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mercredi, décembre 31, 2014

461_ 5, 4, 3, 2… !



5, 4, 3, 2… !


Mille myriades d’étincelles éblouiront les cœurs au Soir venu

Chaque point cardinal de chaque rose des vents

Pétillera de ses mille feux à fatiguer des heures durant la nuit ténue 

Qui ira le cœur joyeux s’éteindre de nouveau devant l’astre levant

Bénis soient ceux dont la génuflexion exalte notre humilité

(a.hanifi)
   Merci Ferahim Haciyev
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Avec quelques heures d’avance (si toutefois vous n’êtes pas superstitieux), je vous souhaite à tous mes meilleurs et sincères vœux de bonheur.

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http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.fr/2014/12/460-la-petite-mosquee-des-inuits.html

460_ La petite mosquée des Inuits: Extrait n° 06

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 (suite)
Le mercredi matin les deux partenaires se rendent à l’office de tourisme où sont exposés des outils de mineurs, des animaux empaillés, ours bruns, noirs, blancs, renards, corbeaux, rennes… L’après-midi ils découvrent la vieille ville et le mythique WildCat Café. Un grand panneau planté devant la porte signale « Restauration project. Reopening on may ». Tant pis se disent-ils. Ils se rabattent sur le Bullock’s Bistro, non loin, lui aussi très réputé pour la qualité de sa cuisine essentiellement faite de poissons. Ils prennent deux bières et discutent avec la patronne qui apprécie qu’on la photographie. Elle est loquace comme un présentateur de télévision et sourit abusivement. Elle demande à Véro « vous êtes journaliste ? » La propriétaire est venue de Berlin il y a vingt ans, les mains dans les poches et des rêves d’argent enfûtés. Les murs à l’Est s’écroulaient les uns après les autres comme des châteaux de cartes. Aujourd’hui, même si sa peau n’a plus la fraîcheur d’une libellule ce dont elle se plaint, elle est ravie de sa situation, de son ascension sociale. « Avec les prix qu’elle pratique, je comprends bien qu’elle soit contente » dit Omar entre ses dents et la dame lui sourit encore.

Deux jours plus tard, en début d’après-midi arrivent à la maison Joneen et son compagnon, pour procéder à l’enregistrement de l’entretien. Ils expliquent aux Marseillais ce qui les intéresse : parler de la Cité phocéenne, dire pourquoi le choix du Grand Nord… « en anglais uniquement s’il vous plaît » précise Joneen. L’enregistrement fini, ils prennent un café. Dire « Minaret », « insolite », « transport sur barge » ou « à but non lucratif » en anglais n’est pas une sinécure. Les Marseillais s’en sortirent grâce à la salutaire intervention de la journaliste qui est bilingue.

Le week-end et les jours suivants Véro et Omar passent beaucoup de temps au Folk on the Rocks, le plus grand festival de musique du Nord canadien. De nombreux chanteurs Inuits s’y produisent comme Kulavak et la belle Elisapie Isaac. Elisapie tinte comme une cloche de Noël, elle chante, légère comme une chrysalide sur le point d’éclore « In my life there is a dark hole/ In that hole there is a future butterfly/ I become a shelter of fear and desire… » Kulavak est un duo de femmes qui interprète d’étranges et saisissants chants de gorge. Plusieurs centaines de personnes applaudissent frénétiquement. Certains spectateurs sont sagement allongés directement sur le sable fin de la plage, le bras soutenant la tête. D’autres, derrière ceux-ci, sirotent un verre, assis sur des bancs colorés.     D’autres encore, à un mètre de la grande scène, dansent et chantent au rythme des musiques que la plupart des spectateurs connaissent par cœur. Ils affichent tous un air radieux. Les gens du Grand Nord dit-on, ont le cœur sur la main, prêts à l’offrir chaque été. Durant la période estivale, la luminosité et la longueur des jours dissipent le spleen et l’obscurité que répandent les longs mois blancs.

Le mercredi vers 17 heures, Omar et Véro se rendent à l’église désaffectée Glad Tidings, derrière l’Association francophone. C’est là que se déroule l’atelier d’écriture conduit par Jean-Pierre. Ils sont près d’une quinzaine, dont Marie, Victor, Rosalie, et Pascaline de l’Association. Ils sont de bonne humeur, ils se connaissent tous. Ils plaisantent autour de gâteaux, de fruits et de bières. Parmi eux un homme, « il doit avoir mon âge » pense Omar. Il s’approche de lui « tu es Algérien ? » L’homme se nomme Razi. Il dit être de passage. Puis il dit être en vacances. « En fait je dois bientôt me rendre à Stockholm ». Il est confus. Omar ne saisit pas tout ce qu’il raconte. Il est question de sa fille, de la fuite du temps, d’un accident… Il est arrivé dans les territoires il y a quelques semaines… Jean-Pierre interrompt leur discussion et les autres. « Je vais vous lire un poème d’Émile Nelligan, soyez très attentifs. Je vous donnerai ensuite la consigne d’écriture. 


Notre ami, le poète B. Foisy slame.

N’écrivez pas, écoutez bien : ‘‘Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l’or massif:/ Ses mâts touchaient l’azur, sur des mers inconnues ;/ La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues,/ S’étalait à sa proue, au soleil excessif…’’ Puis il lit la consigne, d’autres suivent…


Le vendredi 15 juillet, vers sept heures du matin, les Marseillais entament le long voyage en direction du Cercle polaire, d’Inuvik et de sa mosquée. La veille, par précaution, « méfiez-vous des distances », les avait-on prévenus, ils achetèrent et remplirent trois jerrycans de carburant. À la sortie de Yellowknife, un doute soudain traverse l’esprit de Omar qui se confie à Véro. « Personne ne connaît cette histoire de mosquée des Inuits. Et si elle n’était qu’une blague, un poisson péché en avril et réchauffé en été ? » « Comment est-ce possible, alors que des articles de journaux en parlent comme d’une réalité concrète ? Elle existe bel et bien ! » lui répond Véro quelque peu irritée. Omar le sait bien évidemment. Plusieurs journaux rapportèrent dans le détail les aventures vécues par les transporteurs routiers de cette mosquée. C’est un préfabriqué de cent quarante-cinq mètres carrés, de style totalement canadien. Il voyagea durant quatre mille cinq cents kilomètres, pendant un mois, de Winnipeg à Inuvik.
Merci  snowangelfilms
La mosquée faillit plusieurs fois se renverser n’étaient l’expertise et la hardiesse des camionneurs. Pour prévenir tout risque, de longs tronçons de route furent entièrement interdits à la circulation des journées entières, car l’engin transporteur circulait sur deux voies. Les distances entre les villes sont grandes, elles font penser à celles qui relient entre elles les villes du Sahara.

