Mes chers amis,
Je vous remercie d’être revenus,
fidèles au rendez-vous. Comme vous pouvez le constater le Moulin à eau de
Villeneuve de Saint Arnoult en Yvelines se trouve au cœur d’un joli parc de
quatre hectares que traverse la Rémarde, une rivière, affluent de l’Orge, une
rivière longue de près de 40 kms. Ce moulin est notre propriété depuis 1951. Il
est entouré d’un parc de quatre hectares. Du monticule où je me repose aux
côtés d’Elsa Triolet, mon épouse, j’observe votre peu réjouissant monde. Elsa a
eu raison d’avoir fait graver cette épitaphe, que j’ai demandé à
maintenir : « Quand côte à côte
nous serons enfin des gisants, l’alliance de nos livres nous unira pour le
meilleur et pour le pire dans cet avenir qui était notre rêve et notre souci
majeur, à toi et à moi. La mort aidant on aurait peut-être essayé et réussi à
nous séparer plus sûrement que la guerre de notre vivant : les morts sont
sans défense. Alors, nos livres croisés viendront, noir sur blanc, la main dans
la main, s’opposer à ce qu’on nous arrache l’un à l’autre. Elsa. »
Ce que vous entendez près de notre résidence éternelle, quel que soit le moment où vous vous y rendez est La Sarabande de Bach et le tant aimé chant du rossignol.
La bâtisse est toute en longue
et sur plusieurs niveaux. Les volets tout bleus – bleus comme les yeux de ma
muse E. – de toutes les fenêtres de la maison sont grands ouverts sur la
nature.
C’est ici, que j’ai écrit « La
semaine sainte », « Henti Matisse, roman » et qu’Elsa a écrit « Le
cheval roux ».
Commençons si vous le voulez bien, chers amis, avec notre cuisine. Admirez la belle faïence bleue (évidemment) de Giverny, elle renvoie à Claude Monet. Il y a aussi présents dans la cuisine les fantômes de Picasso sur les dessous de plat (La colombe, paix) et de Fernand Léger (Le cheval blanc) Et cette balance inversée qui fait office de lampe. Par le fil qui pend, discrètement, en tirant dessus, nous informions les employés (nos employés oui, oui) de notre arrivée, comme chez la grande bourgeoisie, que voulez-vous...
Nous avons fait du salon ‘‘le cœur de la maison’’. C’est là que je recevais mes amis, dans un brouhaha incroyable de l’eau de la Rémarde le traversant. Nous écoutions de la musique sur cet appareil TSF-tourne-disques. On a bien fait depuis, d’insonoriser le salon avec un hublot solide comme ceux des bateaux. Aujourd’hui les vieux radiateurs ne sont plus modernes. Elsa les cachait, justement parce qu’ils étaient trop moderne à notre goût. A droite, derrière la porte, le joli tableau d’Elsa. Sur la grande cheminée, les deux cruches sont signées de notre grand ami Picasso. L’une représente le visage d’un homme, l’autre celui d’une femme. Au fond, vers l’escalier on a gardé tous mes livres de lecture quand j’étais enfant. En mezzanine il y a ceux d’Elsa, pour la plupart, en russe.
Levez les yeux, chers amis,
vous voyez ces sagaies ? Nous les avons rapportées de Tahiti. Et ces
illustrations ? Le calligramme a été réalisé par un turc.
Au dessus de la mezzanine,
nous avons deux grandes bibliothèques saturées de livres. Il y a dans notre
maison plus de trente mille livres.
Suivez-moi, attention à la
marche… Savez vous ce que renferme ce placard ? Tenez regardez. Non vous
ne rêvez pas. Ce sont bien des livres policiers ! Il y en a cinq cents.
Lorsqu’elle avait des insomnies (fréquentes parfois) Elsa lisait cette
‘‘littérature’’ pour laquelle elle n’avait pourtant que peu de considération,
« de la mauvaise littérature, mon somnifère » disait-elle. Elle lui
permettait de dormir.
C
Avancez,
entrez dans la chambre, « la chambre d’Elsa ». Du bleu, encore y
compris sur ces bijoux qu’elle confectionnait elle-même à partir de résistances
électriques, de coquillages et divers objets farfelus et hétéroclites. Il y a
des photos de Tahiti, des livres encore, et ce buste de sa tant aimée sœur Lili
Brik (ah, Maïakovski !)
Je
ne vais pas plus vous retenir. Vous savez combien Elsa aimait la France, son
pays d’adoption, mais elle aimait autant, sinon plus, l’Union soviétique. Gare
à qui voulait y porter atteinte. Regardez cette illustration russe. Je
traduis : « Si tu viens en ami – dit ce russe à Napoléon – je t’offre
la paix et le sel, mais si tu viens en ennemi je te chasse avec la
fourche ».
Vous
remarquez chers amis que l’éphéméride est arrêté au 16 juin 1970. Le jour de sa
disparition. Je n’y ai plus touché.
-------------------------
LIRE AUSSI ICI: "ARAGON ET MOI" post n° 349 du 16 décembre 2012
_______________
Site officiel :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire