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mardi, janvier 16, 2024

823_ LE NETTOYAGE ETHNIQUE DE LA PALESTINE


 





Commençons par ceci :

In « TRTFRANÇAIS (Service Français de la Radio et Télévision de Turquie) : 13 déc. 2023 

Fayard retire des ventes le livre "Nettoyage ethnique en Palestine" d’Ilan Pappé 

Une nouvelle censure ? Selon le magazine littéraire en ligne Actualitté, la maison d'édition française Fayard a suspendu depuis le 7 novembre la vente du livre de l'historien israélien Ilan Pappé sur la création d'Israël en 1948 et le nettoyage ethnique du peuple palestinien. 

D’après Fayard, contacté par Actualitté, la raison serait que "le contrat était caduc depuis le 27 février 2022. La maison a donc acté, le 3 novembre dernier, sa fin d’exploitation." … 

Ilan Pappé démontre dans son livre que la fondation d’Israël en 1948 s’est faite sur la base de l’expulsion de la population arabe par des méthodes de nettoyage ethnique, une politique d’expulsion systématique que Pappé appelle un "génocide progressif". En outre, la suspension des ventes du livre a eu lieu après que Hachette Livre, la société faîtière de Fayard, a été rachetée par le milliardaire français d'extrême droite Vincent Bollore en novembre.

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Voici les premières pages du livre censuré par Bolloré

LE NETTOYAGE ETHNIQUE DE LA PALESTINE

De ILAN PAPPE _ Ed Fayard (Paris, 2008)

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La Maison rouge

« Nous ne pleurons pas l’adieu/ Nous n’avons pas le temps ni les larmes/ Nous ne comprenons pas l’instant de l’adieu/ Pourquoi c’est l’Adieu/ Et il nous reste les larmes » Muhammad Ali Taha (1988), réfugié du village de Saffuriya. 

Je suis pour le transfert forcé. Je ne vois rien là d’immoral. David Ben Gourion à l’Exécutifde l’Agence juive, juin 1938. 

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 La « Maison rouge » était un bâtiment typique des premiers temps de Tel- Aviv. Elle faisait l’orgueil des maçons et artisans juifs qui l’avaient construite dans les années 1920 pour être le siège de l’union locale du syndicat ouvrier. Elle a servi à cela jusqu’au jour, vers la fin de l’année 1947, où elle est devenue le quartier général de la Haganah, la principale milice clandestine sioniste en Palestine. Situé près de la mer, rue Yarkon, dans le nord de Tel-Aviv, l’immeuble était un nouvel ornement pour la première ville « hébraïque » sur la Méditerranée – la « Ville blanche », comme disaient affectueusement ses lettrés et ses érudits. C’est qu’en ce temps-là, contrairement au nôtre, avec le blanc immaculé de ses maisons, toute la ville baignait encore dans l’opulent éclat typique des ports méditerranéens de l’époque et de la région. C’était une vue extrêmement agréable, où les motifs du Bauhaus fusionnaient élégamment avec l’architecture indigène palestinienne dans un style mixte, dit « levantin », au sens le moins péjoratif du terme. Un style qu’illustrait bien la Maison rouge, dont les lignes simples, rectangulaires, étaient embellies en façade par les arcs qui encadraient l’entrée et soutenaient les balcons de ses deux étages. L’appelait-on « rouge » à cause de son association avec le mouvement ouvrier, ou de la teinte un peu pourprée qu’elle prenait au soleil couchant (Ou encore, comme certains en sont convaincus, parceque sa façade avait été peinte en rouge en signe de solidarité avec le socialisme ) ? La première explication est plus plausible, d’autant que cette maison est restée liée à la version sioniste du socialisme en devenant, dans les années 1970, le siège central du Mouvement des kibboutzim d’Israël. Ce sont des bâtiments comme celui-là, importants vestiges historiques de la période du Mandat, qui ont amené l’UNESCO, en 2003, à inscrire Tel-Aviv au nombre des sites du patrimoine mondial. 

Aujourd’hui la Maison rouge n’existe plus, victime de la promotion immobilière qui a rasé cette relique architecturale pour aménager un parking près du nouveau Sheraton. Dans cette rue non plus il ne reste donc aucune trace de la « Ville blanche », qui s’est lentement et bizarrement transfigurée en cette métropole tentaculaire, polluée, extravagante, qu’est la Tel-Aviv actuelle. 

