chose dont je suis certain. La désorientation, l’incertitude dans laquelle je me trouvais après l’échec de la gauche prolétarienne ne pouvaient s’exprimer autrement que par le roman. Bien longtemps après, j’ai écrit des articles critiques, ou théoriques, que l’on retrouve dans « Bric et broc », par exemple. Mais pour dire l’état de vacillation qui était le mien, je ne n’avais pas les moyens d’écrire un essai ou un texte théorique, je ne pouvais que me tourner vers ce genre où nul ne détient la vérité, qu’on appelle roman. Dans l’histoire que je m’en fais, dans mon souvenir ou ce qui en tient lieu, je commence par prendre des notes, tenir une sorte de journal intellectuel ou affectif, que j’ai perdu, d’ailleurs, dont la tonalité devait être très sombre, et, sans doute un peu pleurnicharde. J’étais, nous étions, complètement paumés. Au début, ces notes, ces réflexions et progressivement tout se transforme en fiction, et cela donne « Phénomène futur ». Mais je n’avais pas, au départ, de projet romanesque proprement dit.
Le livre a été édité, il a eu un accueil critique…
Olivier Rolin : Plutôt positif, je me souviens d’un bel article de Marianne Alphant dans Libération, et d’un autre de Rinaldi dans l’Express qui disait « Chaque année, il y a un exemple de ce qu’il ne faut pas faire en littérature, et cette année c’est Monsieur Rolin », parce que selon lui j’étais trop intelligent pour être un bon écrivain. C’est la vieille théorie selon laquelle l’intelligence, ou la culture nuisent à la création.
Est-ce que vous vos êtes dit quelque chose comme « je suis bien parti, je vais continuer » ?
Olivier Rolin : Non. J’ai évidemment continué donc j’ai du me dire quelque chose, mais certainement pas « je suis écrivain ».
Il y a eu « Bar des Flots noirs » et, en 1993, le livre qui a beaucoup frappé, « L’invention du monde », qui refusait la fiction tout en investissant beaucoup dans la dimension littéraire du roman.
Olivier Rolin : J’en ai conçu l’idée presque par raccroc. J’avais commencé une première version de « Tigre en papier », une sorte d’histoire de mes années gauchistes. L’écriture s’enlisait et je me souviens d’avoir eu cette envie d’écrire une journée dans le monde pour me sortir de cette impasse. Et je m’y suis embarqué pendant deux ou trois ans j’ai amassé des articles de 500 journaux du monde entier, je les ai traduits ou fait traduire, et j’en ai extrait des dizaines, des centaines d’histoires. Fort heureusement l’ordinateur avait fait son apparition, ce qui m’a permis de les classer, selon un système assez aberrant, dont on retrouve des traces dans l’ouvrage. Les « histoires de la nuit », par exemple, viennent de là. J’ai passé deux ans et demi à remuer cette énorme masse, en me demandant comment lui donner vie, en sachant qu’il était exclu que ce soit un collage, une sorte de patchwork. Et, c’est assez bizarre, parce que c’est la seule fois que cela m’est arrivé, j’ai eu une sorte de révélation. C’était au Portugal, dans le cadre d’une mission Stendhal et tout à un coup me sont venues deux idées. D’abord que ça allait être un livre sur les livres qui avaient parlé du monde et que chaque livre qui parlait du monde, Marco Polo, par exemple, allait me servir, soit d’une façon parodique, soit autrement, que j’allais m’en servir pour organiser ma matière. Dans le même temps, que ce livre allait être une énorme tchatche, adressée à des jeunes femmes qui se trouvaient prises dans ces histoires. Je me souviens de ce jour, tout en restant très rétif à toute idée d’illumination, de révélation, mais cela m’a mis dans un grand état de joie, d’exaltation. Et je me suis dit que je n’allais pas m’y mettre tout de suite, parce que le résultat allait être au-dessous de la splendeur de l’idée. Le dispositif fictionnel, parce que je savais qu’il en fallait un, est venu ainsi.

