® Droits réservés. Toute reproduction est interdite sans indication de la source: http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.fr/ ® L’auteur - Ahmed HANIFI - ahmedhanifi@gmail.com _ 2005 _ 2020 - 15 ANS ! "Sur le plus beau trône du monde, on n'est jamais assis que sur son cul !" Michel de Montaigne. MON SITE: http://ahmedhanifi.com
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mardi, mars 17, 2015
lundi, mars 16, 2015
488_ Semaine de la langue française
"Le français… langue universelle…, ce
sont les grandes orgues, qui se prêtent à tous les timbres, à tous les effets,
des douceurs les plus suaves aux fulgurances de l'orage. Il est, tour à tour ou
en même temps, flûte, hautbois, trompette, tam-tam et même canon."
(Léopold Senghor, Œuvre poétique, « Comme les lamantins vont boire à la source », Postface de Éthiopiques.)
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(Léopold Senghor, Œuvre poétique, « Comme les lamantins vont boire à la source », Postface de Éthiopiques.)
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Un jour
ordinaire en linguistique de base
« Ci
la pouse monsieur, ci la pouse ! » s’impatientent certains des
stagiaires de mon cours de linguistique de base. Je suis assis, légèrement en
retrait, les bras en A sous le menton, à l’opposé du grand tableau blanc, tout
blanc. Je leur fais signe de patienter. Je les libérerai dès lors qu’ils auront
tous fini leurs exercices. Le thème choisi est celui de la violence. Nous y
travaillons depuis trois jours. Les exercices de ce matin portent sur le
mauvais sort fait aux enfants dans le monde. Le texte de base est simple et
fort perturbant : « Toutes les quatre secondes un enfant meurt
quelque part dans le monde, le plus souvent en Afrique » lit-on dès les premières lignes. On
meurt à cause de maladies anachroniques, de faim violente, de malnutrition
meurtrière. On meurt également des suites de violences subies ou de guerres
endurées. Les stagiaires, une quinzaine, lurent chacun à son tour une dizaine
de lignes. Le texte, plutôt court – trente-huit lignes – fut par conséquent
parcouru plus d’une fois et ses passages les moins accessibles expliqués autant
de fois que nécessaire. Je suis assis, légèrement en retrait, et de temps à
autre je me tourne en direction d’un élève ou d’un autre, attentif à la moindre
demande, au moindre signe. Les stagiaires sont tous étrangers, je veux dire non
français. Certains sont mineurs, d’autres voguent aux confins de la
quarantaine, ou même de la cinquantaine. Officiellement on les désigne par ce
mot-valise consensuel : primoarrivants.
Le plus ancien des stagiaires – qui est en fait la plus ancienne des stagiaires
– arriva en octobre 2009. C’est écrit sur son récépissé provisoire renouvelé,
valable quelques mois. Cette stagiaire arriva donc en France il y a exactement
un an et demi. Nombre d’entre ces apprenants sont des réfugiés politiques. Ils vinrent
de pays d'Europe, d’Asie ou d’Afrique. Certains autres rejoignirent leur
famille : les parents, l’époux ou l’épouse. La plupart des parents des
stagiaires maghrébins, les pères pour être précis, sont employés dans
l’agriculture, les mères activent au foyer.
Le désir de réussir, commun à chacun des stagiaires, est inversement
proportionnel à l’accueil que leur réserve la population autochtone ou
fraîchement installée, convertie et oublieuse de sa propre histoire, de son
propre cheminement. « Qu’est-ce
qu’il fait, qu’est-ce qu’il a, qui c’est celui-là » s’offusquent en
effet quelques bonnes âmes aux terrasses lisses ou rugueuses des bars-PMU ou
bar-tabac-loto, affalées autour de tasses de café serré, de verres de bière, de
pastis ou de piquette, pleins à ras bord. Bonnes âmes fermées au monde qui les
entoure.
De temps à autre l’un des stagiaires m’interpelle, ainsi Ruslan « chez nous aussi en Tchétchénie les
militaires tuent les enfants ». Yao la Thaïlandaise enchérit « dans mon pays beaucoup d’enfants
travaillent dans les champs ». Jilian, la belle Jilian, irakienne,
évoque les massacres de familles entières pour cause de croyances déviantes. La
syntaxe n’est pas des plus sophistiquées, mais nous avons le temps et la
conviction, et le cœur y est. Et peu nous chaut les commérages et
l’égoïsme des habitués des bars. Les journalistes africains indexeraient
« l’ethnocentrisme de certains groupes sociaux français. » Alors je
quitte mon siège pour m’avancer au centre de la salle, au centre des stagiaires
assis sagement derrière des tables, alignées pour former un grand U. L’émotion
se manifeste parfois par une voix qui s’éraille, se casse, un visage qui se
crispe, se transforme ou un mouvement brusque, de bras le plus souvent. Elle
cristallise l’attention de tous les autres. On écoute avec beaucoup d’attention
l’histoire du voisin qui aurait pu être la nôtre, car ces histoires, souvent
intimes, parfois décousues, débordent toutes de profonde humanité dans ce
qu’elle a de plus tragique, de plus poignant ou de plus léger.
Les interventions des uns et des autres s’entrecroisent, tels ces fils de
trame et de chaîne du métier à tisser, jour après jour pour rapprocher les
stagiaires et contribuer à leur connaissance mutuelle et par conséquent à
relativiser la vérité que chacun de nous élabore en méconnaissance de l’autre,
dans un café, au travail ou calfeutré chez soi, savourant un plat chaud
assaisonné à l’outrance ou la légèreté de la télévision. Lorsque les
discussions sont provisoirement closes, lorsque les corrections sont achevées,
le moment de la pause s’impose à tous, «
la pause monsieur, c’est la pause ! » reprennent tels des éclaireurs les
moins attentifs ou les plus excédés par les exercices.
Et tous se lèvent comme un seul homme, en faisant geindre les chaises
dont les pieds métalliques sont dépourvus d’embouts protecteurs. Dans vingt
minutes, nous reprendrons nos travaux. Certains stagiaires se précipitent sur
le clavier de leur téléphone qu’ils activent, d’autres sur leur paquet de
cigarettes dont ils vont griller quelques-unes dans la pinède. Jamal l’Afghan
se propose à la préparation du café – c’est un exercice qu’affectionnent et
accomplissent à tour de rôle les amateurs du breuvage. J’aime le café au moment
du café. Qahwé, Kofe, Gaa-fae, Kafi… Noir arabica ou non peu importe
l’essentiel se trouve ailleurs.
