J’attendais
cette nouvelle traduction avec impatience. Chaque fois que je pénétrais dans
une librairie d’Oran (ou d’Alger ou d’ailleurs) je me posais cette même question
« vais-je enfin trouver un nouveau livre de Mosteghanemi ? » je
veux dire un nouveau titre en version française de cette auteure majeure dont
la presse francophone ignore le grand talent (hormis quelques lignes
insignifiantes, une fois l’an, au moment du SILA). Aujourd’hui je peux dire
« ouf ». Le nouveau bijou attend tranquillement dans la librairie du
Front de mer d’Oran (baptisée « El Mamoune » et qui appartient à Dar
el Izza – un nouveau monstre commercial ? – comme lui appartient la grande
librairie « Ibn Badis Bookshop » ( ?))
À
l’intérieur de la librairie, à deux mètres de l’entrée, mon regard est saisi
par une pile d’une trentaine de livres. Une femme semble danser en une du
premier. Je me penche. Il s’agit d’un livre de cette écrivaine. La première de
couverture me sauta aux yeux comme une cerise au milieu d’un gâteau. Une jeune
femme aux pieds nus, les bras tendus vers le ciel, marche sur une plage accompagnée
de son ombre moins gracieuse, qui elle aussi ouvre grand les bras. La jeune
femme porte une robe rouge à encolure dégagée sur laquelle est parsemée une
multitude de gros pois blancs (je ne sais pourquoi – enfin si, coupe oblige –
j’ai pensé à l’emblème croate). Entre les deux extrémités de ses pouces et
index gauche et droit auxquels elle est coincée, flotte une imposante étoffe
blanche immaculée. Ou vierge.
Les femmes ne meurent plus d’amour en
est le titre (El Aswad Yalikou biki – Le
noir te va si bien. 345 pages- 1250 DA) Le rouge et le blanc de la version française remplace
le beau noir des tulipes de la version arabe. L’édition est de Hachette A.
Antoine, mars 2018. La traduction est de Fadia Farah Karlitch. « Nous l’avons reçu il y a trois jours » me dit la
caissière qui semble intriguée par mon achat. Elle désavoue ouvertement « les
valeurs » contenues dans ce roman (et les précédents) même si « le style de Ahlem
Mosteghanemi est beau ».
« Tel un piano élégant qui s’est
refermé sur ses notes, il s’est refermé sur son mystère. Il ne s’avouera pas
l’avoir perdue. Il prétendra qu’elle l’a
perdu, et que c’est lui qui a voulu une séparation aussi tranchante qu’un coup
d’épée. Car il préfère à sa présence passagère une absence durable, aux petits
plaisirs une grande douleur et aux séparations fréquentes une rupture décisive.
Tenaillé par son désir, il a décidé de l’effacer de sa pensée pour se
reconquérir, mais le voilà qui se meurt en même temps qu’elle. L’épée de la
passion, tout comme l’épée du samouraï, répartit le coup fatal entre le
bourreau et la victime… »
Sautez
sur ce livre, je suis persuadé qu'il ne vous décevra pas. Il n’y a aucune
raison que son style diffère de celui, majestueux, des deux précédents livres
traduits en français : Le chaos des sens (Albin Michel 2006, Fawdha el
hawas, 1997) et Mémoires de la chair (Albin Michel 2002, Dakiret el jassad,
1993).
J’y reviendrai, très certainement.
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