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vendredi, juin 14, 2013

400 - BIG BROTHER ou 1984 de GEORGE ORWELL

Post 1: BIG BROTHER - 1984

Vous l’avez compris, il s’agit d’une émission radio. J’aurais souhaité vous la proposer dans sa totalité, mais c’est compliqué. (il s'agit de la vidéo ci-dessus). A vrai dire je n’ai pas su l’exporter comme on dit, sur ma page Facebook. C’est pourquoi j’ai trouvé cette astuce de filmer quelques instants.
L’émission s’intitule “La grande table”. C’est une émission quotidienne sur France Culture, à midi. Celle de ce mercredi 11 juin a porté sur un sujet très délicat, qui peut-être dangereux pour nos libertés individuelles 
(http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-1ere-partie-securite-et-droit-civique-2013-06-12).

Dans une page du monde du 10 courant (internet) Edward Snowden, a révélé des informations confidentielles sur les programmes de surveillance des communications menés par les Etats-Unis. Il a expliqué comment est mis en place un système de surveillance extraordinaire sous des aspects complètement banalisés et intégrés par nous tous qui les utilisons : A quoi peuvent jouer demain les grands frères Google, Facebook… Sommes-nous en 1984 ? George Orwell avait très tôt raison. Le grand frère (LGF) est déjà parmi nous. Non je ne suis pas paranoïaque.

“l'ex-consultant de l'Agence nationale de sécurité (NSA), une des principales agences de renseignement des Etats-Unis, a fourni mercredi plus de détails sur les méthodes d'espionnage américaines. "Nous piratons les systèmes centraux des réseaux – comme d'énormes routeurs Internet, en général – qui nous donnent accès aux communications de centaines de milliers d'ordinateurs sans avoir à pirater chacun d'entre eux", a détaillé Snowden dans un entretien accordé à un quotidien de Hongkong, où il est réfugié depuis le 20 mai.

Parmi les cibles de la NSA, des centaines sont visées depuis 2009 à Hongkong ou en Chine, a affirmé Edward Snowden, qui dit agir notamment pour dénoncer "l'hypocrisie du gouvernement américain quand il assure qu'il n'espionne pas d'infrastructures civiles, au contraire de ses adversaires"”. (on Le Monde 13 juin internet)
J’évoquais plus haut George Orwell. Je vous propose une lecture quotidienne (si je tiens) d’extraits de son célèbre roman. Un visionnaire dont nous célébrerons l’anniversaire de naissance le 25 juin courant. Il aurait eu 110 ans.
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George Orwell, de son vrai nom Eric Arthur Blair, est un écrivain anglais né le 25 juin 1903 à Motihari (Inde britannique, aujourd'hui en Inde) et mort le 21 janvier 1950 à Londres.
Son œuvre porte la marque de ses engagements, qui trouvent eux-mêmes pour une large part leur source dans l'expérience personnelle de l'auteur : contre l'impérialisme britannique, après son engagement de jeunesse comme représentant des forces de l'ordre colonial en Birmanie ; pour la justice sociale et le socialisme, après avoir observé et partagé les conditions d'existence des classes laborieuses à Londres et à Paris ; contre les totalitarismes nazi et soviétique, après sa participation à la guerre d'Espagne.
Témoin de son époque, Orwell est dans les années 1930 et 1940 chroniqueur, critique littéraire et romancier. De cette production variée, les deux œuvres au succès le plus durable sont deux textes publiés après la Seconde Guerre mondiale : La Ferme des animaux et surtout 1984, roman dans lequel il crée le concept de Big Brother, depuis passé dans le langage courant de la critique des techniques modernes de surveillance. L'adjectif « orwellien » est également fréquemment utilisé en référence à l'univers totalitaire imaginé par l'écrivain anglais. (Wikipedia)

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Voici le Post1, premier extrait de:  1984

C’était une journée d’avril froide et claire. Les horloges sonnaient treize heures. Winston Smith, le menton rentré dans le cou, s’efforçait d’éviter le vent mauvais. Il passa rapidement la porte vitrée du bloc des « Maisons de la Victoire », pas assez rapidement cependant pour empêcher que s’engouffre en même temps que lui un tourbillon de poussière et de sable.
Le hall sentait le chou cuit et le vieux tapis. À l’une de ses extrémités, une affiche de couleur, trop vaste pour ce déploie- ment intérieur, était clouée au mur. Elle représentait simplement un énorme visage, large de plus d’un mètre : le visage d’un homme d’environ quarante-cinq ans, à l’épaisse moustache noire, aux traits accentués et beaux.
Winston se dirigea vers l’escalier. Il était inutile d’essayer de prendre l’ascenseur. Même aux meilleures époques, il fonctionnait rarement. Actuellement, d’ailleurs, le courant électrique était coupé dans la journée. C’était une des mesures d’économie prises en vue de la Semaine de la Haine.
Son appartement était au septième. Winston, qui avait trente-neuf ans et souffrait d’un ulcère variqueux au-dessus de la cheville droite, montait lentement. Il s’arrêta plusieurs fois en chemin pour se reposer. À chaque palier, sur une affiche collée au mur, face à la cage de l’ascenseur, l’énorme visage vous fixait du regard. C’était un de ces portraits arrangés de telle sorte que les yeux semblent suivre celui qui passe. Une légende, sous le portrait, disait : BIG BROTHER VOUS REGARDE.