Dans le sucre qu’on reçoit, dans la cuillère qu’on tend et dans l’échange
libre. Jamal est le dernier arrivé dans le groupe. Les autres stagiaires lui
posent beaucoup de questions auxquelles il répond avec retenue, mais sans en
esquiver aucune. Il parle de sa vie à Assadabad son village natal. Il parle en
faisant des efforts pour qu’on le comprenne. Il parle en anglais, en pachtoune,
en arabe, mais aussi en français dont il commença l’apprentissage à Nice, puis
à Toulon où il transita avant d’arriver ici. Jamal aime parler de son pays, de
son village, et par-dessus tout de son compatriote Jamal-Eddine El-Afghani, le
plus illustre des Afghans, né comme lui à Assadabad et ayant vécu quelque temps
en France. Avant Jamal, la semaine dernière, les mois et les ans derniers,
d’autres stagiaires racontèrent leur pays, leur famille, des pans entiers de
leur vie. D’eux j’apprends beaucoup. Ils m’apportent et m’apprennent autant que
ce que je leur enseigne.
À la reprise je leur propose de revenir sur un texte de Duras. Il faut
bien aérer… « Demain matin nous traiterons de la violence dans la
famille ». Reprenons Moderato, Page 9. Olga lève la main : « La dame s’étonna de tant
d’obstination. Sa colère fléchit et elle se désespéra de si peu compter aux
yeux de cet enfant… » La
malicieuse Olga continue avec un accent volontairement mielleux, mais
fortement et naturellement sourcé au fin fond de l’Oural, là-bas du côté de
Kazan : « quel mittiyai, quel mittiyai, quel mittiyai, gémit-elle. »
Et elle répète en riant : « Quel mittiyai, mais quel mittiyai,
mais quel mittiyai ! » appuyant par deux fois
sur la dernière syllabe. Et toute la classe de rire, car toute la classe lut –
eh oui, ma bonne dame, mon bon monsieur de la terrasse – toute la classe lut et
apprécié le roman duquel est extrait ce «
quel métier, mais quel métier ! » de l’incomparable et sublime Duras.
À la fin de chaque séance, je note toutes sortes d’informations
concernant le contenu et le déroulement du cours : les réactions des
apprenants, leurs difficultés individuelles, leurs préoccupations
éventuelles... Chaque jour. Pour avancer.
A. H.
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dimanche, mars 15, 2015
487_ Poésie- à la chapelle d'Entressen
Dans le cadre du 17° « Printemps national des
poètes », (14 au 21 mars) l’association « Entre ces mots » a
organisé cette après-midi dans la
chapelle d’Entressen, un concert Kamishibaï (Kamishibaï : pièce de théâtre
sur papier, l’artiste raconte une histoire à partir de textes illustrés qui
défilent)
intitulé « Les
fruits du Ginkgo » (l’arbre aux quarante écus). Le texte est de Kenji
Miyazawa, la musique de Takashi Yoshimatsu (1953) et Nobuo Uematsu (1959).
Le texte a été lu par Muriel Pioggini (Entressen).
Au piano Eriko Renaud-Arima (de Cornillon).
Eriko Renaud-Arima
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Muriel Pioggini |
vendredi, mars 13, 2015
486_ Jean Ferrat - 5 ans
mercredi, mars 04, 2015
485_ Hommage à Senouci Bendjelida le troubadour
Pour Senouci Bendjelida
« Au commencement, disais-tu, il y eut le chaos
engendré par l’impensable big-bang. Et c’est au chaos moderne, descendant de
l’originel, que tu opposais le tien. La vie – ta vie – puisait dans cet univers
de désordre la force qu’elle lui renvoyait aussitôt, toujours le sourire aux
lèvres.
Alors tu comprendras cher ami l’acrobatie que je te
propose ci-après que j’ai voulu à ton image, kaléidoscopique.
Tu allais de Schopenhauer à Nietzsche, de Spinoza à
Deleuze et Gattari. « Nous souffrons disais-tu du vouloir. C’est de
lui, du vouloir, que naît la privation et le désir et donc notre malheur
d’homme ». Tu naviguais de la biologie à la linguistique et à la sociologie,
et de celle-ci aux Lettres française. D’Oran à Vincennes et de Vincennes à
Saint-Denis. De Noam Chomsky à Daniel Defert qui nous avait reçus, tu t’en
souviens, au bas du boulevard Saint-Michel...
L'Antinéa à Oran. |
Nous allions, Tejdine, Bachir, Omar et d’autres (les
filles) chez Moumen au Pavillon 35 et au Ciné-club, la cinémathèque :
« Le péché suédois » (Bo Widerberg), « Il pleut toujours où
c’est mouillé » (Daniel Jean de Simon), propagande, propagande et cela
nous faisait rire jaune. Et « La vérité sur l’imaginaire passion d’un
inconnu » (Roger Hanoun). L’ami Moumen s’était levé brusquement,
brandissant une feuille et s’exclamant « Plus on avance et moins on
recule », puis « La Méditerranée a traversé la France comme la Seine
traverse Paris », puis n’a plus dit un mot. De Galilée, le théâtre, le CCF
à Dien Bien Phu, à Honolulu. De Kheïra Ezziraïa à Aïn Nehala, de la poésie
face aux mensonges, De Djamel Amrani à Leïla Boutaleb et « Le chant du
coq ». De la PJ de Sidi el Houari au Palais de justice pour « outrage
à magistrat ». Au diable la GSE !
Le Manifeste associé au H marocain nous faisait plier
de rire, mais moins que les Stals.
Ah oui, bien sûr, De la PM et D’Israël à Ba’alat et de
Canaan à Mohammed.
Nous allions de la guinguette, du Macumba sur la côte
ouest oranaise au Kiss-Club et au Golf-Drouot à Paris. Du café Najah au bar
Chez Larry.Tu nous embarquais du Raï-trab et de Saïm el Hadj à Sabah Essaghira.
Et Turkish Blend « tu vas, tu viens » « Take a walk on the wild
side » de Lou Reed, Soûl Makossa de Dibango. Des Student’s à Ness el
Ghiwan, de Jil Jilala au King assassiné à Marseille. Et Léo le grand, Léo Ferré
« avec le temps » Et Iron Butterfly « In a gadda da vida »
le crâne surdosé de shite. Nous voyagions de Abdelhalim Hafez à Farid et Om
Keltoum. Et les filles de la fac, les névrosées, « comme
nous ! » criais-tu…
Sur le tard, là-bas, à Paris, tu nous contais ton amie
de dix ans, Cheikha Remitti (8.05.1923 à 15.05.2006) : « Ya Rabbi el
aziz/ chhel nebghi el m’iz (censure) _ Wi ijini sidna âzrin/ Ghir beïta mâa
ezzine » te chuchotait- elle. « Une femme unique » qui aimait se
trémousser parmi les fidèles de la Merdja de Sidi Abed qui lui attribuèrent son
nom de guerre.
