Lorsque
mes pieds se posèrent pour la première fois sur cette terre de France, il y a
longtemps, très longtemps, je fuyais alors le misérable réel et la hogra autant
que nous infligeait la dictature algérienne spécifico-stalinienne, (depuis, le Pharaon étant mort, je
fis deux parenthèses au Bled, la première de trois ans, la seconde de six). A
Paris, je fus accueilli par certains avec les doigts en pincettes sur le nez, certes, mais je rencontrai
aussi des gens formidables qui me prirent par l’épaule, comme un vieil ami. Le
monde était à un tournant, brusquement les prix des hydrocarbures flambèrent et
Giscard se tirait les quelques cheveux qui lui restaient. Mes nouvelles connaissances
me révélèrent la quatrième Internationale (la deuxième et demie aussi), la fête
de LO et de l’Huma, puis Vincennes bon sang ah Vincennes (le PRS et les Autonomes !), et Paris et ses
folies. Je découvrais – de visu – la folie du quartier latin, de la Bastille, de
la Rive gauche… J’intégrai ce monde sur la pointe des doigts de pied gauche d’abord,
puis totalement… Et j’eus le tournis entre Le Moulin de la Galette, Le
Gibus, La Vieille Grille, Le Kiss-Club, et bien sûr oh combien bien sûr Le
mythique Golf Drout !
Tout
ce préambule – j'en noircirais des pages entières – pour dire que c’est en ces temps-là, j’avais à peine 22 ans, que
je découvris François Béranger, Mama Bea, Lenny Escudéro, Brigitte et Areski, Isabel Parra, Léo de la Galerie Jfarfouille, Henri Tachan et… Jacques Higelin, peut-être le meilleur, du moins le plus sincère de
tous. Et le plus entier. Il
nous a quittés ce matin, à 77 ans, mais il restera en nous comme un grand
frère. Alors, Champagne Jacques !
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Tête en l’air
Sur la terre des damnés, solitaire,
Étranger aux vérités premières énoncées par des cons,
J'avais touché le fond de la misère
Et je crie et je pleure, et je ris au pied d'une fleur des champs,
Égaré, insouciant dans l'âme du printemps, cœur battant,
Cœur serré par la colère, par l'éphémère beauté de la vie.
Sur la terre, face aux dieux, tête en l'air,
Amoureux d'une émotion légère comme un soleil radieux
Dans le ciel de ma fenêtre ouverte
Et je danse, et je lance un appel aux archanges de l'Amour.
Quelle chance un vautour, d'un coup d'aile d'un coup de bec
Me rend aveugle et sourd à la détresse,
À l'éphémère tristesse de la vie.
Sur la terre, face au ciel, tête en l'air, amoureux,
Y'a des allumettes au fond de tes yeux,
Des pianos à queue dans la boîte aux lettres,
Des pots de yaourt dans la vinaigrette
Et des oubliettes au fond de la cour...
Comme un vol d'hirondelles échappé de la poubelle des cieux...
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Les 7 minutes de Jacques Higelin- 4journéesECF
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Tête en l’air
Sur la terre des damnés, solitaire,
Étranger aux vérités premières énoncées par des cons,
J'avais touché le fond de la misère
Et je crie et je pleure, et je ris au pied d'une fleur des champs,
Égaré, insouciant dans l'âme du printemps, cœur battant,
Cœur serré par la colère, par l'éphémère beauté de la vie.
Jacques Higelin - Tête en l'air- de Chanson française.mp4
Sur la terre, face aux dieux, tête en l'air,
Amoureux d'une émotion légère comme un soleil radieux
Dans le ciel de ma fenêtre ouverte
Et je danse, et je lance un appel aux archanges de l'Amour.
Quelle chance un vautour, d'un coup d'aile d'un coup de bec
Me rend aveugle et sourd à la détresse,
À l'éphémère tristesse de la vie.
Sur la terre, face au ciel, tête en l'air, amoureux,
Y'a des allumettes au fond de tes yeux,
Des pianos à queue dans la boîte aux lettres,
Des pots de yaourt dans la vinaigrette
Et des oubliettes au fond de la cour...