De Yellowknife à Fort-Providence, la route est longue de trois cent trente kilomètres. Nommée Yellowknife Highway, elle n’est pas asphaltée, mais praticable et très bien entretenue. Par contre lorsqu’un véhicule croise ou double le Westfalia, celui-ci est entièrement recouvert de poussière. Il faut être vigilant et vérifier que les vitres du Kombi sont bien remontées. Les aires de repos sont quasi inexistantes tout comme la circulation. À mi-distance se trouve un petit village autochtone appelé Rae-Edzo ou Bechchokǫ̀, en fait se sont deux villages regroupés. Véro et Omar s’y arrêtent. Sur le bord de la route, deux grands panneaux préviennent, en anglais et en français pour le premier : « Vous entrez maintenant dans le pays du bison des bois. » En anglais seulement pour le second, orienté vers l’agglomération : « Alcohol prohibited withing Bechchokǫ̀ corporate limits. » Il semble à Omar que moins de cinq cents personnes y vivent. Mais on ne les voit pas. Un vieux couple entre dans l’unique église. Son clocher surmonté d’une croix ressemble à un grand tipi. À l’intérieur le vieil homme et sa compagne sont agenouillés au premier rang. À l’entrée, bien en vue, de nombreux missels paroissiens, écrits en langue locale, le flanc-de-chien, sont posés en vrac sur un banc. Sous de grands vitraux figurant le Christ, des anges et Marie, une imposante affiche invoque des prières en langue locale : « T’aahodi Adi Nehwho Yedàiyeh Età, T’aahodi Adi Nehwho Età, Wezha Jesus Christ… »

Le temps est couvert ce matin. La végétation est dense, mais ce qui frappe c’est la hauteur des arbres, assez peu imposante. La responsabilité incombe à la sévérité du climat, au pergélisol. Une très grande partie du Nord canadien est ainsi constituée d’une couche de glace quasi permanente de soixante-dix centimètres environ. Elle serait à l’origine de la physionomie de toutes les plantes, qui s’animent toutefois et s’épanouissent durant la période du dégel, en été. Le permafrost – terme anglais qui désigne le pergélisol – influe donc beaucoup sur la qualité de la végétation. Omar et Véro croisèrent peu de véhicules, par contre ils aperçurent d'innombrables corbeaux, mais aussi des bisons, des renards, des chèvres et des marmottes.
Des armées de moustiques leur rendent la vie exécrable dès lors qu’ils mettent à découvert un bras ou un doigt de pied, sans compter d’autres insectes piqueurs, les grasses mouches bleues… Ils arrivent à Fort-Providence, mais ne s’y attardent pas. À l’entrée du village autochtone, comme à Bechchokǫ̀, un panneau avertit le touriste : « Alcool interdit. » Ils se dirigent directement vers le bac. Ici on ne capte plus la radio et les téléphones portables ordinaires ne servent à rien. Même s’ils activaient les leurs, ils ne fonctionneraient pas ici. Seuls fonctionnent les téléphones satellites. Pour poursuivre leur aventure, les deux compagnons doivent passer de l’autre côté du Mackenzie. Le bac Merv Hardie, ou « traversier » c’est ainsi qu’on désigne le bac, est gratuit et évolue sans interruption de 6 h à 0 h 50, de mai à novembre. Dans quelques mois il ne sera plus que souvenir. Les travaux de construction du gigantesque pont reliant les deux rives du Deh-Cho sont bien entamés.




En moins de dix minutes, le bac atteint l’autre rive du Mackenzie avec ses quinze voitures et leurs passagers. Sur l’une et l’autre, les nombreux ouvriers, grues et semi-remorques des chantiers Ruskin s’activent pour achever à temps le pont en construction, le « Deh Cho Bridge », long d’un kilomètre cent. Véro et Omar prennent le temps de déjeuner. Puis de marcher, de longer la rive alors qu’une sensation de plénitude les étreints. Le fleuve, le plus grand du pays, prend sa source dans le Grand lac des Esclaves à trois centaines d’encablures du pont en construction. Le prochain village, Fort Liard, se trouve à cinq cent vingt kilomètres. Tout comme lui, la Liard Highway porte le même nom que la rivière qu’elle côtoie sur une grande partie de son étendue. Elle n’est pas bitumée. Elle est recouverte de gravier compacté et les nuages de poussière ocre soulevés par le passage des véhicules font disparaître un instant tout repère. Faire de la vitesse serait un pari inutile et risqué. En certains endroits la route est glissante à cause des averses ou des cailloux. Les travaux y sont nombreux et des ouvriers portant des gilets à bandes rouges et jaunes fluorescents affectés aux tronçons concernés, tiennent des panneaux de signalisation verts ou rouges signifiant l’autorisation de circuler ou l’obligation de stopper selon que les engins, chargeur Carterpillar, tombereau, pelle mécanique… empiètent ou non sur la voie qui ne leur est pas attribuée. Sur un grand panneau circulaire blanc, il est indiqué « Maximum 20 », sans indication de l’unité de mesure. Plus loin, une plaque énigmatique signale « Bouvier CR ». Au-delà, l’étendue est vide de toute construction. Les immenses domaines forestiers sont comme des maîtres absolus. De temps à autre une maison, comme sortie du néant, apparaît. Probablement un abri de chasseur au centre d’innombrables bouleaux et d’épinettes. La monotonie est rompue par de petits groupes de bisons progressant le long des larges accotements touffus de la route. À mi-parcours, un panneau indicateur informe qu’à trois kilomètres, en prenant à droite, une voie mène à un village. Les Marseillais prennent la bifurcation pour y faire une halte. « J’espère qu’il y a une station d’essence, cela nous évitera d’utiliser les jerrycans » dit Omar. C’est Jean-Marie River, un village autochtone Déné d’une cinquantaine de maisons individuelles avec jardin, posées ça et là sans ordre apparent sur un immense terrain. Il n’y a nulle trace de bitume. Un groupe d’enfants poursuivi par des chiots excités se dispute un ballon. Omar s’arrête à sa hauteur et demande à l’un des gamins s’il y a une station d’essence. Ses joues, fortement marquées par l’effort, sont rouges et sa peau est desséchée, rugueuse, effet probablement des conditions climatiques rigoureuses de l’hiver. L’enfant grimace ou sourit, puis montre une maison. Omar craint que le garçon ne l’ait pas compris. Il descend de voiture, va vers la trappe à carburant de son Volkswagen. Il donne quelques coups avec ses doigts sur le métal et répète « diésel, diésel », puis fait voltiger sa main, balayant l’air. Il dit, peu convaincu, « here diésel ? » L’enfant secoue la tête et d’un bond rejoint ses camarades. Omar se dirige vers la l’habitation indiquée par le jeune footballeur. C’est un long pavillon entièrement bleu avec deux entrées. Au-dessus de la première porte il est écrit « B and B », rien sur la seconde qui est ouverte. C’est par celle-ci que Omar entre dans la maison. Une petite femme se lève pour l’accueillir. A-t-elle passé la trentaine ou bien la quarantaine ? Elle est corpulente et son visage buriné. Le châle rouge qu’elle porte sur la tête ne cache pas le bas de ses cheveux noirs tressés qui tombent sur la poitrine. Elle est vêtue d’une longue robe, de même couleur que le foulard. Elle lui arrive aux mollets. La femme fait signe à Omar d’avancer dans ce qui est une épicerie ou un bazar. Il est pris de vertige à la vue de l’enchevêtrement des mille et un objets disparates posés en vrac ou suspendus au plafond : casseroles, sacs de farine, téléviseurs, bouteilles, bocaux, enseignes, bonnets de rats musqués, des bottes en peau de caribou ou Muklik, des pièces non identifiables… un fouillis gigantesque. Sur un mur est placardé un avis de recherche avec photo et numéro de téléphone : « Nunavut crime stopper's is seeking the public’s assistance in locating the following missing person… » Omar est un instant perturbé. Il dit, hésitant « I’m looking for fuel. » « Ya » fait la petite femme en tendant le bras pour lui signifier que c’est à l’extérieur. Elle décroche un trousseau de clés, lui demande de la suivre. Elle ne ferme pas la porte du fourre-tout. Derrière, se trouve un enclos cadenassé. Sur le seuil, trois gros huskys sont attachés chacun à une longue corde.  
 