Dans cette maison, par un froid mercredi après-midi, celui du 10 mars 1948, onze hommes, vieux dirigeants sionistes et jeunes officiers juifs, ont mis la dernière main à un plan de nettoyage ethnique de la Palestine. Le soir même, des ordres ont été envoyés aux unités sur le terrain pour préparer  l’expulsion systématique des Palestiniens de vastes régions du pays.  (Un historien, Meir Pail, affirme que les ordres ont été envoyés une semaine plus tard (Meir Pail, De la Haganah aux FDI, p. 307). Ces ordres s’accompagnaient d’une description détaillée des méthodes à employer pour évacuer les habitants de force : intimidation massive, siège et pilonnage des villages et des quartiers, incendie des maisons, des biens, des marchandises, expulsion, démolition et pose de mines dans les décombres pour empêcher les expulsés de revenir. Chaque unité a reçu sa propre liste de villages et de quartiers cibles, dans le cadre du plan global. Le « plan D » (en hébreu Daleth) – tel était son nom de code – constituait la quatrième et dernière version de plans moins développés qui esquissaient, dans ses grandes lignes, le destin que les sionistes réservaient à la Palestine, donc à sa population indigène. Les trois versions précédentes étaient restées vagues quant aux intentions des dirigeants sionistes face à la présence de tant de Palestiniens sur la terre que le mouvement national juif revendiquait comme sienne. La quatrième et dernière le disait clairement et sans ambiguïté : ils devaient partir (Les documents de la réunion sont résumés dans les Archives des FDI, GQG/Service opérations, 10 mars 1948, dossier 922/75/595, et dans les Archives de la Haganah, 73/94) Pour citer l’un des premiers historiens à avoir remarqué l’importance de ce plan, Simha Flapan, « la campagne militaire contre les Arabes, dont la “conquête et destruction des zones rurales”, était exposée en détail dans le plan Daleth de la Haganah ». (Simha Flapan, The Birth of Israel : Myths and Realities, p. 93.) De fait, son objectif était la destruction de la Palestine rurale et urbaine. 

Comme tenteront de le montrer les premiers chapitres de ce livre, ce plan était à la fois l’inévitable produit de la volonté idéologique du sionisme d’avoir une population exclusivement juive en Palestine et une réaction à la situation sur le terrain après la décision du cabinet britannique de mettre fin au Mandat. Les heurts avec les milices locales palestiniennes créaient le contexte et le prétexte parfaits pour concrétiser la vision idéologique d’une Palestine ethniquement homogène. La politique sioniste s’est d’abord fondée, en février 1947, sur une logique de représailles contre les attaques palestiniennes ; puis, en mars 1948, elle a pris l’initiative d’un nettoyage ethnique à l’échelle du pays. (Dans Rebirth and Destiny of Israel, David Ben Gourion écrit sans détour : « Avant le départ des Britanniques [15 mai 1948], les Arabes n’ont envahi ou conquis aucune implantation juive, si éloignée fût-elle, tandis que la Haganah [...] a pris de nombreuses positions arabes et libéré Tibériade et Haïfa, Jaffa et Safed. [...] Ainsi, le jour du destin, la partie de la Palestine où la Haganah pouvait opérer était presque vide d’Arabes » (Ben Gourion, Rebirth and Destiny of Israel, p. 530). )

Une fois la décision prise, il a fallu six mois pour l’appliquer. Quand tout a été fini, près de 800 000 personnes – plus de la moitié de la population indigène de Palestine – avaient été déracinées, 531 villages détruits, 11 quartiers vidés de leurs habitants. Le plan décidé le 10 mars 1948 et surtout sa mise en œuvre systématique au cours des mois suivants ont été un cas clair et net de ce « nettoyage ethnique » que le droit international actuel considère comme un crime contre l’humanité. 

(…)

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J’y revendrai sur FB, 

et sur mon site : http://ahmedhanifi.com/le-nettoyage-ethnique-de-la-palestine/

 

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LE NETTOYAGE ETHNIQUE DE LA PALESTINE – 

ILAN PAPPE – 

Fayard 2008

(LE LIVRE CENSURÉ)

Suite-2

Après l’Holocauste, il est devenu pratiquement impossible de dissimuler des crimes contre l’humanité à grande échelle. Dans notre monde moderne mené par la communication, notamment depuis l’essor des médias électroniques, on ne peut plus nier ou cacher à l’opinion publique les catastrophes créées par l’homme. Un de ces crimes, pourtant, a été presque entièrement effacé de la mémoire publique mondiale : la spoliation des Palestiniens par Israël en 1948. Cet événement, le plus fondamental de l’histoire moderne de la Palestine, a été systématiquement nié ; il n’est toujours pas reconnu aujourd’hui comme un fait historique, et moins encore comme un crime auquel il faut faire face politiquement et moralement. 

Le nettoyage ethnique est un crime contre l’humanité. Aujourd’hui, ceux qui le commettent sont considérés comme des criminels, à traduire devant des tribunaux spéciaux. Peut-être est-il difficile de dire comment il faudrait qualifier ou traiter, sur le plan du droit, les initiateurs et les exécutants du nettoyage ethnique de 1948 en Palestine, mais il est possible de reconstituer leurs crimes, et de parvenir ainsi à un récit historique plus exact que ceux qui ont été élaborés jusqu’à présent, et à une position morale plus juste. 

Nous savons comment s’appelaient ceux qui étaient assis dans cette pièce, au dernier étage de la Maison rouge, sous des affiches de style marxiste ornées de slogans comme « Frères en armes » et « Le poing d’acier », où l’on voyait des Juifs « nouveaux » – musclés, toniques, bronzés – pointer leurs fusils derrière des barrages dans un « combat courageux » contre des « envahisseurs arabes hostiles ». Nous connaissons aussi les noms des officiers supérieurs qui ont exécuté les ordres. Tous sont des figures familières du panthéon de l’héroïsme israélien. Il n’y a pas si longtemps, beaucoup étaient encore en vie et jouaient un rôle majeur dans la politique et la société israéliennes ; très peu sont encore parmi nous aujourd’hui. 

Pour les Palestiniens et pour tous ceux qui ont refusé de croire au récit sioniste, il était clair bien avant la rédaction de ce livre que ces personnages avaient commis des crimes, mais qu’ils avaient réussi à échapper à la justice et ne seraient probablement jamais jugés. Pour les Palestiniens, outre leur traumatisme, la frustration la plus profonde a été de voir constamment, depuis 1948, le comportement criminel de ces hommes si radicalement nié et la souffrance palestinienne si totalement ignorée. 

Il y a une trentaine d’années, les victimes du nettoyage ethnique ont commencé à reconstituer le panorama historique que le récit officiel israélien de 1948 avait tout fait pour dissimuler et pour déformer. Le conte qu’avait concocté l’historiographie sioniste parlait d’un « transfert volontaire » massif de centaines de milliers de Palestiniens : ils auraient décidé de quitter momentanément leurs maisons et leurs villages pour laisser le terrain aux armées d’invasion arabes venues détruire l’État juif naissant. Dans les années 1970, en rassemblant des souvenirs et des documents authentiques sur ce qui était arrivé à leur peuple, des historiens palestiniens, dont le plus éminent est Walid Khalidi, ont réussi à retrouver une large part de ce qu’Israël avait tenté d’effacer. Ils ont vite été rejetés dans l’ombre par des ouvrages comme Genesis 1948, de Dan Kurzman, paru en 1970 et réédité en 1992 (avec une introduction de l’un des exécutants du nettoyage ethnique de la Palestine, Yitzhak Rabin, alors Premier ministre d’Israël). Mais il s’est aussi trouvé des auteurs pour soutenir l’effort des historiens palestiniens – par exemple Michael Palumbo, dont le livre The Palestinian Catastrophe, publié en 1987, confirmait leur version des événements de 1948 en se fondant sur les documents de l’ONU et sur des entretiens avec des réfugiés et exilés, toujours hantés par le souvenir obsédant de ce qu’ils avaient vécu pendant la Nakba. 

L’entrée en scène, dans les années 1980, de la « nouvelle histoire » en Israël aurait pu être une percée politique dans la bataille de la mémoire en Palestine : un petit groupe d’historiens israéliens ont tenté de réviser le récit sioniste de la guerre de 1948. J’en faisais partie, mais nous, les « nouveaux historiens », n’avons jamais beaucoup contribué à la lutte contre la négation de la Nakba : nous avons marginalisé la question du nettoyage ethnique pour nous concentrer sur des détails, conformément à un travers typique des historiens de la diplomatie. Néanmoins, en exploitant essentiellement les archives militaires d’Israël, les nouveaux historiens israéliens ont réussi à montrer combien était fausse et absurde la thèse sioniste des « Palestiniens partis d’eux-mêmes ». Ils ont pu confirmer quantité de cas d’expulsion massive de villages et de villes, et révéler que les forces juives avaient commis un nombre considérable d’atrocités, dont des massacres. 

L’historien israélien Benny Morris a été l’un des auteurs les plus en vue sur le sujet. Comme il s’est exclusivement fondé sur les documents des archives militaires, il a abouti à un tableau très partiel de ce qui s’était passé sur le terrain. Mais ce résultat a été suffisant pour faire comprendre l’essentiel à certains de ses lecteurs israéliens : la « fuite volontaire » des Palestiniens était un mythe, et l’image qu’avaient d’eux-mêmes les Israéliens (persuadés d’avoir fait en 1948 une guerre « juste » à un monde arabe hostile et « primitif ») était considérablement compromise et peut-être déjà condamnée. 

Le tableau était partiel parce que Morris a pris au pied de la lettre, voire considéré comme vérité absolue, les rapports militaires israéliens qu’il a trouvés dans les archives. Il a donc ignoré des atrocités comme l’empoisonnement de l’alimentation en eau d’Acre par la typhoïde, de nombreux cas de viol et les dizaines de massacres perpétrés par des soldats juifs. Il n’a cessé aussi de soutenir – à tort – qu’avant le 15 mai 1948 il n’y avait pas eu d’évacuations forcées. Les sources palestiniennes montrent clairement que, plusieurs mois avant l’entrée des troupes arabes en Palestine et à une époque où les Britanniques étaient encore responsables du maintien de l’ordre dans le pays – donc avant le 15 mai –, les forces juives avaient déjà réussi à expulser par la violence près de 250 000 Palestiniens. Si Morris et les autres historiens avaient exploité les sources arabes ou s’étaient tournés vers l’histoire orale, ils auraient peut-être mieux compris la planification systématique à l’œuvre derrière l’expulsion des Palestiniens en 1948, et décrit en termes plus véridiques l’énormité des crimes commis par les soldats israéliens. 

Il aurait été nécessaire à l’époque, et il l’est toujours aujourd’hui, tant historiquement que politiquement, d’aller plus loin que le type de récit donné par Morris. Pas seulement pour achever le tableau (en donner, en fait, la seconde moitié), mais aussi pour une autre raison, infiniment plus importante : parce que nous n’avons aucun autre moyen de comprendre pleinement les racines du conflit israélo-palestinien actuel. Et surtout, bien sûr, parce que poursuivre la lutte contre la négation du crime est un impératif moral. Aller plus loin, d’autres avaient déjà commencé à le faire. L’ouvrage le plus important, comme on pouvait s’y attendre au vu de ses contributions antérieures, a été le livre fondateur de Walid Khalidi, All That Remains. C’est un almanach des villages détruits, qui demeure un guide essentiel pour qui veut mesurer l’ampleur de la catastrophe de 1948. 

L’histoire déjà exposée, dira-t-on peut-être, aurait dû suffire à susciter des interrogations troublantes. Mais le récit de la « nouvelle histoire » et les apports de l’historiographie palestinienne récente n’ont pas réussi à percer dans l’espace public de la conscience et de l’action. Dans ce livre, je voudrais explorer à la fois le mécanisme du nettoyage ethnique de 1948 et le système cognitif qui a permis au monde d’oublier et aux perpétrateurs de nier le crime commis par le mouvement sioniste contre le peuple palestinien en 1948. 

Autrement dit, je veux plaider pour une refondation de la recherche historique et du débat public sur 1948 : le paradigme du nettoyage ethnique doit remplacer celui de la guerre. Je suis certain que l’absence du premier explique en partie pourquoi la négation de la catastrophe a pu se perpétuer si longtemps. Quand il a créé son État-nation, le mouvement sioniste n’a pas fait une guerre dont la conséquence « tragique mais inévitable » a été l’expulsion d’une « partie » de la population indigène. C’est le contraire. L’objectif premier était le nettoyage ethnique de l’ensemble de la Palestine, que le mouvement convoitait pour son nouvel État. Quelques semaines après le début de ce nettoyage, les États arabes voisins ont envoyé une petite armée – petite par rapport à leur puissance militaire globale – pour essayer, en vain, de l’empêcher. La guerre avec les armées régulières arabes n’a pas interrompu les opérations de nettoyage ethnique, qui se sont achevées avec succès à l’automne 1948. 

Aux yeux de certains, cette approche – faire du paradigme du nettoyage ethnique le fondement a priori du récit de 1948 – paraîtra d’emblée une inculpation. À bien des égards, effectivement, c’est mon J’accuse contre les dirigeants politiques qui ont conçu le nettoyage ethnique et les généraux qui l’ont exécuté. Cela dit, si je les désigne nommément, ce n’est pas parce que je souhaite qu’on les juge à titre posthume, mais c’est pour humaniser les persécuteurs autant que les victimes : je ne veux pas que les crimes commis par Israël soient attribués à des facteurs insaisissables, aux « circonstances », à l’ « armée », que l’on dise comme Morris « à la guerre comme à la guerre », ou autres formulations floues qui dédouanent les États souverains et permettent aux individus d’échapper à la justice. J’accuse, mais j’appartiens aussi à la société qui est condamnée dans ce livre. Je me sens à la fois responsable et élément de cette histoire, et, comme d’autres membres de ma société, je suis convaincu – mes dernières pages le montreront – que ce douloureux voyage dans le passé est le seul chemin qui peut permettre d’avancer vers un avenir meilleur pour nous tous, Palestiniens et Israéliens. Parce qu’au plus profond, c’est de cela qu’il s’agit dans ce livre. 

Je ne crois pas que quiconque ait déjà tenté cette démarche. Les deux récits historiques officiels rivaux sur ce qui s’est passé en Palestine en 1948 ignorent l’un et l’autre le concept de nettoyage ethnique. Si la version sioniste/israélienne affirme que la population locale est partie « volontairement », les Palestiniens parlent de la « catastrophe », la « Nakba », qui leur est tombée dessus – ce qui est aussi, en un sens, un terme fuyant, puisqu’il renvoie au désastre lui-même sans dire qui ou ce qui l’a provoqué. Le mot Nakba a été adopté, pour des raisons compréhensibles, afin de tenter de contrer le poids moral de la Shoah, l’Holocauste des Juifs. Mais, en se taisant sur l’acteur, il a peut-être contribué aussi à la persistance de la négation par le monde du nettoyage ethnique de la Palestine, en 1948 et depuis. 