Comme un vol d'hirondelles échappé de la poubelle des cieux...
In Youtuve
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Au Magic Mirror - la Défense - 21 Mars 2011- de Gnac17.
Pars
Pars, surtout ne te retourne pas
Pars, fais ce que tu dois faire sans moi
Quoi qu'il arrive je serai toujours avec toi
Alors Pars et surtout ne te retourne pas!
Oh Pars... mais l'enfant
L'enfant il est là
Il est avec moi
C'est drôle quand il joue
Il est comme toi, impatient
Il a du cœur, il aime la vie
Et la mort ne lui fait pas peur.
Alors Pars
Surtout ne te retourne pas
Oh Pars!
Mais qu'est ce que t'as?
Oh Pars... et surtout reviens-moi!
Pars, fais ce que tu dois faire sans moi
Quoi qu'il arrive je serai toujours avec toi
Alors Pars et surtout ne te retourne pas!
Oh Pars... mais l'enfant
L'enfant il est là
Il est avec moi
C'est drôle quand il joue
Il est comme toi, impatient
Il a du cœur, il aime la vie
Et la mort ne lui fait pas peur.
Alors Pars
Surtout ne te retourne pas
Oh Pars!
Mais qu'est ce que t'as?
Oh Pars... et surtout reviens-moi!
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CHAMPAGNE !
[3D] Champagne ! (Jacques Higelin) Clip musical 3D, réalisé par
des étudiants de l'IIM (Institut de l'Internet et du Multimédia)
CHAMPAGNE !
La nuit promet d'être belle
Car voici qu'au fond du ciel
Apparaît la lune rousse
Saisi d'une sainte frousse
Tout le commun des mortels
Croit voir le diable à ses trousses
Valets volages et vulgaires
Ouvrez mon sarcophage
Et vous pages pervers
Courrez au cimetière
Prévenez de ma part
Mes amis nécrophages
Que ce soir nous sommes attendus dans les marécages
Car voici qu'au fond du ciel
Apparaît la lune rousse
Saisi d'une sainte frousse
Tout le commun des mortels
Croit voir le diable à ses trousses
Valets volages et vulgaires
Ouvrez mon sarcophage
Et vous pages pervers
Courrez au cimetière
Prévenez de ma part
Mes amis nécrophages
Que ce soir nous sommes attendus dans les marécages
Voici mon message
Cauchemars, fantômes et squelettes
Laissez flotter vos idées noires
Près de la mare aux oubliettes
Tenue du suaire obligatoire
Cauchemars, fantômes et squelettes
Laissez flotter vos idées noires
Près de la mare aux oubliettes
Tenue du suaire obligatoire
Lutins, lucioles, feux-follets,
Elfes, faunes et farfadets
S'effraient d'mes grands carnassiers
Une muse un peu dodue
Me dit d'un air entendu
Vous auriez pu vous raser
Comme je lui fais remarquer
Deux, trois pendus attablés
Qui sont venus sans cravate
Elle me lance un ?il hagard
Et vomit sans crier gare
Quelques vipères écarlates
Elfes, faunes et farfadets
S'effraient d'mes grands carnassiers
Une muse un peu dodue
Me dit d'un air entendu
Vous auriez pu vous raser
Comme je lui fais remarquer
Deux, trois pendus attablés
Qui sont venus sans cravate
Elle me lance un ?il hagard
Et vomit sans crier gare
Quelques vipères écarlates
Vampires éblouis
Par de lubriques vestales
Égéries insatiables
Chevauchant des Walkyries
Infernales appétits de frénésies bacchanales
Qui charment nos âmes envahies par la mélancolie
Satyres joufflus, boucs émissaires
Gargouilles émues, fières gorgones
Laissez ma couronne aux sorcières
Et mes chimères à la licorne
Par de lubriques vestales
Égéries insatiables
Chevauchant des Walkyries
Infernales appétits de frénésies bacchanales
Qui charment nos âmes envahies par la mélancolie
Satyres joufflus, boucs émissaires
Gargouilles émues, fières gorgones
Laissez ma couronne aux sorcières
