« photos d’une bibliothèque et son contenu »
(1) Ici la photo d’où germa l’idée de cet atelier
« photos d’une bibliothèque et son contenu »
Tout a commencé le matin de ce 4° lundi du mois de mars – il y a donc
quatre jours – avec cette image trouvée sur Facebook (1) intitulée Labyrinthe de livres,
elle montre deux adolescents courant dans un dédale de livres… La photo
illustre l’occupation du temps en un lieu clos ou dans « un labyrinthe
de livres ». Ce lundi ouvre la deuxième semaine de confinement (ordonné
le mardi 17 à compter de midi). Le confinement nous oblige, par
définition, à rester dans un lieu fermé sauf exceptions comme par
exemple effectuer des « déplacements brefs, dans la limite d’une heure
quotidienne et dans un rayon maximal d’un kilomètre autour du domicile,
liés soit à l’activité physique individuelle, soit à la promenade… » Du
coup, j’ai réduit à peau de chagrin ma marche quotidienne, pourtant
hautement recommandée par mon médecin traitant « au moins 10000 pas ! »
Me voilà confiné comme le gardien du phare de Langoz ou de Nividic en
temps de tempête. Je passe mon temps dans mon bureau à errer de Facebook
à YouTube en passant par des sites de toutes sortes. Mais, avec ou sans
coronavirus, je continue de lire et d’écrire. Plus d’écrire, des heures
durant. Ce matin, en regardant cette belle photo (1) des deux jeunes
ados courant dans un dédale de livres, une idée a germé dans mon esprit.
Je me suis dit que moi aussi je pouvais courir au cœur de ma
bibliothèque, de mon labyrinthe de livres et monter un atelier
d’écriture créative, ce que des années durant j’ai pratiqué (avec des
élèves de tous niveaux et aussi des adultes, au profit d’associations,
parfois de prisonniers), mais aujourd’hui sans aucun participant sinon moi-même « joueur et
arbitre ». Le temps de jadis à naguère, avec ou sans regret, est révolu.
Alors, par où et comment commencer ? Par la photo justement. Dans la
préparation d’un atelier d’écriture créative il est important de choisir
« la situation initiale » sur laquelle reposera tout l’atelier. J’ai
choisi celle de la combinaison « photos d’une bibliothèque et son
contenu ». On peut apporter aux ateliers d’écriture créative autant de
nuances qu’il y a de couleurs.
J’ai
donc pris des photos, beaucoup. Il en a fallu 44 pour balayer tous les rayons
de ma bibliothèque, celle de mon bureau. Une à deux photos par casier. En
moyenne chaque photo montre deux douzaines de livres. Beaucoup d’autres livres
de vieilles éditions (voir photo n° 16)…, classés en deuxième rangée, ne sont
pas visibles sur les photos. Je me suis contenté de travailler sur les titres
apparents, en respectant des consignes ou contraintes élaborées en amont.
J’ai
extrait parmi ces mille livres un par photo. J’ai ensuite feuilleté chacun des 44
livres choisis au hasard (plus ou moins), pour en extraire au hasard aussi
(plus ou moins) un court passage de cinq phrases maximum. J’ai ensuite mis bout
à bout les 44 courts textes en intégrant un apport personnel de deux phrases
maximum (ou segment de phrases) pour faire jonction entre les extraits de
livres. Cet ensemble j’ai « monté un texte » plus ou moins
cohérent. Habituellement, avec les groupes de jeunes (ou non) je ne proposais
pas autant de livres, deux ou trois par participant selon l’importance du
groupe. À la fin de l’exercice, chacun lisait son texte que l’on portait au
tableau, puis, dans un capharnaüm (obligé) indescriptible, ils en faisaient un
texte global cohérent. Nécessairement nous abordions tel ou tel auteur, tel ou
tel type de roman, de contenu, d’écriture…
Pour
ce qui concerne l’exercice présent, j’ai retenu, comme écrit plus haut, un
extrait par livre, soit 44 en tout. Je les ai ensuite classés de sorte qu’ils forment
un ensemble censé sans quoi le jeu ne vaut rien. Cela n’a pas été facile et
cela n’est pas toujours aisé. J’ai gardé les textes des auteurs quasiment tels
quels. J’ai réduit au maximum mes interventions d’où les concordances de temps
par exemple boiteuses. L’essentiel est ailleurs. Il a fallu que j’ajoute entre
les extraits des auteurs ou au cœur des extraits eux-mêmes mes propres mots (ils sont en italique), mais cela fait
partie du jeu, une contrainte parmi d’autres. Les nombres entre parenthèse
renvoient aux titres/auteurs que l’on retrouve en fin du texte.