Ceux qui ne l’ont pas lu disent en effet de votre livre que c’est une série de photocopies et rien d’autres.
Olivier Rolin : Évidemment, tout est dans les journaux, et tout est arrivé (à les en croire). Mais c’est de mes livres le plus éloigné du réalisme. D’abord parce que le narrateur est comme une espèce de dieu parlant d’on ne sait où, puis parce que c’est le plus délirant, le plus loufoque, le plus fantaisiste. Il prend des allures de pur conte de fées, par moment.
C’est là qu’on voit la plus grande distance et la plus grande convergence avec le journalisme.
Olivier Rolin : Bien sûr, et surtout du « journalisme d’écrivains » comme on le voyait – parce que ça ne se fait presque plus- dans les journaux qui leur demandaient de « poser un regard » d’artiste, non journalistique, sur le monde. Là il s’agit de vrais articles, extraits à l’état brut de leur journal, et mon travail d’écrivain consiste en une mise en ordre de cette réalité à la base non fictionnelle. Dans le titre, le mot « invention » est aussi important que le mot « monde ».
Ce livre occupe une position centrale par la problématique qu’il pose, et parce que s’y met en place le motif du cercle qui revient jusque dans le titre de ce recueil, « Circus ».
Olivier Rolin : Une position centrale, mais pas le sommet d’une courbe, j’espère. Parce que c’est très gênant d’avoir son sommet derrière soi. On y trouve un équilibre entre l’ouverture au monde ou le baroquisme de l’écriture.
Et peut-être est-ce une manière inattendue d’écrire le livre sur rien dont parlait Flaubert.
Olivier Rolin : En effet, c’est une journée ordinaire, donc où « rien de spécial n’arrive » et l’orgueil de l’écrivain consiste à dire que c’est sa mise en histoire qui la rend extraordinaire. Mais contrairement à Flaubert, il ne tient pas par le style, parce qu’il y a, volontairement, un catalogue de styles, du tragique et de l’épique à la presse people en passant par le trivial.
D’une manière générale, vous avez souvent changé de style d’un livre à l’autre. Par exemple, « Port Soudan » avait une écriture « à l’imparfait du subjonctif », disiez-vous, et « Méroé » remettait sur le métier la même matière en lui donnant un traitement plus austère.
Olivier Rolin : Ce que j’ai remis en cause dans « Port-Soudan », c’est le côté « chercher la maxime », faire des phrases à graver dans le marbre, le côté « Grand Siècle », qui me paraît aujourd’hui assez poseur. Mais ce n’était pas de la pose, je l’ai écrit comme ça pour m’en sortir. J’étais dans une clinique pour dépressifs et c’était une manière de reprendre le dessus. Et rétrospectivement, même si c’est de mes livres celui qui est le plus aimé des lecteurs, j’ai éprouvé le besoin de prendre mes distances. Et j’ai écrit « Méroé », où, sur le même terrain, l’archéologie, la trace revêtent une importance centrale, où on retrouve le passé vivant dans le présent.
C’est aussi une manière de mettre à distance l’intrigue, dont vous vous méfiez un peu.
Olivier Rolin : J’ai écrit un article, « Contre l’intrigue », qu’on retrouve dans « Bric et broc ». Au fond ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus dans un livre. Mais je termine ce texte en disant que je suis comme tout le monde, et que j’aime qu’on me raconte une histoire. En ce sens, même si l’intrigue est effectivement relativisée, elle est entièrement inventée, et « Méroé » est mon roman le plus romanesque.
Dans vos derniers romans, le plaisir de raconter se double d’un refus de la fiction, comme dans « Un chasseur de lions ».
Olivier Rolin : Il est bien clair que Pertuiset, le personnage central de ce livre, est réel. Mais on peut prendre plaisir à raconter la réalité ! Et puis, dans « Suite à l’Hôtel Crystal », il y a toute une série de petites histoires, que je me suis beaucoup amusé à agencer, comme celle de ces types qui essaient de vendre au fils de Saddam Hussein une brasserie pour que ça ressemble à une usine de gaz de combat, et quelques autres.