Et mes chimères à la licorne
Soudain les arbres frissonnent
Car Lucifer en personne
Fait une courte apparition
L'air tellement accablé
Qu'on lui donnerait volontiers
Le bon Dieu sans confession
S'il ne laissait malicieux
Courir le bout de sa queue
Devant ses yeux maléfiques
Et ne se dressait d'un bond
Dans un concert de jurons
Disant d'un ton pathétique
Que les damnés obscènes cyniques et corrompus
Fassent griefs de leur peine à ceux qu'ils ont élus
Car devant tant de problèmes
Et de malentendus
Les dieux et les diables en sont venus à douter d'eux-mêmes
Dédain suprême
Car Lucifer en personne
Fait une courte apparition
L'air tellement accablé
Qu'on lui donnerait volontiers
Le bon Dieu sans confession
S'il ne laissait malicieux
Courir le bout de sa queue
Devant ses yeux maléfiques
Et ne se dressait d'un bond
Dans un concert de jurons
Disant d'un ton pathétique
Que les damnés obscènes cyniques et corrompus
Fassent griefs de leur peine à ceux qu'ils ont élus
Car devant tant de problèmes
Et de malentendus
Les dieux et les diables en sont venus à douter d'eux-mêmes
Dédain suprême
Mais déjà le ciel blanchit
Esprits je vous remercie
De m'avoir si bien reçu
Cocher lugubre et bossu, déposez-moi au manoir
Et lâchez le crucifix
Décrochez-moi ces gousses d'ail
Qui déshonorent mon portail
Et me chercher sans retard
L'ami qui soigne et guérit
La folie qui m'accompagne
Et jamais ne m'a trahi
Champagne !
Esprits je vous remercie
De m'avoir si bien reçu
Cocher lugubre et bossu, déposez-moi au manoir
Et lâchez le crucifix
Décrochez-moi ces gousses d'ail
Qui déshonorent mon portail
Et me chercher sans retard
L'ami qui soigne et guérit
La folie qui m'accompagne
Et jamais ne m'a trahi
Champagne !
www.coccinelle.com
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Jacques Higelin - Je suis mort, qui dit mieux- de Emple
Le chanteur Jacques Higelin, l’un des pionniers
du rock français, est mort vendredi matin à Paris à l’âge de 77 ans, a
annoncé sa famille à l’AFP.
«Aziza, sa femme, Arthur H, Kên Higelin et Izia Higelin ont la douleur d’annoncer la disparition de Jacques Higelin ce matin», indique le communiqué de la famille.
Ces derniers mois, son entourage proche avait fait état d’une «fatigue» du chanteur. La famille n’a pas souhaité communiquer sur les causes de son décès.
Père de trois enfants artistes, le chanteur Arthur H, la chanteuse Izia Higelin, et le réalisateur Kên Higelin, il laisse derrière lui une vingtaine d’albums qui ont marqué la chanson française, comme «BBH 75» (1974), «Alertez les bébés» ou encore le diptyque «Champagne pour tout le monde...» et »... Caviar pour les autres» sortis en 1979.
Poète survolté, généreux, engagé, Jacques Higelin aura été l’auteur de tubes tels que «Pars», «Champagne» ou «Tombé du ciel».
Né pendant la Seconde guerre mondiale, en 1940, il a débuté sa carrière artistique au théâtre au début des années 60, avant de rencontrer les musiciens Areski et Brigitte Fontaine, avec lesquels il incarna un renouveau de la chanson française au milieu des années soixante.
Passant de la poésie au rock avec la même aisance, il avait célébré en octobre 2016 ses cinquante ans de carrière avec «Higelin 75», son dernier album en date.
AFP
In Libération 06 avril 2018
«Aziza, sa femme, Arthur H, Kên Higelin et Izia Higelin ont la douleur d’annoncer la disparition de Jacques Higelin ce matin», indique le communiqué de la famille.
