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samedi, septembre 28, 2024

873_ Le bouquiniste le plus connu d’Oran et le plus ancien, est décédé.

 Samedi 28 septembre 2024

On l’appelait « Âmmi Moussa ». Le bouquiniste le plus connu d’Oran, et le plus ancien, Moussa Hamchaoui, est décédé hier vendredi 27 septembre 2024. Il ne lira pas les pages que je lui consacre dans mon dernier roman à paraître bientôt. Dans « Traversées périlleuses du miroir » j’évoque des pans de sa vie. Je lui ai inventé une vie autre que la sienne très probablement, un passé, une histoire alors que nous n’avons lui et moi jamais discuté au-delà de quelques phrases sur tel ou tel livre que je lui achetais. À chacune de mes visites à Oran, sa petite boutique en plein air était une de mes priorités. Rien de plus. Mais il était tellement vrai.
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Voici un extrait de mon roman à paraître fin octobre (1) :
« Le jour déclinait à son rythme sur la rue de la Paix comme sur le boulevard Émir Abdelkader que je remontais. Sur un pan du mur de cette impasse sans nom, oubliée par les services communaux et par les habitants, en face du passage Gasquet, à quelques pas du croisement du boulevard Émir Abdelkader et de la rue Mohamed Boudiaf, toutes sortes de revues, journaux, magazines, dazibaos, illustrés, sont méthodiquement accrochés par Si-Moussa, le propriétaire qui somnolait d’ennui sur la banquette de sa vieille voiture beige aux deux-tiers rouillée. J’ai toqué à la portière brinquebalante, mais pas assez fort pour le réveiller. Le capot de sa Lada et les deux tables pliantes en plastique posées sur le trottoir sont réservés aux livres. Les curieux sont peu nombreux. Ils s’approchent lentement. Leur regard balaie les couvertures. Certains prennent en main une brochure, une revue, les feuillettent en silence puis les reposent. Si-Moussa n’intervient que si on le sollicite. Il parle peu, donne le prix d’un livre, en dévoile quelques passages significatifs quand on le lui demande. Lorsque le jour tombe, il remballe le tout qu’il fourre dans sa vieille soviétique. Ensuite, il prend soin de la protéger avec une immense bâche de camping recouverte de grosses taches brunes, avant de s’en aller discrètement à pied comme il le fait depuis des années. Il ne sait plus lui-même combien. Certains, je ne les crois pas, disent posséder son adresse. Je connais Si-Moussa depuis longtemps. Enfin, ‘‘connaître’’ est un bien grand mot…
Si- Moussa rencontre beaucoup de gens et il discute autant avec tout client ou curieux qui le souhaite. (… sa Lada, il l’avait) achetée à la casse d’el Hamri, derrière le stade Zabana. À la troisième tentative, Si-Moussa a levé la tête puis a ouvert la portière. ’’Ch’hal ?’’ lui ai-je demandé en exhibant un numéro de Rodéo avec Miki le ranger, Tex, Kit Carson, qui enrichira la maigre collection que mon père m’a laissée, ‘‘combien ?’’ ‘‘Vingt mille ! Tu lis ça toi ?’’ Les histoires de cow-boys et de Tuniques bleues, de Cheyennes et de Navajos ont répandu sur ma jeunesse, après celle de mon père, d’innombrables faux reflets irisés que je trouvais alors, comme mon papa probablement, réconfortants. Comment dès lors ne pas détester les Indiens, source de tous les malheurs de l’humanité ? ‘‘À la prochaine !’’… »
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Suivent de nombreuses pages sur son passé par moi inventé : Villeurbanne, 1962, journaliste, le chômage, écrivain public…

Adieu âmmi Moussa


(1): "Traversées périlleuses du miroir". Casbah éditions Octobre 2024

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