Mercredi 22 décembre 2011
Le commandant de bord de l’appareil d’Air Algérie est un ami d’enfance (A.L. !) Lorsque l’hôtesse nous informa que le commandant A.L. nous souhaitait la bienvenue un frisson parcouru mon échine. Une fort agréable surprise. A vrai dire je savais depuis longtemps qu’il avait dans les années 80 travaillé pour cette compagnie, mais je me suis plusieurs fois demandé ce qu’il était devenu, s’il y était encore… Lorsque les roues de l’appareil ont touché lé tarmac, des applaudissements ont fusé d’un peu partout de la carlingue. Z. m’attendait. Nous allons à l’est d’Oran.
Jeudi : change à la BNP (taux officiel : 10 dinars contre 9 euros)
Sur le haut de l’avenue Emir Abdelkader, à l’angle du boulevard Mira, un bouquiniste attend patiemment le client. Il est installé dans une voiture sans âge, en stationnement sur le trottoir. Il ne m’entend pas, ne me voit pas arriver. Il a les yeux plongés dans une revue coquine. Je lui achète une bande dessinée qui me renvoie à mes 10-12 ans et à A.L. justement, mon ami d’enfance pilote : Rodéo (Ted Cassidi) (15.000). J’ai hésité mais finalement pas pris le Zambla, un triple album.
Un vent infernal souffle. Je me renseigne à la gare sur les possibilité de descendre en train à Béchar. Et sur la sécurité. « Bien sûr qu’il y a la sécurité, une compagnie de gendarmes vous accompagne jusqu’à destination ».
Retour en ville. Des gamins jouent au football sur le trottoir (ex bd Marceau ?) Pour ne pas être dérangés ils ont renversé un banc de café. Il leur sert en même temps de buts. Le vent inouï me poursuit jusqu’à la place Kargantha. La Cathédrale abrite une exposition de livres. Essentiellement des livres en arabe. Le « Dérida à Alger » (en français) est à 690 da. L’autre espace, laissé libre est celui de la cathédrale, ou plutôt l’espace de la bibliothèque car la cathédrale, il y a longtemps qu’elle n’est plus utilisée pour ses fins initiales même si l’hôtel, les sièges, prie-dieu et autres vierges sont encore intacts (mais sales). Quelques étudiants sont plongés sur leurs livres et cahiers.
A l’extérieur, à l’angle gauche de l’esplanade de la cathédrale je ne trouve pas « le bouquiniste de la cathédrale ». Un voisin du bouquiniste, un vieux vendeur de cacahuètes me dit que si le bouquiniste n’est pas venu c’est parce qu’il vente, « demain il sera là ».
Rue Ben M’hidi un imposant camion de police aux gyrophares en action, accroche l’arrière d’une petite voiture. Il continue sa route sans se soucier du véhicule endommagé. Mais sa conductrice, folle de rage, ne l’entend pas ainsi. Elle baisse la vitre, lance quelques mots (probablement gros) et fonce pour rattraper le camion voyou au volant de l’imposant camion de police.
La rue Ben M’hidi m’insupporte. Elle est étroite et la circulation y est infernale. Je bifurque vers le front de mer en passant par la rue des sœurs Benslimane ( rue où se trouve la maternité du même nom). Un taxi ralentit devant mon bras levé « Haï Sabah ? » « La cheminée d’Oran » est toujours aussi majestueuse, haute comme une fierté. Dans le taxi il y a aussi deux jeunes gens, l’un d’eux est à droite du chauffeur. Le silence nous accompagne pendant de longs moments. Mon voisin écoute de la musique en utilisant son portable, discrètement, l’oreillette coincée dans l’oreille. Celui de devant a relevé son capuchon sur la tête. Au niveau du lycée Lotfi il reçoit un coup de téléphone auquel il répond sans gêne, mais sans plus. Il détaille ses problèmes. Lorsque les deux jeunes descendent aux HLM de Gambetta, le chauffeur me demande de passer devant puis entame une critique en règle et au Karcher contre les deux jeunes gens, sans distinction alors qu’il ne les connaît ni d’Eve ni d’Adam. Je l’oublie contre 100 dinars. Avec la mini Chevrolet de Z. je monte au camp 5. Avec R. nous regardons (il y a mieux à faire) la finale de la coupe d’Afrique du Nord entre le MCA et le Club africain de Tunis. A l’aller MCA 2 CA 1. Je quitte R. alors que le match est nul. Finalement c’est Tunis qui se qualifie.
24 décembre
A Mostaganem avec R. Nous y rencontrons H. Nous nous retrouvons au Pénalty. Jusqu’à la fermeture, à midi.
R. est défaitiste. Il se laisse couler dans le temps. Retour chez lui. Sur la chaîne LCP un beau film de Ken Loch « Bread and roses » (je l’ai déjà vu il y a quelques semaines) : des immigrants mexicains pénètrent clandestinement aux USA. Le travail y est dur. Le personnage principale est une femme (Pilar Padilla, formidable), elle est femme de ménage, elle se révolte contre les conditions de travail. Le film est suivi d’un débat.