« On est venu ici (en France) comme des
orphelins, disais-tu, sans personne pour nous accueillir. Alors chacun a
souffert dans son coin. Les anciens ne nous ont pas laissé grand-chose,
préoccupés qu’ils étaient. C’est pourquoi nous sommes devenus des paranos,
toujours aux aguets. »
Et tu es parti. Sans crier gare. Brusquement. Mais
seul. Ciao mec. A bientôt.
Ahmed Hanifi
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_____________Autre hommage __________________
Par : Brahim Hadj-Slimane
Senouci Bendjelida, un ami de longue date, est
décédé à l'âge de 62 ans, dans la nuit du 19 au 20 janvier, à Paris où il vivait
depuis près de 35 ans. Originaire d'Oran (Algérie), c'était un poète
et intellectuel, en friche, atypique, plein de talent, irrévérencieux à
souhait. Et pourtant très peu connu parce que non obsédé par la reconnaissance
médiatique. Il estimait que ce n'était pas à lui de chercher les médias mais
l'inverse. Ce en quoi, il avait raison.
Il était passionné par la philosophie et l'histoire. Dans les années 80, il fréquentait l’université de Vincennes- Saint Denis et ces dernières années, il assistait à des cours de philosophie à la Sorbonne, en auditeur libre. Parce que libre, il l’était; libre et libertin. Les derniers temps, il manifestait de la considération pour Alain Badiou, un des derniers penseurs français impertinents et éclaireurs. Il aimait Michel Foucault, un peu Felix Guattari, pas vraiment Jacques Derrida. Il avait horreur des intellectuels institutionnels, bureaucrates, pantouflards, qui cachent leur nullité derrière le statut social que leur confère diplôme. Il était resté un fils du peuple, un enfant de Saint-Antoine – Medina Djedida où il est né et a grandi. C’était le premier bachelier du quartier et les gens le saluaient fièrement comme une vedette, raconte-t-il. Il ne dévorait pas les livres (et ce n’était pas possible avec son mode de vie) mais lisait avec intelligence et avec intuition, en diagonale. Et puis, il s’en foutait de se tromper, je crois. Il avait raison. Il n’y a que les médiocres suffisants qui ont peur de se tromper parce qu’ils se croient détenteurs de vérités, en toutes circonstances. Senouci a toujours eu ses passions du moment, ne craignant pas la contradiction. «‘êchek mellel », comme on dit. Il y a des années de cela, il se trimbalait avec Le gai savoir de Nietzche. Mais alors, ça n’en finissait pas, ce livre le suivait partout, dans une poche jusqu’à finir en lambeaux. Puis il y a eu l’époque freudienne suivie de l’anti-freudienne. Et puis après, et puis après… Dans les années 80, nous écumions des bars du Marais, tenus par des juifs maghrébins qui connaissaient et aimaient Senouci. Au milieu d’eux, il y avait le bar de l’oranais Houari Malaga (où descendait Guerouabi). A l’époque, il se revendiquait de (s’identifiait à ?) Charles Boukovski. Quels moments !
Il était passionné par la philosophie et l'histoire. Dans les années 80, il fréquentait l’université de Vincennes- Saint Denis et ces dernières années, il assistait à des cours de philosophie à la Sorbonne, en auditeur libre. Parce que libre, il l’était; libre et libertin. Les derniers temps, il manifestait de la considération pour Alain Badiou, un des derniers penseurs français impertinents et éclaireurs. Il aimait Michel Foucault, un peu Felix Guattari, pas vraiment Jacques Derrida. Il avait horreur des intellectuels institutionnels, bureaucrates, pantouflards, qui cachent leur nullité derrière le statut social que leur confère diplôme. Il était resté un fils du peuple, un enfant de Saint-Antoine – Medina Djedida où il est né et a grandi. C’était le premier bachelier du quartier et les gens le saluaient fièrement comme une vedette, raconte-t-il. Il ne dévorait pas les livres (et ce n’était pas possible avec son mode de vie) mais lisait avec intelligence et avec intuition, en diagonale. Et puis, il s’en foutait de se tromper, je crois. Il avait raison. Il n’y a que les médiocres suffisants qui ont peur de se tromper parce qu’ils se croient détenteurs de vérités, en toutes circonstances. Senouci a toujours eu ses passions du moment, ne craignant pas la contradiction. «‘êchek mellel », comme on dit. Il y a des années de cela, il se trimbalait avec Le gai savoir de Nietzche. Mais alors, ça n’en finissait pas, ce livre le suivait partout, dans une poche jusqu’à finir en lambeaux. Puis il y a eu l’époque freudienne suivie de l’anti-freudienne. Et puis après, et puis après… Dans les années 80, nous écumions des bars du Marais, tenus par des juifs maghrébins qui connaissaient et aimaient Senouci. Au milieu d’eux, il y avait le bar de l’oranais Houari Malaga (où descendait Guerouabi). A l’époque, il se revendiquait de (s’identifiait à ?) Charles Boukovski. Quels moments !
Et puis un jour,
lassé par les faux-culs qui s’étaient mis à pérorer sur le Raï, ses origines et
patati et patata, pour épater les blancs, Senouci avait attaqué de
front Ibn Khaldoun (son étude sur les Berbères) et la poésie populaire maghrébine dont
il était devenu un des connaisseurs les plus fins. Pourquoi ? Parce que
c’était lui-même un poète, un passionné, un pamphlétaire, tout dans l’oralité,
Un barde des temps modernes, dans villes. Il fréquentait d’ailleurs celui qui a
révélée la poésie populaire, notamment avec son anthologie, au grand public :
feu Mohamed Belhalfaoui auprès de qui il s’était nourri : comme il le fera
plus tard auprès de Cheikha Rimiti. Il interprétait parfaitement certains
poèmes, en particulier Bekhta d’Abdelkader Khaldi, chantée
par Blaoui Houari puis Khaled. Il était percussionniste, à l’occasion, jusqu’à
devenir un professionnel intermittent de la derbouka Il lui arrivait de chanter dans les cabarets
et cafés-concerts. Pris par la nostalgie, durant ses séjours de plus en plus
fréquents à Oran, durant ses soirées au Mélomane, il y avait toujours un moment
où il prenait le micro pour interpréter Viens ma
brune de Salvatore Adamo. Certains, comme Boutledja Belkacem hier
au téléphone, le surnomment Senouci Adamo. Souvent, ailleurs, dans des troquets parisiens
il enchaînait avec Avec le
temps ou Il n'y a plus rien de Léo Ferré, en passant par
Ya del mersem, grand poème immortalisé,
entre autre, par Khaled. Au fil du temps, Senouci s’était constitué un
répertoire de reprises et il lui arrivait, à Paris, de donner un récital, dans
un bistro d’amis. Dans les années 80-90 Il
a été producteur-manager dans la musique Raï, par intermittence, s'occupant
notamment de Cheb Moumen et, à quelques occasions, de Cheb Mami.