Ces derniers mois, son entourage proche avait fait état d’une «fatigue» du chanteur. La famille n’a pas souhaité communiquer sur les causes de son décès.
Père de trois enfants artistes, le chanteur Arthur H, la chanteuse Izia Higelin, et le réalisateur Kên Higelin, il laisse derrière lui une vingtaine d’albums qui ont marqué la chanson française, comme «BBH 75» (1974), «Alertez les bébés» ou encore le diptyque «Champagne pour tout le monde...» et »... Caviar pour les autres» sortis en 1979.
Poète survolté, généreux, engagé, Jacques Higelin aura été l’auteur de tubes tels que «Pars», «Champagne» ou «Tombé du ciel».
Né pendant la Seconde guerre mondiale, en 1940, il a débuté sa carrière artistique au théâtre au début des années 60, avant de rencontrer les musiciens Areski et Brigitte Fontaine, avec lesquels il incarna un renouveau de la chanson française au milieu des années soixante.
Passant de la poésie au rock avec la même aisance, il avait célébré en octobre 2016 ses cinquante ans de carrière avec «Higelin 75», son dernier album en date.
AFP
In Libération 06 avril 2018
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A l’occasion de la sortie de ce qui restera comme son dernier album, en octobre 2016, Jacques Higelin s’était limité au service minimum question promo, avec un seul entretien, accordé à Télérama. L’homme était pourtant réputé volubile, capable de tenir le crachoir pendant des heures - entre digressions, embardées, soliloques et déclamations -, quitte à répondre à des questions qu’on ne lui avait pas posées. Mais si cette fois il n’avait pas sacrifié au parcours rituel des questions-réponses, c’était qu’il n’en était plus capable, physiquement et mentalement. Il se murmurait même avec insistance que jamais on ne reverrait l’olibrius en public. Le chanteur emblématique des années 70-80 est mort vendredi matin, à 77 ans, laissant tout un chacun méditer sur l’aphorisme «la mort, ce n’est désagréable que pour ceux qui restent».
Un an pile avant ce dernier album, la Philharmonie de Paris célébrait le chanteur lors d’un mémorable concert, Champagne, où le patriarche s’offrait un ultime tour de piste, entouré de ses proches, sous forme de chant du cygne. Consécutif à des soucis de santé printaniers, son dernier disque jetait en revanche un froid, autant que son concert parisien - et qu’un recueil de textes inédits, écrit à partir du début des années 80, Flâner entre les intervalles - il donnait l’impression de boucler la boucle. Higelin 75 était ainsi titré à la fois en référence à l’âge de son auteur, né le 19 octobre 1940 en Seine-et-Marne à Brou-sur-Chantereine (un nom qui a bien dû avoir une influence subliminale sur sa destinée), et à l’un des disques les plus marquants de sa discographie, BBH 75, qui, quarante et une années auparavant et bien que discrètement reçu à l’époque, contribua à réformer une scène hexagonale inventive et frondeuse - rock, si on veut, avec tels Ganafoul, Diesel ou Bernard Lavilliers qui s’entraident pour dresser les barricades.
Idées noires
Dix-huitième album studio (auquel il faudra ajouter une flopée de lives et de compilations), Higelin 75 passera pourtant inaperçu. Il faut dire que l’enveloppe était maussade, qui montrait en noir et blanc un septuagénaire qu’une certaine insouciance aurait déserté, le visage marqué par une chute survenue juste avant la prise de vues. Une sorte de hara-kiri commercial, à rapprocher d’un contenu sombre, un peu trop aisément qualifiable de testamentaire, où, en huit chansons longues et rétives consignées avec l’éternel Mahut en Alsace, dans le home studio de son ami Rodolphe Burger, le funambule sonnait la fin de la récréation, d’un interminable A feu et à sang saturé d’idées noires à J’fume, où, fier à bras, il narguait «le fossoyeur» du Père-Lachaise. Lequel aura donc le dernier mot, lui qui jettera des pelletées de terre sur celui dont la première chanson écrite et composée s’intitulait Je suis mort, qui, qui dit mieux.
