(Suite)
- Nay, come, let's go together ! crie un jeune, probablement anglais qui traverse le couloir comme un courant d'air épais, suivi par plusieurs camarades agités par le voyage et l'atmosphère. Une dizaine. Les voilà qui reviennent au bout d'un moment chargés de bonbons de tablettes de chocolat et d'autres sucreries. Quelques-uns bousculent le barman qui n'avait que faire sur leur passage. Ils chahutent et le train ralentit. Helsingor surgit des eaux.
- Elseneur, Elseneur ! Crie l'un d'eux le bras tendu vers le lointain, le visage incliné et les yeux ronds. Son regard glisse le long du bras et file jusqu'au château :
- Kronborg !
Les autres enfants mais aussi des voyageurs se retournent.
- The time is out of joint. O cursed spite, dit un deuxième très inspiré.
- That ever I was born to set it right ! répond un autre.
La panique s'invite à bord ! Rian est nerveux. La force de ses incompréhensibles paroles leur impose le silence : "Malhoum ichalou" dit-il, qu'ont-ils à s'agiter? Puis il replonge dans le quotidien. L'homme qui là, lit un étrange récit où pullulent d'étranges signes abstrus, ne bronche pas, ne cille pas. Les mêmes gamins osent un murmure, lucides mais effrayés : Ogier, Ogier…
Une heure plus tard nous sommes sur l'autre rive du Kattegat, dans les bras de la ville suédoise jumelle. La traversée est rapide, et nous sommes jusque là restés chacun à sa place. Il faut peu de temps au train pour se dégager des entrailles du ferry-boat et s'enfoncer de nouveau dans les terres. Rian et moi -mais d'autres aussi- préférons la froideur tonifiante du zinc du bar aux accotoirs mous des sièges. Je prends la carte des boissons et sandwiches proposés, posée sur une tablette en retrait. Le serveur arrive au même moment plié en huit, le plateau haut sur la tête, débordant d'une kyrielle de verres de soucoupes et de bouteilles vides, des restes de sandwichs ainsi que des pièces de monnaie posées à même le métal.
- Yes? demande-t-il.
- Deux Carlsberg s'il vous plaît. C'est cela hein? fit Rian.
- Carlsberg dis-je spontanément sur un ton monocorde. Nous mangerons plus tard.
Rian prend sa canette, suit le serveur un moment puis disparaît. Avec sa boisson.
Nous prîmes Le Thalys G4 - J 1440 en provenance de Paris à dix heures vingt-et-une. Direction Stockholm. Par ma faute nous avons failli le rater. Fichu train ! Notre train ! Le même train. Les places six et huit de la voiture cinq près du bar étaient inoccupées. Nous nous y assîmes et nous nous observâmes. Il n'y avait point là matière à superstition. Mais nous nous regardâmes néanmoins. Lorsque je repris mes esprits et maîtrisai ma respiration j'ouvris Libération que j'achetai peu avant. Il est daté de ce matin mardi douze. Le titre, en couleurs et sur trois colonnes est affolant. "Alerte à l'astéroïde". Le contenu l'est beaucoup moins. Je lis à haute voix : selon l'astrophysicienne Angellina D. de l'observatoire de Meudon, il est aujourd'hui assuré qu'une collision avec notre planète est à écarter. L'astéroïde XF.11 passera à plus de 518.700 km de la planète terre le vingt-six du mois. Il n'y aura pas d'hiver planétaire…
- Quel mois, quel mois, montre voir !
- Un autre scénario moins réjouissant avait été prédit, il y a quelques années tu t'en souviens, dis-je à Rian dont les yeux balaient avidement le bas des colonnes.
- Pas de panique lit-il à haute voix en guise de réponse et, peu soulagé : tu parles !
(Ces deux derniers jours furent assez calmes après le tumultueux samedi soir. Promenades au bord de mer et dans les rues piétonnes… Mais le samedi, quelle soirée ! Nous l'avons passée dans ce qui fut le Casanova vers la Nybrogade que j'ai aisément retrouvée. Les habitués du club sont moins jeunes. Le style et l'enseigne ont changé. Le temps en a fait son affaire. Dans l'ensemble il demeure agréable. Je proposai à Rian d'y entrer. "Bien sûr" lança-t-il toujours preneur. Trois bouteilles d'échauffement plus tard, nous balayions la piste tant bien que mal, sur des airs poussiéreux comme Pillow Talk, Papa was a rolling stone… Mon corps est aussitôt emporté . Il disparut, totalement inutile, chair encombrante et vaine transportée par mes rêves ivres impalpables mais vrais, incrustés d'infinis espoirs bercés par Lou Reed… I said, hey honey take a walk on the wild side and the coloured girls say dou-doudou-doudoudou-dou-dou…Nous dansions dos à dos ou face à face mais sans ambiguïté : toujours côte à côte. Je sentais que l'on me tirait par la manche au moment où, fatigué, j' avais décidé de m'assoupir.
- Yes dis-je.
Une créature souriait à deux doigts de mon œil. Manifestement elle me demandait quelque chose. Je ne saisis pas ses paroles mais je fus troublé. Les vapeurs me montèrent à la tête. Katarina. Je la voyais bien.
- C'est Katarina, comme tu es jeune !"