Voici
d’abord la liste des 44 ouvrages. Puis ensuite le résultat de l’atelier
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Liste des ouvrages
1 : Amin Malouf- Les désorientés p 357
2 : David Grossman-Une femme fuyant l’annonce-p
95
3 : Philippe Roth- Némésis- page 157
4 : Carlos Liscano- Souvenirs de la guerre
récente, p 43
5 : Jack Kerouac- Sur la route, 173
6 : Basho, Issa, Shiki- L’Art du Haïku, p 130
7 : Alessandro Barico- soie, p 15
8 : Marie Ndiaye- Trois femmes puissantes, p 250
9 : Mahmoud Darwich- La terre nous est étroite, p
215
10 : Attac- Transgénial !, p 98
11 : Edgar Morin- La méthode : 5-L’humanité
de l’humanité, p 330
12 : Jorge Luis Borges- Fictions, p 96
13 : William Faulkner- Lumière d’août, p 527
14 : Michel Foucault- Surveiller et punir, p 294
15 : Georges Friedmann- Le travail en miettes, p
221
16 : Edouard Dujardin- Les lauriers sont coupés,
p96-97
17 : Laurent Gaudé- De sang et de lumière, p
11
18 : Arthur Rimbaud- Œuvres, Une saison en enfer,
p 193
19 : Blaise Pascal- Pensées, p 76
20 : Littré- Tome 5, p 5720
21 : Marcel Proust- Du côté de chez Swann
22 : Homère- L’Odyssée, p 171
23 : Taha Hussein- Le livre des jours, p 224
24 : Tahar Ben Jelloun- La réclusion solitaire, p
39
25 : Ahlam Mostegnanemi- Le chaos des sens, p 360
26 : Salim Bachi- Autoportrait avec Grenade, p 45
27 : Isabelle Eberhardt- Amours nomades, p 49
28 : Abdelkader Djemaï- Zorah sur la terrasse, p
83
29 : Kaoutar Harchi- Je n’ai qu’une langue…, p
282
30 : Marsa- Jean Sénac, Pour une terre possible,
p 212
31 : Mohamed Nedali- Morceaux de choix, p 112
32 : Ibn Khaldoun- Discours sur l’Histoire
universelle T3, p 1214
33 : Saint Augustin- Confessions, p 422
34 : Jacques Ferrandez- L’Étranger (BD), p 64
35 : Albert Camus- Noces suivi de l’été, p 108
36 : Les Cahiers de l’Orient- 4°tr. 1994, 1° tr.
1995
37 : Pierre Bourdieu- Raisons pratiques, p 15
38 : El Hadi Chalabi- La presse algérienne
au-dessus de tout soupçon, p 16
39 : Larousse : Encyclopédie médicale de la
famille
40 : Dominique Eddé- Edward Said, le roman de sa
pensée, p 57
41 : Ahmed Hanifi (désolé) Le choc des ombres, p
244
42 : Encyclopédia Universalis- Tome 18, p 133
43 : Encyclopédia Universalis- 1999, p 472
44 : JMG Le Clézio- Histoire du pied (ma lecture actuelle), p 259
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Résultat de l’atelier
Pour
commencer Le terme ‘‘photography’’
(des termes grecs ‘‘lumière’’ et ‘‘inscription’’ ou ‘‘écriture’’) a été créé en
1836 par sir John William Herschel, en Angleterre, pour désigner l’action
‘‘scriptrice’’ de la lumière sur certaines surfaces sensibles. (42)
Ensuite les
textes. Je dois dire que Longtemps,
je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux
se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : ‘‘je
m’endors.’’ (21) C’est décidé, Je
monte à Paris, armé, dissident et heureux. Face aux heures noires, il me reste
cet îlot, l’amitié de quelques-uns, la vôtre et l’espoir d’un soleil
imputrescible. Avec cela, on peut affronter le dédale. (30) À propos de dédale tiens, je me souviens de
Didier Le soir, il sortait avec des gens de son âge pour aller, en des
endroits qui ne conviennent pas aux savants, entendre de la musique qui n’était
pas faite pour les hommes graves ; enfin il prenait des plaisirs
normalement interdits à ceux qui détiennent des fonctions religieuses. (23) Nous nous retrouvions au bistrot de la rue
de la Charbonnière C’était un bistrot où on servait de grandes tasses de
désolation, de lassitude et de tristesse ; de la bière à la pression et du
vin ordinaire. C’était un dimanche matin ; le moment suprême du tiercé et