(à suivre) 

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LE NETTOYAGE ETHNIQUE DE LA PALESTINE – 

ILAN PAPPE – 

Fayard 2008

(LE LIVRE CENSURÉ)

Suite-3

 

Le livre s’ouvre sur une définition du nettoyage ethnique que j’espère assez transparente pour être acceptable par tous : c’est celle qui a servi de base aux actions judiciaires contre les auteurs de ce type de crime dans le passé et aujourd’hui. Étonnamment, le discours juridique, habituellement complexe et impénétrable pour la plupart des mortels ordinaires, s’exprime ici en langage clair et sans jargon. Cette simplicité n’amoindrit pas l’horreur du crime, ne nie pas sa gravité : elle décrit sans détour une politique odieuse que la communauté internationale juge aujourd’hui impardonnable. 

La définition générale du nettoyage ethnique s’applique presque mot pour mot au cas de la Palestine. Vu sous cet angle, le récit de ce qui s’est passé en 1948 apparaît comme un chapitre pas très compliqué, mais sûrement pas simpliste pour autant, ni secondaire, de l’histoire de la spoliation de la Palestine. De fait, adopter le prisme du nettoyage ethnique permet de percer aisément le voile de complexité que les diplomates israéliens déploient presque instinctivement, et derrière lequel les universitaires israéliens se dissimulent quand ils repoussent les tentatives extérieures pour critiquer le sionisme ou l’État juif en raison de ses politiques et de son comportement. « Les étrangers », dit-on dans mon pays, « ne comprennent pas et ne peuvent pas comprendre cette histoire déroutante », et il est donc bien inutile ne serait-ce que d’essayer de la leur expliquer. Nous ne devons pas non plus permettre qu’ils participent à des efforts pour résoudre le conflit – sauf s’ils acceptent le point de vue israélien. Tout ce qu’ils peuvent faire, comme les gouvernements israéliens savent si bien le répéter au monde depuis des années, c’est « nous » laisser, nous Israéliens, représentants du camp « civilisé » et « rationnel » dans ce conflit, chercher une solution équitable pour « nous-mêmes » et pour l’autre partie, les Palestiniens, qui, après tout, sont la meilleure incarnation du monde arabe « peu civilisé » et « émotif » auquel ils appartiennent. Quand il s’est avéré que les États-Unis étaient prêts à adopter cette approche déséquilibrée et à soutenir l’arrogance qui la fonde, nous avons eu un « processus de paix » qui n’a conduit et ne pouvait conduire nulle part, puisqu’il ignore totalement le cœur du sujet. 

Mais l’histoire de 1948 n’a évidemment rien de complexe, et ce livre s’adresse autant aux néophytes qu’à ceux qui, depuis des années et pour diverses raisons, s’intéressent déjà à la question de la Palestine et aux moyens de nous rapprocher d’une solution. C’est l’histoire simple mais horrible du nettoyage ethnique de la Palestine, un crime contre l’humanité qu’Israël a voulu nier et faire oublier au monde. Il nous incombe de le sauver de l’oubli, et pas seulement dans un geste trop longtemps différé de reconstruction historiographique ou de conscience professionnelle. C’est à mon avis une décision morale, le tout premier pas qu’il nous faut faire si nous voulons que la réconciliation ait une chance et que la paix prenne racine sur les terres déchirées de Palestine et d’Israël. 

Un « prétendu » nettoyage ethnique ? 

L’auteur de ces lignes estime que le nettoyage ethnique est une politique bien définie d’un groupe particulier de personnes, visant à éliminer systématiquement d’un territoire donné un autre groupe sur la base de l’origine religieuse, ethnique ou nationale. Cette politique implique la violence, et se trouve très souvent liée à des opérations militaires. Elle est à exécuter par tous les moyens possibles, de la discrimination à l’extermination, et implique des violations des droits humains et du droit humanitaire international. [...] La plupart des méthodes de nettoyage ethnique constituent de graves infractions aux Conventions de Genève de 1949 et aux Protocoles additionnels de 1977. (Drazen Petrovic, « Ethnic Cleansing. An Attempt at Methodology », European Journal of International Law, vol. 5, n° 3, 1994, p. 342-360.)

Définitions du nettoyage ethnique 

Le nettoyage ethnique est aujourd’hui un concept bien défini. Au départ presque exclusivement associé aux événements de l’ex-Yougoslavie, il est désormais considéré comme un crime contre l’humanité, réprimé par le droit international. L’usage particulier du terme par certains généraux et politiciens serbes a rappelé aux spécialistes qu’ils l’avaient déjà entendu. Il avait été utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale par les nazis et leurs alliés, comme les milices croates en Yougoslavie. La dépossession collective a évidemment des racines plus anciennes : des envahisseurs étrangers ont régulièrement employé l’expression (ou d’autres équivalentes) et mis en pratique le concept contre des populations indigènes, des temps bibliques à la grande époque du colonialisme. 