La piste est trop étroite. Nous dansâmes jusqu'à l'écœurement. Kat!
- Hey !
C'est fortuitement lors d'une promenade dans Paris sur le quai de Jemmapes, dans une atmosphère de farniente et de rêveries non loin justement de l'hôtel du nord que je la croisai. Un mercredi. Le mercredi trente et un. Flash. Cent watts. Elle se retourna. Idem. Je revins sur mes pas. Qu'ai-je hasardé pour qu'elle rît de bon cœur? Alors j'ai ajouté quelques mots ou fait quelques gestes mais j'ai dû les dire ou les faire autrement que je ne le souhaitais car elle rit de nouveau. Ce n'était pas des choses ou des mots risibles que je voulais qu'elle entendît ou vît. Néanmoins je n'en demandais pas mieux. Alors, banalement, bêtement je lui dis : "Wh're you from ?" Elle susurra : "Norrköping". Elle dit autre chose. Elle parlait encore, elle s'agitait. Elle parlait mais je n'entendais plus que quelques mots. Je la regardais sans la voir ou l'inverse je ne sais plus. Peu importe. Elle précisa : "Norrköping. That's near Stockholm", puis attendit ma réaction. J'eus alors chaud. Les jambes fuirent sous moi. Sciées. Ma langue s'alourdit. Sciée. Je pensais : "C'est pas possible, mon Dieu, c'est pas possible !" Même dans mes pensées mes émotions lâchèrent prise. Les mots comme les émotions lâchèrent prise. Un sentiment de joie intense inonda mon esprit un moment. Attelée aux mots qui décidèrent le black-out ma pensée patina dans l'obscurité. Mon esprit fit immédiatement le lien entre ces paroles, cette fille et le billet d'avion que j'avais dans la poche intérieure de mon veston. Il pensa : "Pourquoi faut-il que cela lui arrive maintenant? Il n'a même pas eu le temps de découvrir une partie de Paris qu'un ange passe et s'arrête. De toute sa vie il n'a vu quelqu'un ou quelque chose d'aussi beau. Vers quelles latitudes va-t-il s'embarquer?". Le sourire soyeux de l'ange naviguait dans le bleu de ses yeux. Bleus. Ce ne sont pas des yeux mais des coupoles de quelque mosquée de Samarkand. Samarkand oui, Samarkand ! Un sourire bleu, glissant, sous une toison naturelle flavescente. Deux corolles de pervenches, posées sur un bouquet d'épis de blé à couper le souffle -aussi. Cet échange provoqua un trouble lumineux et parfumé qui s'installa entre nous.
Elle me proposa un drink. Le zénith. Nous entrâmes dans "le pont tournant" devant nous. Les onze mètres carrés avec le juke-box n'étaient pas peu fiers. Les clients du bistro feignirent l'indifférence. Elle commanda
- A cola please.
Je demandai un verre d'eau. La serveuse s'énervait :
- Vittel? Perrier? Bad…
Moi, la tête haute sans même me retourner, sans réfléchir : "C'est comme vous voulez madame". J'ai peut-être bégayé une plaisanterie ou autre chose.
- Do you know Simenon?
- Oh yeh Simeon. Il y en a beaucoup.
- Commissaire Maigret, la veuve Couderc and so
- Oh sorry, Simenon, yeh, of-course ! L'Afrique vous parle. Elle vous dit merde ! Sorry !
Elle éclata d'un rire unique, tonitruant, vrai. Afin d'en atténuer la portée elle l'accompagna de ses mains qu'elle posa délicatement sur ses lèvres. Mais le rire prit une longueur d'avance. Il enveloppa tout l'espace du café chatouillant chacune des oreilles attentives et les autres.
- Oui, oui ! Hé bien il venait fréquemment dans ce boui-boui pour y écrire…
- Voilà, dit agacée la serveuse névrosée en faisant crisser le cul des bouteilles sur la table de verre. Cela fait treize francs cinquante. S'il vous plaît !
- Boui-boui !
Elle éclata du même rire unique, tonitruant, vrai. "What's that?" Ses mains virevoltèrent quelques instants puis renoncèrent à se poser sur la bouche. Deux clients chauves et bedonnants se retournèrent en même temps au moment même où l'irrésistible rire vrai de la Suédoise retentit. Ils étaient hargneux et jaloux comme des insectes qui cherchent querelle dans la tête des braves gens. Je me mis aussitôt à rire de bon cœur. Franchement. Je dis :
- Boui-boui, yes ! Un petit bar. Nous sommes dans un boui-boui. Simenon aimait bien ce coin. C'est sympathique non?
- Oui, vraiment?
"C'est le moment ou jamais" pensai-je. Je pris de la poche intérieure de mon veston le billet d'avion au départ du Bourget que j'achetai il y a bientôt deux semaines et lui tendis. Je dis :
- I'm going to Copengaguen.
- Copenhaguen? really?
- Yes I'm. Wednesday ninth.
Lorsqu'elle déplia le billet je ne vis plus ses yeux. Elle s'écria : - Kobenhavn !
Elle ajouta :
- Shall I see you there?
- Super ! Of-course on se voit là-bas et comment !
- Dans deux semaines je dois reprendre le travail dit-elle. Un soupçon de regret se forma sur son visage.
