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vendredi, février 20, 2015

481_ Malek Alloula est mort




 
--> je te dis
je te dis la mer
je te dis il y a la mer
la mer la mer
avec des poissons
des hommes le matin
des hommes qui
des hommes partent
je te dis des hommes
et la mer qui bouge
bouge dans la mer
la mer elle-même
son bruit dans l’autre bruit
dans le bruit des hommes
je te dis c’est ça
c’est ça la mer
la mer son bruit
qui ne finit pas
qui ne finit pas dans toi
dans moi
mais ailleurs dans la mer
loin de la terre
de cette terre cette île
où tu es si peu
si peu sans ombre
je te dis alors cette mer
cette terre se touchent
je te dis que le bruit
le bruit là
que tu entends
que ce bruit que tu entends
n’est pas un bruit
je te dis que ce bruit
non ce bruit qui me hante
que j’oublie que j’oublie
je te dis que ce bruit me revient
dans le souvenir même
dont tu es absent
ce souvenir de matins
que la mer caresse
la mer qui bruit
je te dis oui qu’elle bruit
de tellement oui
de tellement vouloir ces caresses
d’une terre d’une terre encore
d’une mer et d’un ciel
d’un ciel sans fin qui
oui épuise
m’épuise
je te dis ses seules couleurs
toutes d’ailleurs
celles de  la mer
je te dis il y a la mer
il y a oui il y a elle
et moi
comme sourde à ce
à ce qui n’est pas elle
qui me trompe
me surprend à vouloir
oui te dire écoute écoute
enfin ce que la mer
ne peut pas nous dire
lorsque nous sommes là
à vouloir lui dire que oui
nous l’entendons
là où elle n’est plus elle

In : https://blogdepoesiedelaquinzainelitteraire.
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El Watan le 19.02.15
Décès du poète et écrivain : Malek Alloula Un aède «rurbain»

Onze jours après le décès de son ex-épouse, l’écrivaine Assia Djebar, Malek Alloula, le frère du dramaturge Abdelkader Alloula, le poète, essayiste, critique et nouvelliste, l’auteur de Villes et autres lieux, est décédé, hier, à Berlin (Allemagne), où il était en résidence d’écriture. Il avait 78 ans.