Olivier Rolin au centre
Mais Pertuiset est tellement romanesque qu’on le croit invente, par ce que la forme du livre est ce qu’elle est. C’est Tartarin, en fait
Olivier Rolin : Tartarin, et aussi Rimbaud au Harrar, trafiquant d’armes. Mais c’est une caricature du XIX°, aventurier colonial, chercheur de trésor, magnétiseur. C’est Daudet et Stevenson. Le livre est aussi un jeu, une caricature de l’aventure romantique. Vu le personnage, je n’ai pas eu à me forcer. Ma personne, mon histoire, me poussent à aimer les aventuriers, et ce petit moment de dérision était un exercice de salubrité.
Votre conception des rapports de la littérature avec son époque à changé depuis vos débuts.
Olivier Rolin : J’avais dans les années 70 une conception assez sartrienne de la littérature comme instrument de combat social et politique. On ne peut plus partager les phrases de Sartre selon qui l’avenir de la littérature en Europe est lié à l’existence d’un bloc socialiste puissant. Pour autant, je crois que si on prend les choses au négatif, le jour où la littérature n’existera plus, ou deviendra marginale, le monde sera pire. Je garde l’idée de Sartre que la littérature permet au lecteur de s’appuyer sur les expériences fictives et concrètes que donnent les romans. La littérature aide à être plus intelligent, plus rusé, à être libre. Elle permet de combattre. Si c’est ce qu’on veut.
La modernité est le fait de gens qui se sentent le moins de leur époque. C’est le côté « mal placé » que vous reprenez à Chateaubriand.
Olivier Rolin : J’aime Chateaubriand parce qu’il parle de ce qui vient de disparaître, en étant littérairement en avance sur son temps. Il est à la bonne distance. Je ne sais pas si je suis moderne. Il me semble que ce qu’on a à dire, c’est ce qui disparaît. Il ne faut jamais enfermer l’art dans des définitions qui sont des exclusives, mais une des fonctions de la littérature dont je me ses proche, plus que de « tendre un miroir le long du chemin », comme disait Stendhal, est de dire le passé que le présent met à mort continûment. À commencer par notre histoire personnelle et collective. Je ne crois pas être passéiste, mais la littérature qui n’est que « symptomatique », au sens d’expression brute de modes, de tendances éphémères m’intéresse peu. Je l’oppose à la littérature « diagnostique », qui fait partie de ce dont elle parle. Il m’arrive de parler en termes presque marxistes, parce que je continue de considérer que c’est un instrument de pensée toujours utile, il semble qu’actuellement les images, les idéologies sont au cœur du système de domination. Elles ne sont plus des superstructures. Cela pose un problème à l’écrivain, qui fabrique des histoires. Il est normal qu’un artiste n’aime pas son époque, mais il est clair qu’il doit s’y intéresser.
Le cirque d'Olivier Rolin   
 Éditions du Seuil, 1930 pages, 37 euros. Circus (Romans, récits, nouvelles 1980-1998).  On connaît bien Olivier Rolin, ou plutôt on croit le connaître. Ancien dirigeant de la Gauche prolétarienne, journaliste globe-trotter mué en romancier, remarqué avec l'Invention du monde, lauréat du prix Femina  pour Port-Soudan, et dont les romans, tels que Tigre en papier ou Un chasseur de lions ont connu un grand succès public et critique. On le sait critique et essayiste, mais jamais la synthèse entre les trois « Olivier Rolin » n'avait été opérée. C'est chose faite avec cet ouvrage qui rassemble reportages, récits, essais, nouvelles ?et romans, réunis au dernier trimestre 2011 sous le titre de Circus, clin d'oeil à sa lecture d?enfance du livre de Closterman, mot qui renvoie aussi au cercle, au globe de l'univers, et à la piste ronde occupée par les humains, nouvelle version de la réplique shakespearienne,  « le monde est une scène ». Olivier Rolin a fait plus que la parcourir en témoin, il y a agi, et surtout il y a écrit.  Il nous reçoit pour évoquer son parcours et nous livrer les ressorts de son art d'écrire.   

Entretien realise par Alain Nicolas
L’humanité le 17 Février 2012 
On : www.humanite.fr.