L’encyclopédie Hutchinson définit le nettoyage ethnique comme une expulsion par la force visant à homogénéiser la population ethniquement mixte d’une région ou d’un territoire particuliers. L’objectif de cette expulsion est de provoquer l’évacuation d’autant de résidants que possible, par tous les moyens dont dispose l’expulseur, y compris les non-violents, comme pour les musulmans de Croatie, expulsés après les accords de Dayton de novembre 1995. 

Cette définition est aussi acceptée par le département d’État des États- Unis. Ses experts ajoutent que l’une des composantes de l’essence même du nettoyage ethnique est l’éradication, par tous les moyens possibles, de l’histoire d’une région. La méthode la plus courante est le dépeuplement dans une « atmosphère propre à légitimer les actes de représailles et de vengeance ». Le résultat final de ce type d’actions est la création d’un problème de réfugiés. Le département d’État a notamment examiné ce qui s’est passé aux alentours du mois de mai 1999 à Peck, une ville de l’ouest du Kosovo. Peck a été dépeuplée en vingt-quatre heures, ce qui n’était réalisable qu’avec un plan élaboré d’avance et exécuté méthodiquement. Il y a eu aussi des massacres sporadiques afin d’accélérer l’opération. Ce qui s’est produit à Peck en 1999 a eu lieu presque de la même manière dans des centaines de villages palestiniens en 1948. 

Si nous nous tournons vers les Nations unies, nous constatons qu’elles recourent à des définitions semblables. L’ONU a discuté sérieusement du concept en 1993. Le Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations unies lie le désir d’un État ou d’un régime d’imposer une domination ethnique sur un territoire mixte – comme la constitution de la Grande Serbie – à l’usage d’actes d’expulsion et d’autres moyens violents. Le rapport publié par le CDH a mis au nombre des actes de nettoyage ethnique « la séparation des hommes et des femmes, la détention des hommes, la destruction des maisons par des explosifs », puis le repeuplement des habitations restantes par un autre groupe ethnique. Dans certaines localités du Kosovo, note ce rapport, les milices musulmanes avaient résisté : là où leur résistance avait été acharnée, l’expulsion s’était accompagnée de massacres. 

Le plan ‘D’ israélien de 1948, mentionné dans la préface, contient un répertoire de méthodes de nettoyage qui correspondent point par point aux moyens décrits par les Nations unies dans leur définition du nettoyage ethnique, et constitue l’arrière-plan des massacres qui ont accompagné l’expulsion massive. 

Ces conceptions du nettoyage ethnique sont aussi la règle dans le monde de la recherche et des universités. Drazen Petrovic a publié l’une des études les plus exhaustives sur les définitions du nettoyage ethnique. Il l’associe au nationalisme, à la constitution de nouveaux États-nations et à la lutte nationale. De ce point de vue, il montre les liens étroits entre les hommes politiques et l’armée dans la perpétration du crime, et analyse la place qu’y tiennent les massacres. En fait, la direction politique délègue la mise en œuvre du nettoyage ethnique aux militaires sans nécessairement leur fournir de plan systématique ni leur donner d’instructions explicites, mais sans laisser le moindre doute sur l’objectif général. 

Donc, à un certain moment – et cela reflète exactement, là encore, ce qui s’est passé en Palestine –, la direction politique cesse d’avoir un rôle actif quand la machine à expulser entre en action et avance, comme un énorme bulldozer propulsé par sa propre force d’inertie, pour ne s’arrêter que quand sa tâche est finie. Les êtres qu’elle écrase et tue importent peu aux politiciens qui l’ont mise en mouvement. Petrovic et d’autres auteurs attirent notre attention sur la distinction entre les massacres qui s’inscrivent dans un génocide, et sont donc prémédités, et les massacres « non prévus », qui sont le résultat direct de la haine et de la vengeance, stimulées par un contexte où des directives générales, venues d’en haut, demandent d’opérer un nettoyage ethnique. 

La définition de l’encyclopédie citée plus haut semble donc en harmonie avec les tentatives scientifiques pour conceptualiser le crime de nettoyage ethnique. Dans les deux approches, le nettoyage ethnique est un effort pour homogénéiser un pays à population ethniquement mixte en expulsant les membres d’un groupe humain particulier, en faisant d’eux des réfugiés et en démolissant les maisons dont on les a chassés. Il peut y avoir un plan général, mais la plupart des soldats engagés dans le nettoyage n’ont pas besoin d’ordres directs. Ils savent ce qu’on attend d’eux. Des massacres accompagnent les opérations, mais, là où ils se produisent, ils ne font pas partie d’un plan génocidaire : ils constituent une tactique cruciale pour accélérer la fuite de la population vouée à l’expulsion. Plus tard, les expulsés sont effacés de l’histoire officielle et populaire du pays, excisés de sa mémoire collective. De la planification à l’exécution finale, ce qui s’est passé en Palestine en 1948 constitue, suivant ces définitions informées et savantes, un cas tout à fait clair de nettoyage ethnique. 