À l’intérieur de l’appartement de Winston, une voix sucrée faisait entendre une série de nombres qui avaient trait à la production de la fonte. La voix provenait d’une plaque de métal oblongue, miroir terne encastré dans le mur de droite. Winston tourna un bouton et la voix diminua de volume, mais les mots étaient encore distincts. Le son de l’appareil (du télécran, comme on disait) pouvait être assourdi, mais il n’y avait aucun moyen de l’éteindre complètement. Winston se dirigea vers la fenêtre. Il était de stature frêle, plutôt petite, et sa maigreur était soulignée par la combinaison bleue, uniforme du Parti. Il avait les cheveux très blonds, le visage naturellement sanguin, la peau durcie par le savon grossier, les lames de rasoir émoussées et le froid de l’hiver qui venait de prendre fin.
Au-dehors, même à travers le carreau de la fenêtre fermée, le monde paraissait froid. Dans la rue, de petits remous de vent faisaient tourner en spirale la poussière et le papier déchiré. Bien que le soleil brillât et que le ciel fût d’un bleu dur, tout semblait décoloré, hormis les affiches collées partout. De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire vous fixait du regard. Il y en avait un sur le mur d’en face. BIG BROTHER VOUS REGARDE, répétait la légende, tandis que le regard des yeux noirs pénétrait les yeux de Winston. Au niveau de la rue, une autre affiche, dont un angle était déchiré, battait par à-coups dans le vent, couvrant et découvrant alternativement un seul mot : ANGSOC. Au loin, un hélicoptère glissa entre les toits, plana un moment, telle une mouche bleue, puis repartit comme une flèche, dans un vol courbe. C’était une patrouille qui venait mettre le nez aux fenêtres des gens. Mais les patrouilles n’avaient pas d’importance. Seule comptait la Police de la Pensée.
Derrière Winston, la voix du télécran continuait à débiter des renseignements sur la fonte et sur le dépassement des prévisions pour le neuvième plan triennal. Le télécran recevait et transmettait simultanément. Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas. De plus, tant que Winston demeurait dans le champ de vision de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu. Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment. Mais de toute façon, elle pouvait mettre une prise sur votre ligne chaque fois qu’elle le désirait. On devait vivre, on vivait, car l’habitude devient instinct, en admettant que tout son émis était entendu et que, sauf dans l’obscurité, tout mouvement était perçu.
Winston restait le dos tourné au télécran. Bien qu’un dos, il le savait, pût être révélateur, c’était plus prudent. À un kilomètre, le ministère de la Vérité, où il travaillait, s’élevait vaste et blanc au-dessus du paysage sinistre. Voilà Londres, pensa-t-il avec une sorte de vague dégoût, Londres, capitale de la Première Région Aérienne, la troisième, par le chiffre de sa population, des provinces de l’Océania. Il essaya d’extraire de sa mémoire quelque souvenir d’enfance qui lui indiquerait si Londres avait toujours été tout à fait comme il la voyait. Y avait-il toujours eu ces perspectives de maisons du XIXe siècle en ruine, ces murs étayés par des poutres, ce carton aux fenêtres pour remplacer les vitres, ces toits plâtrés de tôle ondulée, ces clôtures de jardin délabrées et penchées dans tous les sens ? Y avait-il eu toujours ces emplacements bombardés où la poussière de plâtre tourbillonnait, où l’épilobe grimpait sur des monceaux de décombres ? Et ces endroits où les bombes avaient dégagé un espace plus large et où avaient jailli de sordides colonies d’habitacles en bois semblables à des cabanes à lapins ? Mais c’était inutile, Winston n’arrivait pas à se souvenir. Rien ne lui restait de son enfance, hors une série de tableaux brillamment éclairés, sans arrière-plan et absolument inintelligibles.

(A suivre)
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Post2: BIG BROTHER - 1984
 
Comme je l’ai indiqué en mon post 1, je continue la diffusion du contenu de 1984 de George Orwell. Nombre d’entre nous l’ont lu depuis très longtemps. D’autres n’y ont pas eu accès pour de multiples raisons. C’est surtout pour ceux-ci que je le porte ici (et sur mon blog :

