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samedi, avril 20, 2019

642_ Il y a 18 ans, le Printemps noir


Cette année-là, 2001, je quittais Paris pour m’installer dans le sud. Le climat y est plus chaleureux. Je ne le regrette pas. En cette année-là je militais au FFS, j’étais également membre de la Ligue des Droits de l’Homme, section du 18° arrondissement de Paris (avec Saïd Bouziri). Lorsque le Pouvoir assassin envoya ses gendarmes en Kabylie, ceux-ci commirent l’irréparable contre des jeunes qui ne demandaient in fine rien d’autre que le respect de leur être profond. Avant de revenir sur ce « Noir printemps », je rappelle des événements qui marquèrent cette année-là.

1994_001_ Avril le 20_ Dans la Marche du MCB_CN_ Alger


Cette année-là donc fut une année agitée à vrai dire, très, avec la fuite in extremis de Nezzar alors qu’il se trouvait à Paris avec la justice aux trousses, avec la mobilisation du régime et de ses soutiens intellectuels, médiatiques… contre l’opposition radicale et pacifique qu’ils qualifiaient de « Kitukistes », un brin vulgaires. Benchicou pleure « Un général algérien obligé de fuir la France en pleine nuit, et par avion spécial, pour éviter d’y être jugé en tortionnaire et c’est toute l’armée qui est humiliée, inhibée, handicapée… » (Le matin, 28 avril 2001)
En mai de cette année-là Saïd Sadi démentait « avoir dit que Bouteflika était un deuxième Boudiaf. Il rappelait que « le RCD a suivi le chef de l’Etat parce qu’il avait annoncé des projets de réforme de la justice, de l’école, de l’économie et de la concorde civile. » (El Watan 14.05) Deux mois plus tard, le 30 juin, La Tribune explique que «  La sortie du RCD de la coalition gouvernementale n’a pas seulement enlevé au pouvoir une «couverture démocratique»… Si le RCD a dû réviser sa copie, ce n’est pas tant par sollicitude pour les victimes d’une répression qu’il a bien justifiée dans d’autres occasions. Il s’agit ni plus ni moins pour ce parti de lutter pour sa survie politique… »Toujours en 2001, le 30 septembre, El Watan écrit « Le président Abdelaziz Bouteflika est parti dernièrement à Jijel, région où a été élaboré, dans un secret total, le projet de la repentance des éléments de l'AIS, pour délivrer un message clair : «Il faut aller vers la réconciliation nationale.» Les 8 et 9 novembre, Bab el Oued était dévasté par les intempéries qui feront plus de 300 morts. Le 21 du mois suivant, des milliers de citoyens ont marché à l’appel de la CADC (Coordination des archs, daïras et communes) que nous dénoncions déjà car manifestement piégée par le pouvoir. Des émeutes ont éclaté dans la ville à la suite de cette mobilisation. Mais revenons à ce mois d’avril 2001 où l’on s’apprêtait à commémorer le 21° anniversaire du printemps Berbère.
1994_001_ Avril le 20_ Marche du MCB_CN_ Alger

Lors de la conférence-débat qu’il a animée le 5 avril au théâtre Kateb Yacine de Tizi Ouzou, Ahmed Djeddaï (FFS) « a dressé un sévère constat de la situation politico-sécuritaire et socio-économique de notre pays (La Tribune 07 avril). À Genève les travaux de la 57ème session de la Commission des droits de l’homme se poursuivent. Il est question d’impunité, de disparitions forcées, d’exécutions arbitraires… Des intellectuels et hommes politiques algériens, qui disent avoir « eux » « l'Algérie au cœur » viennent au secours du régime et signent «l’appel des intellectuels nationaux contre la confusion et le défaitisme », en soutien inconditionnel au Pouvoir, à Nezzar et à l’armée en général (« l’armée des janviéristes »). Leur « contre-appel » intervient contre l’appel d’autres intellectuels pour une Commission d’enquête sur les massacres en Algérie. Des émanations nauséeuses émanent d’une certaine « élite organique » et de nombreux contenus de la presse algérienne d’alors (menacée par le pouvoir), une odeur de caniveaux en guise d’argumentaires contre l’opposition pacifique algérienne (Aït-Ahmed comparé à un singe par un caricaturiste dont j’ai depuis oublié le nom). Beaucoup parmi ces journalistes ont, en privé, fait leur mea-culpa et c’est tant mieux pour leur lucidité retrouvée. Le 15 avril, TB d’ El Watan regrette les desseins de Bouteflika. Celui-ci vise à « l’éloigner (l’armée) le plus loin possible des sphères de décisions ». Regretter que l’armée soit éloignée des sphères de décisions !
 
