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dimanche, janvier 18, 2009

122- Un mémoire sur "Harraga" par H.

Harraga : Etude d’une poétique postcoloniale
Université El Hadj Lakhdar - Batna


Mémoire élaboré en vue de l’obtention du diplôme de Magistère
Par Hamza HADJAR

Introduction :

« L’expérience de colonisation française en Algérie a, avant et après l’indépendance, profondément marqué la vie politique, sociale et culturelle des algériens. Sur le plan artistique, les traces de cette expérience demeurent encore jusqu’à nos jours très visibles, comme en témoignent le foisonnement des productions littéraires et le nombre toujours en croissance d’écrivains algériens qui choisissent le français comme langue d’écriture. Parmi ces derniers figure le nom de Boualem Sansal qui a fait une spectaculaire entrée littéraire en 1999 avec une oeuvre majeure le serment des barbares , d’autres publications s’en suivirent jusqu’en 2005 où l’auteur publie son quatrième roman intitulé Harraga . En choisissant d’écrire en français Boualem Sansal s’inscrit dans un mouvement d’envergure mondiale, qui a vu le jour pendant la période coloniale et qui a continué d’exister après les décolonisations. Ce mouvement n’est rien d’autre que celui des colonisés ou ex-colonisés qui écrivent dans la langue du colonisateur ou ancien colonisateur, donnant ainsi naissance à un type de littérature très particulier. Ce faisant l’auteur algérien est face à une expérience problématique qui le met dans une situation complexe à bien des égards, c’est pourquoi nous avons choisi l’un de ses romans Harraga comme corpus d’étude afin de pénétrer dans l’univers de l’écrivain et de son écriture en vue d’explorer cet univers rendu plus complexe en raison de la condition postcoloniale dans laquelle se trouve Sansal et qui affecte par conséquent son écriture au niveau de sa poétique, de sa thématique, de sa symbolique et sans oublier l’une des
questions centrales de la littérature postcoloniale, la question du choix de la langue. Harraga devient ainsi le lieu de rencontre de référents culturels différents parfois conflictuels et dont les questions de l’identité, de la religion, de l’histoire, et même de la politique constituent un fond où puisent l’auteur, le tout nous est livré à travers le parcours tourmenté d’un personnage problématique celui de Lamia. Faut-il encore que le personnage principal soit une femme ? Ajoutant de la sorte une autre question celle de la condition des femmes dans la société algérienne. Dans un autre ordre d’idée, Harraga a été publié en France chez Gallimard, une
grande maison d’édition française dont la réputation internationale et les moyens financiers sont à prendre en compte, comme c’est le cas d’ailleurs pour la plupart des écrits de Sansal. La France étant l’ancienne puissance coloniale elle joue à présent le rôle de centre de reconnaissance pour Harraga et offre à l’écrivain un public lecteur autre que celui des algériens… »

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Vous pouvez lire la suite ici :
www.univ-batna.dz/theses/fac-le/hadjarh/these.pdf