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lundi, avril 22, 2013

389- Printemps berbère...

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Khoubatha ! Khouwana !

Guethmurth nagh ! Guethmurth nagh !
Eshabsen tlelli nwawel
Khaounouna hourryatna
Y’en a marre de ce pouvoir
Yen a marre de la hogra

Dégagez y’en a marre !
Disons-leur dehors !
Mettons-les dehors !
Dégagez mon pays !

Ahmed Hanifi, Marseille 20 avril 2013
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jeudi, avril 18, 2013

388- Patchwork



Préambule.

Avant de vous proposer le texte que j’ai écrit, je vous explique mon cheminement pour y aboutir.
Inspiré par ''Le nouveau magasin'' de monsieur Hubert Haddad, ''Ecrire une nouvelle'', j’ai pris au hasard des ouvrages (romans ou non) dans les trois parties de ma bibliothèque (photo) : trois dans la première, quatre dans la deuxième et dix dans la troisième. Cette dernière étant la plus imposante en nombre de volumes.
Cela m’a donné 17 titres. 
Ensuite j’ai ouvert le premier livre au hasard. J’ai posé un doigt sur un endroit de la page au hasard. Puis j’ai recopié les quelques lignes couchées sous le doigt. J’ai fait pareil pour les seize autres ouvrages. 17 extraits pris au hasard dans 17 livres pris eux aussi au hasard.
Ensuite, autour de ces extraits (dans mon texte ils sont en rouge, soulignés et en italiques) que j’ai, dans la mesure du possible gardés tels quels, ajouté des phrases, l’ensemble a donné un texte assez condensé que j’ai appelé Patchwork. La tâche ne fut pas vraiment aisée, vu la nature des livres et de leurs contenus.

L’ordre ci-après des ouvrages correspond à celui des extraits tels qu’ils apparaissent dans le texte.

1- Octobre. Algérie ’88 Un chahut de gamins… ? P 109
Abed Charef. Ed Laphomic. Alger 1990. 270 pages.

2- Doctrine et action syndicales en Algérie.  P 121
François Weiss. Ed Cujas. Paris 1970. 363 pages.

3- La terre nous est étroite et autres poèmes. P 121
Mahmoud Darwich. Ed Gallimard Nrf. Paris 2000. 389 pages

 4-Histoire de la pensée : philosophies et philosophes. P 159
Jean-Louis Dumas. Ed Tallandier. Paris 1990. 512 pages.

5- Célimène et le Cardinal.P 82
Jacques Rampal. Ed Librairie Théâtrale. Paris 1997. 117 pages.

6- Journal d’un homme trompé. P 119
Pierre Drieu la Rochelle. Ed Gallimard Coll Folio. Paris 1978. 246 pages.

7- Un aller simple. P 55
         Didier van Cauwelaert. Ed Albin Michel. Paris 1994. 195 pages.

8- Et Allah guide qui il veut. P 31
Imtiaz Ahmad. Ed Al- Rasheed Printers. Madina 2002. 40 pages.

9- Et l’acier fut trempé. P 290
Nicolas Ostrovski. Ed EFR. Paris 1971. 544 pages.

10- Ulysse P 345
James Joyce. Ed Gallimard/Folio. Paris 1999. 1135 pages.

11- La science sociale. 202
         Auguste Comte. Ed Gallimard/Idées. Paris 1972. 308 pages.

12- Esquisse d’une théorie de la pratique. P 76
Pierre Bourdieu. Ed Seuil/ Points. Paris 2000. 432 pages.

13- Dans ces bras-là. P 126
         Camille Laurens. Ed P.O.L. Paris 2000. 302 pages.

14- Julienne et la rivière. P 91
Jean-Pierre Otte. Ed Robert Laffont. Paris 1977. 142 pages.

         15- Treize histoires. P 147
         William Faulkner. Ed Gallimard/Folio. Paris 1996. 371 pages.

16- Thagaste Souk-Ahras patrie de Saint Augustin. P 15
Nacéra Benseddik. Ed Inas. Alger 2005. 78 pages.