Né d’un père alsacien, cheminot gaulliste et musicien fan de Maurice Chevalier, et d’une mère belge au foyer, l’«enfant du peuple» a la vocation artistique pour le moins précoce puisque la légende raconte que, à 14 ans, l’impétrant qui vient de plaquer l’école pousse la porte des Trois Baudets, antre des talents émergents (Brassens, Brel, Vian, Lapointe, Gainsbourg), où Jacques Canetti, le maître de céans, éconduit poliment l’ado au sacré bagou, non qu’il le trouve dénué de talent mais plutôt parce qu’il l’estime un peu vert. Qu’à cela ne tienne, Higelin décroche un «tout petit rôle» dans une opérette, Nouvelle-Orléans, avec Sidney Bechet et les Peters Sisters.
Cinq ans plus tard, alors qu’il n’a pas encore atteint la majorité (fixée à 19 ans à l’époque), Jacques Higelin persiste et signe dans la veine artistique, mais plutôt comme comédien, admirateur de Buster Keaton et John Cassavetes - ce qui ne suffit pas à le hisser au-dessus de la mêlée. C’est en effet dans des films dont on dira pudiquement qu’ils ne feront pas date (la Verte Moisson, Saint-Tropez Blues, le Bonheur est pour demain…) qu’il s’immisce, ses quelques apparitions notables (Bébert et l’omnibus d’Yves Robert, Elle court, elle court la banlieue de Gérard Pirès, des passages furtifs chez Lelouch, Doillon ou Goupil) ne suffisant pas à rendre moins anecdotique une filmographie qui ne décollera jamais vraiment.
Contre-culture
A vrai dire, c’est la musique qui, très vite, accapare les pensées de Higelin - il se souvient, à 10 ans, avoir écouté «mille fois un disque de Charlie Parker, Miles Davis et Dizzy Gillespie». Quelques rencontres importantes jalonnent sa probation, du guitariste Henri Crolla, proche de Mouloudji et d’Yves Montand, qui devient une sorte de mentor, à Pierre Barouh, le fondateur du fameux label Saravah qui, à l’orée des années 70, secoue le cocotier. Mais aussi Jacques Canetti donc. Retrouvant l’ex-minot, il lui propose d’enregistrer sept chansons de Boris Vian, avant de le convier sur la scène du Bilboquet, qui en 1966 préfigure l’essor des cafés-théâtres, laboratoires de la contre-culture cimentés autour d’un esprit de camaraderie à l’espièglerie gentiment séditieuse.
Saltimbanque jusqu’à la racine des cheveux, notoirement hirsutes, Higelin fonctionne longtemps en meute, au gré de rencontres où, pêle-mêle, s’entassent les noms de Marie Laforêt, Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon (qu’il a connu le premier jour de son service militaire, en Algérie), Georges Moustaki, Elisabeth Wiener, Rufus, mais aussi et surtout Brigitte Fontaine et Areski Belkacem.
Tourbillon
Avec Brigitte Fontaine et Rufus, à la Vieille-Grille puis au théâtre des Champs-Elysées, il cosigne le texte et la mise en scène de Maman j’ai peur ! fleuron du café-théâtre, qui va rester plus de deux saisons à l’affiche à Paris ; puis, en 1969, avec Fontaine et Areski, il joue au Lucernaire Niok. Higelin n’explose pas, mais de cabaret en MJC il se maintient à flot dans le tourbillon contestataire du début des années 70 où, parfois dans un format plus proche du happening que du concert, il optimise cette «solide dose intérieure de plaisir de vivre» qui l’anime depuis l’enfance.
Avec BBH 75, Irradié, puis Alertez les bébés, c’est à l’approche de la quarantaine que Jacques Higelin fait réellement connaissance avec la popularité, sanctifiée par un premier disque d’or - à l’époque bénie où la barre est encore fixée à 100 000 exemplaires vendus.