Malek Alloula, celui qui taquinait la muse des «monts Chenoua», Assia Djebar, son ex-épouse, — ils s’étaient mariés en 1981—, ce trouvère d’expression francophone déclamant et déclarant sa flamme à sa ville natale, Oran, à Alger, à l’Algérie, était ce témoin oculaire à charge des interstices fleurant bon l’humus et le terroir. Et ce, de par un trait cursif foncièrement recherché et immanquablement rare. Car d’une beauté littéralement littéraire. Dans le recueil de poésie intitulé Villes et autres lieux, Malek Alloula est un barde «torturé», sensible et d’une grande humilité.
Car se voulant «effacé» et loin des «spotlights» : «Il est un terme où j’arrive toujours/ A la tombée de la nuit/ Un aveuglement ancestral/Dont je retrouvais le sens circulaire/D’où partaient ces voix/Pour parler si calmement de la mort/Comme d’une lampe éteinte avant la débâcle...».
Malek Alloula est né le 13 novembre 1937 à Oran. Un enfant terrible de Aïn El Berd, village situé à 25 km de Sidi Bel Abbès et de M’dina J’dida, le quartier populaire d’Oran. Son premier jet au courant de sa plume juvénile fut un poème intitulé Petit cireur mon frère.
Et ce, quand le président Ben Bella mit fin, en 1963, à  l’exercice du métier de petits cireurs de chaussures en les exhortant à aller à l’école. Déjà une conscience, un talent brut de décoffrage. Elève de l’Ecole normale supérieure, études de lettres modernes à la faculté d’Alger, ensuite à la Sorbonne, à Paris, avec un sujet de thèse portant sur Denis Diderot et le XVIIIe siècle. Il poursuivra des activités éditoriales à Paris depuis 1967. Après l’assassinat de son frère, le grand metteur en scène Abdelkader Alloula (El Khobza, Legoual, El Ajouad ), le 10 mars 1994, Malek Alloula fera la promotion et la vulgarisation de ses œuvres à travers une association éponyme dont il était le président.
Malek Alloula est considéré par ses pairs comme un acteur majeur de la poésie algérienne, un de ces écrivains pratiquant une écriture exigeante, élégante, sobre  et inédite. Et de surcroît authentique et avec un je ne sais quoi de minéral. Car il revendiquait fièrement sa «paysannerie». Il est l’auteur notamment d’ouvrages comme Le Harem colonial, images d’un sous-érotisme (essai illustré de photographies), Alger photographiée au XIXe siècle (avec Khemir Mounira et Elias Sanbat), Belles Algériennes de Geiser, costumes, parures et bijoux (L’autre Regard , commentaires de Leyla Belkaïd) Marval, Les Festins de l’exil (essai),  L’Accès au corps (poèmes), Alger 1951 ou encore Un pays dans l’attente (photographies d’Etienne Sved, textes de Malek Alloula, Maïssa Bey, Benjamin Stora, Manosque).
Les éditions Barzakh ont réédité les recueils de poésie Mesures du vent, Villes et autres lieux Rêveurs/Sépulture et mesure du vent et publié un inédit, un recueil de nouvelles intitulé Le Cri de Tarzan : dans un village oranais, un questionnaire et questionnement philosophique et mnémonique dans une «cour des miracles», à la périphérie de la société et d’Oran. «C’est l’un des plus grands poètes francophones algériens avec Jean Sénac. Un type merveilleux. Décéder quelques jours après son ex-femme, Assia Djebar, c’est triste ! Je suis très touché et affligé par le décès d’un grand ami…», témoignera l’écrivain Rachid Boudjedra. «Il pousse la fidélité à ce point ? C’est un drame ! C’était quelqu’un de très sensible, spirituel…Un très grand admirateur de Denis Diderot. Je ne trouve pas les mots.
J’ai le souffle coupé. C’est toute une jeunesse soixante-huitarde qui part. Il était d’une grande fidélité légendaire avec ses amis. Il était aussi un grand cinéphile. Je le croisais souvent à la Cinémathèque d’Alger. Je suis bouleversé ! C’est une génération perdue et sacrifiée…», se souviendra le penseur et universitaire Mohamed Lakhdar Maougal. «Juste après Assia Djebar, c’est incroyable ! C’était un ami. C’est une grosse perte. J’aime ce qu’il a écrit. Peut-être qu’on n’a pas donné assez d’importance à ses œuvres. En les présentant à la jeunesse. Il avait des valeurs, un idéal à transmettre. Il n’est jamais trop tard…», saluera sa mémoire la poétesse Zineb Laouedj.
K. Smail

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El Watan le 20.02.15 |

Malek Alloula : «Une certaine Algérie est en train de disparaître»
Encore une perte : mardi 17 février, Malek Alloula, «poète complet», pour reprendre Amin Zaoui, décède à Berlin.
«Quelques jours après le décès d’Assia Djebar, ce monument littéraire qui était jadis son épouse, Malek Alloula, la suit et nous laisse bouleversés.» L’écrivain Amin Zaoui, qui a connu le poète, décédé mardi dernier à l’âge de 77 ans, est encore sous le coup de l’émotion. L’homme de lettres, que ses amis décrivent «humble, timide et surtout généreux», se trouvait en résidence d’écriture à Berlin où il bénéficiait d’une bourse à l’Office allemand d’échange universitaire (DAAD).
Son ami, l’écrivain Nourredine Saâdi, resté à son chevet jusqu’à son dernier souffle, nous apprend que le poète sera transféré à Oran aussitôt les démarches administratives réglées. Comme il l’a toujours souhaité, il sera inhumé à côté de son frère Abdelkader Alloula, l’homme de théâtre assassiné en 1994. «C’étaient des enfants qui se complétaient, ils avaient la même physionomie», raconte encore Amin Zaoui, qui dit les avoir fréquentés.
Malek Alloula était un admirateur de Denis Diderot sur lequel il a fait son sujet de thèse à la Sorbonne : «C’était un amoureux de ce philosophe des lumières, c’est  même lui qui me l’a fait découvrir, et depuis je partage sa passion, explique son ami du temps de la fac d’Alger, Mohamed Lakhdar Maougal. A Paris, on se rencontrait boulevard Saint-Germain où il y a la statue de Diderot et on prenait des pots ensemble juste en face, c’était notre folie et notre époque.»
Symboles
«Ils sont tous en train de mourir ! Une certaine Algérie est en train de disparaître ! Le pays s’appauvrit ! Il se vide à tout jamais, s’alarme l’écrivain Boualem Sansal. Je ressens de la douleur, voilà que les Algériens, tous poussés à quitter le pays par un régime dictatorial, sont en train de quitter la vie.» Maïssa Bey ajoute : «On ne l’a pas laissé être acteur dans sa société, comme d’autres de sa génération.
C’est pour ça qu’il a été obligé de quitter le pays. Si les jeunes ne le connaissent pas aujourd’hui, comme Assia Djebar ou d’autres écrivains, c’est parce qu’ils n’ont pas été intégrés dans les manuels scolaires.» Elle souligne aussi son «nationalisme». «Nous avons travaillé ensemble sur un livre, Algérie 1951, un pays dans l’attente. Je me souviens de ses réactions et de sa sensibilité aux photos d’Etienne Sved.» L’historien Mohamed Harbi, un de ses proches amis, témoigne : «C’était un ami, un grand monsieur et un écrivain qui aurait pu aller plus loin, n’étaient les vicissitudes de la vie, dont l’exil et l’assassinat de son frère qui l’ont fait souffrir et même freiné.»
Il faisait donc partie de cette «génération sacrifiée par l’Algérie indépendante», selon Mohamed Lakhdar Maougal, cette génération qui «portait beaucoup d’espoir pour le pays post-révolution, mais aussitôt l’indépendance chèrement acquise, ces brillants de leur époque ont été déçus…
L’Algérie indépendante n’avait rien de ce qu’ils rêvaient, et même si on ne les a pas laissés émerger, ils ont continué à donner le meilleur d’eux-mêmes à leur patrie.» Où en est donc la relève ? «On nous a mis tellement de bâtons dans les roues qu’on n’a même pas pu libérer les chemins pour les novices, regrette Maougal. La nouvelle génération a tout le temps pour s’exprimer et s’affirmer, et ensuite porter le flambeau.»

