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lundi, juillet 27, 2020

701_ Sur les traces de... (I)

Sur les traces de… (I)

Après qu’il eut consommé son petit déjeuner, Omar s’installa devant son ordinateur, comme tous les matins. Il consulta ses courriels puis ouvrit l’un après l’autre les sites des journaux qu’il affectionne ou qu’il lit par devoir professionnel, peut-être bien par habitude. Plus tard, il se penchera sur ses propres écrits qu’il soignera avant de les adresser à des revues spécialisées. En dernière page d’un quotidien d’informations générales, un court article attira son attention. Il est titré « La communauté musulmane d’Inuvik (TNO, Canada) a enfin accueilli sa mosquée ce jeudi 23 septembre ». L’article détaille les péripéties subies par les chauffeurs d’un semi-remorque qu’ils acheminaient de Winnipeg vers Inuvik. Sur le poids-lourd était fixé un préfabriqué. C’était la mosquée. Omar relut l’article puis chercha le village dans Google Earth. Il connaissait la capitale du Manitoba, mais il n’entendit jamais parler d’Inuvik. Sa position géographique d’abord le désorienta, puis le surprit. Il ne se doutait pas de la présence de musulmans en un endroit si éloigné, si isolé. Les jours suivants il se documenta davantage. Plus les jours et les semaines s’écoulaient, plus il en savait sur cette région du bout du monde, plus il s’interrogeait sur cette mosquée, sur ses fidèles. Et puis, c’était une belle occasion qui s’offrait à lui pour, qu’enfin, il découvre le Grand Nord dont il rêva souvent par le passé. Il lui fallait faire quelque chose. Il en parla à ses proches, à ses amis, à des collègues. Véro fut enchantée. Elle lui proposa aussitôt de l’accompagner.

Omar et Véro se connaissent depuis une vingtaine d’années. Ils travaillaient ensemble à Paris pour LSA, un magazine spécialisé dans les publireportages dédiés à la grande distribution. C’est dans cette revue que Véro entama sa carrière de photographe. Cinq ans plus tard, durant les grandes grèves qui paralysèrent la France, ils abandonnèrent LSA pour se mettre chacun à leur compte, en free-lance. Ils ont, l’un et l’autre, délaissé le climat de la capitale et son effervescence pour la clémence du sud beaucoup moins agité. Véro habite à Arles, Omar près d’Avignon. Aussi, lorsque des occasions se présentent et quand cela est possible, ils s’engagent ensemble dans un projet. Omar prend en charge la rédaction, Véro les photos. La perspective de se rendre à la lisière du pôle Nord, à plus de dix mille kilomètres de Marseille, dans un territoire, le Nord-Ouest du Canada, vaste comme près de trois fois la France, les enthousiasma aussitôt. Ils ont hâte de la concrétiser. L’idée de réaliser un reportage pour la presse n’est pas centrale, mais ils ne l’excluent pas.

Inuvik est un village où vivent moins de quatre mille personnes. Il se trouve au-delà du cercle polaire. Durant les nuits d’été, le soleil oublie de se coucher, en hiver par contre il disparaît plusieurs mois, la nuit comme le jour. Se rendre à Inuvik et fouler le sol de sa mosquée, la plus septentrionale des mosquées de la planète, c’est pour Omar une expédition exaltante et un pari exceptionnel. Au fil du temps il a fait de ce bout du monde son mont Everest. Il lui faut désormais en prendre la direction et une fois le cœur d’Inuvik atteint, comme sur un sommet, y planter un fanion avec son nom écrit en lettres majuscules et plus tard se vanter auprès de ses proches qui lui chercheraient querelle ou lanceraient un défi : « moi j’ai prié dans la mosquée la plus au nord du monde ! » Lui qui jamais ne pria, ou plutôt qui ne prie plus depuis la mort de son père. Il avait quatorze ans, c’était en Algérie. Véro dirait, en exagérant à peine, « j’ai atteint le Pôle Nord ! »

Dès que la décision fut prise, il leur fallait penser à l’hébergement. La solution fut trouvée cinq mois plus tard, en février, grâce à Nicole, une amie journaliste de Véro. Son compagnon, Fred, qui est originaire de Trois-Rivières, avait suggéré d’en parler à sa famille au Canada si toutefois Véro et Omar étaient d’accord, et ils le furent.

 

C’est ainsi que Jacques Latraverse, cousin de Fred, voulut bien mettre gratuitement à leur disposition son pavillon de Yellowknife la capitale des Territoires du Nord-Ouest canadien. La seule condition que posait Jacques était que les Marseillais – eux-mêmes se disent Marseillais, c’est plus simple – l’occupent en été pendant qu’il passerait ses vacances dans sa résidence secondaire en Amérique latine. Omar accepta aussitôt, bien que Yellowknife se trouve à trois mille cinq cents kilomètres d’Inuvik. Le mois suivant, Omar et Véro achetaient les billets : Marseille-Paris par TGV, Paris-Montréal-Yellowknife par avion.

(à suivre…)

 

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