des combinaisons bourrées de rêves petits et courts. J’étais bien habillé. (24) Un soir, il racontait son enfance à un
peintre du nord de la France rencontré là Il n’y avait pas de calendriers
illustrés, de portraits sous-verre ou de tableaux accrochés à nos murs. Sur
ceux de votre enfance à Bohain-en-Vermandois non plus. Les seules images que je
regardais étaient celles des livres de classe, des bandes dessinées, les photos
de films et l’affiche en couleurs placardée au fronton du Kid, qui me faisait
parfois rêver et voyager loin. (28) Le
peintre préférait parler littérature L’œuvre
d’Octavio Paz est en cours de publication, sous la direction de J.C. Masson,
dans la bibliothèque de la Pléiade, aux éditions Gallimard, où sont déjà
publiés la plupart de ses livres traduits en français. (43) La pensée
développée dans cet ouvrage a été une pensée par cas, ancrée dans un terrain,
bornée par un certain espace et une certaine temporalité. (29) L’auteur mexicain a beaucoup été imité
disait Didier et cela lui déplaisait Tel écrivain tente de reprendre à son
compte l’œuvre d’un ancien auteur, avec d’autres mots et une disposition
différente : c’est du plagiat pur et simple. Tel autre supprime des
passages essentiels, ou mentionne des choses inutiles, ou remplace le vrai par
le faux. Tout cela n’est que présomption et ignorance. (32) Quant à moi, je pensais à mon poème pastiche de Mouloudji J’avais
glissé ce poème dans mon carnet noir. J’eus brusquement envie de le relire, de
voir l’effet qu’il aurait sur moi, en ce lieu. (25) Je pensai à un labyrinthe
de labyrinthes, à un sinueux labyrinthe croissant qui embrasserait le passé et
l’avenir et qui impliquerait les astres en quelque sorte. Plongé dans ces
images illusoires, j’oubliai mon destin d’homme poursuivi. (12) Je n’ai pas osé, peur du ridicule, c’est que
Nous sommes dans plusieurs jeux, joués, jouets, mais en même temps joueurs.
Toute existence humaine est à la fois jouante et jouée ; tout individu est
une marionnette manipulée de l’antérieur, de l’intérieur et de l’extérieur, et
en même temps un être qui s’auto-affirme dans sa qualité de sujet. (11)
Je les ai
quittés tard dans la nuit pour rentrer chez moi Bercé par le roulis du taxi, des pensées décousues,
sans lien aucun, me traversent comme des nuages gris, puis m’abandonnent sous
la lumière écrasante. Je me souviens d’un jour semblable, où malade à en
crever, je sentis que mourir sous l’éclatant soleil serait un gâchis
insupportable. (26) C’était une époque ou
nous vivions sous tension à cause d’épidémies Après ces cinq ou six nuits,
l’alerte cessa de sonner durant quelques jours. On l’entendit de nouveau,
sporadiquement, pendant un mois environ, puis elle ne sonna plus, de manière
définitive. (4) Les conducteurs
d’autobus de la ligne 8 et de la ligne 14 disent qu’ils refusent de
traverser Weequahic si on ne leur donne pas des masques de protection. Certains
refusent même carrément de passer par là. Les facteurs refusent de venir
distribuer le courrier. Les chauffeurs de camion qui livrent les marchandises
aux magasins, aux épiceries, ceux qui ravitaillent les stations-service, et
ainsi de suite, refusent eux aussi de venir. (3)Je suivais la foule grossissante de ruelle en ruelle, la tête
lourde, les oreilles encore bourdonnantes de fièvre, les tempes en feu, les
coudes et les genoux douloureux. La pression de la foule m’emportait comme un
long torrent. (31) Arrivé à la maison, je
pensais à Ora À dix-neuf heures trente, ce soir-là, elle s’active dans la
cuisine en T-shirt et en jean sans oublier, pour parachever le tableau, le
tablier à fleurs de la parfaite maîtresse de maison : un vrai cordon bleu.