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 Sansal, la magie des mots, le démon des maux
Le tableau désabusé d'une Algérie rongée par la corruption et l'islamisme, et qui se vide de ses fils
Est-ce parce qu'il n'avait accordé aux femmes qu'une faible place dans ses trois précédents romans ou l'envie de se glisser dans leur peau pour mettre en lumière le sort qui leur est encore trop souvent réservé dans la société algérienne? Toujours est-il qu'en leur attribuant les premiers rôles, Boualem Sansal renoue de belle manière avec ce style truculent, rageur, puissant et flamboyant qui a imposé l'auteur du Serment des barbares(1)comme l'un des romanciers algériens francophones de tout premier ordre.
Et ce grâce à Lamia, la narratrice d'Harraga (inspirée d'une histoire vraie), beau personnage de femme, éminemment touchante derrière sa carapace de vieille fille colérique, faussement misanthrope.
Car, depuis qu'elle a perdu les siens - à l'exception de Sofiane, son frère, qui a rejoint la route des Harraga (les «brûleurs de route», ou plus prosaïquement les clandestins) -, cette pédiatre, célibataire et sans enfant de surcroît indépendante et libre («la pire des engeances en terre d’Islam»), vit recluse dans une demeure datant de deux siècles à Rampe Valée, dans les faubourgs d'Alger. Entourée de vieux papiers et de fantômes, de silence et de rêves, Lamia a fait de la solitude, son unique compagne, son bouclier. «La solitude me console de tout . De mon célibat, de mes rides prématurées, de mes errements, de la:violence ambiante, des foutaises algériennes, du nombrilisme national, du machisme dégénéré qui norme la société. Mais pas de l'absence de mon petit frère, et de cela je souffre comme au premier jour.»
Restequ'un matin, tout cela vole en éclats quand se présente à sa porte une jeune fille, arrivée d'Oran, qui se recommande de Sofiane. A ce nom, aussitôt, Lamia laisse entrer cette Lolita, «vêtue à la Star'Ac», «maquillée jusqu'aux cils», et enceinte de cinq mois... Sans savoir que Chérifa, qui a fui son douar infesté par «la peste verte», va s’incruster durablement chez elle et, plus sûrement, dans son cœur.
VENT DE DOUCE FOLIE
Car, malgré le vent de douce folie qu'elle va semer dans le quartier et jusqu'à la fac ; malgré ses multiples escapades dans Alger - cette dangereuse «catin qui se donne pour mieux reprendre» dont Boualem Sansal dresse un portrait tendrement rageur ; malgré aussi son franc-parler et son effronterie, notre narratrice va tenter d'éduquer la sauvageonne. Mais à trop vouloir bien faire, Lamia étouffe la adolescente qui s'étiole peu à peu avant de s'envoler, cette fois, pour de bon.
Dès lors, au bord de la folie et du vide laissé par Chérifa, elle n'aura de cesse de retrouver celle qui l'a fait renaître à la vie et finalement accepter son destin de Harraga.
A travers ce détonant duo, autour .duquel gravite une série de personnages drolatiques et désespérés, Boualem Sansal coffre un tableau désabusé d'une société rongée par l'incurie, la corruption et l'islamisme, où les filles «s'évaporent à l'intérieur du pays» et les garçons «se volatilisent l'extérieur», la tête pleine de chimères, de rêve de terre promise. Rester ou partir ? S'exiler ou résister ? Depuis longtemps Boualem Sansal a choisi cette seconde voie, qu'il trace de livre en livre avec la force d'une langue puissante, généreuse, emplie d'une profonde humanité. Pour notre plus grand bonheur.
(1) Gallimard, «Folio», n° 3 507.
Par Christine Rousseau
In Le Monde du 23/09/2005
In : www.jeguel25.free.fr
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Au pays de la terreur ordinaire, la rencontre choc entre deux femmes hors du commun. Le quatrième roman de Boualem Sansal. Et l'un des plus beaux
Faut-il encore présenter Boualem Sansal? Hélas, oui. Alors que cet écrivain algérien avait été salué dès 1999 pour son premier roman - Le Serment des barbares - témoignant, en français, du cauchemar infligé à son pays, Sansal, malgré les deux livres qui ont suivi, n'a pas encore rencontré la notoriété qu'il mérite. Haut fonctionnaire dans un pays miné par la dictature militaire, la corruption et l'islam dévoyé, cet homme discret n'en pouvait plus de se taire, quand, l'année de ses 50 ans, il a donc décidé de tout risquer pour écrire. Un choix terrible à une époque où, en Algérie, un intellectuel jouait sa vie en publiant. A peine Le Serment des barbares sorti, Sansal a été licencié. Il s'est retrouvé isolé dans son propre pays, pas vraiment français, plus vraiment algérien, sans guère de revenus. Nous en sommes toujours là, ou presque.
Harraga, son quatrième livre, sera-t-il enfin celui de la reconnaissance? Espérons-le, car, par-delà son courage, Sansal est d'abord un excellent romancier, l'un des rares écrivains encore capables de faire briller la langue française hors de l'Hexagone, comme le prouve ce nouveau roman.
Harraga signifie «brûleur de route». C'est ainsi que l'on surnomme, en Algérie, les milliers de candidats à l'émigration qui préfèrent «mourir ailleurs que vivre ici». Quand, dans sa grande maison d'Alger, Lamia, une pédiatre célibataire, cultivée et arrogante - autant dire une paria - recueille Cherifa, la lolita extravagante qui frappe un soir à sa porte, c'est un choc. De toute sa famille, il ne reste à Lamia qu'un frère, un harraga dont elle était sans nouvelles. Or Cherifa se recommande justement de ce frère dont elle est enceinte de cinq mois.
Jusqu'ici, Lamia, misanthrope au grand cœur, s'était réfugiée dans ses rêves, la folie douce et le deuil. Le silence était son refuge; l'errance, sa quête. Pour oublier la chape de plomb d'une société policière et misogyne où l'on abandonne les petites filles dans les décharges publiques, elle berçait, «à l'heure où l'âme ne tient plus au corps que par un fil d'argent», ses souvenirs heureux et les fantômes dont la vieille maison est remplie. En débarquant dans sa vie, Cherifa la tornade - «un scandale ambulant qui aurait échappé au courroux d'Allah» - l'oblige à revenir sur terre, à se battre, à s'interroger. Et à revivre. Las, quand Lamia finit par craquer pour cette gosse perdue et tente de l'éduquer comme sa fille, l'adolescente disparaît. Veut-elle brûler la route ou se brûler les ailes?
Si ce nouveau livre de Sansal, qui s'inspire de faits authentiques, relève du réquisitoire contre un pays où le soleil d'Allah ne brille que pour les hommes, il s'agit avant tout d'un magnifique roman. Un moderne conte des Mille et Une Nuits plein d'histoires, de rêves, de personnages, où les vieux sont des parchemins, les maisons des poèmes et les villes des catins, comme Alger, la ténébreuse, qui demande «un mois d'amertume pour cinq minutes de plaisir». L'espérance est en supplément
Les «folles» d'Alger
par Olivier Le Naire L'Express du 29/08/2005

