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mardi, janvier 22, 2008

65- Sansal et le village de l'allemand

Samedi dernier j'ai acheté le dernier roman de Boualem Sansal "Le village de l'allemand ou Le journal des frères Schiller" (Gallimard- 01.2008). Un véritable déluge d'éloges s'abat sur nous depuis sa sortie: de Télérama au nouvel Observateur en passant par Le Monde ("De Sétif à Auschwitz"!), La Croix, Radios et divers blogs. Tous applaudissent de toutes leurs mains de toutes leurs bouches, oreilles, pieds que cela me paraît douteux. Il est vrai que je ne l'ai pas encore lu, pris moi-même par l'écriture. En parcourant les recensions de ces médias le seul aspect qui apparaît est la levée par Sansal du tabou algérien qu'est la Shoah et le parallèle fait par le romancier entre Islamisme et Nazisme. Rien d'autre ne filtre, ni la romance ni l'esthétique de l'écriture... C'est pourquoi cela me paraît suspect, voilà pourquoi je m'autorise à douter des objectifs visés par les médias cités.

Il ne s'agit que d'un doute. Je ne dis rien d'autre. Je donnerai mon avis plus tard.

2 commentaires:

  1. En attendant d'avoir ton avis, je t'invite si tu ne l'as déjà fais à consulter l'article de Rachid Lourdjane sur le journal El Watan d'aujourd'hui:

    Salut Hmida
    Voici l'article en question:
    "Le village de l’Allemand, un roman de Boualem Sansal
    Une mystification dans le sens du poil