Puis Cheikha Rimiti dont il était le confident, les
dernières années de la vie de cette grande dame. Quelques fois, Senouci
l'accompagnait à la derbouka. L’intermittence était un mode vie chez lui,
l’irrégularité, l’absence d’habitudes. C’était un errant qui déambulait avec sa
dégaine d’oranais des années 60-70, avec un air un peu fier, c’était vraiment cocasse
de le voir comme ça déambuler dans Paris, c’était incroyable, tellement il
vivait et marchait à une autre vitesse. Il était ailleurs, hors du temps… Il
n’avait jamais quitté le pays, son pays dont l’éloignement le faisait manifestement souffrir. Avant
qu’il ne se mette à y faire des séjours fréquents.
Il y a une quinzaine d’années, Senouci un certain Enzo,
premier producteur de Madona, qui était devenu un grand ami à lui et avec
lequel il avait mis en chantier des projets restés en jachère puis évanouis
après le décès d'Enzo. Un de leurs grands projets était celui d’emmener Cheikha
Rimiti aux USA. Les dernières fois où je lai vu, il n’arrêtait pas de me dire
qu’il voulait écrire la biographie de Cheikha Rimiti qui lui racontait
tout.
La dernière fois que j’ai vu Senouci, c’était début aout à
Paris. Il m’a emmené dans la minuscule chambre d’hôtel à Belleville qu’il
occupait. Il m’a dit : « en ce moment, je fais des répétitions
de danse oranaise pour la mettre à la mode. » J’ai cru qu’il avait pété un
plomb de plus. Il a mis une cassette de Blaoui et il s’est mis à danser sur
place, avec application et sérieux. Et lorsque j’ai vu ça, je l’ai cru. Il
avait sa part de génie et d’utopie.
Après le carnage à Charlie
Hebdo, j’ai pensé à lui. Je me disais que c’était un sale temps pour les
Maghrébins. Je me demandais comment il vivait ça. J’ai tenté de l’appeler jeudi
dernier. En fait, il n’était plus de ce monde.
.
.
Brahim Hadj-Slimane.
__________________________
cf ci-dessous le Post n° 484
mardi, mars 03, 2015
484_ Mon ami Senouci est parti
Mon ami El-Hadj m'apprend à l'instant le décès de notre cher ami commun Bendjelida Senouci, "La Snouss". Il est parti il y a quelques semaines, un soir de janvier.
Senouci ne vivait que pour l'art. Cela lui valut, hélas, bien des difficultés matérielles entre autres. Poète, chanteur, auteur, il connaissait par coeur le chi'ir bedoui, le raï trab père du raï. Et nous avons passé de très bons moments ensemble, bien que de tempérament différent.
Nous avions fait les 400 coups ensemble à l'époque où il était dangereux de s'aventurer dans les mots. Ils étaient comptés, surveillés. Cela nous obligea à prendre toutes les précautions, les détours et les voies difficiles, pour dire, même dans ce contexte de grande fermeture, alors que les libertés démocratiques minimales n'existaient pas. Un membre de notre groupe disposait d'un studio dans la cité Antinéa, derrière le marché Michelet à Oran, où nous osions nos rêves, que difficilement nous tentions de partager avec l'extérieur (ciné-club d'Oran, L'Université...) en rejetant les circuits officiels. C'étaient les années noires, les années de plomb, les années 70. Nous finîmes tous (tous le groupe, notre groupe, et d'autres) par quitter notre ville, notre pays. Puis nous nous sommes retrouvés à Paris, Senouci était un des initiateurs de France-Plus...
Plus tard des années plus tard, nouvelles retrouvailles chez Larry (angle square de Clignancourt et rue Joseph Dijon-près du Bd d'Ornano) que nous fréquentions, comme beaucoup d'oranais, puis de nouveau nous nous sommes éloignés, et encore retrouvés...
La dernière fois que j'ai croisé Snouci, c'était - dans des circonstances très particulières - dans les locaux de la LDH à Paris, rue Marcadet où je présentais mon ouvrage "La Folle d'Alger", le 13 février 2013. Il se trouvait en compagnie de Brahim Hadj-Slimane.
Je te salue Snouci. Allah yerhmek.
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Senouci Bendjelida_ Barbès Février 2009
Barbès_ Février 2009 |
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483_ DJamel AMRANI
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Djamel Amrani_ Photo El-Watan 01 03 2015 |
10e anniversaire de la disparition
de Djamel Amrani : Révolutionnaire, poète «maudit»
Djamel Amrani était un grand poète algérien, un révolutionnaire, un
homme de radio et critique littéraire. Les amis de l’auteur de Témoin et
Bivouac des certitudes s’appellent Kateb Yacine, Issiakhem, Jean Sénac, Pablo
Neruda, Françoise Sagan, Barbara, Malek Haddad, Mohamed Zinet, Juliette Gréco,
Florence Malraux, Jean et Simone Lacouture, Jean-Marie Domnac, ou encore Serge
Régiani.
Un pedigree d’amis déclarés l’entourant, défendant sa cause
juste, celle de l’indépendance de l’Algérie, et appréciant le grand poète.
André Breton dira de lui : «Djamel Amrani est immense, il est le plus grand
poète de l’Algérie...». Auteur d’une trentaine d’œuvres (Bivouac des
certitudes, Le dernier crépuscule, L’été dans ta peau, Vers l’amont...), Djamel
Amrani était au service de son prochain, de ses semblables, les humains.
Et de sa patrie, l’Algérie. Pour laquelle il a été un
battant, un combattant, un résistant, un moudjahid sans démagogie, un «mutilé»
de guerre psychologiquement et un enfant prodigue et prodige de la prosodie et
autres allitérations à la consonance balistique, créative et lyrique
algériennes.
Car marqué à vie par la barbarie belliqueuse et coloniale
de l’armée française.«J’ai été torturé, incarcéré, ils ont tué mon père, mon
frère et mon beau-frère…». Dans un entretien inédit datant de novembre 2004,
Djamel Amrani nous avait livré et «délivré» une profonde, béante et
lancinantensouffrance : «Au lycée Bugeaud, à Alger, j’étais confronté aux
colons et non pas à la colonisation.
J’ai eu mon bac envers et contre tous. En 1956, j’étais
impliqué dans le mouvement national, la réunion préparatoire de la grève des
étudiants et lycéens algériens. Il était question que j’aille au maquis avec
Amara Rachid…Et puis, en 1957, lors de la Bataille d’Alger, j’ai été arrêté et
torturé à la villa Sésini.
Ils m’ont massacré. Ils ont tué mon père, mon frère et mon
beau-frère Ali Boumendjel. J’ai été incarcéré durant un an. En 1958, j’ai
été expulsé en France, où Germaine Tillon m’introduira à la gauche, anticoloniale
à l’époque… J’ai traversé cela comme un enfer de couleur corbeau…».