Hanane Semane
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Un monde s’en va

Mots épars. Moments de détresse. Difficile de penser, de respirer. Les mots, la voix, le souffle manquent justement pour dire ce qui nous a liés. Malek Alloula. Poète. Cela suffit à peine. Erudit, cinéphile averti, amateur de peinture, c’est déjà plus proche de ce qu’il fut.
Et puis : «La fraternité des fines gueules», cette congrégation d’amateurs de bonne chère, souvenirs de son adolescence et qu’il recréa à Paris avec d’autres joyeux drilles, Nono Saadi, Mourad Bourboune, Abdelkader Djemaï…Un monde s’en va.
Discret aussi. Je retrouve un mail d’octobre 2008 au moment d’achever son recueil de nouvelles Le cri de Tarzan, où il me parle de la notice biographique qu’il aimerait voir figurer au dos du livre : «Pour la quatrième, je te laisse libre, sauf pour la notice bio qui doit être minimale, subliminaire, du genre : Malek Alloula vit et travaille à Paris.
J’adore cette formule qui est une sorte de monade leibnizienne». Exagérément discret, oui, mais un homme du mot, de la précision des mots. Je ne connais personne qui ait eu un tel rapport aux mots. Tellement scrupuleux, tellement exact, qu’il lui arrivait de renvoyer un mail car il y avait repéré une faute d’orthographe ou une formule inappropriée.
Que la poésie algérienne et maghrébine lui doive beaucoup, c’est certain. On le découvrira et on le comprendra très lentement parce que sa voix va à l’essentiel. Et qu’il demeurera dans l’ombre, c’est certain. Malheureux, mais certain.
Là où il est, je suis absolument certain enfin qu’il doit retoucher indéfiniment les derniers textes qu’il écrivait, à Berlin, une ville qu’il avait découverte et apprivoisée depuis 2011, une ville qui lui allait bien.
Ou bien doit-il relire un recueil de Mahmoud Darwich, revoir un vieux film américain ou réécouter une chanson de Blaoui Houari. En toute discrétion mais avec délectation. Adieu l’ami. Sofiane Hadjadj
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Hadj Miliani, novembre 2010

Malek Alloula à l’IDRH: Quand un écrivain revendique sa «paysannerie»

Le public qui a assisté, samedi dernier à l’IDRH, à la rencontre autour de l’œuvre de Malek Alloula a eu comme l’impression d’assister à la réparation d’une injustice, en l’occurrence cela a consisté à réhabiliter l’œuvre de cet écrivain oranais, hélas à ce jour encore méconnu dans sa propre ville.

