Il y a 50 ans. À Paris. Faisait-il beau ou mauvais en ce jour de septembre ? je n’en sais plus rien aujourd’hui. Ce n’est plus important. Ma mémoire me restitue ce qu’elle veut ou peut. J’avais un peu plus de vingt ans. Je remontais le boulevard Saint-Michel. Nous étions le 13 ou 14 du mois. Devant moi, à hauteur de la bouche de métro, un groupe de personnes se pressait devant une grande table retenue par des tréteaux que l’on devinait sous une grande toile de circonstance, noire.
Je me dirigeais vers une agence de voyage pour confirmer mon billet d’avion. Le 18 je prendrais en effet un vol pour Copenhague, ville de tous mes fantasmes. J’interroge autour de moi : « une pétition ». Je fais du coude. Nous sommes nombreux. Les visages sont graves. Quelques-uns s’essuient les yeux. Des paroles fusent. Elles se font slogans. « À bas le coup d’État ! » « À bas l’impérialisme américain ! » Les stylos passent de main en main, comme dans un ralenti de film. Sur des feuilles volantes 21X29 on a tracé des colonnes. On signe à tour de bras. On retient les tracts que distribuent des militants du PCF, et de la LC. Des banderoles sont déployées. Je demande « je peux signer moi aussi ? » J’avais à peine 20 ans et n’étais ni politisé, ni syndiqué, ni rien, mais quelque chose s’est passé en moi en ces instants-là. Quelque chose de définitif. « Oui bien sûr, nom prénom, adresse et signature ». Je n’ai pas d’adresse ici.
Ce lointain et dramatique événement cognera désormais en moi, chaque année de la même façon, à la porte du 11 septembre. Je ne peux l’expliquer. Une sensation d’avoir perdu quelque chose d’important, un être cher, une part de moi-même. Je ne connaissais ni le Chili, ni les chiliens. Mais quelque chose d’indicible se forgeait. Au Chili, les militaires avaient mis un terme à « une expérience de transformation sociale sans précédent ». Elle n’avait que trois ans, mise en marche par l’ Unité Populaire « qui avait engagé le Chili dans la voie du socialisme démocratique ». L’Espoir était assassiné, Salvador Allende a choisi ce jour-là de mettre fin à ses jours, plutôt que de se rendre au félon, le dictateur Pinochet aujourd’hui enfoui dans le dépotoir de l’Histoire.
J’ai signé la pétition et plus tard je m’engagerai à connaître le continent Latino, en m’inscrivant à plusieurs Unités de valeurs à l’université sous la houlette d’enseignants latino-américains réfugiés en France. Et découvrirais le peuple chilien (et argentin, cubain…) avec bien sûr Isabel, Violeta Parra…
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Écoutez-les ici :
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