Ayant une voix radiophonique, caverneuse, patriarcale, le
flegme et l’indolence d’un petit vieux à l’espièglerie et le sourire en coin,
la générosité et la grandeur humaine incarnées, tapi dans son transat, un faux
air d’Ernest Hemingway, entre deux volutes de tabac, entre un sourire, un rire
et un rictus, sous une moiteur domestique, respirant et transpirant la bonté
des humbles, Djamel Amrani était dans son coin de Florence. Tant son paisible
havre est une cour des miracles.
Un véritable musée de la photo dédié aux personnes ayant
compté dans sa vie. Ici Lénine ou Che Guevara, le révolutionaire argentin, là,
Kateb Yacine, le brillant écrivain de Nedjma, là-bas, Khalida Toumi, ex-ministre
de la Culture, ou encore les portraits de Azzedine Medjoubi, le comédien fauché
par la folie meurtrière terroriste, Myriam Makeba, la Mama Africa, ou encore
Zahia Yahi et Leïla Boutaleb, des amies et confidentes.
Le 13 juillet 2004, il s’était vu décerner la médaille
Pablo Neruda, à l’effigie de l’illustre poète et progressiste chilien, le non
moins prix Nobel de littérature en 1971 et auteur mythique d’œuvres comme Le
chant général du Chili, L’Espagne au cœur, Tout l’amour, Mémorial de l’île, ou encore
celle posthume, intitulée J’avoue que j’ai vécu. Une distinction au nom de
Pablo Neruda. Son ami, son maître, son frère, pair et père spirituel partageant
cet amour éperdument épris pour les mots et les causes justes et nobles. Cette
gratification au souffle poétique, initiée sous l’impulsion et la proposition
de Khalida Toumi pour une consécration bien que tardive, mais ô combien
significative. «Je n’ai jamais voulu parler de moi, rédiger ma biographie.
C’est être égoïste…», estimait-il.
«Ma plaie dans l’âme, on ne la négocie pas »
Djamel Amrani est né le 19 août 1935 à Sour El Ghozlane.
Issu d’une modeste famille de neuf enfants dont il était le benjamin. D’un père
exerçant la profession de receveur des P et T et d’une mère n’ayant jamais été
scolarisée. Suivant leur père à travers des missions itinérantes, la famille
Amrani séjournera dans plusieurs localités, notamment à Cherchell, avant de
s’installer définitivement, en 1952, à Alger.
Le jeune Djamel y fréquentera l’école communale de Bir
Mourad Raïs. Et c’est en usant ses fonds de culotte sur les bancs d’écolier
qu’il fera une découverte littéralement littéraire et capitale dans sa vie. La
mort du loup, d’Alfred de Vigny, et Les amours de Chopin, de George Sand, qu’il
connaissait par cœur, l’inspireront aux premiers jets poétiquement candides.
Une passion était éclose. «J’étais déjà poète à la base. Je
faisais de la musique. J’étais au conservatoire d’Alger, je jouais du piano à
15 ans. J’étais le seul Algérien à avoir concouru avec la 5e étude de Chopin,
la 7e nocturne de Gabriel Foret et puis suivront La Passionata...», se
souviendra-t-il. Au lycée Bugeaud, le plus réputé d’Alger, où il avait emmené
avec lui ce qu’il appelle des «odelettes» et dont il fera un autodafé car
jugées inintéressantes.
Sa toute première œuvre fut Le Témoin, en 1960, aux
éditions de Minuit. «Ce livre est l’histoire dramatique de ma vie... Je jouais
pour la syntaxe quelle qu’elle soit... C’est un jeu avec mon histoire quand
j’ai appris à lire et à écrire..», commentera-t-il, la gorge nouée. Après un
long séjour à Cuba, de 1962 à 1964, Djamel Amrani officiera à l’état-major,
dans le cabinet du président Houari Boumediène, avec Abdelaziz Bouteflika,
Medegheri et Chérif Belkacem. «La première fois que j’ai rencontré Bouteflika,
il m’a présenté Nelson Mandela…», se rappellera-t-il avec fierté.
A propos de ses amis, il dira avec ironie : «Kateb Yacine,
qui m’a encouragé, et Jean Sénac ont été des frères immenses pour moi. Je me
dois de saluer leur mémoire. Malek Haddad avait été un grand ami... Cela n’a
été que des histoires de bar. On se voyait et on passait notre temps…».
A la fin de l’entretien, Djamel Amrani nous laissera ce
fragment testamentaire d’un poète «maudit» : «L’être humain, poète meurtri, ne
peut pas être finalement guéri d’une histoire. Je n’ai jamais été guéri. Je
n’ai jamais eu l’occasion ou la chance de guérir. Ma plaie dans l’âme, on ne la
négocie pas. Ma plaie est ouverte. Elle est béante !»
K. Smail
In El Watan 01 mars 2015
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http://djamel.amrani.voila.net/biographie.htm
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In: ALGERIE_LITTERATURE / ACTION N° 39/40_ OCTOBRE 2000
De
son vivant, Djamel Amrani considérait qu'un poète, quel qu'il soit, doit
établir, sous une forme ou une autre, un rapport vital avec la vérité ; il doit
s'engager dans une quête de vérité.
Djilali Khellas
In El Watan du 26/12/2005
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-->
«Djamel Amrani demeure le porte-drapeau de la poésie nationale de vocation
francophone […] Il s’est occupé, depuis l’indépendance, à former les jeunes
talents», disait Rachid Boudjedra lors d’un récital poétique en février 2003.
Le drapeau est aujourd’hui en berne. La muse qui pleure le poète disparu se
fera-t-elle entendre par tous ces jeunes talents dont il s’est occupé ?
Aux derniers jours de l’hiver, Djamel Amrani s’en est allé. Quelques jours
après le départ de la dame Aïcha Haddad, le moudjahid, poète, écrivain et homme
de radio, a tiré sa révérence, le mercredi 2 mars. A l’automne de sa vie,
l’homme aux multiples vies fait le dernier voyage, en jetant l’émoi parmi ceux
qui l’ont connu. «Pour la radio algérienne, cette perte est terrible. Elle est
irréparable», déplore Zouaoui Benhamadi, directeur général de l’ENRS. «Il
restera aux différentes générations de notre grande famille qui l’auront côtoyé
leurs yeux pour pleurer mais aussi leurs ardeur et détermination pour de
nouveau, encore et toujours entonner ses poèmes», écrit M. Benhamadi dans un
message de condoléances, qu’il conclut en un message d’amour : «Djamel,
nous t’aimions avec la passion que tu mettais à nous enseigner l’honneur.»