Définitions populaires 

L’encyclopédie électronique Wikipedia est un réservoir accessible de connaissances et d’informations. Tout le monde peut y entrer et compléter ou modifier les définitions existantes. Elle reflète donc – sûrement pas scientifiquement, mais plutôt intuitivement – la façon dont une idée ou un concept sont globalement perçus par l’opinion publique. Comme les définitions savantes et encyclopédiques mentionnées plus haut, Wikipedia voit dans le nettoyage ethnique une expulsion massive, et aussi un crime. Je cite : « Au niveau le plus général, le nettoyage ethnique peut être compris comme l’expulsion forcée d’une population « indésirable » hors d’un territoire donné, à la suite d’une discrimination religieuse ou ethnique, de considérations politiques, stratégiques ou idéologiques ou d’une  combinaison de ces facteurs. » 

L’entrée énumère plusieurs cas de nettoyage ethnique au XXsiècle, de l’expulsion des Bulgares de Turquie en 1913 au retrait par Israël des colons juifs de Gaza en 2005. La liste peut nous paraître un peu étrange, puisqu’elle intègre dans la même catégorie le nettoyage ethnique nazi et la décision d’un État souverain de retirer ses propres citoyens après les avoir déclarés colons illégaux. Mais cette classification devient possible en raison de la politique adoptée par les éditeurs – en l’occurrence, tous ceux qui ont accès au site : ils prennent soin de présenter tous les exemples historiques de leur liste comme « présumés ». 

Wikipedia inclut aussi dans cette énumération la Nakba palestinienne de 1948, mais on ne saurait dire si les éditeurs voient en elle un cas sans ambiguïté de nettoyage ethnique, comme pour les exemples de l’Allemagne nazie ou de l’ex-Yougoslavie, ou un cas plus douteux, peut-être assimilable à celui des colons juifs qu’Israël a retirés de la bande de Gaza. Un critère généralement admis par cette source et par d’autres pour évaluer le sérieux de l’allégation est de vérifier si quelqu’un a été traduit devant un tribunal international. Autrement dit, quand les auteurs ont été poursuivis en justice, c’est-à-dire jugés par une instance judiciaire internationale, toute ambiguïté est levée : il ne s’agit plus d’un crime « présumé », d’un « prétendu » nettoyage ethnique. Cependant, à bien y réfléchir, ce critère devrait être étendu à des cas qui auraient dû être soumis à ce type de tribunaux mais ne l’ont jamais été. Il peut s’agir, admettons-le, d’une démarche de longue haleine, et certains crimes contre l’humanité tout à fait clairs nécessitent une patiente lutte avant d’être reconnus dans le monde comme des faits historiques. Les Arméniens l’ont appris dans le cas de leur génocide. En 1915, le gouvernement ottoman a entrepris de décimer systématiquement le peuple arménien. On estime qu’en 1918 il y eut un million de morts, mais personne n’a été traduit en justice, ni à titre individuel ni comme membre d’un collectif. 

Le nettoyage ethnique : un crime 

Le nettoyage ethnique est désigné comme crime contre l’humanité dans des traités internationaux, ainsi dans celui qui a créé la Cour pénale internationale (CPI), et, qu’il soit « présumé » ou pleinement admis, il donne lieu à un jugement au titre du droit international. Un « Tribunal pénal international » spécial a été créé à La Haye pour poursuivre les criminels dans le cas de l’ex-Yougoslavie, et un autre à Arusha (Tanzanie) dans celui du Rwanda. Dans d’autres cas, le nettoyage ethnique a été défini comme crime de guerre même lorsque aucune procédure judiciaire n’avait été ouverte (par exemple en ce qui concerne les actes du gouvernement soudanais au Darfour). 

Ce livre a été écrit avec la conviction profonde que le nettoyage ethnique de la Palestine doit s’ancrer dans notre mémoire et notre conscience en tant que crime contre l’humanité, et être retiré de la liste des crimes « présumés ». 

Les auteurs, ici, ne sont pas inconnus. Il s’agit d’un groupe précis de personnes, les héros de la guerre d’Indépendance d’Israël, dont les noms seront tout à fait familiers à la plupart des lecteurs. À commencer par le chef incontestable du mouvement sioniste, David Ben Gourion : c’est à son domicile privé qu’ont été discutés et finalisés tous les chapitres de l’histoire du nettoyage ethnique. Il a été secondé par un petit comité que j’appelle dans ce livre le « Conseil consultatif », un organisme « de fait », réuni à seule fin de tramer et d’organiser la spoliation des Palestiniens. L’un des rares documents qui rendent compte des réunions du Conseil consultatif l’appelle le Comité de conseil – Haveadah Hamyeazet. Dans un autre document, les noms de ses onze membres figurent, bien qu’ils aient tous été biffés par le censeur (néanmoins, j’ai réussi à reconstituer la liste). 