L’idée même d’organiser cette rencontre s’est faite à l’occasion de la réédition de l’intégralité de l’œuvre de ce poète oranais par les éditions Barzakh, à Alger. Ont donc pris part à cette rencontre, en plus du principal intéressé, à savoir Malek Alloula, le directeur de l’IDRH, Mohamed Bahloul, ainsi le directeur des éditions Barzakh, Sofiane Benhadjaj. A la fois écrivain, poète, nouvelliste et essayiste, Malek Alloula s’est longuement penché sur son parcours, commençant par nous raconter son enfance à Aïn El Berd, en pleine «paysannerie», lieu où d’ailleurs, il a contracté «la fibre paysanne» qui a forgé sa sensibilité. A ce propos, afin de nous prouver qu’il revendique pleinement ses racines, il n’a pas manqué de tonner en pleine conférence, et en version dialectale qui plus est : «ana aroubi !»et fier de l’être, a-t-il ajouté avec humour. C’est donc dans un milieu tout à fait coupé de la culture citadine que s’est déroulé l’enfance de Malek.
Ce n’est que lors de l’adolescence qu’il s’installe, lui ainsi que toute sa famille, à Oran, plus précisément à M’din-Jdida. En 1956, à la suite de la grève des étudiants algériens, il participe avec son frère à cette action. Et il fallait attendre le recouvrement de l’indépendance de l’Algérie pour qu’il s’essaye enfin dans l’art de l’écriture. A cette époque, il faisait des piges pour le journal l’Echo d’Oran. Le président Ben Bella, à l’occasion d’une tournée nationale, se trouvait à Oran en compagnie du président malien Sekou Touré. Au cours de son intervention, le président algérien a annoncé la nationalisation des salles de cinéma, ainsi que l’interdiction sur l’ensemble du territoire algérien l’exercice du métier de cireur. D’où l’idée pour Malek Alloula d’écrire son premier poème, intitulé : «Petit cireur mon frère». Quelques semaines après, à la suite de sa rencontre avec Bachir Hadj Ali, qui se trouvait à Oran pour une vente-dédicace, il réussit à se faire une petite place à Alger Républicain, «je me suis alors senti investi d’une mission poétique», dit-il, non sans humour. Par ailleurs, durant son intervention, il n’a pas oublié de parler de son frère, le dramaturge Abdelkader Alloula. Il faut savoir qu’entre les deux frères, il n’y a qu’à peine vingt mois de différence d’âge. «Ce n’était pas seulement de la fraternité entre nous, c’était presque de la gémellité. J’étais son aîné de quelques mois à peine. Généralement, dans les familles, c’est le cadet qui est extraverti, et l’aîné l’introverti, ça a été le cas pour nous !». N’appartenant pas tout à fait à la même «obédience» politique, leur lecture, ipso facto, divergeait quelque peu. Cela dit, Malek Alloula a de tout temps reconnu en son frère un grand homme de culture, capable «d’ingurgiter» des livres à profusion. La conférence donnée samedi dernier a été donc axée sur trois points : l’écriture, la ville d’Oran, ainsi que Abdelkader. Sofiane Benhadjaj a précisé quant à lui que Malek Alloula n’a jamais été complètement méconnu en Algérie, puisque ses textes étaient disponibles, durant les années 80 aux éditions Sindbad, à un temps où le livre coûtait à peine 40DA. »Une autre époque!» n’a-t-il pas manqué d’ajouter avec regret. Aujourd’hui, pour ceux qui sont intéressés de découvrir, ou de redécouvrir l’oeuvre de Malek Alloula, il est à savoir que bons nombres de ses textes sont disponibles sur les étals, aux éditions Barzakh: «Villes et autres lieux» (poèmes); «Rêveurs/sépulture et mesure du vent» (poèmes); «Le cri de Tarzan, la nuit dans un village oranais» (nouvelles).

 
In : https://milianihadj.wordpress.com/2010/11/22
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1
ALLOULA_ Aek_ un texte de MALEK ALLOULAin En mémoire du futur texte collectif- Ed Sindbad Actes sud-1_

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3



 
Livre d'où sont extraites
les pages ci-dessus
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Le poète algérien Malek Alloula est mort