Khalida Toumi, ministre de la Culture, a exprimé, pour sa part, son immense
tristesse à l’annonce du décès de «[mon] ami Djamel Amrani, moudjahid, poète,
écrivain, homme de radio, homme d’art», dans un message adressé à la famille du
poète. «A cet homme généreux, discret, profondément attaché à la jeunesse de
son pays auprès de laquelle il n’a cessé de diffuser et faire aimer poésie,
rythme, amour de l’Algérie, de son peuple, de ses paysages, de son histoire et
de sa culture, je rends hommage et exprime toute ma reconnaissance», conclut
Mme Toumi. Abdelaziz Bouteflika, président de la République, rend hommage à un
homme «resté égal à lui-même, exprimant sans cesse son talent par l’écriture
avec ses qualités bien connues : la modestie et l’humilité. Nous avions en
commun, depuis que je l’ai connu, l’amour de la patrie, et mon respect pour lui
était à la mesure de son immense culture, sa simplicité et sa constance dans la
défense de l’Algérie». Celui qui a consacré sa vie au verbe tient, à 70 ans,
des centaines de poèmes et une voix et une présence radiophonique dans «Poésie
ininterrompue» qui nous a accompagnés durant des années. Né le 29 août 1935 à
Sour El Ghozlane, Djamel Amrani a interrompu ses études lors de la grève des
étudiants en 1955 et fut arrêté en 1957. Après un séjour à Paris puis à Oujda,
il rejoint l’état-major de l’ALN. Après l’indépendance, il fera partie du
premier cercle des poètes francophones. Avec une escale à l’ambassade d’Algérie
à Cuba en qualité de conseiller culturel. De ses œuvres, on citera Bivouac des
certitudes (SNED, 1969), Aussi loin que mes regards se portent, (SNED, 1972),
Jours couleur de soleil, (SNED, 1978), Entre la dent et la mémoire, (SNED,
1981), L’été de ta peau, (SNED, 1982), La Plus Haute Source (ENAL, 1983), Au
jour de ton corps, (ENAL, 1985), ou Déminer la mémoire, (ENAL, 1986). L’été
2004 a doublement fêté Djamel Amrani. Récipiendaire de la médaille Pablo Neruda
à Alger en juillet, il aura également la reconnaissance de ses compatriotes, et
de ses lecteurs, en septembre via le prix des libraires 2004 pour l’ensemble de
son œuvre, octroyé en marge du 9ème Salon international du livre d’Alger. Le
meilleur témoignage-hommage de son vivant émane de Rachid Boudjedra lors d’un
récital poétique en février 2003 : «Djamel Amrani demeure le porte-drapeau de
la poésie nationale de vocation francophone […] Il s’est occupé, depuis
l’indépendance, à former les jeunes talents.»
Y. B.
05 mars 2005_ iN La Tribune _ Le poète interrompu
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Djamel Amrani,
né le 29 août 1935 à Sour El-Ghozlane (Algérie) et décédé le 2 mars 2005 à Alger, est un écrivain algérien d'expression
française.
Djamel Amrani est scolarisé en 1952, à
l'école communale de Birmandres (Bir Mourad Raïs). Le 19 mai 1956, il participe
à la grève des étudiants algériens. En 1957, il est arrêté, torturé et
incarcéré par l'armée coloniale. En 1958, à sa sortie de prison, il est expulsé
vers la France. En 1960, il publie son premier ouvrage aux Editions de Minuit, Le
Témoin. Cette même année, il rencontre Pablo Neruda et crée le journal
"Chaâb". En 1966, il devient producteur d'une émission maghrébine à
l' ORTF, et entame une carrière radiophonique aux côtés de Leïla Boutaleb à la
radio algérienne. En 2004, il reçoit la médaille Pablo Neruda, haute
distinction internationale de la poésie.
In WikipediaWikipedia
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http://www.jehat.com/Jehaat/Fr/Poets/Djamel.htm
--> Djamel Amrani à la voix radiophonique, caractéristique, caverneuse, patriarcale, le flegme et l’indolence d’un petit vieux à l’espièglerie en sourire en coin, la générosité et la grandeur humaine incarnées, tapi dans son transat, un faux air d’Ernest Hemingway, blotti dans son fauteuil, entre deux volutes de tabac, entre un sourire, un rire et un rictus, sous une moiteur domestique, il respire et transpire simplement la bonté des humbles.
« Les poètes nous aident à aimer »
Anatole France
Cet homme, c’est le grand et l’immense poète algérien, homme de radio et critique littéraire, Djamel Amrani, l’auteur du Témoin et Bivouac des certitudes, dans son antre algéroise. Un coin de Florence. Tant son paisible havre est une cour des miracles. Un véritable musée de la photo dédié aux personnes ayant compté dans sa vie. Ici, Che Guevara, le révolutionaire argentin, là, Kateb Yacine, le brillant écrivain de Nedjma, là-bas, Khalida Messaoudi, ministre de la Culture ou encore les portraits de Azzedine Medjoubi, le comédien fauché par la folie meurtrière, Myriam Makeba, la Mama Africa, Zahia Yahi et Leïla Boutaleb, des amies et confidentes. Une idolatrie attendrissante et humaniste déconcertante. Il est d’une pruderie et d’une pudeur maladives.
Il ne veut pas parler de lui. Il est d’une grande humilité. La preuve ! C’est un mécène et un agitateur de jeunes talents qu’il protège, encourage et porte au firmament en adoptant un forcé profil bas. « Je n’ai jamais voulu parler de moi. C’est égoïste... ! » estime-t-il. Et pourtant, ce trouvère vient d’être le récipiendaire d’une récompense internationale révélant la dimension poétique, littéraire, utile, intellectuelle, universelle, humaine et surtout cardinale d’une trentaine d’œuvres (Bivouac des certitudes, Le dernier crépuscule, L’été dans ta peau, Vers l’amont...) au service de son prochain, de ses semblables, les humains. Et de sa patrie, l’Algérie. Pour laquelle il a été un battant, un combattant, un résistant, un moudjahid, sans démagogie, un « mutilé » de guerre psychologiquement et un enfant prodigue et prodige de la prosodie et autres allitérations à la consonance balistique, créative et lyrique algériennes. Car marqué à vie par la barbarie belliqueuse et coloniale de l’armée française.
Le 13 juillet 2004, le destin a voulu que Djamel Amrani se voit décerner la médaille Pablo Neruda, à l’effigie de l’illustre menestrel et progressiste chilien, le non moins prix Nobel de littérature en 1971 et auteur mythique d’œuvres comme Le chant général du Chili, L’Espagne au cœur, Tout l’amour, Mémorial de l’île ou encore celle posthume intitulée J’avoue que j’ai vécu. Une distinction au nom de Pablo Neruda. Son ami, son maître, son frère, pair et père spirituel partageant cet amour éperdument épris pour les mots et les causes justes et nobles. Cette gratification au souffle poétique, initiée sous l’impulsion et la proposition de Khalida Toumi pour une consécration bien que tardive mais ô combien significative a été remise par le président chilien Ricardo Lagos Escobar, et ce, à travers l’ambassade du Chili à Alger lors d’une cérémonie solennelle et fraternelle.