Couchés près de leur niche, à peine lèvent-ils un œil sur la voiture et leur patronne qui crie quelques mots à l’un des garçons. Ce n’était ni de l’anglais ni du français.  Aucun joueur ne se détourne. Elle ouvre grand la porte grillagée pour laisser entrer le Westfalia. La petite femme fait signe à Omar pour qu’il gare le véhicule devant les immenses cuves cylindriques blanches protégées par une bâche. Elle ajuste son fichu, demande « diésel or regular ? » « Diésel » répond Omar. Il ajoute « Diésel thank you ». Avec une autre clé, elle ouvre une grande trappe, se saisit du tuyau qu’elle dirige vers la voiture. Lorsqu’elle finit, Véro lui dit qu’elle souhaite prendre une photo d’elle. La petite femme se redresse en laissant tomber les bras le long du corps tout en rondeurs. Elle relève la tête et plisse les yeux. Et de nouveau, ajuste le châle. Son timide sourire sera définitif.
Véro et Omar reprennent la route, contents d’avoir fait le plein. Ils roulent pendant une heure avant un nouvel arrêt à Blackstone Territorial Park qui fait face aux montagnes des Rocheuses et au Parc national Nahanni Butte, inscrit au patrimoine mondial.                    

 
La photographe s’en donne à cœur joie. La journée décline lentement bien que la lumière demeure intense. La forêt partout imprime sa forte présence. Elle forme un gigantesque plateau vert. De temps à autre elle dégorge un abri, une maison avec son garage, son jardin ouvert, ou un ours, un bison, pour impressionner le touriste, le routier. Ils sont à près de mille kilomètres à l’ouest de Yellowknife. Ils parcoururent des centaines de kilomètres de mauvaise route depuis Fort-Providence. Route non goudronnée et sur laquelle on ne peut rouler à plus de soixante à l’heure et parfois même quarante, car les dos d’âne et les nids de poule, les ‘bump’, ainsi que les travaux y sont nombreux.


  Il leur faut une sacrée dose de patiente pour arriver vers 20 h à Fort Liard. Le village, autre village indien, porte le même nom que la rivière qui longe son flan. Il est tout en longueur. Là aussi les habitations sont toutes des maisons individuelles en bois. Chaque résident possède son propre espace avec beaucoup de carrés gazonnés. Dans le jardin de certaines de ces maisons, d’étranges petits rectangles ornés de croix sont aménagés, et sur lesquels des objets sont posés. Les Marseillais jureraient que ce sont là des sépultures. Un jeune pêcheur arrive vers eux. Il met bien en avant sa belle prise de plus de cinquante centimètres, peut-être un grand brochet, mais ils n’en sont pas sûrs, tandis que Véro le prend en photo. Le jeune homme leur donna le nom de la capture, mais ils ne le retinrent pas. Épuisés ils passent la nuit dans les sous-bois, à quelques dizaines de mètres du General Store and Motel qu’ils évitent à cause du prix prohibitif pratiqué, près de deux cents dollars la chambre. S’ils désirent dormir dans un motel, dans un hôtel ou dans un camping c’est avant tout pour l’utilisation des douches. Ici ils les auraient chèrement payées. Dans la supérette qui jouxte le motel, ils ne trouvent rien d’intéressant à acheter. La nuit est courte au pays du soleil sans elle, et Omar a ronflé. « C’est vrai ? » fait-il lorsque Véro le lui fait remarquer. Ils déjeunent dans le Westfalia avant de se rendre au Centre indien Acho Dene Native Crafts,
où ils achètent deux paniers d’écorce de bouleau joliment décorés, entièrement faits à la main. Véro prend aussi un pendentif qui ressemble étrangement à une amulette « that’s not » lui dit la vendeuse en riant. Ailleurs, à part le General Store and Motel, le village est comme anesthésié. Comme hier il est désert et rien n’indique que c’est un jour de fin de semaine. Ils quittent les lieux vers onze heures. Trente-cinq kilomètres plus tard, ils franchissent la frontière interne et se retrouvent en Colombie-Britannique où spontanément apparaît une route goudronnée qui porte le même nom que celle qui les éreinta la veille, la Liard Highway. Avec elle le plaisir de conduire est ressuscité. La route figure un long tunnel cerné de chaque côté par des milliers d'hectares de forêt de résineux et autres feuillus : sapins baumiers, bouleaux, pins gris, mélèze... Mais, les moustiques, ou plutôt leurs cousins les maringouins, sont d'une part extrêmement nombreux et d'autre part constamment sur la peau. Omar et Véro ne cessent de se flageller. Il faut ajouter d'autres insectes volants telles ces mouches noires, énormes, aussi furieuses que les moustiques, qui les assaillent quoi qu’ils fassent. Les Marseillais disposent d’une protection pour le visage, une moustiquaire ad hoc, mais elle est ridicule et les gêne plus qu’elle ne les protège. 