Ce collectif a préparé les plans du nettoyage ethnique et supervisé leur exécution jusqu’au moment où le travail – déraciner la moitié de la population indigène de Palestine – a été fini. Il comprenait d’abord les plus haut gradés de la future armée de l’État juif, comme les légendaires Yigaël Yadin et Moshe Dayan. À leurs côtés se trouvaient des personnages inconnus hors d’Israël mais bien présents dans la conscience locale, comme Yigal Allon et Yitzhak Sadeh. Ces militaires étaient mêlés à ce qu’on appellerait de nos jours des « orientalistes », des experts du monde arabe en général et des Palestiniens en particulier, parce qu’ils étaient soit originaires de pays arabes, soit spécialistes du Moyen-Orient. Nous rencontrerons plus loin également certains de leurs noms. 

Ces officiers et ces experts ont été aidés par des commandants régionaux, comme Moshe Kalman, qui a nettoyé la région de Safed, et Moshe Carmel, qui a déraciné l’essentiel de la Galilée. Yitzhak Rabin a opéré tant à Lydda et à Ramla que dans la région du grand Jérusalem. Souvenez-vous de leurs noms, mais commencez à ne pas seulement voir en eux des héros militaires israéliens. Ils ont pris part à la fondation d’un État pour les Juifs, et on peut comprendre que nombre de leurs actes soient honorés par leur peuple, parce qu’ils ont contribué à le sauver d’attaques extérieures, à veiller sur lui dans des moments de crise, et surtout à lui offrir un refuge sûr face à la persécution religieuse dans diverses régions du monde. Mais l’histoire jugera du poids qu’auront en fin de compte ces réalisations quand, sur l’autre plateau de la balance, il y aura les crimes qu’ils ont commis contre le peuple indigène de Palestine. Parmi les autres commandants régionaux, il y avait Shimon Avidan, qui a nettoyé le Sud. L’un de ceux qui se sont battus à ses côtés, Rehavam Zeevi, a dit bien des années plus tard : « Un chef comme Shimon Avidan, le commandant de la brigade Givati, a nettoyé son front de dizaines de villes et de villages. » Il a été aidé en cela par Yitzhak Pundak, qui déclarait à Ha’aretz en 2004 : « Il y avait deux cents villages [sur le front] et ils n’y sont plus. Nous devions les détruire, sinon nous aurions eu des Arabes là-bas [dans le sud de la Palestine], comme nous en avons en Galilée. Nous aurions eu un million de Palestiniens de plus. » 

Il y avait aussi les officiers du renseignement sur le terrain. Loin d’être de simples collecteurs de données sur l’« ennemi », ils ont joué un rôle majeur dans le nettoyage, et pris part aussi à certaines des pires atrocités qui ont accompagné la spoliation méthodique des Palestiniens. On leur avait donné autorité pour décider quels villages seraient détruits, quels villageois exécutés. Dans les souvenirs des survivants palestiniens, ce sont eux qui, après l’occupation d’un village ou d’un quartier, décidaient du sort de ses habitants, ce qui pouvait faire la différence entre la prison et la liberté ou entre la vie et la mort. Leurs activités en 1948 étaient supervisées par Issar Harel, qui serait plus tard le premier dirigeant du Mossad et du Shabak, les services secrets d’Israël. Son image est familière à de nombreux Israéliens. Petit, trapu, Harel avait le modeste grade de colonel en 1948, mais n’en était pas moins l’officier le plus haut placé en matière d’interrogatoires, de constitution de listes noires et d’autres aspects répressifs de la vie palestinienne sous l’occupation israélienne. 

Il importe de le répéter : quel que soit le point de vue que l’on adopte – juridique, scientifique et même populaire –, le nettoyage ethnique est incontestablement reconnu aujourd’hui comme un crime contre l’humanité impliquant des crimes de guerre ; et des tribunaux internationaux spéciaux jugent ceux que l’on accuse d’avoir préparé et exécuté des actes de nettoyage ethnique. J’ajoute néanmoins qu’avec le recul nous pouvons – et, pour être tout à fait franc, si nous voulons donner une chance à la paix en Palestine, nous devons – envisager de faire jouer une règle d’obsolescence dans cette affaire. Mais à une condition : que la seule solution politique normalement considérée dans les autres cas de ce genre, tant par les États- Unis que par les Nations unies, comme essentielle pour la réconciliation soit aussi mise en œuvre dans ce cas-ci, c’est-à-dire le retour inconditionnel des réfugiés dans leurs foyers. Brièvement – trop brièvement –, les États- Unis ont soutenu une décision de l’ONU dans ce sens pour la Palestine, celle du 11 décembre 1948 (la résolution 194). Mais, dès le printemps 1949, la politique américaine a été réorientée sur une voie ostensiblement pro-israélienne, et les médiateurs de Washington sont donc devenus le contraire d’honnêtes courtiers : ils ont largement ignoré le point de vue palestinien en général et le droit au retour des réfugiés en particulier. 

(à suivre)

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