Et tandis que casseroles et poêles fumantes frétillent sur le feu, que des
volutes de vapeur odorante s’élèvent jusqu’au plafond, Ora se dit que tout ira
bien. (2) Puis, je ne sais pourquoi, j’ai
pensé à Ingrid Bergman dans Gaslight Tour à tour son visage est éclairé
puis obscurci, tour à tour dans l’ombre indécise et dans le blanc des lumières, tandis que s’avance la
voiture ; près des becs de gaz, en effet, est une grande clarté puis,
après les becs, un obscurcissement ; encore ; le gaz de droite brille
davantage ; oh ! sa belle blanche face, blanche mat, blanche d’ivoire,
blanche de neige obscure, dans le noir qui l’enserre, et tour à tour plus
blanche, plus lumineuse dans des lumières, et dans l’ombre s’atténuant, et puis
resurgissant ; cependant sur le bois uni du pavé roule la voiture où nous
sommes ; doucement, entre sa robe, il
prend ses doigts ; elle les retire un peu ; et il lui dit : votre visage dans
cette ombre et ces clartés s’harmonisent exquisément… (16) Je pensais à la Grèce et à l’auto-stop avec Dora On est retourné
sur la route en pleine nuit, et bien entendu il ne s’est arrêté personne, vu
qu’il ne passait pas grand monde, de toute façon. Comme ça jusqu’à trois heures
du matin. (5) Dora était samienne Samienne :
Terre samienne, nom d’une sorte de terre blanche et gluante à la langue, qui
vient de l’île de Samos, et qui a été employée en médecine. (20) Je veux dire samienne, grecque de Samos où
je l’ai rencontrée. Elle était avec un type à tourner dans l’île Ils
montaient, se tenant par la main, comme des enfants bien sages, l’escalier
bleu, puis, soulevant le mince rideau voilant leur porte comme d’une brume
légère, ils retrouvaient l’ivresse interrompue la veille, les mille caresses,
les mille jeux charmants. (27) Ils me
laissaient rêveur, plus rêveur que mélancolique. Le type était nerveux, il
gesticulait Où irons-nous, après l’ultime frontière ? Où partent
les
oiseaux, après le dernier. Ciel ? Où s’endorment les plantes, après le
dernier vent ? Nous écrirons nos noms avec la vapeur. (9)La presse
alimente l’affrontement tout
en voulant donner l’impression qu’elle informe sur son contenu et sa
dimension.
Elle n’est donc rien d’autre qu’un instrument au service de choix
stratégiques
dans un affrontement sans merci où l’enjeu reste la population.
(38)Beaucoup d’intellectuels sacrifient par
ailleurs à des stratégies de pouvoir qu’ils font passer avant ce qui est
à mes
yeux la première fonction de l’intellectuel, la fonction critique.
(36)Mais ce nouveau courant, bien qu’il doive s’accentuer avec
les progrès de l’automatisme et l’apparition de nouvelles fonctions, ne
constitue ni une solution universelle, ni une panacée. (15) Apparemment,
un
homme peut tout supporter. Il peut même supporter ce qu’il n’a jamais
fait. Il
peut même supporter l’idée que certaines choses dépassent légèrement la
limite
de ce qu’il peut supporter. Il peut même supporter l’idée que, s’il
pouvait se
laisser aller à pleurer, il ne le ferait pas. Il peut même supporter
l’idée de
ne pas se retourner, même quand il sait que se retourner ou ne pas se
retourner, ça revient en somme à la même chose. (13)Voilà je touche au
but/ et je ne suis pas mort/ fin de l’automne (6)
Oui dit Dora en souriant. Elle était
triste, mais elle souriait L’automne déjà ! – Mais pourquoi regretter
un éternel soleil, si nous sommes engagés à la découverte de la clarté divine,
– loin des gens qui meurent sur les saisons. L’automne. Notre barque élevée
dans les brumes immobiles tourne vers le port de la misère, la cité énorme au
ciel taché de feu et de boue. (18) Le
type l’a reprise. « La clarté, l’automne, l’hiver, le passé, le
futur… » En quelle manière sont donc ces deux temps, le passé, et
l’avenir ; puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas
encore ? Et quant au présent, s’il
était toujours présent, et qu’en s’écoulant il ne devînt point un temps passé,
ce ne serait plus le temps, mais l’éternité. (33) L’éternité dans le cœur de la ville qui a changé depuis le tremblement
de terre. On ne trouvait plus aucune trace, par exemple, de l’ancienne
épicerie, du bouquiniste ou du vieux cinéma, celui devant lequel il était passé
deux fois par jour, pendant des années, le matin autour de sept heures et le
soir vers dix-huit heures trente. (10) J’étais
triste lui dit Dora Curieusement ma colère est tombée d’un coup. J’ai
ressenti une immense tristesse, je veux dire une immense fatigue. Je regardais