(à suivre)

mardi, décembre 30, 2014

459_ Fin d'année

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Nous y voilà. 2014 s’apprête à nous quitter à son tour. Une autre année se prépare à s’ajouter aux précédentes. A nous vieillir un peu plus. Nous avons l’habitude. Le temps de Noël et du Mouloud réunis est à la neige, glacial. La semaine dernière nous tentions une pensée pour les dizaines de milliers de victimes (230.000) du Tsunami de l’Océan indien le 26 décembre 2004. Avant-hier un avion de la compagnie Airasia a disparu en mer. Encore un.

Le pitre vichyste, « le gourou des temps qui puent » Eric Zemmour fait de moins en moins rire. Viré de I-Télé (est-ce une bonne réponse ?), mais soutenu par de larges franges de la société française malades et, comme lui, abreuvées de haine. Des hommes et des femmes qui ont peur d’eux-mêmes, de leur miroir, de leur conscience, du changement, de leur responsabilité… Là je pastiche Sartre, repris par le magnifique Plenel dans « Pour les musulmans ». Ce magnifique petit livre est un « J’accuse ! » de notre temps, à lire absolument.

Imaginez un instant, un seulement, que Zemmour n’est pas Zemmour mais par exemple Tariq Ramadan. Puis imaginez un instant, un seul, que les mis à l’index ne sont pas Les musulmans, mais Les juifs… La France (officielle et médiatique) se serait mise dans tous ses états ! Mais… Mais…



En Algérie aussi l’année s’achève. Sur la question de la liberté d’expression. Pour ou contre Kamel, pour ou contre un individu qui demande à exécuter le chroniqueur-écrivain et qui récidive en frappant d’apostasie tous les Algériens qui réveillonneraient le 31... Le Boudjedra, toujours aussi Stal (stalinien) vieillit mal et choisit le camp de l’aigreur et du déshonneur. Des journaux, en mal de trésorerie, tentent vainement de remuer le passé qui ne passe pas tout à fait : Boussouf, ses ordres d’assassiner… font revenir Saadi et Boukrouh… Et brassent beaucoup de chiens et de chats écrasés…



Sur la Toile Facebook ronronne, miroir mouvant. Les posts se suivent à un rythme légèrement plus lent, mais souvent enguirlandés d’œillères. Les échanges y sont rares ou sommaires et j’y participe…



Sur ce, je vous souhaite à tous une très bonne fin d’an (en attendant le prochain) avec ces beaux mots d’Oscar Wilde « Il ne faut pas chercher à rajouter des années à sa vie, mais plutôt de rajouter de la vie à ses années » (in Le Portrait de Dorian Gray)
 
Vive la Poulice (au second degré please) _ Merci Adlène Malek...


Ajouter de la vie comme le fait cette policière algérienne. A sa façon, elle prend les choses du bon côté… N’est-elle pas préférable aux intolérants de tous bords ?

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mardi, décembre 23, 2014

458_ With a little help from my friends...

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With a little help from my friends

What would you do if I sang out of tune?
Would you stand up and walk out on me?
Lend me your ears and I'll sing you a song
I will try not to sing out of key

Oh baby I get by
(Get by with a little help from my friends)
All I need is my brother
(Get by with a little help from my friends)
I say I want to get high with them
(Get high with a little help from my friends)
Whoah, yeah
(Ooh, ooh, ooh)

What do I do when my love is away?
(Does it worry you to be all alone?)
No, no.

How do I feel at the end of the day?
(Are you sad 'cause you're on your own?)
I tell you I don't even say it no more.

(Get by with a little help from my friends)
Gonna get by with my friends
(Get high with a little help from my friends)
Yeah, yeah, yeah I'm gonna try
(Try with a little help from my friends)
Keep on getting high oh, oh
(Ooh, ooh, ooh)

(Do you need anybody?)
I need someone to love
(Could it be anybody?)
All I need is someone
Know just where I'm going, yeah
Somebody knows what I'm showing

Baby

(Get by with a little help from my friends)
Said I'm gonna make it with my friends
(Try with a little help from my friends)
Oh, oh I'm gonna keep on trying, yeah, yeah
(Get high with a little help from my friends)
I'm gonna keep on trying, now babe

(Would you believe in a love at first sight?)
I'm certain it happens all the time, yeah
(What do you see when you turn out the light?)
I can't tell you, but it sure feels like mine, now

(I get by with a little help from my friends)
Don't you know I'm going to make it with my friends?
(Try with a little help from my friends)
I promised myself I'd get by
(Get high with a little help from my friends)
Said I'm gonna try it, but not too hard
(Ooh, ooh, ooh)

(Do you need anybody?)
Whoah
Yeah, yeah, yeah
(Could it be anybody?)
Oh, it's gotta be somebody
Gonna treat me right
Somebody take me there now
Oh yeah, yeah

(Get by with a little help from my friends)
Said I'm gonna get by with my friends
(Try with a little help from my friends)
Oh yes, I'm gonna keep trying now
(Get high with a little help from my friends)
Keep on trying with my friends
(Get by with a little help from my friends)
Oh, ain't nothing gonna stop me anymore
(Try with a little help from my friends)
I'm gonna keep on trying now
(Get high with a little help from my friends)
I'm getting high
I'm gonna make time, no no
(Ooh, ooh, ooh)
Gonna get by with my friends
Oh, I'm gonna get on by
Yes, I'm gonna get on by, yeah
Gonna take 'em all along with me
I'm gonna take 'em all along, yeah, yeah
Yeah, yeah

I'm doing this in every way I feel it in the morning sign
Oh, I'm gonna take my friends along with me
I get by with a little help from my friends.