« Pour moi, ce prix est une grande distinction et une énorme surprise. Pablo Neruda, un grand poète et résistant, que je considère vraiment comme un maître pour son combat. C’était un ami. Je l’ai rencontré à deux reprises. La première , à Paris où il occupait le poste d’ambassadeur du Chili et la seconde, à Cuba. C’était lors d’un colloque international littéraire et poétique. J’en garde franchement un souvenir émouvant... » commentera-t-il à propos de cette médaille à l’avers et le revers de son heure de gloire non seulement nationale mais aussi internationale encore une fois. Djamel Amrani est né le 19 août 1935 à Sour El Ghozlane. Issu d’une modeste famille de neuf enfants dont il était le benjamin. D’un père exerçant la profession de receveur des P et T et d’une mère n’ayant jamais été scolarisée. Suivant leur père à travers des missions itinérantes, la famille Amrani séjournera dans plusieurs localités notamment à Cherchell avant de s’installer définitivement, en 1952, à Alger. Le jeune Djamel Amrani y fréquentera l’école communale de Bir Mourad Raïs. Et c’est en usant ses fonds de culotte sur les bancs d’écolier qu’il fera une découverte littéralement littéraire et capitale dans sa vie. La mort du loup d’Alfred de Vigny et Les amours de Chopin de George Sand qu’il connaissait par cœur l’inspireront aux premiers jets poétiquement candide. Une passion était éclose. « J’étais déjà poète à la base. Je faisais de la musique. J’étais au conservatoire d’Alger, je jouais du piano à 15 ans. J’étais le seul Algérien à avoir concouru avec la 5e étude de Chopin, la 7e nocturne de Gabriel Foret et puis suivront La Passionata... » se souviendra-t-il. Au lycée Bugeaud, le plus réputé d’Alger, où il avait emmené avec lui ce qu’il appelera des « odelettes » et dont il fera un autodafé car jugées inintéressantes.
Djamel Amrani sera confronté à l’âpre réalité coloniale : le racisme. Après l’obtention du bac, avec succès d’ailleurs, une revanche contre et envers les fils de colons. En 1956, il sera contacté par Amara Rachid pour monter au maquis aux côtés de leurs frères d’armes de l’Armée de libération nationale (ALN). Ayant participé activement à la réunion préparatoire et à la grève des étudiants du 19 mai 1956, il s’impliquera dans le mouvement national de résistance. Lors de la Bataille d’Alger, en 1957, il sera arrêté, torturé dans la villa Susini et incarcéré. En signe de représailles, les forces d’occupation françaises tueront les membres de la famille de Djamel Amrani. Le père, le frère et le beau-frère, Ali Boumendjel en un mois. « J’ai traversé cela comme un enfer de couleur corbeau... », commentera-t-il. Un cauchemar de flash-back. Il ne sortira de prison qu’une année après avant d’être expulsé vers la France. Et c’est Germaine Tillon qui l’acceuillera pour dénoncer la torture en Algérie dont il était la preuve vivante. Aussi, Djamel Amrani fera de belles rencontres avec ceux de la gauche, à l’époque, Jean et Simone Lacouture, Jean-Marie Domnac, Françoise Sagan, Florence Malraux, Serge Reggiani, Juliette Greco, Barbara et le cercle des poètes d’André Gide. Ces amis l’entouraient, défendaient sa cause, celle de l’indépendance de l’Algérie, et appréciaient le grand poète. André Breton dira de lui : « Djamel Amrani est im- mense, il est le plus grand poète de l’Algérie... »
Supplice de tantale
Sa toute première œuvre fut Le témoin en 1960 aux éditions de Minuit. « Ce livre est l’histoire dramatique de ma vie... », commentera-t-il la gorge nouée. Et puis suivront des pontes aux succès d’estime comme Soleil de notre nuit, en 1964. Dans cette quête intrinsèque à la recherche de sa pierre de touche, Djamel Amrani trouvera ses pairs l’ayant soutenu dans les pires moments. Ils s’appellent Kateb Yacine, Malek Haddad, Jean Sénac, Issiakhem, Mohamed Zinet... « Kateb Yacine et Jean Sénac ont été des frères immenses pour moi. Je me dois de saluer leur mémoire. Malek Haddad avait été un grand ami... » Djamel Amrani se définit tel un révolutionnaire non pas du verbe mais du mot : « Je jouais pour la syntaxe quelle qu’elle soit... C’est un jeu avec mon histoire quand j’ai appris à lire et à écrire... ». Après un long séjour à Cuba, de 1962 à 1964, Djamel Amrani officiera dans le cabinet du président Houari Boumediène, avec Abdelaziz Bouteflika, Medegheri et Chérif Belkacem. Et où il rencontrera un jour un certain... Nelson Mandela.
Il sera aussi, juste avant, l’un des pionniers des médias algériens en éditant le journal Chaâb avec Salah Louanchi et Serge Michel et un autre intitulé Atlas avec Cheriel Lazhari. En 1966, il résidera en France où il s’essaiera à la production d’une émission maghrébine à la télévision française l’ORTF. De retour en Algérie, il intégrera l’équipe de la RTA pour des émissions littéraires. Ce fut la rencontre inespérée de son désormais alter ego, âme sœur et sœur d’armes, la voix féminine délicate des ondes de la Chaîne III, Leïla Boutaleb. Un tandem de chic et de choc d’émissions radiophoniques comme « Psaumes dans la rafale », « Poémérides », « Rhizomes magnétiques » ou encore la fameuse « A cœur ouvert ». Actuellement, Djamel Amrani anime sur cette même station radio une émission poétique « Le temps de vivre ». Parmi les cautions intellectuelles l’ayant encensé, on peut citer celles de Jean Breton : « Jeté à 20 ans dans la lutte pour l’indépendance de son pays, l’Algérie, Djamel Amrani fait partie de cette génération d’intellectuels de la résistance qui prirent tous les risques, à la fois par la plume et par le fusil. Sa poésie d’alors dénonciatrice des bourreaux qui le torturèrent parlait haut et net pour le drapeau et pour la victoire de façon à être comprise de tous. Le don éclate chez Amrani. Amrani réinvente l’élégie à sa manière, à base de “carpediem”... » Serge Brindeau dans la revue Sape saluera le trait cursif de Djamal Amrani : « Un poète algérien en quête des multiples signes du sacré. Il célébre la terre qu’il étreint, la lumière qui se déploie jusque dans les muscles, le sens nouveau des nuits et des jours. Un poète s’avance. Dans La vasque de ses mains, on peut le voir porter un jardin absolu d’orchidées. Il s’appelle Djamal Amrani. ». L’auteur des Chercheurs d’os, Tahar Djaout, n’est pas en reste.