Les deux clients reprirent leurs marques. Debout, flan contre flan ils murmuraient quelques ragots à leur image en fixant leur quart de gros rouge ou la serveuse fort occupée, fort agitée, ou bien Garance, en format 0.60m X 0.80m, à demi-nue épinglée sans amour ni marie-louise, là devant leurs yeux pourpres. Je posai quinze francs sur la table. Au loin plusieurs cloches carillonnaient en l'honneur du temps ou d'un événement.
- Au revoir !
Katarina accepta aussitôt que je lui fisse découvrir le peu que je connaissais de Paris. Je dus rectifier mon plan initial. Mon journal personnel s'enrichit de plusieurs pages roses. J'insistai néanmoins:
- Il nous faut plusieurs jours, es-tu d'accord ?
- Yes oh yeh !
Je lui fis donc visiter la tour Eiffel, le Golf Drouot, le célèbre bazar du mufti de l'île Saint Louis. C'est une véritable caverne faite de bric et de broc. On y trouve pêle-mêle des répliques de jarres et d'amphores de la période Hammadite, des almanachs illustrés surchargés, des flacons de parfums de Chine et des cerfs-volants impuissants. Des écrits-cris, lambeaux de vie d'Artaud. Des livres de Genet et même des sulfureux Céline et Drieu La Rochelle. On y trouve aussi le Coran -assurément revisité- et à ses côtés une pâle statuette de la puissante Sakti, des guides Baedeker de voyages aussi précieux que le reste, comportant des cartes des plans de villes et des panoramas. On y trouve aussi des brochures dédiées à Rosa Luxembourg et aux kolkhoz et tout ce qu'il faut savoir sur Mammeri, Yacine et tous les hommes libres et maudits. Des bibelots qui dansent dès qu'on frôle le baby-foot bancal sur lequel, en équilibre instable ils sont oubliés. Et toujours beaucoup de monde. Des touristes et des initiés. Et bien sûr le mufti Lakhdar en personne en maître des lieux toujours affairé. Des bouteilles vides désespérément vides de vin cuit au su et au vu de tous jonchent parfois le sol.
Je lui fis découvrir même Barbès où rue Dejean nous prîmes le lundi deux chambres. C'était l'exigence du vieux patron de l'hôtel, pestant avec son regard-dard torve, plus qu'avec des mots jaunis par la chique plombée dans sa bouche torturée. Il est peut-être parti? Alors que Dieu ait son âme. "Une chambre si vous êtes mariés, deux si vous ne l'êtes pas. C'est comme ça". Il compta trop sur sa vigilance. Peut-être fut-il indulgent car durant deux nuits longues comme celles d'un hiver lapon -ses dernières à Paris- Katarina fit faux bond à l'auberge pour partager les espaces plus chaleureux d'un lit de l'hôtel sans qu'il réagisse. Nous étions emportés l'un et l'autre. L'un contre l'autre, corps unique dans un tourbillon de mots de gazouillis de couleurs de paysages et de parfums ; de bonheur et de silence. D'émotions. La nuit du samedi nous la brûlâmes avec les feux de nos étreintes dans le jardin du Moulin de la Galette. Elle était arrivée en France pour participer à un grand rassemblement de plusieurs mouvements de solidarité avec les populations des pays pauvres qui eut lieu dans la vallée de Chevreuse à l'ouest de Paris. -Elle savait tout de l'actualité mais naïve elle disait P.V.D en français lorsqu'elle évoquait ces contrées-. Accessoirement elle était infirmière. Ce n'était pas la première fois qu'elle visitait la France dont elle parlait déjà correctement la langue ; Paris si. Nos échanges furent toutefois mixtes. Le dimanche à l'aube alors que les lignes de métro sommeillaient encore, nous déambulâmes bras-dessus bras-dessous de Pigalle à Barbès et le long du boulevard de Magenta. Sur un banc du quai, au pied de l'eau noire somnolente du canal, près de l'auberge de jeunesse nous nous assîmes un long moment, protégés par la lumière du jour naissant.
- Je dois partir maintenant. J'ai froid.
Il faut bien que les jours se lèvent. Le mercredi, d'un commun accord nous quittâmes tôt la rue Dejean pour la porte de Clichy. Le pieux patron qui nous vit sortir ne répondit pas à notre "au revoir" mais baissa la tête et tira sur sa moustache. Puis il cracha, contraint par la chique ou bien pour nous maudire. Par je ne sais quelle combinaison sinon celle du hasard nous tombâmes dans la rue saint Honoré. Un passant qui tuait son temps s'alarma devant mon visage défait et son regard sur le mien. Il devina que nous étions perdus. J'ai naturellement bafouillé quelques mots pour justifier notre égarement. "Prenez sur la Madeleine puis les Mathurins dit le passant. Surtout ne vous y arrêtez pas. Continuez sur votre gauche. Plus loin vous aurez Rome sur votre droite et Messine sur votre gauche. Ne prenez ni l'une ni l'autre. Allez tout droit devant vous. A saint Augustin redemandez votre chemin". L'inconnu n'avait pas tout à fait tort et sa conviction était graniteuse. Il ajouta à Katarina : "Et bonne chance parce qu'avec ce sac à dos…!" Elle sourit et l'homme s'évapora. Nous arrivâmes devant la place le métro l'église et le bar-tabac saint Augustin. Nous ne vîmes pas le temps passer. A hauteur d'yeux sur la partie gauche du portail de l'église une plaque sans âge se laisse parcourir. Elle brave l'éternité et nous met en garde : Ecce puta uox corporis incipit sonare… Imagine-toi qu'une voix corporelle commence à se faire entendre, qu'elle continue à se faire entendre, et puis qu'elle cesse, et que le silence lui succède. Alors cette voix est passée, et ce n'est plus une voix : elle était à venir avant qu'elle se fit entendre ; et comme elle ne pouvait alors être mesurée, parce qu'elle n'était pas encore, elle ne le saurait être maintenant, à cause qu'elle n'est plus. Elle pouvait donc être mesurée pendant qu'elle résonnait, parce qu'elle était, et qu'ainsi on la pouvait mesurer ; mais en ce temps-là même elle n'était pas ferme et stable, puisqu'elle marchait et passait. Amen.