Crue de mots
Paris New York, NY Paris, Cigarette, Mona Lisa Klaxon, Irradié, Aujourd’hui la crise ou Alertez les bébés ne sont pas à proprement parler des tubes, au sens où ils ne squattent pas les ondes de RTL ou Europe 1. Mais ces titres imposent un style, disons romantico-surréaliste, formé d’une crue de mots montés à cru par celui qui va devenir un artiste de premier plan avec les albums No Man’s Land (et la chanson Pars, qui, elle, franchit le seuil des radios périphériques). Puis Champagne et Caviar, diptyque foisonnant dont le seul lexique de la chanson Champagne («Satyres joufflus, boucs émissaires gargouilles émues, fières gorgones, laissez ma couronne aux sorcières, et mes chimères à la licorne…») suffit à résumer son inspiration pour le moins débridée.
Au même titre que Bernard Lavilliers, Catherine Ribeiro, Dick Annegarn ou son idole des premières années, Charles Trenet (à qui il rendra hommage, un quart de siècle plus tard, avec le spectacle Higelin enchante Trenet, lequel le considérait en retour comme un dauphin), Higelin est de la première édition du Printemps de Bourges. Le festival, en 1977, définit assez clairement les contours d’une chanson protestataire résolument en phase avec les idées de gauche de l’époque. Tout comme, sept ans plus tard, il participera au lancement des Francofolies de La Rochelle, concélébration de la scène hexagonale qu’il n’a de cesse de faire chavirer.
Bête de scène, admirablement agaçant, donc, Higelin ne s’arrête pas et impose auprès d’un public conquis des concerts de trois ou quatre heures où, sans garde-fou (comparé aux disques, que le format vinyle limite à une durée de quarante ou cinquante minutes), le contorsionniste de l’impro, adepte du dérapage plus ou moins contrôlé, donne libre cours à son excentricité, entre fulgurances et ficelles. Bercy, Zénith, Grand Rex, Bataclan, Cirque d’hiver, Trianon, Cigale… Les plus célèbres salles de France affichent complet et tout le monde se pâme pour le chanteur engagé qui va rester ainsi sur la crête une bonne dizaine d’années - grosso modo, jusqu’à l’album Tombé du ciel qui connaît encore, en 1988, un succès retentissant.
«Spasme»
En comparaison, les trente années suivantes manqueront de faits d’armes. A intervalles à peu près réguliers (tous les trois ans, environ), hormis un sérieux trou d’air au tournant du XXIe siècle - période coïncidant avec l’absence de signature sur un label -, Higelin livre des disques de moindre intérêt (Paradis païen, Amor doloroso, Coup de foudre). La critique demeure globalement bienveillante, mais l’aura fléchit. Homme de conviction, soucieux de «faire passer l’humain avant le pognon» - au risque d’enfoncer les portes ouvertes de la bien-pensance sans se soucier plus que ça du qu’en-dira-t-on (sa Symphonie des droits de l’homme, en 1989, ne fera pas date) -, l’échalas ne disparaît pourtant jamais totalement de la circulation. On entend moins le chanteur, mais il met sa notoriété au service de causes jugées justes, comme l’association Droit au logement, qu’il soutient au côté de l’abbé Pierre en 1993, ou Droits devant !, qu’il cofonde en 1994, et l’ONG les Amoureux au ban public, qui milite pour les droits des couples composés d’un conjoint français et d’un conjoint étranger, la lutte contre le Front national (qu’il houspille en territoire occupé, à Orange), ou la candidature à l’élection présidentielle de Ségolène Royal, en 2007.
Se déclarant «sans remords, ni regrets», au moment où l’on commençait à solliciter un bilan, Jacques Higelin laisse trois enfants - nés de trois mères différentes - dans le circuit : le chanteur Arthur H, le réalisateur Kên Higelin et la chanteuse et comédienne Izïa. Dans les tréfonds des archives de Libération, on retrouve sa participation à une grande guinche aux Halles de la Villette, le 27 avril 1975. Tête d’affiche de ce concert destiné à créer une communauté de lecteurs et à financer le journal, Higelin y est présenté sous forme d’un portrait dessiné, surmonté de la citation «Hey, je suis né dans un spasme, le ventre de ma mère a craché un noyau de jouissance et j’ai jamais perdu le goût de ça».