Comme tous les grands poètes, l'Algérien Malek Alloula, qui vient de nous quitter à l'âge de 77 ans alors qu'il était en résidence d'écriture à Berlin, était d'une discrétion et d'une pudeur qui m'intimidaient. Je me souviens d'une lecture que nous avions faite ensemble au théâtre de Saint-Denis, ville gérée à l'époque par les communistes. C'était une des dernières apparitions de Louis Aragon, qui ne se sentait pas bien. Il nous a regardés en nous demandant si nous étions des poètes. Malek lui a dit : "C'est vous, le poète !" C'était une soirée étrange où les poèmes d'Aragon furent lus par un comédien. Malek, comme à son habitude, lut trois courts poèmes, très mystérieux, très beaux, puis s'éclipsa.
Malek était un excellent connaisseur de la langue française, un poète qui a enrichi et embelli cette langue. Il avait travaillé des années aux éditions Christian Bourgois. Lecteur, correcteur, réviseur, il écrivait peu, mais chacun de ses textes est ciselé comme un diamant. C'était un artisan des mots, un magicien, car il avait l'art de trouver la juste place à chaque mot, ce qui produisait un effet troublant tant la musicalité était parfaite.
Un frère assassiné par le GIA
Cet homme qui revendiquait ses origines paysannes, sa condition modeste, ne se faisait aucune illusion sur les hommes politiques ni de son pays ni d'ailleurs. En mars 1994, son frère aîné, Abdelkader, fut assassiné probablement par des éléments du Groupe islamique armé. Depuis, cette blessure n'a jamais pu se fermer. Il parlait de ce frère les yeux toujours au bord des larmes. Jamais le deuil n'eut lieu dans cette relation.
Malek Alloula fréquentait les poètes soufis comme Ibn Arabî et Al-Hallaj tout en lisant Hölderlin et Paul Celan. Son regard sur le monde était juste, c'est-à-dire totalement désespéré. Que ce soit dans Villes et autres lieux, dans Rêves/Sépultures ou dans Mesures du vent, l'écriture est d'une forte rigueur, avec une belle exigence. C'est un grand poète qui s'en est allé. On peut regretter que sa poésie, publiée principalement aux éditions Sindbad, n'ait pas eu le succès qu'elle mérite. Mais les poètes, les vrais, sont souvent de cette sorte, non seulement ils ne s'occupent pas du "marché", mais se contentent de quelques lecteurs fidèles.
J'ai trouvé ce poème dans un article que lui a consacré un journal algérien. Ce poème est peut-être l'un des derniers qu'il a écrits :
"Il est un terme où j'arrive toujours
À la tombée de la nuit
Un aveuglement ancestral
Dont je retrouvais le sens circulaire
D'où partaient ces voix
Pour parler si calmement de la mort
Comme d'une lampe éteinte avant la débâcle."
Par Tahar Ben Jelloun
Le 20 02 2015
In Lepoint.fr
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Disparition de Malek Alloula

"Poète, critique, essayiste de langue française, l’Algérien Malek Alloula, 77 ans, s’est éteint mardi soir à Berlin où il était en résidence d’écriture. Il était le frère du dramaturge et comédien Abdelkader Alloula assassiné en 1994 par les islamistes. Malek Alloula fut aussi autrefois l’époux de la romancière et l’académicienne franco-algérienne Assia Djebar qui, elle, a tiré sa révérence le 6 février dernier.
Originaire d'Oran, Malek Alloula avait fait des études de lettres modernes à la faculté d’Alger, ensuite à la Sorbonne à Paris où il a fait sa thèse sur Denis Diderot et le XVIIIe siècle. Il vivait et travaillait à Paris où il s’était installé définitivement en 1967. Il est l’auteur de plusieurs recueils de poésies (Villes et autres lieux, Rêveurs/Sépultures, L’Exercice des sens, Mesures du Vent, L’accès au corps et Les Festins de l’exil). « Il est une figure discrète et essentielle de littérature algérienne », peut-on lire sur la page consacrée au poète, sur le site de son éditeur algérien Barzakh, qui a réédité l'intégralité de l'oeuvre de ce poète oranais.
La poésie d’Alloula, publiée à Paris mais aussi au Maghreb, se signale à l’attention par son écriture élégante, riche en métaphores et en symboles. Celle-ci a pour thèmes la ville, la beauté des paysages, les corps de femmes. « D’un rire qui se suspend/ En ces sentiers où vous halent/ D’équivoques compagnes/ Voici que s’inverse la fête/ Sur vos profils à contre-jour/ Naissant et mourant ici à vos corps de femmes », proclame le poète dans son plus beau recueil Rêveurs/Sépultures (1982)."
RFI
"Il est un terme où j’arrive toujours
À la tombée de la nuit
Un aveuglement ancestral
Dont je retrouvais le sens circulaire
D’où partaient ces voix
Pour parler si calmement de la mort
Comme d’une lampe éteinte avant la débâcle".
Villes et autres lieux, éd. Bourgois, Paris, 1979; réédition barzakh, Alger, 2007
Rêveurs/Sépultures, éd. Sindbad, Paris, 1982 ; réédition barzakh, Alger, 2007
Mesures du vent, éd. Sindbad, Paris, 1984 ; réédition barzakh, Alger, 2007
Belles algériennes de Geiser, éd. Marval, Paris, 2001
Le Harem colonial (images d'un sous-érotismes), éd. Slatkine, 1980 et éd. Séguier, Paris, 2001
Alger photographiée au XIXe siècle, éd. Marval, Paris, 2002
Les Festins de l'exil, éd. Françoise Truffaut Éditions, Paris, 2003
L'accès au corps, poésie, Horlieu éditions, 2005.
Le cri de Tarzan, nouvelles, barzakh, Alger, 2008
le 20 février 2015 par Vincent Ferré