cette ville, dont je connais chaque détour, chaque coin de rue, chaque coupole,
parce que je n’ai jamais vécu ailleurs. (44) Avant le tremblement dit le type,
Au début des années soixante, cependant, l’épidémie de pébrine qui avait
rendu inutilisables les œufs des élevages européens se répandit au-delà des
mers, jusqu’en Afrique et même, selon certains, jusqu’en Inde. (7) Un virus implacable Virus : ce
sont les plus petits agents infectieux que l’on connaisse. (39)Il faut survivre aux maladies,/ de
celle qu’on attrape/ dans les rues éventrées des capitales immondes, de celles
qu’on se transmet,/ de celles qu’on respire en famille/ attaché aux jambes
d’une mère/ à ses seins,/ à ses bras,/ la mère/ qui n’en peut plus/ Mais se
lève chaque matin en attendant de finir. (17)Ainsi s’écoule toute la vie ; on cherche le repos en
combattant quelques obstacles, et, si on les a surmontés, le repos devient
insupportable, par l’ennui qu’il engendre ; il en faut sortir et mendier le
tumulte. (19) Le type, Il s’était
levé puis, dans un soupir étranglé, presque un sanglot mais contenu, discret
comme l’était cet homme, il s’était écroulé. (8) Appelle les pompiers lui ai-je dit, les pompiers Je parlerai d’un
pays que je connais bien, non parce que j’y suis né, et que j’en parle la
langue, mais parce que je l’ai beaucoup étudié… Est-ce à dire que ce faisant je
m’enfermerai dans la particularité d’une société singulière et que je ne
parlerai en rien de la Grèce ou de
l’Algérie ? Je ne crois pas. (37)
Doria
pleurait, elle semblait avoir perdu le fil de la réalité Autrefois, l’Occident reprochait à nos pays d’Orient
leurs éphèbes et leurs femmes lascives, et aujourd’hui on nous reproche notre
extrême pudeur. À leurs yeux, quoi que nous fassions, nous sommes toujours en
faute. (1) Elle respira longuement Sur
ces plages…, tous les matins d’été ont l’air d’être les premiers du monde. Tous
les crépuscules semblent être les derniers, agonies solennelles annoncées au
coucher du soleil par une dernière lumière qui fonce toutes les teintes. (35)
Plus tard, Doria me parlera de Larbi, cet ami abandonné qui n’aimait pas les journalistes « il te ressemble » Larbi : « le journaliste dit
que nous sommes son cauchemar. Il répète ‘‘la France c’est plus la
France, c’est l’Afrique.’’ Pourquoi ces gens-là ils nous humilient,
pourquoi ils nous assassinent ? Ces gens-là ils nous poussent à détester
nos parents, à renier nos arrières grands-parents et nos racines ».
(41) Dora me dira aussi qu’un jour, alors qu’elle se promenait avec Larbi sur la plage ils entendirent derrière eux « S’il
y a de la bagarre, toi Masson, tu prendras le deuxième. Moi je me
charge de mon type… Toi Meursault, s’il en arrive un autre, il est pour
toi. » (34)J’ai là cet étranger dont j’ignore le nom ; en ma demeure,
après naufrage il est venu ; mais nous arrive-t-il des peuples de
l’aurore ou de ceux du couchant ? (22) Elle me dit que Larbi s’était dressé contre les agresseurs Ne
craignez-vous pas que le pauvre que l’on traduit sur les bancs des
criminels pour avoir arraché un morceau de pain à travers les barreaux
d’une boulangerie, ne s’indigne pas assez, quelque jour, pour démolir
pierre à pierre la Bourse, un antre sauvage où l’on vole impunément les
trésors de l’État, la fortune des familles. Or cette délinquance propre à
la richesse est tolérée par les lois, et lorsqu’il lui arrive de tomber
sous leurs coups, elle est sûre de l’indulgence des tribunaux et de la
discrétion de la presse. (14) Ces mots de Larbi me renvoyèrent à ceux d’un vieil ami d’Edward. Derrière
la révolte d’Edward Saïd contre le regard supérieur que porte
l’Occident sur l’Orient, d’où naîtra ‘‘L’Orientalisme’’, se jouent deux
libérations : d’un côté, la sienne vis-à-vis d’un père en accord avec le
pouvoir du plus fort (l’Amérique) et, bien plus complexe, plus
difficile à formuler, vis-à-vis d’une mère aussi possessive que
changeante, et, puis enfin, sur le plan collectif : celle des peuples
abusés par les dominants. (40) »
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Moralité de cet atelier ?
Faut-il qu’il y ait une moralité ? je ne sais pas, mais je sais que
l’on peut, avec un minimum de volonté, vivre intelligemment en
interagissant par exemple avec des écrivains de tous horizons, à travers
leurs écrits, quitte à en dégager sa propre morale et une idée
d’écriture pour soi-même.
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