17- Petit déjeuner chez Tyrannie. P 55
Eric Naulleau. Ed La fosse aux ours. Lyon 20003. 185 pages.




Voici maintenant le résultat que j’ai appelé patchwork.

Patchwork

Mario est toujours resté convaincu que ses frasques, réelles ou supposées, n’étaient pas les seules à l’origine du départ, ou de la fuite, de Marion, sa compagne, pour l’Amérique. Ses engagements auprès des milices d’un Etat voyou avaient marqué comme une frontière passée, comme un point de non-retour. Dans cet Etat les milices y étaient complices des militaires contre les manifestants, contre les grévistes. « Déployés dans les principaux carrefours et les bâtiments officiels, les militaires étaient en mesure de bloquer tout mouvement de foule important. Les manifestants n’avaient plus la possibilité d’opérer dans les grands boulevards, ni de s’attaquer de front aux militaires. Ils se retranchaient dans les ruelles, qu’ils contrôlaient totalement. » (1) Les grévistes n’en pouvaient plus des conditions de vie que les autorités leur imposaient. Leur impatience était grande. « Cette impatience, ce sentiment de frustration, les militants des sections (…) implantées dans les usines, étaient là pour leur donner une formulation et un exutoire, d’autant plus qu’il leur fallait bien quelque grain à broyer et que les affirmations à caractère gestionnaire (…) ne trouvaient guère d’application concrètes dans ces entreprises capitalistes – à moins précisément d’en changer le mode de gestion, ce qui ne peut se faire sans agitation. » (2)

Marion avait maintes fois fait signe à Mario, maintes fois rappelé son opposition, posé des ultimatums. Mais lui, n’a rien voulu entendre. Alors Marion a fini par partir. Lui imputant toutes les responsabilités. Le bruit avait longtemps couru qu’elle avait traversé, seule, l’Atlantique.