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rediffusé sur Arte vendredi 6 avril 2018
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In TéléObs:
Jacques Higelin : hommage au saltimbanque fantasque
Sandrine Bonnaire avait signé pour Arte " Ce que le temps a donné à l'homme", un portrait-documentaire de Jacques Higelin, décédé ce matin, et rediffusé ce soir sur la chaîne.
J'ai arrêté la voiture. Je l'ai
regardée danser. Je l'ai hélée. Elle n'a pas entendu."
Mais, comme il le dit lui-même, "les êtres qui doivent se croiser finissent
toujours par se croiser". En octobre 2012, le chanteur est en tournée dans l'est de la France. "Il paraît que Sandrine Bonnaire est dans le train", lui souffle un de ses musiciens. "Ah ! Je l'adore. Mais je ne veux pas la déranger", lui répond-il. Quand il se rend à la voiture-bar pour prendre un café, il tombe sur elle. "Sandrine !", s'exclame-t-il. "Jacques !", lui répond-elle. Un dialogue un peu surréaliste s'engage. Lui, de but en blanc : "Est-ce que tu chantes ?" Elle, surprise : "Non ! Pas vraiment." Lui, exalté : "Ce n'est pas grave. C'est ce que tu dis qui est important." Higelin lui propose d'enregistrer une chanson en duo. Le courant passe. Ils s'échangent leurs numéros de téléphone, projettent de se rappeler après Noël. Une promesse en l'air ?
La complicité est évidente
Non. Le 28 décembre, le téléphone sonne chez la comédienne. C'est lui. Ils se donnent rendez-vous. Tous les deux sont intimidés : elle est impressionnée par ce grand chanteur rock des années 1970 qu'elle admire, lui est chamboulé à l'idée de collaborer avec celle qui a tourné avec Maurice Pialat, Claude Chabrol, Jacques Rivette.Ils se souviennent par cœur de ce jour-là. Jacques Higelin se rappelle même que c'était un jeudi, il était avec Mahut, son "indispensable" musicien. Le chanteur et l'actrice composent "Duo d'anges heureux", apprennent à se connaître. La complicité est évidente. "On a instantanément parlé de plein de choses", dit le chanteur. Et l'idée d'un film s'impose naturellement. Sandrine en a déjà tourné deux : un documentaire pour France 3 - une œuvre remarquée sur sa sœur autiste, "Elle s'appelle Sabine" (en salles en 2008) - et "J'enrage de son absence", une fiction avec son ex-compagnon William Hurt, sortie en 2011.
Le point de départ de leur projet commun ? "Lettres d'amour d'un soldat de vingt ans" (chez Grasset), la correspondance que Jacques adressa à une femme restée à Paris quand il dut partir faire son service militaire pendant la guerre d'Algérie. Sandrine Bonnaire dit :
Pour moi, ça symbolise tout ce qu'il
est, sa force est d'avoir compris tant de choses à l'âge de 20 ans, et de ne
jamais avoir dérogé à ses profondes pensées sur tous ces thèmes qu'il aborde :
la musique, l'amour, la guerre, le cinéma... Je savais qu'ils allaient être le
fil conducteur. Je voulais aller chercher l'homme au-delà du personnage public."
Elle dit qu'elle n'aime pas quand il esquive
et "fait des pirouettes".
Lui affirme s'être mis à nu, s'être confié comme à une sœur. Le film démarre. "Je veux qu'on te voie comme tu es",
lui répète Sandrine. Un soir, elle est invitée à l'anniversaire de Jacques.
Elle fend la foule, s'assied à une table face à une inconnue. "Tu connais Pipouche ?", lui
lance Jacques. Soudain, le personnage énigmatique du livre prend corps.