Samedi matin
Il n’y a rien chez notre bouquiniste de la Cathédrale. Internet : 20 minutes, mails… (25 da). Il pleut.
Un verre au Titanic (devant l’ancienne station de taxi et l’ex restaurant bar Le Grec), c’est cher comparativement aux autres établissements (200 da), mais c’est un très joli lieu.
Lundi 27
Au Vendôme. J’attends Br H.Le Quotidien d’Oran titre en une : « Khalida Toumi- Suzanne Nedjmed : tirs croisés autour d’un festival, p 4 », mais aussi en tête : « 5% des consommateurs de drogue sont des femmes, p 4 ». El Watan quant à lui titre en une : « Pouruoi la valeur du dinarest si insignifiante ? », mais aussi : « l’inquiétude des agences de voyages ». Voilà mon ami Br H. On refait le monde à venir et passé (la Cinémathèque, le cinéclub, les années 70, Kheira Ezziraïya, la PM, les copains communs…) mais aussi le monde d’aujourd’hui, notamment algérien. Pas beau.
Je prends le train à 18 h 30 pour le sud.
Mardi 28 décembre 2010
Je suis dans le désert depuis quelques jours. 17 heures 30 : une fébrilité à sa mesure anime la petite oasis de Taghit. Beaucoup de gens du nord du pays, quelques étrangers. Je ne remercierai jamais assez mon ami Brahim H.S. qui m’a donné quelques bonnes adresses.Il fait beau et même chaud. Je me dépêche car le taxi jamaï en direction de Béchar ne m'attendra pas. Demain j'aurai une petite chambre au Ksar (« 1500 la nuit »). « Reviens avec une torche me conseille Z. mon premier contact à Taghit.
A Béchar je rejoins ma chambre au premier étage de l’hôtel « El Maghreb el arabi » derrière la gare. « 1500 » aussi mais de meilleur confort qu’à Taghit où la pièce est nue hormis un matelas posé à même le sol, un oreiller et une couverture. C’est qu’à Taghit il n’y a pas d’autre choix. Le Bordj est complet et l’hôtel d’Etat est en réfection (en pleine saison touristique, cela n’étonne pas dans le Bled). Bref je suis à Béchar le soir. El Watan titre sur les émeutes en Tunisie « Chômage, cherté de la vie, sentiment d’abandon : Des émeutes ébranlent la Tunisie. » Le Quotidien d’Oran est moins pessimiste… « Avec effet rétroactif depuis janvier 2008 : les salaires des policiers augmentent de 50% »
29 décembre. Chaîne 3 : L’invité de Selma Hachemi, Mustapha Khiati parle de la drogue : « arrêtons de parler de chiffres [300.000 jeunes se droguent], agissons ». Au café qui se trouve à gauche de l’hôtel je prends un café-crème et deux croissants (« 6000 » c'est-à-dire 60 dinars soit 0, 60 centimes d’euros). Je croise une des trois personnes qui ont fait le voyage Oran-Béchar avec moi dans le même compartiment (A/R 1° classe couchette 2330 DA). A la gare je me fais confirmer qu’il y a bien un train le 1° janvier (férié). L’employée du Crédit populaire de la « place du chameau » ne comprend pas que je fasse le change d’euros en banque et non au marché noir « dehors il est à 12, ici à 10 ». En face de la banque, de l’autre côté de la place, un restaurant populaire. Je prends quatre brochettes et une limonade. « Achra lef ». Je m’aperçois plus tard que le patron a oublié d’encaisser la limonade.
A la place des taxis pour le sud du sud, Tagit, Abadla, Tabelbala, Béni Abbès, Kerzaz… s’ennivrent de l’effervescence. Nombreux sont les voyageurs qui se destinent pour Taghit. Les taxis, véhicules de tourisme (jaunes), c'est-à-dire généralement ceux qui chargent trois ou sept personnes (les 505 break) exigent 250 voire 300 DA, les taxis jamaï (en commun), les fameux Toyota Coaster, demandent 80 DA. Mais ils sont moins nombreux. Je trouve un « petit taxi » jaune qui cherche un passager et un seul, « 15000 » je lui propose. Il accepte après discussion.
18h 20. Je suis sur la crête de la plus haute dune du monde (150 mètres ?) de Taghit.
J’ai mis près d’une demie heure pour l’escalader (attention au souffle si vous n’avez plus vingt ans). Superbe coucher de soleil.
Je ne peux décrire justement les sensations qui nous étreignent. Merveilleux. De là-bas au loin, du village nous arrivent les bruits de karkabou et derbouka. Plus d’une centaine d’hommes et de femmes traversent les rues du village en dansant. Un mariage local hautement coloré.
Il fait presque nuit maintenant. Au loin, les dernières lueurs du soleil peinent encore. Dans dix minutes elles auront disparu.
Le soir, dans le Ksar, malgré la lumière de ma torche chinoise, je pose maladroitement un pied sur une pierre glissante. Je me tords de douleur. De la torche il ne reste que des morceaux épars.
Avec peine je rejoins le Cyber non café du centre.