C’est justement en Amérique que je l’ai retrouvé, lui, Mario. Aux Etats-Unis. Il était persuadé que Marion vivait au cœur de la Pomme. Mario a été et demeure mon meilleur ami malgré nos divergences, malgré ses grands écarts. Bien que je sois très souvent en désaccord avec sa vision du monde, il reste mon ami, même si nos relations se sont distendues. J’étais venu lui remettre une importante lettre de son ex. que j’ai fini par retrouver. Pour ne pas mentir il me faut dire que c’est elle qui m’a contacté. Qui m’a téléphoné. J’avais rencontré Mario bien avant de retrouver Marion.
Mario lut deux fois la lettre. Il la regardait, la tâtait, palpait, sentait, puis l’a lue encore et « me salua dans la 5° rue. Pleura. S’adossa à la façade de verre. Pas de saules pleureurs dans New York. Il me fit pleurer. Ramena ses eaux au fleuve. » (3) Mario « pose des questions brûlantes et il étonne parfois, en refusant toutes les compromissions. Cette philosophie est une philosophie du devenir, redevable à l’évolutionnisme contemporain qu’elle dégage de sa gangue matérialiste. » (4)  Je n’ai pas cédé à ses demandes répétées, mais nous avons beaucoup échangé.  J’avais promis à Marion de ne rien dévoiler de sa nouvelle vie, ni de ses nouvelles histoires abracadabrantes. Nos échanges n’ont concerné que leurs passés. Avant de nous quitter, avant que je lui fasse la promesse, « Nous prîmes un café. Puis, nous nous séparâmes. Aussitôt. » (3) Il ne cessait de répéter pour lui-même « Merci, mon Dieu, merci, vous nous avez sauvés ! Sauvés de la misère et sauvés de la honte, Sauvés du déshonneur, oui, c’est cela qui compte ; Car A… aurait pu divulguer ces croquis Et me livrer ainsi à tous mes ennemis. » (5)
Les intrigues de mon ami ne m’ont jamais intéressé: la honte, le déshonneur, les croquis… se sont ses affaires, pas les miennes. Ces affaires-là ne m’intéressent pas. Je me répète.
Marion m’avait contacté. Personnellement je ne savais pas où elle avait décidé de vivre. « En Amérique » disait-on, mais sans plus. Les années passèrent. Trois, peut-être cinq ou même sept, lorsqu’ elle me contacta. Elle m’apprit qu’elle vivait au Canada depuis son départ de Paris, dans un petit village, réputé par on histoire plus ou moins tumultueuse, plus ou moins étrange, situé à mi-route entre Montréal et Ottawa. Sa maison donne sur la rivière des Outaouais.
Marion et Mario  « ont l’air d’avoir encore les mêmes manières et les mêmes goûts policés, les mêmes mœurs et les mêmes conceptions fondées sur la raison, ils se méconnaissent, se soupçonnent et se haïssent, comme des petits boutiquiers ignorants venues de contrées différentes qui se rencontrent dans un train de plaisir et que jette l’un contre l’autre la mystique à trois sous des journaux. » (6) Et pourtant. L’un et l’autre se cherchent, se cherchent dans leurs complexités. Lorsque je quittai Mario,  « ça crépitait autour de nous, ça faisait un peu fête ; j’ai repensé à mon repas de fiançailles et les dernières photos ont dû être plus tristes. Le photographe avait replié son matériel, et il était parti en nous disant à demain. » (7) Moi aussi je me devais de partir. J’ai retiré ma casquette pour le saluer une dernière fois. Sur Greenwich avenue j’ai appelé Marion pour l’informer de mon arrivée le lendemain.
Au siège de la Greyhound compagny, sur la 8° avenue, je pris un autocar jusqu’à Montréal, puis de là jusqu’à L’Orignal où réside Marion. Huit heures de route. On raconte que lorsqu’elle arriva « au Canada, elle a trouvé un climat favorable à l’échange d’idées et de débats sur tous les sujets. Avec un esprit ouvert, elle a commencé à méditer sur sa religion et a fini par l’abandonner pour le christianisme qu’elle jugeait plus vrai que l’indouisme. Mais elle ne tardera pas à découvrir que le Christianisme était loin de la vérité qu’elle cherchait, vu ses nombreuses contradictions et mensonges. » (8)
L’Orignal est une petite bourgade sur la rivière des Outaouais. Sa « petite gare se nichait, solitaire, dans la forêt. Une bande de terre ameublie partait du quai de pierre, destiné au chargement de marchandises, et s’enfonçait entre les arbres. Des fourmis humaines s’y affairaient. La glaise collante clapotait sous les pieds avec un bruit répugnant. Des hommes creusaient avec acharnement de part et d’autre du remblai. Des leviers grinçaient sourdement, des pelles raclaient la terre » (9) alors qu’il était tard, que la nuit tombait. Au sortir de la gare, entre deux imposants néons, je fus surpris par des ombres qui s’approchaient, « un jeune homme congestionné surgit d’une brèche de la haie et après lui une jeune femme tenant des marguerites sauvages qui se balançaient  au bout de leur tige. Le jeune homme retira brusquement sa casquette, la jeune femme se pencha brusquement et avec beaucoup d’attention détacha une brindille accrochée au tissu léger de sa jupe. » (10) Le jeune homme tenait un livre, qu’il abandonna à ma vue.  Je l’ai ramassé et, difficilement, lu à la page écornée, « Il faut d’abord remarquer, comme une vérification très décisive de l’exactitude de cette classification, sa conformité essentielle avec la coordination, en quelque sorte spontanée, qui se trouve en effet implicitement admise par les savants livrés à l’étude des diverses branches de la philosophie naturelle. » (11) Je compris fort bien qu’il ne tint pas à s’engouffrer dans la complexité. Un homme d’un certain âge qui assista à la scène me dit, en murmurant presque, la main posée de profil près des lèvres, que ce jeune est « le jeune berger qui participe doublement de la croissance du champ et du bétail, par son âge et par sa fonction, cueille, pour le suspendre au linteau de la porte, un bouquet de « tout ce que le vent agite dans la campagne » (à l’exception  du laurier)rose, utilisé le plus souvent à des fins prophylactiques et dans les rites d’expulsion, et de la scille qui marque la séparation entre les champs » (12)  
L’homme d’un certain âge, il donnait des signes d’excitation, accepta de répondre à mon interrogation. Je cherchais la maison de Marion et un hôtel. Il se fut volubile. Certains villageois, dit-il, « chaque soir, après la plage où ils se sont nourris de pain et de tomates parce que les restaurants abusent honteusement des touristes (…) rentrent à pied vers le village avant la fermeture de la poste. C’est un minuscule bureau perché à flanc de montagne. » (13)