- Tu as compris ?
Ai-je dit amen ou l'ai-je entendu? Nous arrivâmes aux entrepôts Calberson portés par le corps plus que par la volonté. Nous rencontrâmes finalement le routier-sympa qui prendra Katarina jusqu'à Copenhague.
- Bye !
- Merci pour elle, dis-je au chauffeur.
C'est à Use-it, le tout nouveau centre des espoirs de Copenhague, sur la Rådhusstraede, le vendredi avant dix-sept heures trente que nous nous retrouvâmes bien avant l'heure convenue. Quelques heures auparavant j'étais à Paris. Katarina tombait de sommeil et le confirma.
- I didn't sleep !
- Of-course !
L'a priori étant un préjugé largement partagé, dès la première insinuation escarpée mais attendue, la belle suédoise se fît définitivement carpe. Elle se tut mille kilomètres durant. "Pour se donner de la prestance me dit-elle le chauffeur sifflota de longues heures sans me regarder, comme le font les mauvais perdants."
Quant à moi je n'étais pas trop frais non plus. Je fus tiraillé par des heures d'insomnies. A neuf heures j'étais déjà dans la zone internationale de l'aéroport du Bourget. Prévu pour midi le vol du charter fut confirmé pour treize heures ce qui entraîna un indescriptible chahut dont les derniers soubresauts ne cessèrent qu'avec l'atterrissage à Copenhague.
A Use-it nous prîmes une boisson, un sandwich chacun et un tas de minutes pour reprendre nos esprits. Sur le catalogue des hébergements possibles dans la ville que nous remit l'employé nous choisîmes une auberge un peu au hasard du côté de Faelledparken au nord : Green-camp. Peut-être pour le vert du nom? Nous avons marché jusqu'à Norre Voldgade comme nous l'a recommandé l'employé puis nous avons emprunté la ligne d'autobus numéro 24. Il y avait beaucoup de vert dans les bocaux et sur les calicots d'accueil. Nous déposâmes à l'entrée nos passeports contre des cadenas qui se révéleront fort utiles pour les casiers métalliques qui renfermaient nos affaires. Katarina s'allongea deux bonnes heures puis nous partîmes prendre un verre. En ville. Ce fut des poings que je reçu au Britannia-Inn, à deux pas de Rådhus Pladsen. Je ne pris ni la peine ni le temps pour tenter de comprendre. Le lendemain nous quittâmes le Green-camp à dix couronnes chacun -breakfast compris- pour Absalon hôtel de l'autre côté de la ville.
- It's better argumenta Katarina.
C'est effectivement better, plus confortable et bien plus cher avec café à volonté. Katarina insista pour payer plus que sa part. Notre chambre se trouvait au premier étage. L'ornement y était encombré d'objets disparates et insignifiants qui tranchaient avec la renommée des lieux. Nos journées étaient éreintantes. Katarina voulait -à son tour et à tout prix- tout me montrer. Chaque soir nous nous enroulions enlacés dans des draps blancs immaculés. Nous étions emportés l'un et l'autre. L'un contre l'autre, corps unique dans un tourbillon de mots de gazouillis de couleurs de paysages et de parfums ; de bonheur et de silence. D'émotions. Chaque nuit. De longs frémissements parcouraient nos corps confondus. La dernière nuit fut étoilée. Elle nous enveloppa dans sa splendeur. Je voulais la retenir, les retenir, tels quels. N'y rien modifier : corps, parfums, silence. Nuit. "Alec, je dois monter chez moi. Cela va faire un mois que. Je dois rentrer. A l'hôpital on ne comprendrait pas que. Je dois être à Norrköping samedi. Je reprends le dix-neuf". Je trouvais Katarina un peu plus discrète qu'à Paris. Ce n'est peut-être qu'une impression. Peut-être. On ne comprendrait pas.
- Ya Rrab ! Malek, malek ? Khabeztelha waldiha ! Ha h'chemm ya ben ammi
Je reçois brusquement un violent coup sur tout le corps. J'ai pourtant appris à tenir tête aux mots, à les provoquer, à les défier. Mais là je fus pris de court. Expédiés par des ancêtres vigilants, angoissants, ces mots hantèrent mon présent. Ils s'imposèrent à moi crûment et aussi lourdement comme une riposte-éclair à cette force inouïe qui s'abattit sur mon corps. Mais pourquoi précisément ceux-là? Pourquoi pas d'autres mots aussi forts, aussi semblables? Je ne savais pas. Ou plutôt si. J'avais ma petite idée mais comment la dire, je ne savais pas. Ces mots-là je les acceptai. Ils m'appartenaient, miroir sonore de mon sentiment de surprise. Ils jaillirent du plus profond de mon être :
- Bon Dieu qu'as-tu, qu'as-tu, arrête tes conneries !