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Le poète algérien Malek Alloula, époux de feue Assia Djebar, est décédé

Décédé à Berlin mardi 17 février au soir, le poète algérien Malek Alloula sera inhumé à Oran, ville où il a grandi. Il était l'auteur d'une dizaine de volumes de poésies et de romans publiés en France et au Maghreb.
Poète, critique, essayiste de langue française, l’Algérien Malek Alloula, 77 ans, s’est éteint mardi soir à Berlin où il était en résidence d’écriture. Il était le frère du dramaturge et comédien Abdelkader Alloula assassiné en 1994 par les islamistes. Malek Alloula fut aussi autrefois l’époux de la romancière et l’académicienne franco-algérienne Assia Djebar qui, elle, a tiré sa révérence le 6 février dernier.
Originaire d'Oran, Malek Alloula avait fait des études de lettres modernes à la faculté d’Alger, ensuite à la Sorbonne à Paris où il a fait sa thèse sur Denis Diderot et le XVIIIe siècle. Il vivait et travaillait à Paris où il s’était installé définitivement en 1967. Il est l’auteur de plusieurs recueils de poésies (Villes et autres lieux, Rêveurs/Sépultures, L’Exercice des sens, Mesures du Vent, L’accès au corps et Les Festins de l’exil). « Il est une figure discrète et essentielle de littérature algérienne », peut-on lire sur la page consacrée au poète, sur le site de son éditeur algérien Barzakh, qui a réédité l'intégralité de l'oeuvre de ce poète oranais.
La poésie d’Alloula, publiée à Paris mais aussi au Maghreb, se signale à l’attention par son écriture élégante, riche en métaphores et en symboles. Celle-ci a pour thèmes la ville, la beauté des paysages, les corps de femmes. « D’un rire qui se suspend/ En ces sentiers où vous halent/ D’équivoques compagnes/ Voici que s’inverse la fête/ Sur vos profils à contre-jour/ Naissant et mourant ici à vos corps de femmes », proclame le poète dans son plus beau recueil Rêveurs/Sépultures (1982).
«Petit cireur, mon frère»
Né en 1923, dans l’Algérie profonde, « en pleine paysannerie » aimait ajouter le défunt, Malek Alloula est essentiellement un poète de la ruralité, qui a vu la fibre paysanne forger sa sensibilité. Ce n’est que lors de son adolescence qu’il est venu s’établir à Oran avec toute sa famille. L'homme puisait aussi son inspiration dans les heurs et malheurs des petites gens dont le destin ne lui indifférait guère. Son premier poème « Petit cireur mon frère » lui fut inspiré par la proclamation par le président Ben Bella interdisant sur l’ensemble du territoire algérien l’exercice du métier du cireur.
Il faut aussi lire les essais de cet auteur talentueux, notamment son Harem colonial, images d’un sous-érotisme, illustré de photographies des cartes postales d’Algérie sous la colonisation. Paru pour la première fois en 1981, plus proche de pamphlet polémique que brochure touristique, cet essai déconstruit la pensée ethnographique dont les cartes se réclament, révélant ses fondements à la fois idéologiques et fantasmatiques. Les commentaires perspicaces et critiques que l'auteur propose dans ces pages ne sont pas sans rappeler le travail d'Edouard Saïd sur la représentation de l'Orient dans la littérature occidentale du XIXe siècle et sa contribution à la production d'un imaginaire « orientalisant ».
Le dernier livre publié de Malek Alloula est un roman photo intitulé Paysage d’un retour que le défunt avait fat paraître en 2010 en collaboration avec le photographe Pierre Clauss.


le 18 et 19-02-2015
Par Tirthankar Chanda


http://www.rfi.fr
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