In : www.jeguel25.free.fr
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Faut-il partir?
« Nous avons une habitude qui te plaira, dit un personnage de "Dis-moi le paradis", l’avant-dernier roman de Boualem Sansal, ce haut fonctionnaire algérien qui s’est mis à écrire quand il a commencé de perdre les siens. Quand la douleur est intolérable, on parle du paradis, on sait le faire comme personne. Tu verras, c’est beau, ça fait du bien, et ça coûte pas un radis.» De cet art de chanter la douleur des hommes et la misère d’un pays, «Harraga» est le nouveau témoignage. L’histoire: celle de Lamia, rescapée d’une famille désunie par la mort, l’exil ou le fanatisme islamiste, et qui vit seule dans une maison perchée sur les hauteurs d’Alger. Pédiatre dans un hôpital de la ville, elle ne songe qu’à partir, jusqu’au moment où débarque une amie de son frère cadet: Chérifa, adolescente exilée d’Oran et dont la pétulante jeunesse chamboule un temps la morne existence de Lamia. «Harraga», du nom de ces vagabonds sans terre, de ces déracinés qui tentent de trouver dans l’exil leur salut, c’est un peu la tragédie algérienne évoquée sur le mode mineur, en sourdine. Le naufrage d’un pays, où «l’islam le plus ténébreux» le dispute au «modernisme le plus toc», y est comme distancié. Avec lui, le rêve manqué de révolution. Quel est donc, se demandera-t-on, le sujet du nouveau roman de Boualem Sansal? Si l’on se fie au titre du livre, ce serait le nomadisme de ces inlassables «sillonneurs de bleds»,de ces infatigables «brûleurs de routes» auxquels un poème ici est dédié. Au rêve d’Occident répond, cependant, un autre idéal, plus inavouable: la sédentarité, choix de ceux qui, à l’exemple de Lamia, considèrent en leur for intérieur que l’exil est une forme d’infidélité au pays. Rester ou fuir: telle est, dans cette terre des paradoxes qu’est l’Algérie, l’alternative indécidable. A l’image d’Alger, belle comme une catin qui aurait du cœur et, oublieuse de ses nuits d’infamie, renaîtrait à chaque lever de soleil.
Thomas Regnier
In : www.jeguel25.free.fr
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