Et c’est justement à deux pas du bureau de la poste, sur la Grande presqu’île qu’habite Marion, dans une somptueuse maison dont l’architecture est inspirée du style néogothique. J’ai préféré passer la première nuit à l’hôtel, ou plutôt un gite : l’Orée du Moulin.

Le lendemain, vers quinze heures, j’ai sonné chez Marion, la grille a glissé sur ses rails. Marion m’attendait sur le perron, cinquante mètres plus haut. M’a reconnu ? Pas dans le moment malgré l’interphone. Il lui fallut quelques minutes avant qu’elle ne me tende la main, puis, hésitante, la joue, lorsqu’elle réalisa que j’avais avalé des kilos de miles avant de la retrouver !
Dans la longue lettre qu’elle m’avait adressée, agrafée à celle (sous enveloppe) qu’elle destinait à Mario, elle me révéla dans de menus détails toute sa relation, alambiquée depuis quelques années, avec lui. Dans cette lettre elle me supplia de leur venir en aide. De remettre à Mario la missive qui lui revenait. Et surtout de ne rien souffler de son lieu de résidence. Elle-même ne savait rien du lieu où habitait Mario. Elle ne savait pas qu’il logeait à moins de 450 miles de chez elle.  Il nous a fallu deux bonnes heures pour tout mettre à plat.  Puis le moment étant venu, elle s’installa à son bureau. Je la revois comme si j’étais encore à ses côtés. « Elle ouvre l’encrier, trempe sa plume dans le bleu nocturne, la relève telle un bec de verdier. Ses yeux s’évasent. Elle se met à écrire de façon informe, frivole et confuse, à griffonner des signes incongrus, des dessins végétaux, les hiéroglyphes des insectes sous les écorces. Elle essuie avec le bout de ses doigts la buée sur le miroir de la coiffeuse. Elle s’observe longuement dans cette tache sans fond où elle se réfléchit comme dans un voile. Elle trempe de nouveau sa plume. » (14) Puis, probablement pour le souvenir, elle se rendit dans la pièce mitoyenne que peut de temps auparavant elle me dévoilait. « Dans cette pièce, elle conservait des accessoires d’une importance secondaire, les ornements rituels, les livres sacrés, qui consistaient en bouts de bois barbouillés de signes symboliques peints à l’ocre rouge. Il y avait au milieu de la pièce, juste au milieu d’une ouverture percée dans le plafond, un foyer où était suspendue, au-dessus d’un peu de cendres de bois refroidies, une marmite de fer. Les volets des fenêtres étaient clos. » (15)

Le lendemain Marion insista pour me faire découvrir « des ruines mystérieuses » me confia-t-elle, à moins de cinq lieues de chez elle. Nous y sommes allés à pied. « Sur la gauche, à l’entrée occidentale des ruines, se trouvait aussi une construction de 25 mètres de façade sur 11 mètres de profondeur, bâtie en blocage, coupée par des chaînes de pierres de taille placées verticalement l’une au-dessus de l’autre. » (16) Marion m’apprit des choses bizarres sur ces ruines où elle se rend quotidiennement pour y pratiquer des prières particulières.
Toutes ces questions étranges à propos de la perception qu’ils avaient du monde qui nous gouverne, avaient plongé Mario et Marion dans des conflits interminables. Je crains que leurs retrouvailles, bientôt j’espère, ne les raniment. Les retrouvailles, mais aussi la découverte des ruines par Mario. « Ca, mes enfants, comme je le dis toujours, il n’y a pas de fumée sans feu, mais après la pluie vient le beau temps. Tout vient à point à qui sait attendre. » (17)

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 Ahmed HANIFI, 
Marseille avril 2013