Ce n'est pas toujours le cas. Souvent toute collaboration est vaine, vouée à l'échec. Je répétais dans mes pensées : - Qui du mot ou de moi est le cavalier? qui de nous deux est le cheval? Je décrète que les mots sont les chevaux. Des chevaux peu coopératifs car souvent je n'arrive pas à les dresser pour qu'ils exécutent ce que j'attends d'eux. Alors la plupart du temps, plus par lassitude et faiblesse que par vengeance, je les révoque. Je les réduis au silence. Le langage n'est pas fait que de mots". Mais de ceux-là je suis fier ! "Qu'as-tu, arrête tes conneries !"
De tout leur poids Rian et sa cavalière, ensemble, me tombèrent dessus. Ils restèrent ainsi à moitié allongés, piètrement et sans convention, surpris par leur propre hardiesse. A leur âge ! Je me dégageai et me levai péniblement. Eux, riaient à gorge déployée. Je fis peu de cas des regards interdits des danseurs autour de moi. Ils reprirent leurs pirouettes, tantôt collés, tantôt distants. Ils virevoltèrent au gré des rythmes éclatés de la soul noyés dans un flot d'ombres désarticulées, enivrés par leurs sens aux aguets. Sur l'instant je me mis à la recherche de Katarina et d'une créature qui me tendait son sourire comme une invitation, avant de reprendre mes esprits. La nuit s'égrainait lamentablement dans un ciel qui par endroits discrètement virait d'une couleur à une autre, imposées tour à tour par les premières lueurs de l'aube. Harcelés par celle-ci, nous finîmes par lui céder. Nous nous laissâmes traîner jusqu'à la sortie. L'aurore était poivre et sel mais douce et prometteuse. Elle avançait sur les êtres et les choses sûrement, modifiant les couleurs et les formes qui peu de temps auparavant étaient encore imperceptibles. Nous ne marchions pas droit mais qu'importe, tant l'euphorie nous guidait ! L'inspiration fortement stimulée par la bière, Rian se mit à brailler, jeunesse et forces retrouvées.
- Ciel, ô ciel, ô mer d'étoiles ! Est-ce bien vous que je vois réellement? Ô Sirius, Rigel, Achernar ! Ô Père ô ! Où est Ta grande ourse? Toute cette luminosité est-elle seulement vraie?
Est-elle ainsi faite? Toutes ces étoiles. Etes vous réellement ainsi comme je vous vois, là, aujourd'hui, à l'instant au-dessus de ma tête?
Il se calma quelques instants, puis nostalgique ou amoureux il déclama -avec l'art de l'à-propos- des vers de notre illustre et désespéré Ben Karriou.
- Walfi nedjma thriyat el felk eddouwwar / Wa na nedjm s'haïl ba'd el adhani / Ach igarrab dhi el dhek ya houkkem / Hiya cherguiyya ou houwa yamani… 1
1 "Ma bien-aimée est aussi belle qu'une des étoiles formant la Pléiade dans la sphère céleste en rotation; / tandis que moi je me trouve dans la même position que Canope, visible seulement après l'appel à la prière de l'aube. / Ces deux astres, ô érudits, sont éloignés l'un de l'autre; / l'un se trouve dans l'hémisphère boréal et l'autre appartient à l'hémisphère austral".(D'après Cheikh Si Hamza Boubakeur, Trois poètes algériens…)
- Est-ce que tu vois quelque chose avec ce temps ya Rian ? Quelle luminosité, quelles étoiles?
- Le passé est là dans le ciel ! tu vois rien ya Razi?
Je ne lui répondis pas. Je ne voyais rien mais par contre, je me souvenais d'un réveillon chez des amis communs ! Je m'en souvenais bien. Nous étions tous dans le jardin. Cette fois là Rian criait après le tonnerre. Il lui en voulait parce qu'autant il était bruyant autant il était pris de vitesse par l'éclair ! Il le lui faisait entendre ! Il était complètement ivre. Quel concert ! Il hurlait comme un fou : il fallait qu'il plût et que nous le forçassions, que nous le prissions à trois pour qu'il daigne rentrer se protéger !
Au coin d'une ruelle il ralentit le pas, posa la main gauche contre le mur, le bras et avant-bras raides. Puis avec les doigts de la main libre il se mit à chercher entre les poches latérales de son pantalon.
- Excuse-moi hein… Je ne suis… pas saoul. Je n'ai… je n'ai… pas perdu la raison. Et quand je te parles, ré ré réponds-moi.
Il aspergea le mur, les chaussures à plus d'un mètre l'une de l'autre. Jeté sur la ville impatiente pour quelques heures par la nuit qui décida de prendre un moment de répit, le jour allait bientôt faire semblant de ressusciter. De nouveau. Nous nous tûmes. Le silence s'imposa à nous jusqu'à l'entrée de l'hôtel.