    Voici un roman dont l’ambition est d’instruire et de « sensibiliser les Algériens à la Shoah ». L’auteur considère qu’il lève un tabou sur une mystérieuse participation de transfuges nazis faufilés parmi les moudjahidine.
    Pour l’auteur, tout commence en 1980 quand il découvre le village de l’Allemand, autrement dit Aïn D’heb, près de Sétif, où son attention est attirée par une singulière propreté des lieux. Ce n’est pas normal, pense-t-il, pour une localité du Far West sétifien. Il fait son enquête et découvre que ce village était dirigé par un Allemand, supposé nazi. Réfugié en Egypte après 1945, il est « envoyé en Algérie par les services secrets de Nasser pour aider l’Armée algérienne ». A partir de cette construction fantasmatique, il étend l’étiquette de « nazi » aux jeunes Allemands qui ont rallié l’Armée de libération nationale. Il confie à Christine Rousseau du quotidien français Le Monde du 18 janvier que le cas de cet Allemand « n’est pas isolé ». Il explique que « certains… ont même occupé des places importantes après l’indépendance ». Cela fait partie, dit-il, de l’histoire secrète. Et Boualem Sansal lance un réquisitoire contre le FLN accusé de vouloir construire une histoire « unique, lisse, propre et sans aspérité ». Pour éviter les confusions géographiques, Aïn D’heb c’est l’ancienne La Fontaine, plus proche de Tiaret que de Sétif. Situé dans une zone riche en alfa, ce village au tracé linéaire attire une colonie de familles réfugiées d’Alsace-Lorraine en 1872 après l’annexion de leur région par Guillaume. La Fontaine prend alors le sobriquet moqueur de « village des Allemands » (allemands au pluriel), car ces Alsaciens, mal accueillis par les autres colons en raison de leurs origines, parlaient un patois proche de l’allemand. Il est vrai que tout roman se fonde sur la liberté créative. Mais c’est pousser trop loin que jeter le discrédit sur ces jeunes moudjahidine allemands qui ont rallié la guerre de libération nationale dans un élan romantique. L’auteur leur fait injure en les confondant avec la génération du IIIe Reich. Les nazis ne pouvaient pas avoir de sympathie pour la cause algérienne puisqu’ils ont connu, à leurs dépens, la combativité des soldats algériens et maghrébins durant les deux guerres mondiales. Par ailleurs, ce ralliement n’a jamais été un secret de l’histoire de l’Algérie, comme le suggère M. Sansal.
    Le sujet a été largement traité par de nombreux chercheurs algériens et français. Personne n’a jamais relevé de connivence entre ces recrues qui ont fui la légion étrangère dans les années cinquante et soixante et les vieux nazis. Simple question de date de naissance ! En réalité, ces recrues n’ont pas été nombreuses mais ont attiré l’attention pour le côté singulier de leur aventure. Démobilisés après l’indépendance, ils ont occupé des postes dans divers secteurs de la vie civile : agriculture, santé, douanes. L’un des plus célèbres d’entre ces Allemands fut sans doute ce fameux gestionnaire, créatif et dynamique du parc naturel du Djurdjura à l’origine du sauvetage de plusieurs espèces animales en voie de disparition, en particulier l’aigle royal de la Haute Kabylie. Son rêve était de réintroduire la panthère de la forêt de l’Akfadou, décimée au début du siècle. Il faut noter par ailleurs que tous ces anciens de l’ALN ont renoué très tôt avec leurs familles en Allemagne.
    En tant que ressortissants de leur pays d’origine, ils se rendaient librement en Europe et dans leur ancienne patrie sans la moindre inquiétude aux frontières. Ce qui prouve bien qu’ils n’avaient rien à se reprocher sur le registre des accusations formulées par M. Sansal qui ne s’est pas posé la question toute simple de savoir par quel miracle un criminel de guerre a-t-il pu échapper au filet planétaire de la traque anti-nazi.
    L’auteur déplore, par ailleurs, que les autorités algériennes occultent la Shoah et fait le procès de la télévision nationale accusée de « n’avoir jamais diffusé le moindre document sur les camps d’extermination des juifs ». Pour une question de principe, il appartient à tout pays souverain d’élaborer en toute liberté ses textes d’enseignement et le choix de ses programmes TV. Et dire que la chaîne nationale a fait l’impasse sur la Shoah est un mensonge. Il faut, en effet, rappeler que même à l’époque du FLN parti unique, et au moment où M. Sansal découvrait Le village de l’Allemand vers 1980, la télévision algérienne diffusait, en toute liberté, une longue série hollywoodienne sur le sujet au titre sans ambiguïté de « la Shoah » en version française. Il faut rappeler aussi que dans les archives de la télévision algérienne subsistent ces « tables rondes » de haut niveau animées par l’écrivain Nourredine Aba sur le procès de Nuremberg. M. Aba, témoin majeur des faits, maîtrisait bien son sujet puisqu’il fut, en 1945, accrédité comme journaliste algérien par l’état-major des forces alliées pour la couverture du procès des dignitaires nazis. Ces programmations étaient d’ailleurs en harmonie avec le discours des responsables politiques algériens qui se sont toujours démarqués de l’antisémitisme. Il faut rendre justice à ces responsables qui ont toujours transcendé le danger de l’amalgame entre judaïsme et sionisme par principe et par respect aux nombreux amis que compte l’Algérie au sein de la diaspora juive. Il est une certitude que certains auteurs fondent leurs succès sur une plate-forme de justicier, donneur de leçons et victime à la fois. Cette démarche regrettable est souvent facilitée par une écoute de complaisance."

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  2. Voici un autre article d'El Watan, en date du 10 février. Il donne un point de vue également assez hostile.

    D'ailleurs, d'autres journaux algériens partagent cette hostilité.

    Ceci étant, j'attends moi aussi de lire pour me faire une opinion et je me dis qu'entre deux outrances, il doit y avoir une vérité et pourquoi ne pas considérer la démarche de Sansal comme un cri d'alerte par rapport à l'état du Pays ?
    (Jean-Michel Pascal)


    Boualem Sansal (Écrivain) : Audacieux ou délirant ?
    Après la parution de son roman Le village de l’Allemand, Boualem Sansal est crédité en Occident comme « un grand romancier arabe ». Pour les nombreux lecteurs algériens qui connaissent les œuvres de cet écrivain talentueux, Boualem Sansal recèle de grandes qualités de style et « colle » à la réalité.