Toutes ces semaines d’avril ont été marquées en Kabylie par de nombreuses conférences organisées par le parti d’Aït Ahmed et animées par plusieurs responsables de cette formation. (Boumati in La tribune 12.04). Le 19 avril, je recevais un mail de Malika Matoub, dont cet extrait : « le 16 Avril 2001 la coordination locale (C.L.E) a été empêchée de tenir sa réunion qui devait se tenir pour discuter autour de l’organisation d’une marche décidée dans l’assemblée générale des étudiants de Oued Aïssi et par d’autres A.G de cité. 25 comités autonomes devaient tenir cette réunion. (déclaration de l'université de Mouloud Mammeri, suite a une agression d'un jeune étudiant). »

Sur plusieurs jours plusieurs journaux n’ont de cesse de « taper comme des malades » sur l’opposition algérienne aux généraux « janviéristes », sur Aït-Ahmed qui « remet sur le tapis l'appel à une commission d'enquête internationale sur la situation en Algérie. » Ils dénoncent également un « code pénal » émanant d’un pouvoir qu’ils soutiennent mordicus, hormis le « président marionnette »
La veille de l’anniversaire du Printemps berbère El Watan écrit « La Kabylie sera paralysée aujourd’hui par une grève générale à l’appel du MCB. Une marche est également prévue ce matin. Le rituel des célébrations du Printemps berbère revient cette année avec encore plus de divisions et d’incertitudes pour la revendication. » (Benabi- El Watan 19.04.) Dans un autre article le même journal (Slimani) prend position pour la Coordination, contre la Commission MCB.
Le vendredi 20 avril, un jeune lycéen (Massinissa Guermah, 19 ans) meurt des suites de blessures par arme automatique tirée par un gendarme dans les locaux de la gendarmerie de Béni Douala deux jours auparavant. On a écrit aussi que l’une des deux artères fémorales du jeune  homme avait été sectionnée à l’aide d’un objet tranchant. Dans un communiqué, la Gendarmerie a qualifié le jeune de « voleur » et le ministre de l’intérieur de « délinquant de 26 ans ». Le samedi 22, à Amizour (W. Bejaïa) des collégiens de l’école Emir Abdelkader ont été interpellés par des gendarmes, en présence de leur professeur, en pleine séance d’éducation physique et sportive. Certains élèves ont été maltraités. Les émeutes parties d’Amizour s’étendent à El Kseur, Sidi Aïch et Seddouk… et les jours suivants les villes de Timezrit, Beni Djellil, Semaoun, Bougie s’agrègent. Selon l’AFP (Alger 27.04.) : « Tandis qu'un calme précaire s'est installé à Tizi Ouzou, capitale de cette région, les villes montagneuses de Larbâa Nath-Irathen, Azazga, Drâa El-Mizan, Tizi Ghenif, Tizi Rached, Aïn El-Hammam ainsi que la troisième grande ville de Kabylie Bouira, ont été le théâtre d'émeutes et de saccages de bâtiments publics, selon des témoignages d'habitants. Depuis le début des émeutes, le 18 avril, au moins cinq personnes sont mortes et plus de soixante-dix ont été blessés, selon des bilans de presse. Une seule personne a été tuée, selon le ministère de l'Intérieur. Je devais avec un autre membre de la ligue – le professeur K.D. – me rendre en Kabylie pour la FIDH au courant du mois de mai, m’enquérir du déroulement des événements. Cela n’a pas abouti.
Plus tard, une Commission d’enquête officielle appelée « Issad », (du nom de son président Mohand Issad) fut mise en place. Son rapport préliminaire (juillet 2001) fera état de 50 citoyens tués. Yassin Temlali écrit « Selon Mohand Issad, qui a présidé la commission d'enquête officielle, elle a fait 123 morts » (in revue Confluences Méditerranée N° 45, 2003)
Le jeudi 14 juin, Alger a connu une des plus imposantes manifestations jamais organisées. L’AFP écrit : « N'ayant pu déposer leur plate-forme revendicatrice à la présidence de la République algérienne en raison de la tournure dramatique de la manifestation, qui a dégénéré en émeutes et en pillages, les comités de villages et de tribus, organisateurs de la marche, vont devoir à présent essayer de se faire entendre autrement. La manifestation de jeudi à Alger contre "la répression en Kabylie" a fait deux morts et 168 blessés, selon des sources hospitalières. Les deux personnes décédées sont des journalistes qui couvraient la manifestation. L'un a été violemment percuté par un autobus, l'autre écrasé dans une bousculade. »
Deux jours plus tard, en réponse à une question de journaliste, le général Rachid Benyellès répond : « La seule issue à la crise serait que M. Bouteflika parte et que s'instaure une véritable démocratie. Que l'on procède à des élections réellement libres, présidentielle, législatives et communales. Le régime est-il prêt à accepter cela ? Je ne le crois pas. » (Le Monde, 16 juin 2001)

Dix-huit années ont passé. Bouteflika vient d'être remercié. Mais le régime est-il enfin prêt aujourd’hui à entendre les millions d’Algériens crier leur soif de vivre en paix dans une démocratie réelle, respectueuse de leurs libertés ?  

____________IN MEMORIAM___________













 Liste non exhaustive.




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