Lorsque nous y pénétrâmes encerclés par les premières lueurs encore incertaines, les yeux dans les poches le vague à l'âme et 1500 mètres de bitume dans les mollets -à notre âge !- le veilleur de nuit sursauta puis presque aussitôt fit mine d'être occupé. Nous n'étions ni beaux ni biens à voir ou à écouter. Il ne dit rien pour la clé que Rian sortit de sa poche Il chantonnait en berbère et l'employé gêné fit discrètement : - Chchchch…". Mais Rian ne l'entendit pas. L'hôtel Absalon se trouve dans la Szabadgate. Une vieille rue qui autrefois se dénommait autrement. Dans le couloir Rian se mit de nouveau à fredonner un vieil air du sud qui nous colle aux tympans comme l'ombre d'un corps adhère à ce même corps, poursuivis tous deux, corps et ombre par les rayons d'un soleil couchant. Je ne peux affirmer si sur le chemin nous croisâmes d'autres personnes. Si tel fut le cas elles furent silencieuses. Le jeune veilleur de nuit ne nous dit rien ou presque rien: - Chchchch…", fit-il le dos tourné, plongé maladroitement dans une revue. Il ne bougea plus.
Une femme semblait glisser sur les marches sans nous regarder. Je lui tendais inutilement les bras. Les siens ne bougèrent pas. Je bredouillai :
- Katarina, attends-moi.
J'eus le plus grand mal à la rejoindre…)
- Oh ! hé ! tu passes ton temps à rêver ma parole !
Une chaleur emplit ma nuque. Une brûlure. Rian me flanque une calotte qui a pour effet de m'arracher de ma réalité première et de me ramener dans le train. Mon esprit rejoint mon corps. Je sursaute, étourdi et en sueur. Des villes ont passé : Hässleholm, Alvesta… Souvent lorsque je veux raccourcir ou rétrécir ou rejeter, nier un parcours, une fête, un événement parce que je ne les supporte pas ou bien parce qu'ils m'ennuient, ou bien parce que ; alors pendant la marche ou la fête ou l'événement, je me blottis dans mes pensées dont je sillonne les étendues. Mais pas seulement pour ces raisons. Il m'arrive aussi de choisir le silence face aux mots lâches et incompétents incapables de représenter dignement mes idées sans les tronquer ; alors un spectacle d'images prend ses responsabilités pleines et entières. Mais comment le partager?
- Je ne rêve pas ! Je t'attendais. Tu manges quelque chose?
- Non merci. Passe-moi le canard.
- Je prendrai bien un hot-dog. Où es-tu passé?
Par dizaines et par vagues successives, là haut des grues cendrées poursuivent triomphantes leur envol. Chaque groupe trace un semblable grand V comme une grande victoire sereine sur le mauvais temps que ces échassiers abandonnent à l'homme. C'est bien fait. Les oiseaux se dirigent vers le sud là bas, vers les hivers tempérés, vers la Méditerranée. Je rejoins mon siège. Rian reste au bar. Mon voisin est toujours religieusement plongé dans son livre Il se soucie peu du chahut comme du silence. Il lit ou médite. Le temps et les villes passent : Nässjö, Linköping. Nous traversons des milliers d'hectares de forêts de gigantesques pins tilleuls frênes et bouleaux en rangs serrés. Depuis Norrköping le voisin a effectué une plongée en apnée dans son livre. Aussi discrètement que je puisse le faire, je jette un œil soutenu sur ces pages manifestement saisissantes. J'y vois des lettres et des lignes aux contours assez cloisonnés et au contenu hermétique.
Det låg en orm på bottnen av den och en pojke som studerade zoologi i det civila fick tre kronor för att ta hand om ränseln. Men han slog inte ihjäl ormen utan tog den med sej för han ville experimentera.2
2 "Le sac contenait un serpent et on avait donné trois couronnes à un soldat qui étudiait la zoologie dans le civil pour qu'il le liquide. Mais il n'avait pas tué le serpent, il l'avait gardé pour faire des expériences".( Stig Dagerman, Le serpent.)
Au bout d'un long moment taquinant ma somnolence, les caractères que je fixai sans pouvoir en dévoiler le sens, par petits groupes se détachent lentement, dans des contorsions magiques, s'entrechoquent au gré de leur forme, puis entreprennent à la queue leu leu une ascension tortueuse, frôlent mes paupières mi-closes, immobiles et insensibles puis s'éloignent pour disparaître discrètement sans bruit, vidant mon regard de toute signification. C'est mieux ainsi. Mon voisin -il est vivant- referme lentement le livre et me jette nonchalamment un coup d'œil entendu. Surpris, je sursaute et détourne aussitôt le mien après avoir furtivement réussi à lire l'identité du romancier. L'auteur et la gare de Stockholm portent le même nom. Mon voisin reprend sa lecture. Qui du terminus ou de l'écrivain offrit son nom à l'autre, ou lui substitua le sien? Nous arrivons à Stockholm Dagerman Station à douze heures et cinquante-huit minutes.