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In : http://musique.ados.fr

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Paroles et traduction de «With A Little Help From My Friends»

With A Little Help From My Friends 
(Avec Un Peu D'aide De Mes Amis)

What would you think if i sang out of tune,
Que penserais-tu si je chantais faux, (1)
Would you stand up and walk out on me ?
Te leverais-tu et me laisserais-tu tomber ?
Lend me your ears and I'll sing you a song
Tends les oreilles et je te chanterai une chanson
And I'll try not to sing out of key.
Et j'essayerai de chanter juste.
Oh, I get by with a little help from my friends
Oh, je m'en sors avec un peu d'aide de mes amis
Mm, I get high with a little help from my friends
Mm, je m'en remets avec un peu d'aide de mes amis
Mm, gonna try with a little help from my friends
Mm, je vais essayer avec un peu d'aide de mes amis.
What do I do when my love is away
Que dois-je faire quand mon amour est parti
(Does it worry you to be alone ? )
( Est-ce que ça t'ennuie d'être seul ? )
How do I feel by the end of the day,
Comment je me sens à la fin de la journée
(Are you sad because you're on your own ? )
( Es-tu triste parce que tu es tout seul ? )
No, I get by with a little help from my friends
Non, je m'en sors avec un peu d'aide de mes amis
Mm, I get high with a little help from my friends
Mm, je m'en remets avec un peu d'aide de mes amis
Mm, gonna try with a little help from my friends
Mm, je vais essayer avec un peu d'aide de mes amis.
Do you need anybody ?
As-tu besoin de quelqu'un ?
I need somebody to love.
J'ai besoin de quelqu'un à aimer.
Could it be anybody ?
Cela pourrait-il être n'importe qui ?
I want somebody to love.
Je veux quelqu'un à aimer.
( Would you believe in a love at first sight )
( Croirais-tu au coup de foudre ? )
Yes I'm certain that it happen all the time
Oui je suis certain que ça arrive tout le temps
( What do you see when you turn out the light )
( Que vois-tu quand tu éteints la lumière ? )
I can't tell you but I know it's mine,
Je ne peux pas vous le dire mais je sais que c'est à moi.
[Chorus]
[Chorus]
Do you need anybody, I just need someone to love.
As-tu besoin de quelqu'un ? , j'ai simplement besoin de quelqu'un à aimer.
Could it be anybody, I want somebody to love.
Cela pourrait-il être n'importe qui ? , je veux quelqu'un à aimer.
Oh, I get by with a little help from my friends
Oh, je m'en sors avec un peu d'aide de mes amis
With a little help from my friends.
Avec un peu d'aide de mes amis.

(1) Je ne sais pas si les auteurs (McCartney et Lennon) ont employé le YOU pour Tu ou pour VOUS.

 In:  http://www.lacoccinelle.net
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Dimanche 17 août 1969, en ouverture de la troisième journée du célèbre festival Woodstock Music & Art Fair, la prestation de Joe Cocker, et plus particulièrement son interprétation de la chanson With a Little Help From My Friends, signée Lennon-McCartney des Beatles, entre dans l’histoire. Yeux mi-clos, le corps comme traversé de décharges électriques, la voix rauque, râpeuse, débordante, dans la lignée des hurleurs du rhythm’n’blues des origines. Joe Cocker, mort le 22 décembre, à l’âge de 70 ans, des suites d’un cancer du poumon, à Crawford, dans l’Etat du Colorado, où il s’était installé au début des années 1990, était, avec The Incredible String Band, The Who et Ten Years After, l’un des rares Britanniques à participer au festival américain devenu le symbole de la fin des années d’utopie hippie. Ce passage à Woodstock aura mis le chanteur en pleine lumière. Et depuis, à chaque concert, le public attendait de lui qu’il reprenne cette chanson et cette gestuelle.
Né le 20 mai 1944 à Sheffield, cité minière et sidérurgique du nord de l’Angleterre, Joe Cocker a fait ses débuts dans les pubs et clubs de la ville, d’abord comme batteur puis comme chanteur, après avoir suivi une formation de plombier. En 1964, alors qu’il travaille toujours durant la journée pour une compagnie de gaz, il fait la connaissance du bassiste et claviériste Chris Stainton, né lui aussi en 1944, avec qui il fondera, fin 1965, les bases de ce qui deviendra bientôt le groupe régulier de Cocker, The Grease Band. L’essentiel de la collaboration entre Stainton et Cocker durera jusqu’à fin 1972, ce dernier refaisant appel à son ami des débuts dans les années 1990.