Pipouche : Irène Chabrier, la destinataire des lettres du soldat Higelin,
qu'elle décide alors de faire tourner dans son film.Un portrait intimiste du saltimbanque fantasque
Sandrine réalise son documentaire d'une heure sans réel projet établi. L'aventure dure un an et demi. L'essentiel des conversations conservées au montage a été filmé dans les derniers jours du tournage. Le film mélange chansons, interviews et époques : un enregistrement en noir et blanc d'une chanson d'hier se poursuit dans un clip d'aujourd'hui. Sandrine Bonnaire privilégie les instants d'émotions.Résultat : un portrait intimiste où le saltimbanque fantasque que l'on croit connaître laisse toute sa place au poète. A 75 ans, le chanteur à la tignasse blanche a tout fait : chansons, concerts, cinéma, théâtre de boulevard ou d'avant-garde, opéra... Il se livre, parle du père qu'il est, de l'écriture, du temps qui passe, se confie toujours avec une grande humanité.
Pourtant, après la première projection privée, Higelin est déçu :
Tu te regardes, tu te trouves moche, mais tu ne vois pas le film."
Le documentaire a donné à Jacques Higelin l'envie d'écrire un nouveau livre : "Je vis pas ma vie, je la rêve", avec Valérie Lehoux (aux éditions Fayard, en librairie depuis octobre). Sandrine Bonnaire, elle, a été contactée par la productrice Fabienne Servan-Schreiber pour réaliser un autre portrait, celui de Marianne Faithfull.
Devant la presse, le chanteur et l'actrice ont évoqué une nouvelle chanson qu'ils pourraient interpréter ensemble, "plus rock que la première", précise-t-elle. Et soudain, au premier étage de ce restaurant chic du Quartier latin où ils rencontrent les médias, Higelin aperçoit dans la rue son complice. Il se précipite à la fenêtre, ouvre les battants, hurle son nom. Quelques minutes plus tard, Mahut est là : le musicien de la première heure, de leur premier rendez-vous, le témoin.
Qui a dit "Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des
rendez-vous" ?
Vendredi 6 avril à
22h55 sur Arte. "Ce que le temps a donné à l'homme", documentaire de
Sandrine Bonnaire, 2014, 53 min. (Disponible en replay).
Par Pierre Hedrich
Publié le 06 avril 2018 à 17h32
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In Télérama
Pour rendre hommage à Jacques Higelin,
Arte bouleverse sa soirée du 6 avril et diffuse “Ce que le temps a donné à
l’homme”, un documentaire réalisé par Sandrine Bonnaire. Il est également
visible immédiatement sur Arte.tv jusqu’au 13 avril 2018.
Notre critique : Ils se connaissent depuis peu, trois ans à peine. En
2012, Jacques invitait Sandrine à poser sa voix sur une chanson de son dernier
album, le magnifique Beau Repaire. Dans
la foulée, Sandrine convainquait Jacques de se laisser filmer (il n'aime pas
trop ça). Elle le suit donc en tournée, entouré de ses musiciens, fidèles parmi
les fidèles. Lui se raconte sans cabotiner et c'est assez plaisant. A mesure
qu'il évoque ses amours, le cinéma, ses trois enfants, l'ami et mentor Henri
Crolla, elle dégaine toutes sortes d'archives, madeleines et trouvailles
réunies. Et beaucoup d'extraits de concerts, piochés à tous les âges d'Higelin
et chacun empli d'une même énergie folle, tendu par cette manière qu'il a
de « malmener »ses
chansons, comme dit Dominique Mahut, le camarade percussionniste.
C'est aussi un film sur eux deux. Par le truchement de
la voix off, elle dialogue avec lui dans un registre épistolaire volontiers
lyrique. Et le met en scène dans un paysage de bord de mer torturé où, cheveux
aux vents, il semble méditer. Ce n'est pas la meilleure idée de Bonnaire —
autrement plus inspirée quand elle filma sa propre soeur (Elle s'appelle Sabine). Pour tout
dire, il nous arrive de nous sentir de trop, dans ce film qui s'ouvre sur eux
deux, conversant allongés sur un lit, et se conclut sur eux deux, chantant en
duo sur scène. C'est un film « deux-en-un », en somme, qui ne nous ravit...
qu'à moitié. Marc Belpois
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Higelin
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