Autant dire à l'heure promise, au grand dam de ma montre qui ne l'entend pas ainsi. Fichue montre. Le 1440 se stabilise. "Vi kommer nu till Dagermanstationen som är tagest slutstation. Samtliga passagerare ombedes stiga av !". Irrémédiablement. Quelque chose me saisit au plus profond de mes entrailles ou de mon cœur. Me paralyse. Une brûlure ou un souvenir. Quelque chose que j'aimerais pouvoir extirper. Pouvoir lui demander de sortir, de prendre son courage à deux mains, de me regarder droit dans les deux yeux si tant est que cette chose en soit capable. J'ai du mal à me lever. Mon front que ma main instantanément caresse est braisé. Elle ne lui est pas d'un grand secours. Je suis secoué de frissons. Je cours aux WC et tant pis si le train est déjà à l'arrêt. Où sont-ils? "Là, non non, par ici". Rian me rejoint. Je pense qu'il a couru. Il prend ma main.
- Tiens dit-il, prends-le, prends-le. Avale. N'oublie pas.
Je m'enferme et rejette tout ce que je peux. Je ne peux pas grand chose. Une panique inattendue m'étreint. Une pensée soudaine se bloque, lourde et mauvaise. La même pensée mille fois renouvelée. Elle surgit au moindre indice. Je porte la main sur la poitrine. Avec le pouce j'appuie fortement sur le thorax à hauteur du pectoral gauche. C'est bien cela. Cela me reprend. Je suffoque et sue. Je me sens soudainement submergé par l'étouffement. J'ai besoin d'air. Je suis parcouru de tremblements et de spasmes. Je suis à deux doigts de tomber en pâmoison. J'avale le comprimé qui dans ma paume humide, commençait à se désagréger. Des formes éparses telles des billes éclatées, rouges, jaunes, vertes encombrent mon regard quelques instants puis disparaissent. Un irrésistible désir s'empare de moi : détruire tout ce qui se présente à la portée de mes mains. Abattre tout ce qui se trouve dans ce wagon. Libérer l'espace, le purifier de tout encombrement, comme Rian à une lointaine période.
- Rian !
Un vertige dans un autre. J'ouvre les yeux, me lève, chavire mais réussis à tirer sur la poignée. Je distingue une voix : "Ca va?", puis une autre, perçante : "…Samtliga passagerare ombedes stiga av !" Appuyé sur l'épaule de Rian qui porte aussi nos bagages ; chancelant comme un automate, je descends les trois marches. Je tiens debout avec le minimum de forces nécessaires. Nous faisons quelques pas lorsque légèrement sur notre gauche j'aperçois une silhouette portant une pancarte. Une silhouette qui difficilement prend forme. Je devine sur l'écriteau quelques lettres du prénom d'emprunt devenu mien. C'est ce qu'elle me dit qu'elle ferait : j'écrirai ton nom sur une pancarte. Elle semble attendre depuis l'éternité. Mes yeux s'embuent. Sont-elles ou sont-ils deux, trois? Ma gorge se noue. Mes joues humides s'enflamment. … Samtliga passagerare….
- Rian, regarde, là.
- Ah mais c'est pour toi mon ami.
Lorsque nous nous approchons de la silhouette, Rian tente de dire un mot en me désignant du doigt. La silhouette lui lance : "Alec !" Elle lui saute au cou et y reste suspendue en trépidant ; les bras, les avant-bras, les mains, les doigts, tous les doigts sont pris d'une agitation effrénée. Timidement, de longs moments après alors que Katarina -je crois deviner Katarina- semble plus réticente, elle me regarde, gênée. Qui est qui? semble-t-elle interroger. Rian se dégage furtivement de l'étreinte.
(A suivre…)
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Notes :
- The time is out of joint. Ce temps est sorti de ses gonds:
" …C'est beau !…les gonds c'est quoi? C'est le pivot, c'est-à-dire ce autour de quoi la porte pivote…Il faut concevoir une porte-tambour, la porte universelle, la porte du monde. Cette porte universelle passe par des points privilégiés bien connus : les points cardinaux…Elle passe et repasse par ces points cardinaux (cardinal vient de " cardo " = pivot). La sphère des corps célestes tourne autour de ces points cardinaux… "le temps sort de ses gonds ", le temps n'est plus enroulé de telle manière qu'il soit subordonné à la mesure de quelque chose d'autre que lui, qui serait par exemple le moment astronomique … En sortant de ses gonds le temps a cessé d'être le nombre de la nature ou le nombre du mouvement périodique. Lui qui était enroulé de manière à mesurer le passage des corps célestes…il se secoue de toute subordination à un mouvement ou à un autre. Il devient temps en lui-même, pour lui même. Il devient temps vide et pur. Il ne mesure plus rien. Le temps a pris sa propre démesure. " Il sort de ses gonds " c.a.d. de sa subordination à la nature, c'est la nature qui va lui être subordonnée. " Extrait d'un cours de G. Deleuze à Vincennes mars 1978, " Kant, synthèse et temps ".