Après divers changements, le Grease Band se stabilise avec, outre Stainton aux claviers, les guitaristes Henry McCullough (qui rejoindra le groupe Wings de Paul McCartney) et Neil Hubbard, le bassiste Alan Spenner et le batteur Bruce Rowland. C’est ce groupe que l’on retrouvera à Woodstock et qui figure sur le premier album de Joe Cocker, publié en avril 1969, intitulé With a Little Help From My Friends, auquel participent aussi des vedettes du rock anglais comme Stevie Winwood ou Jimmy Page. Outre la chanson des Beatles y figure une reprise de Feelin’Allright, de Dave Mason, amenée aussi à devenir l’une des interprétations de Joe Cocker les plus prisées du public.
VIDÉO (audio seulement) : la chanson Feelin’Alright, de Dave Mason, extraite du premier album de Joe Cocker, With a Little Help From My Friends, avril 1969.
Tout juste redescendu de la révélation à Woodstock, Joe Cocker enregistre un deuxième album, qui portera son nom et paraît en novembre 1969. Les Beatles lui ayant réussi, on y trouve deux reprises du groupe, dont Something écrite par George Harrison (1943-2001), mais aussi une version de Delta Lady du pianiste Leon Russell (que reprendra aussi Johnny Hallyday sous le titre Fille de la nuit en 1971).
L’alcool devient le quotidien
De mars à mai 1970, Joe Cocker part en tournée aux Etats-Unis. Une folie qui donnera lieu à un film et un album enregistrés en public. Sur scène, portant le nom de groupe Mad Dogs & Englishmen (« chiens fous et Anglais »), une vingtaine d’instrumentistes, dont Leon Russell et Stainton, et choristes. Le répertoire, des extraits des deux albums de Cocker, des reprises des Rolling Stones, de Dylan, d’Otis Redding… le tout rarement dans la finesse (la reprise de The Letter de The Box Tops atteignant un sommet de vulgarité musicale), avec une présence envahissante des chœurs. Les concerts dépassent largement les deux heures et demie. L’alcool devient le quotidien de Cocker qui reviendra de la tournée mentalement et physiquement épuisé.
VIDÉO : la chanson Delta Lady, de Leon Russell, par Mad Dogs & Englishmen filmés lors des concerts au Fillmore East de New York, les 27 et 28 mars 1970.
A l’été 1971, la parution du 45- tours High Time We Went (chanson composée par Cocker et Stainton qui fera aussi partie de l’album Something to Say en novembre 1972) marque les derniers feux du chanteur dans les années 1970 avant qu’il ne s’enfonce dans l’alcoolisme et des phases dépressives et autodestructrices. Sur scène, il présente un spectacle généralement pitoyable – souvenir désolant au Riviera Festival, circuit Paul-Ricard au Castellet, fin juillet 1976, que la vision de Cocker, diction pâteuse, tenant à peine debout, accompagné tant bien que mal par une partie des musiciens avec qui il vient d’enregistrer l’album Stingray, dont le guitariste Cornell Dupree (1942-2011) et le claviériste Richard Tee (1943-1993) – et enregistre des disques moyens où il parvient encore par moments à tenir à peu près son rang d’interprète.
Immense succès
Au printemps 1981, le producteur et fondateur d’Island Records, Chris Blackwell, embarque Cocker aux Bahamas où il se refait une santé et enregistre avec le guitariste Adrian Belew (Zappa, Talking Heads, King Crimson), le claviériste Wally Badarou et la rythmique reggae la plus prisée, le bassiste Robbie Shakespeare et le batteur Sly Dunbar. Cela donnera le succès d’une reprise de la chanson Many Rivers to Cross, de Jimmy Cliff et l’album Sheffield Steel qui sort le 22 mai 1982. C’est le début d’une renaissance pour Joe Cocker et d’un accueil positif du public qui va se concrétiser peu après avec son interprétation en duo avec Jennifer Warnes d’Up Where We Belong. La chanson, dans le genre romance à la crème hantilly avec dégoulinade de synthétiseurs façon cordes, figure sur la bande originale du film Officier et Gentleman, drame romantique de Taylor Hackford avec Richard Gere et Debra Winger.
VIDÉO : Joe Cocker et Jennifer Warnes interprètent la chanson Up Where We Belong, écrite par Will Jennings et composée par Jack Nitzsche et Buffy Sainte-Marie pour le film Officier et Gentleman (1982), de Taylor Hackford.
Dès lors, le parcours de Joe Cocker se révélera sans surprises et sans les excès de ses années passées. Il est avant tout l’interprète solide de classiques des autres (de Ray Charles à Bob Dylan, de Leonard Cohen à Elton John, de Randy Newman à Bryan Adams…), à l’occasion de raretés du blues ou de la soul des années 1950 et 1960. En 1986, le succès d’une chanson par Joe Cocker – You Can Leave Your Hat On – est à nouveau associé à un film, Neuf semaines 1/2 d’Adrian Lyne avec Mickey Rourke et Kim Basinger, où il accompagne musicalement une scène de strip-tease. De la composition originale de Randy Newman, blues lent et ironique, il reste peu de chose dans un arrangement pour grosse cavalerie. Immense succès, réédité en 1987 avec une reprise un peu dans le même esprit d’Unchain My Heart, composé en 1961 par Bobby Sharp (1924-2013) pour Ray Charles (1930-2004).
VIDÉO : Joe Cocker interprète With a Little Help From My Friends, de John Lennon et Paul McCartney lors du Woodstock Festival’94, le 13 août 1994.
En 1994, lors du festival anniversaire des vingt-cinq ans de Woodstock, Joe Cocker avait été invité à ouvrir la deuxième journée du festival, le 13 août. Un concert d’un peu plus d’une heure au milieu duquel le rituel With a Little Help From My Friends avait été accueilli par une ovation. Interrogé par la suite sur ses deux participations à Woodstock, Cocker aurait répondu que la seule différence en 1994 était que « cette fois le groupe n’avait pas pris d’acide ».



Quelques dates
20 mai 1944
Naissance à Sheffield (Angleterre).
1965
Cofonde The Grease Band avec le claviériste Chris Stainton.
17 août 1969
Ouvre la troisième journée du festival Woodstock Music & Art Fair.
1971
Parution de la chanson High Time We Went.
1982
Parution de Sheffield Steel, considéré comme l’album de la renaissance.
1986
Immense succès de sa reprise de la chanson You Can Leave Your Hat On, de Randy Newman, utilisée dans le film Neuf semaines 1/2, d’Adrian Lyne.
22 décembre 2014
Mort à Crawford (Etat du Colorado).
Sylvain Siclier
In : LE MONDE | 23.12.2014 à 10h14 • Mis à jour le 23.12.2014 à 10h28  



457_ La petite mosquée des Inuits: Extrait n° 05



(suite) 

Lorsqu’ils lui demandent si son association est en relation avec celle de Whitehorse, Marie dit en connaître l’existence, mais pas vraiment les membres qui la dirigent ou la constituent. Elles n’ont pas d’activités communes et n’échangent pas leurs expériences. Avant la fin de la rencontre, ils réservent un monospace pour la période allant du mercredi 20 au jeudi 28. « Vous êtes tranquilles maintenant », leur dit Marie Chaumont. Elle semble aussi contente de leur rendre service qu’ils sont eux-mêmes contents de rencontrer des gens aussi avenants. 
Vers midi, ils vont faire des courses à Extra Foods un supermarché que leur suggéra Victor. Puis reviennent à la maison pour déjeuner. Omar propose de faire un grand tour avec le Kombi. Il dit vouloir mieux le connaître, en maîtriser la conduite. Ils quittent le pavillon et prennent la vieille route de l’aéroport. Ils contournent la ville par le nord, empruntent la Frontier Trail, puis l’Ingraham Trail, la route qui passe devant la mine d’or Giant aujourd’hui désaffectée. La vitesse maximum est de soixante kilomètres à l’heure. De nombreux panneaux invitent à la prudence. La vitesse est encore plus réduite sur certains tronçons de Yellowknife où il est interdit de rouler à plus de trente kilomètres à l’heure. La conduite du Volkswagen n’est par conséquent ni stressante ni même fatigante. Au cinquième kilomètre après la mine on peut soit continuer, soit prendre à droite. Si on poursuit l’Ingraham Trail, on arrive à Tibbit Lake à une centaine de kilomètres. Au-delà il n’y a que des « routes de glaces » qu’on ne peut utiliser qu’entre mars et décembre. Ces routes mènent au Nunavut. Si on prend à droite, ce que font Véro et Omar, au kilomètre quinze on arrive à Dettah, un village indien qui se trouve en face de Yellowknife, sur le bord du Grand lac des Esclaves : « Welcome to Dettah Yellowknives Dene First Nation Territory ». Pour s’y rendre en hiver, il est préférable d’emprunter la « route de glace » qui traverse le lac Slave en un de ses bras au nord. Elle est directe et plus rapide. Les deux collègues ne s’attardent pas à Dettah. Le bâtiment gouvernemental du chef Drygeese est fermé. C’est une sorte de pentagone construit sur deux niveaux auquel on accède par plusieurs escaliers et plusieurs portes vitrées. Sur la principale, un autocollant et une pancarte indiquent, le premier « please report to receptionist for assistance – Mahsi Cho » sur la seconde « Closed ». Dans le village il n’y a rien d’intéressant. Une quinzaine d’épaves de motoneiges, trois tipis, une peau d’ours semblent abandonnés. Hormis des gamins qui courent après un chien inuk fatigué, Dettah donne l’impression que pas une âme n’y vit ou que ses habitants sont reclus dans les maisons, ou qu’ils s’absentèrent. Sur des monticules de gravier traînent des objets de toutes sortes : carcasses de vélo, caisses en métal et en bois, pneus… En retrait, au bord du lac Slave une autochenille semble attendre l’hiver. Étrange sensation de désolation. Sur le retour ils croisent deux renardeaux portant chacun dans la gueule, fièrement, une énorme dépouille de corbeau. Ils avancent et le bruit du véhicule ne semble pas les perturber. Omar donne son verdict bien avant la fin du tour qu’ils s’imposèrent : « Le Westfalia est impeccable ». En lisant le carnet d’entretien, Véro remarque que le véhicule possède un suivi mécanique de qualité. Une révision préventive générale avait même été réalisée en juin. Tout avait été vérifié : pneus, freins, suspension, la direction, le moteur… « Il est impeccable », reprend Véro.