En 1982 dans Algérie Actualité, il décrit Djamal Amrani : « De tous les poètes de la Révolution, Djamal Amrani est celui qui a le plus tenu ses promesses. Non seulement, il a imposé une heureuse continuité alors que tant de souffles se sont éteints. Mais il a, à l’image de ces grands poètes que sont par exemple Mohamed Dib et Jean Sénac, exploré de nouvelles voies, mettant à profit d’autres cordes sensibles, une somme de richesses langagières et de trouvailles oniriques... » Mais Djamal Amrani demeure un poète sans jeu de mots torturé : « Je n’ai jamais eu l’occasion de guérir. Ma plaie reste béante à jamais... » Par K. Smaïl, El Watan
Sour El Ghozlane
A Sour El Ghozlane, mon village natal,
au parfum d’ambre et d’aubépine,
mes désirs enfantins se sont brisés, surpris,
écartés de la vie trop obscure même avec des gazelles
Et tous ces horizons qu’on appelle nos rêves
Là-bas à Sour quand l’aurore derrière les ronces
A Sour El Ghouzlane, j’avais juré de revenir un jour
Vingt-sept années m’enserrent font cahoter ma peine
Sour El Ghozlane construit l’Hommme absolu plus explosif que poète
Et fais en sorte qu’à mon réveil le temps, avocat des miracles,
m’enseigne l’ordre des paix et racornise ma peine In Œuvres choisies ( Editions ANEP)
Parcours :
19 août 1934 : Naissance à Sour El Ghozlane
1952 : Scolarisation à l’école communale de Bir Mourad Raïs
19 mai 1956 : Participation à la grève des étudiants algériens
1957 : Arrestation, torture et incarcération par l’armée coloniale
1958 : Sortie de prison Expulsion vers la France Sortie du 1er recueil Le Témoin aux éditions de Minuit 1960 : Rencontre avec Pablo Neruda
Création du journal Chaâb 1964 : Parution de Soleil de notre nuit 1966 : - Producteur d’une émission maghrébine à l’ORTF
Début d’une carrière radiophonique aux côtés de Leïla Boutaleb à la Radio algérienne
2003 : Parution du recueil La Nuit du dedans aux éditions Marsa
2004 : Médaille Pablo Neruda, haute distinction internationale de la poésie
Djamel Amrani, le troubadour rejoint le firmament
Culture-Le soir d'Algérie-05/03/2005
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DJAMEL AMRANI
Le poète nous a quittés O. HIND
Le talent de ce moudjahid n’avait d’égal que sa mystérieuse personnalité.
Colérique, grincheux, atypique, érudit, volcanique, poète jusqu’au bout du souffle, Djamel Amrani nous a quittés mercredi à l’âge de 70 ans. La voix radiophonique de «poésie ininterrompue» qui passait régulièrement sur les ondes d’Alger Chaîne III ne retentira plus jamais.
Né le 29 août 1935 à Sour El-Ghozlane, Djamel Amrani était de l’acabit d’une Anna Gréki ou de Jean Amrouche, c’était un poète de la Révolution algérienne ayant connu les affres de la torture et de la guerre. Il «trempait», lui, son courage dans l’encre et la littérature pour en faire naître des oeuvres d’une grande qualité artistique. La gouaille de Djamel Amrani n’avait d’égal que sa mystérieuse personnalité. Le moudjahid a reçu le 29 juillet dernier la médaille Pablo Neruda, du nom du célèbre poète chilien, son «maître de combat».
Le 19 septembre, il recevait aussi le prix des libraires pour la totalité de son oeuvre. On notera parmi ses ouvrages le Témoin (1960), Entre dents et mémoire (1981), Déminer la mémoire (1986), Jours couleur de soleil. Depuis quelques années, on s’était habitué à l’écouter lire des extraits de poésie lors de conférences ou de rencontres littéraires en compagnie d’une autre grande dame de la radio, Leïla Boutaleb. Mais il était fait maître et avait pour disciple une jeune fille téméraire et non moins grande poète, Samira Negrouche, qui, avec le temps et l’amour des vers aidant, étaient devenus des amis inséparables, unis par la passion du verbe. Et que diable les années qui les séparaient... Djamel Amrani était vraiment un artiste. Jeune, il s’est adonné à la musique.
Il était au conservatoire d’Alger. Il jouait du piano à l’âge de 15 ans. «J’étais le seul Algérien à avoir concouru avec la 5e étude de Chopin, la 7e nocturne de Gabriel Foret et puis suivra la Passionata...».
Lors de la bataille d’Alger en 1957, il sera arrêté et torturé dans la villa Susini. Après sa sortie de prison un an après, il est expulsé vers la France. Après un séjour à Cuba en tant qu’ambassadeur, il officiera dans le cabinet du président Houari Boumediene.
Touchant aux médias, il aura édité le journal Chaâb avec Salah Louanchi et Serge Michel et un autre intitulé Atlas avec Cheriet Lazhari. Djamel Amrani a marqué son temps.
Il symbolisait l’anti-médiocrité, avec cet air sérieux qu’on lui connaît, il cachait une grande sensibilité et un grand sens de la générosité.
Djamel Amrani au cours de sa vie a côtoyé d’autres grands de ce monde à l’image du «Che» ou encore des écrivains comme Nazim Hikmet, Romain Gary et Ismaël Kadaré... Entré dans les années 70 à la radio, il en sortira hier matin avec les grands honneurs qu’on lui doit puisqu’un ultime hommage lui a été rendu à l’auditorium Aïssa Messaoudi par sa grande famille de la radio avant d’être inhumé au cimetière Sidi Yahia pour le dernier voyage. Mais comme disait une fidèle auditrice d’Alger Chaîne III, hier, «Djamel Amrani n’est pas mort. Il est toujours parmi nous». Dans son message de condoléances, à la famille du défunt, le président de la République a confié son «immense tristesse [qui] a étreint mon coeur à l’annonce du rappel à Dieu le défunt Djamel Amrani».
Il rappellera son âme révolutionnaire et son talent de dire son amour et son attachement à la liberté. Pour sa part, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, a souligné le caractère engagé de cet homme de lettres et de parole qui a rejoint la résistance contre le colonialisme français à Alger où il fut arrêté en 1957. et d’ajouter: «Il a fait découvrir à des générations d’Algériens, la poésie du monde entier dite dans toutes les langues, toutes les cultures, toutes les couleurs».
Elle exprimera toute sa «reconnaissance pour cet homme généreux, discret et profondément attaché à la jeunesse de son pays auprès de laquelle il n’a cessé de diffuser et faire aimer poésie, rythme, amour de l’Algérie, de son peuple, de ses paysages, de son histoire et de sa culture».
05 mars 2005 L'Expression DZ.COM
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