Autre perception de " Le temps est sorti de ses gonds ": Le monde va mal, l'époque est déshonorée…plus rien n'a de sens ou de valeur…Or, si Hamlet maudit le destin qui l'a vu naître, c'est parce qu'il lui revient, à lui seul, de corriger les choses. L'époque doit rentrer dans l'ordre: c'est dire qu'Hamlet (Horloger sanguinaire malgré lui) doit rendre au temps son accord et son harmonie "
- Oh sorry, Simenon, yeh, of-course !: Siménon fréquentait " Le pont tournant . " La manière dont ils sont englués dans la vie, par leur angoisse profonde à laquelle il n'est pas de réponse, ses personnages ne sont pas si loin de ceux de Beckett. Comme eux ils s'agitent et tuent le temps. Ils seraient volontiers révoltés mais savent d'avance que cela ne les mènera pas ailleurs. Prisonniers de leur condition, ils n'ont aucun espoir d'échapper. Fascinés, horrifiés par ces créatures qui se débattent en vain, le lecteur ne peut que se reconnaître en elles. " (Encycopaedia Universalis)
L'Afrique vous parle. Elle vous dit merde !: Expression de Simenon qu'il a utilisé dans un de ses fameux écrits anticoloniaux (1932). Il est l'un des premiers, avec Gide, à pressentir les mouvements de décolonisation.
" Simeon " : Il y eut Simeon Stylite (vers 390 à v 459), Simeon I° (mort en 927) Khan des Bulgares, Saint Siméon = Personnage de l'évangile de Saint Luc
Mufti de l'île Saint Louis : clin d'œil à Kateb Yacine qu'on appelait dans les années 50 " le grand muphti de l'Ile st Louis " selon son ami Armand Gatti.
Des écrits-cris, lambeaux de vie d'Artaud.: les poèmes d'Artaud…constituent des lambeaux [qu'il a] pu regagner sur le néant complet… in E.U.
"Prenez sur la Madeleine puis les Mathurins ... Continuez sur votre gauche. Plus loin vous aurez Rome sur votre droite et Messine sur votre gauche. Ne prenez ni l'une ni l'autre. Allez tout droit devant vous. A saint Augustin redemandez votre chemin" : Mathurin : Religieux de l'ordre des Trinitaires dont la mission consistait à faciliter le rachat des chrétiens captifs dans les Etats barbaresques (dictionnaire). Messine : La ville s'allia à Rome (264 av JC), ce qui fut à l'origine de la 1° guerre Punique (Carthage…).
- Qui du mot ou de moi est le cavalier?: Stanislas Tomkiewicz écrit à propos de la prise en charge de l'autisme in la revue Sésame : " Trop souvent les psychanalystes considéraient toute collaboration éventuelle avec les parents comme celle du cheval et du cavalier : le psychanalyste étant le cavalier et les parents des chevaux rétifs, malveillants, malfaisants et mortifères… ".
L'inspiration fortement stimulée par la bière: Franck Budgen in " Joyce et la création d'Ulysse ", écrit : " …Bloom, lui, quoique fatigué est parfaitement sobre. Le peu d'alcool qu'il a bu a stimulé son imagination… "
Ô Père ô ! Où est Ta grande ourse?: Clin d'œil à Charles Perrault (1628-1703) : " On a donné une signification astronomique à ce conte célèbre : Le Petit Poucet symboliserait alors la grande Ourse et les 7 garçons fugitifs les 7 étoiles du Nord errant dans les espaces célestes ". In Dictionnaire de culture universelle.
Désespéré Ben Karriou. : Abdallah ben El Hâjj Mohammed ben Tahar ben Karriou : Né à Laghouât en 1869 (ou71), mort en 1921, poète du désespoir. " Chantre de l'absurdité apparente de la vie " dixit H. Boubekeur, " Les gens n'admettaient pas qu'un magistrat religieux [comme lui], chargé de trancher en matière musulmane, passât ses nuits chez les prostituées de l'oasis, et se présentât chaque jour, une bouteille de vin camouflée dans le capuchon de son burnous.
" Walfi…s'hail ba'd el adhani " : Ma bien aimée est aussi belle qu'une des étoiles formant la Pléiade dans la sphère céleste en rotation / tandis que moi je me trouve dans la même position que Canope [S'haïl], visible seulement après l'appel à la prière de l'aube. "
A propos de Canope, H. Boubekeur écrit : " Le poète fait appel à une série de métaphores, à ses connaissances astronomiques. Naturellement il pense à une des 6 étoiles (7 selon les anciens, innombrables au télescope) formant la Pléiade, groupe de la constellation du Taureau et à Canope, étoile matinale…A propos de Canope, rappelons qu'il s'agit d'une étoile de première grandeur, la plus brillante du ciel après Sirius, visible seulement de l'hémisphère méridional. Elle appartient à la constellation du navire Argo. Il en est évidemment question dans tous les manuels d'astronomie. Sa position et son apparition matinale seulement, (36° de latitude nord), visible à Laghouat, invisible à Paris par exemple, ont intéressés les sociologues et les égyptologues notamment à propos de Canopus, pilote d'Isis et d'Osiris dont l'âme fut divinisée. Par ses allusions et évocations " célestes ", le poète veut simplement souligner l'impossibilité pour lui de revoir sa Fatna. "
Canope : c'est aussi un funéraire de l'Egypte pharaonique…
la rue Szabadgate : de Julia Szabad. C'est le nom d'une Danoise d'origine Hongroise qui fut plus ou moins espionne, plus ou moins malade, plus ou moins schizophrène…persécutée…qui eut des relations avec un réalisateur de l'ex RDA lequel est " échangé " par les Allemands de l'Ouest (Julia le soupçonne d'être un terroriste…) bref une histoire d'amour gâchée… Rue Szabad en danois s'écrit : Szabadgade devenue ici Szabadgate.