    Il est, indiscutablement, un écrivain de son temps et c’est ce qui fait son succès. Mais quand les médias occidentaux l’affublent de « grand écrivain arabe », c’est bien pour souligner une certaine désorganisation de personnalité qualifiée de façon insidieuse comme de l’audace. L’écrivain fait l’objet d’une opération de récupération à grande échelle pour avoir « osé dénoncer l’existence en Algérie des liens historiques entre le nazisme et l’islamisme ». Des journaux israéliens, notamment du Jérusalem Post, s’emparent du cas de Sansal. Avec du recul, on se demande si les accusations de ce romancier relèvent de l’audace ou, tout simplement, d’un délire paranoïaque mortifère qui se confirme au travers de toutes les déclarations aussi outrageantes qu’insensées du romancier. A l’apogée de sa maturité, Boualem Sansal semble perdre pied avec le réel. Dans le climat général qui prévaut, marqué par des confusions bien entretenues entre l’Islam, l’extrémisme et le terrorisme, notre romancier se relègue, volontairement ou non, dans un rôle peu glorieux de sous-traitant des théoriciens sur « le choc des civilisations » annonciateur d’une troisième guerre mondiale. Les interlocuteurs de Sansal, complaisants à souhait, ne relèvent pas le gigantesque écart chronologique qui sépare l’avènement du nazisme, né dans les années trente, et les violences islamistes apparues dans notre pays en 1990. M. Sansal répète inlassablement dans chaque interview que « des nazis ayant servi dans les camps d’extermination ont entraîné l’armée de Libération nationale ». Autrement dit, on n’aurait pas pu avoir notre indépendance sans le concours des résidus du 3e Reich… A l’appui de ses assertions, il s’en remet à des individus anonymes rencontrés dans un café vers 1980. Cette soi-disant présence de nazis, largement amplifiée, n’apparaît nulle part ailleurs que dans le génie de M. Sansal. Doué d’une qualité de conteur, Boualem Sansal captive l’attention de ses interlocuteurs. Il use de son pouvoir auprès de journalistes — crédules ou complices — qui pensent découvrir une Algérie pointée par un indigène du cru, comme une immense prison, un espace concentrationnaire. En observateur singulier, il divulgue un secret dont il est, apparemment, le seul dépositaire. Il fait état de « militarisation du pays, de lavage des cerveaux et même d’exaltation de la race » comme pour souligner de fantasmatiques similitudes entre l’Algérie contemporaine et l’Allemagne du national-socialisme. C’est fort. Se tournant vers la classe des révisionnistes qui glorifient l’occupation coloniale comme « un facteur de civilisation », M. Sansal apporte son argument ; il soutient que « l’histoire de la colonisation est instrumentalisée par les chefs d’Etat arabes pour désinformer le peuple. » Ajoutant une touche au tableau apocalyptique qu’il dépeint sur son pays, l’ancien haut fonctionnaire sort un autre scoop de son chapeau ; il déclare au Nouvel Observateur que l’Algérie est un pays où la « xénophobie, le racisme et l’antisémitisme sont érigés en dogme ». Et pour s’enliser un peu mieux sur le registre du sensationnel, l’écrivain aiguise l’appétit de ses nouveaux amis par une autre info hautement révélatrice d’une désorganisation psychique. Il aligne l’Algérie dans l’axe du mal, comme pour inviter un défilé de B 52 libérateurs sur nos têtes. Il lance au journaliste ébahi d’étonnement que « les Etats-unis, la France et Israël sont régulièrement sollicités comme des comploteurs par le pouvoir algérien quand il est aux abois ». Que vaut cette opinion accueillie sans critique ? Les chiffres du commerce extérieur de l’Algérie avec la France et les USA notamment, ne sont-ils pas, aussi significatifs d’amitié ? Les « révélations » de l’auteur du Village de l’Allemand ne méritent pas de démenti. L’analyse des propos démontre à l’évidence que l’homme est sous l’emprise d’une peur panique associée à des visions dans le cadre d’un complot à l’échelle mondiale. Il en est le témoin unique. Comme à travers la fresque de Guernica de Pablo Picasso, le roman de Sansal rassemble pêle-mêle tous les thèmes qui l’ont effrayé dans sa sensibilité et son émotivité d’homme de lettres. Faut-il lui en tenir rigueur ? Témoin et victime d’une époque de terreur qui semble ne pas finir, Boualem Sansal a vécu une tranche de vie dans la proximité avec la mort violente. Qui pourrait évaluer les dégâts d’une telle expérience dans toutes ses dimensions ? Les incohérences de Boualem Sansal sont un message à l’Algérie associée à l’image maternelle aimée et haïe en même temps. Romancier, à l’écoute de son temps, son système de perception a subi trop de sollicitations morbides. Dans ces conditions, l’envahissement de l’irrationnel dans le verbe est significatif d’un état traumatique.
    Rachid Lourdjane
    10 février 2008

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