Le soir ils se retrouvent au Mackenzie Lounge sur la 49° Street avec Marc, Karin, Marie et Victor. Marc invita ses collègues Rob Ruben et Joneen Jensen, mari et femme, tous deux reporters pour CBC-North. Les fishs and ships et la Yukon gold sauce sont succulents. Sur scène le chanteur folk Craig Cardiff remporte un vif succès. Le pub est comble. Ils ont de la chance. La voie est langoureuse, habitée de mélancolie… « Here’s to the year where we learned that Fear/Rents the cheapest room in the house, dear/Love called and said she found a better room/ To the year where we stayed awake/ And talked about how the earth quaked/ It surely must be a sign the sky would fall » Rob et Joneen sont friands d’informations. Ils veulent connaître les raisons qui amènent Véro et Omar dans ce coin perdu, « this lost town ». Les Marseillais leur détaillent le projet qui ravit les journalistes. Joneen parle correctement le français. Mais hélas pour eux les Canadiens ne savent rien sur cette mosquée qui a flotté des milliers de miles sur le Mackenzie. Ils demandent même si cela n’est pas une plaisanterie, ce qui contrarie Véro et Omar. Toutefois, Joneen et son compagnon invitent les Marseillais, qui n’y voient pas d’inconvénient bien au contraire, à parler de leur projet à la radio. Ils prennent rendez-vous pour le vendredi au pavillon de la 54° Street.  La discussion allant, on leur vante le village de Tuktoyaktuk, ils disent Tuk, ses entrepôts souterrains, et surtout cette femme, la mère Ninguiukusuk qui n’a plus d’âge, dont le corps porte les stigmates de taillades de plusieurs ours et qui aime à raconter son passé chaotique dans le restaurant qu’elle tient dans un des nombreux sous-sols frigorifiés de Tuk. 


Tuk- in Google Earth
 C’est un village méconnu aujourd’hui, mais pas pour longtemps assurent-ils. Pourquoi, parce que ses entrailles sont potentiellement riches de plus de 20% des réserves mondiales d’hydrocarbures. La semaine prochaine et la suivante il va s’y tenir un important festival des arts premiers qu’il ne faut pas manquer. C’est à cent quarante kilomètres au nord d’Inuvik. « Mais en été il n’y a pas de route, on ne peut y accéder qu’en avion » dit Rob. Dans dix ans, peut-être y aura-t-il une « route tout temps », fonctionnelle en été comme en hiver, « mais nous n’y sommes pas encore » tempère-t-il. Pendant la discussion, Marc présente aux Marseillais un jeune homme qu’il invite à se joindre au groupe. « Just a drink » s’enthousiasme celui-ci en tendant la main. Il affiche un large sourire : « Jean-Pierre Fontaine ». Marc dit : « nos amis viennent de France ». Jean-Pierre est un jeune poète francophone, originaire de La Gaspésie. Il est membre de North words writers, une association d'auteurs dont la majorité est anglophone. Lui est un parfait bilingue. Il est aussi journaliste à L'Aquilon, un hebdomadaire francophone de la région. La soirée est longue et belle en promesses. Le jeune poète est ravi lorsqu’il prend connaissance des projets de Omar et Véro « surtout ne manquez pas les bains à Liard River Hots Springs, ils sont exceptionnels, c’est sur votre route, à cent quatre-vingt-cinq miles seulement de Fort-Nelson. » Jean-Pierre est un amoureux de la France, particulièrement des nuits de Montmartre et du Quartier latin. Il en parlerait pendant des heures. Emporté par la bonne humeur et les souvenirs, il se laisse aller à déclamer des poèmes, debout, devant le micro abandonné par Craig Cardiff le temps d’une pause : « Le son de tes voies coule dans mes veines/ N’avais-je pas suffisamment d’audace/ Pour tatouer sur ton corps mes peines/ Retrouverai-je tes artères, tes places ?/ Dis-moi Paname si ma quête est vaine. » Pour ne pas froisser les anglophones, majoritaires dans le lounge, Jean-Pierre Fontaine lit Cachalot, un poème célèbre de Edwin John Pratt. A thousand years now had his breed/ Established the mammalian lead;/ The founder (in cetacean lore)/ Had followed Leif to Labrador;/ The eldest-born tracked all the way/ Marco Polo to Cathay;/ A third had hounded one whole week/ The great Columbus to Bahama;/ A fourth outstripped to Mozambique/ The flying squadron of de Gama… Jean-Pierre n’est pas inconnu. Il est chaleureusement applaudi par les uns et les autres. Marie informe les Marseillais que Jean-Pierre anime pour l’association des activités culturelles comme des lectures de textes ou des ateliers d’écriture créative. « Soyez les bienvenus leur dit Jean-Pierre en ouvrant grand les bras, venez participer à l’atelier du mercredi » « Avec plaisir, demain ? » répondent ensemble les Marseillais.  « C’est dans une semaine, vous serez encore là ? »

(à suivre)

lundi, décembre 15, 2014

456_ La petite mosquée des Inuits: Extrait n° 04


Vers 15 heures Marc les conduit au pavillon de Jacques Latraverse, chez eux. La maison se trouve au cœur de la ville, dans la 54° Street. Sur la même rue, une façade attire leur attention. Elle est entièrement rose. Sur le grand panneau accroché à l’entrée, on peut lire : « Bruno’s Deli & pizza – eat or take out ». La maison de monsieur Latraverse est un pavillon à la couleur nacrée. Les portes, les fenêtres sans volets et l’encadrement sont d’un autre blanc, froid. Sur l’entablement de l’entrée, il est écrit 5419. La maison est un grand trois-pièces avec cuisine américaine. Elle est bâtie au centre d’une importante superficie. De part et d’autre de l’entrée du pavillon deux grands frênes immobiles sont postés comme des sentinelles en temps de paix. Le long du côté gauche de la maison, un potager protégé par une clôture en bois, haute de cinquante centimètres, ne semble pas trop souffrir du climat. Le reste de l’espace est un jardin très soigné qui a la forme d’un U, où poussent différentes plantes, fleurs et gazon savamment harmonisés comme pour les légumes du potager. Dans celui-ci Monsieur Latraverse cultive des courgettes, tomates, petit-pois, brocolis… Des allées dallées entourent la maison de sorte que l’on a accès de toutes parts à chacune des zones cultivées.  Marc reste avec Omar et Véro le temps de leur donner toutes les informations nécessaires sur le fonctionnement des différents appareils de la maison et leur remettre une chemise remplie de documents divers que prépara à leur intention Jacques Latraverse. Puis, ensemble, Marc au volant du Westfalia, ils font un tour dans les larges artères de la ville.
Omar conduit sur le trajet du retour. Après le départ de Marc, ils vident les valises de leur contenu et les rangent dans une partie de l’armoire libérée par monsieur Latraverse pour eux. Les aiguilles trottent sur les poignets, mais pas le temps dirait-on, « tu as vu l’heure ? » s’exclame Véro. Il est près de 20 h et la luminosité est totale. Ce qui les fait rire. « C’est fou ça » dit Omar. Lorsqu’ils finissent de ranger, ils sortent. Ils contournent à pied le bloc de maisons par la droite jusqu’à la 50° avenue qu’ils empruntent. A l’angle de la 49° Street se trouve la banque Canada Trust. Ils font un retrait au guichet automatique et rentrent au Black Knight pub, dans la même rue. Omar dit comprendre pourquoi les rues sont vides. « Ils sont tous là ! » Le pub est en effet bondé. Dans le fond de la salle, un groupe écossais chante une chanson gaélique. Les consommateurs applaudissent et boivent. Les serveurs jonglent avec les plateaux surchargés de bouteilles et de verres. Omar s’amuse : « par moment on dirait Tri Yann », « sans cornemuse » sourit Véro. Ils ont commandé et attendent longtemps avant d’être servis. Bière Keith’s et Curry chicken Rotini pour Véro, Sawmill Creek Merlot et soupe de palourdes pour Omar. Pensant qu’on avait omis de lui donner le pain, Omar en réclame. Le garçon semble surpris, « there is not, but we’ll see ». 
Le lendemain matin ils se rendent à l’Association franco culturelle où on les accueille à bras ouverts, « ah voilà les Français, Victor tu peux venir ? ». La discussion est aussitôt enclenchée : la France, le sud, le soleil. Victor est un Parisien installé à Yellowknife depuis plusieurs années. « La directrice se trouve au City-Hall », leur dit-il. Il se propose de les y accompagner. « C’est à deux pas », précise-t-il. En chemin il leur explique de quoi il retourne. Le prince William duc de Cambridge et son épouse, la duchesse Kate Middleton sont en tournée royale dans les TNO. Ils sont attendus devant l’esplanade de la mairie d’un instant à l’autre. La foule est celle des grands jours dit Victor. Quant à Marie Chaumont, elle est introuvable. Les deux compagnons restent toutefois avec Victor. Le couple royal arrive par hélicoptère. Il est très fortement applaudi. Des gardes le protègent de la pluie avec leurs grands parapluies noirs. Le prince et la princesse serrent quelques mains… Ils ont le sourire facile devant les innombrables appareils photo des spécialistes et des habitants admirateurs.
Des représentants des T’atsaot’ine, ou Couteaux jaunes, portant des tuniques en daim de trappeurs comme celle de Davy Crockett, font un discours de bienvenue, puis entreprennent quelques pas de danse. Véro réussit à franchir la barrière de sécurité et prend des portraits au plus près du couple sans se soucier des policiers ni des gardes du corps. « On ne sait jamais » répond-elle à Omar qui la raille. Ni lui ni elle n’affectionnent ce type de manifestation. Après les photos ils le font savoir à Victor, avec tout le tact nécessaire, bien qu’il ne soit pas lui même sujet de Sa Majesté la reine du Canada. Victor préfère rester. Véro et Omar reviennent vers la 50° avenue, passent devant la Diavik Diamond Mine et la CIBC Bank. À hauteur du restaurant AεW ils tournent à droite sur la 49° Street. Ils entrent au Frolic un sympathique bar-restaurant français dont vient de leur parler Victor.  La couleur est affichée dès la porte d’entrée.Un grand drapeau tricolore flotte sur le fronton. À l’intérieur, les  serveuses sont autant de Mariane portant un bonnet phrygien. Sur chaque table sont dressés deux fanions, l’un canadien, l’autre français. Le patron se prépare à recevoir la semaine prochaine, dans le jardin du restaurant, tous les citadins de Yellowknife amis de la France. La nuit du 14 juillet sera longue. Omar fait un clin d’œil à Véro « et si on cherchait un bar ou un restaurant algérien, c’est la fête nat. au bled aujourd’hui… » Il a une pensée pour M.B. et Maïssa Bey. Il aurait aimé participer à la manifestation de la librairie du musée. « Au Piranha-bar ! » fait Véro. Omar ne relève pas ce qu’il considère comme une maladresse. Ils prennent deux bières, avant de revenir au pavillon de l’Association franco culturelle. Cette fois ils rencontrent Marie Chaumont la directrice. C’est une jeune et jolie brune qu'on jurerait sortie d’une agence de mannequins andalous. Ce que Skype, durant leurs échanges, ne laissait guère entrevoir ou deviner. Ses longs cheveux de jais tombent négligemment sur ses épaules, ses yeux noisette-noir brillent sous la poudre sombre qui souligne leur tour, leur élégance orientale. De grandes boucles en corail (imitation ?) rouge vif, pendent à ses oreilles. Marie est heureuse de les rencontrer. « Des Français qui s’aventurent jusqu’à Yellowknife, on n’en voit pas tous les jours » dit-elle en venant à eux. Elle leur présente ses collègues : Victor donc, mais aussi Alice, Rosalie et Pascaline « on s’est vus tantôt » dit-elle. Elle leur présente également des usagers : Gabriel, Dembe, Olivier et Noémie. Puis elle leur parle de l’association et de ses multiples activités. Elle leur donne toutes sortes d’informations sur la capitale et ses environs, mais aussi sur Dawson City et Inuvik. Elle leur fournit les coordonnées de Budget, une agence de location de voitures à Whitehorse.  
(à suivre)