Le ministère de la Vérité – Miniver, en novlangue1 (1-Le novlangue était l’idiome officiel de l’Océania)frappait par sa différence avec les objets environnants. C’était une gigantesque construction pyramidale de béton d’un blanc éclatant. Elle étageait ses terrasses jusqu’à trois cents mètres de hauteur. De son poste d’observation, Winston pouvait encore déchiffrer sur la façade l’inscription artistique des trois slogans du Parti :
LA GUERRE C’EST LA PAIX LA LIBERTE C’EST L’ESCLAVAGE L’IGNORANCE C’EST LA FORCE
Le ministère de la Vérité comprenait, disait-on, trois mille pièces au-dessus du niveau du sol, et des ramifications souterraines correspondantes. Disséminées dans Londres, il n’y avait que trois autres constructions d’apparence et de dimensions analogues. Elles écrasaient si complètement l’architecture environnante que, du toit du bloc de la Victoire, on pouvait les voir toutes les quatre simultanément. C’étaient les locaux des quatre ministères entre lesquels se partageait la totalité de l’appareil gouvernemental. Le ministère de la Vérité, qui s’occupait des divertissements, de l’information, de l’éducation et des beaux- arts. Le ministère de la Paix, qui s’occupait de la guerre. Le ministère de l’Amour qui veillait au respect de la loi et de l’ordre. Le ministère de l’Abondance, qui était responsable des affaires économiques. Leurs noms, en novlangue, étaient : Miniver, Minipax, Miniamour, Miniplein.
Le ministère de l’Amour était le seul réellement effrayant. Il n’avait aucune fenêtre. Winston n’y était jamais entré et ne s’en était même jamais trouvé à moins d’un kilomètre. C’était un endroit où il était impossible de pénétrer, sauf pour affaire officielle, et on n’y arrivait qu’à travers un labyrinthe de barbelés enchevêtrés, de portes d’acier, de nids de mitrailleuses dissimulés. Même les rues qui menaient aux barrières extérieures étaient parcourues par des gardes en uniformes noirs à face de gorille, armés de matraques articulées.
Winston fit brusquement demi-tour. Il avait fixé sur ses traits l’expression de tranquille optimisme qu’il était prudent de montrer quand on était en face du télécran. Il traversa la pièce pour aller à la minuscule cuisine. En laissant le ministère à cette heure, il avait sacrifié son repas de la cantine. Il n’ignorait pas qu’il n’y avait pas de nourriture à la cuisine, sauf un quignon de pain noirâtre qu’il devait garder pour le petit déjeuner du lendemain. Il prit sur l’étagère une bouteille d’un liquide incolore, qui portait une étiquette blanche où s’inscrivaient clairement les mots « Gin de la Victoire ». Le liquide répandait une odeur huileuse, écœurante comme celle de l’eau-de-vie de riz des Chinois. Winston en versa presque une pleine tasse, s’arma de courage pour supporter le choc et avala le gin comme une médecine.
Instantanément, son visage devint écarlate et des larmes lui sortirent des yeux. Le breuvage était comme de l’acide nitrique et, de plus, on avait en l’avalant la sensation d’être frappé à la nuque par une trique de caoutchouc. La minute d’après, cependant, la brûlure de son estomac avait disparu et le monde commença à lui paraître plus agréable. Il prit une cigarette dans un paquet froissé marqué « Cigarettes de la Victoire », et, imprudemment, la tint verticalement, ce qui fit tomber le tabac sur le parquet. Il fut plus heureux avec la cigarette suivante. Il retourna dans le living-room et s’assit à une petite table qui se trouvait à gauche du télécran. Il sortit du tiroir un porte-plume, un flacon d’encre, un in-quarto épais et vierge au dos rouge et à la couverture marbrée.
Le télécran du living-room était, pour une raison quelconque, placé en un endroit inhabituel. Au lieu de se trouver, comme il était normal, dans le mur du fond où il aurait commandé toute la pièce, il était dans le mur plus long qui faisait face à la fenêtre. Sur un de ses côtés, là où Winston était assis, il y avait une alcôve peu profonde qui, lorsque les appartements avaient été aménagés, était probablement destinée à recevoir des rayons de bibliothèque. Quand il s’asseyait dans l’alcôve, bien en arrière, Winston pouvait se maintenir en dehors du champ de vision du télécran. Il pouvait être entendu, bien sûr, mais aussi longtemps qu’il demeurait dans sa position actuelle, il ne pourrait être vu. C’était l’aménagement particulier de la pièce qui avait en partie fait naître en lui l’idée de ce qu’il allait maintenant entreprendre.
Mais cette idée lui avait aussi été suggérée par l’album qu’il venait de prendre dans le tiroir. C’était un livre spécialement beau. Son papier crémeux et lisse, un peu jauni par le temps, était d’une qualité qui n’était plus fabriquée depuis quarante ans au moins. Winston estimait cependant que le livre était beau- coup plus vieux que cela. Il l’avait vu traîner à la vitrine d’un bric-à-brac moisissant, dans un sordide quartier de la ville (lequel exactement, il ne s’en souvenait pas) et avait immédiate- ment été saisi du désir irrésistible de le posséder. Les membres du Parti, normalement, ne devaient pas entrer dans les boutiques ordinaires (cela s’appelait acheter au marché libre), mais la règle n’était pas strictement observée, car il y avait différents articles, tels que les lacets de souliers, les lames de rasoir, sur lesquels il était impossible de mettre la main autrement. Il avait d’un rapide coup d’œil parcouru la rue du haut en bas, puis s’était glissé dans la boutique et avait acheté le livre deux dollars cinquante. Il n’avait pas conscience, à ce moment-là, que son désir impliquât un but déterminé. Comme un criminel, il avait emporté dans sa serviette ce livre qui, même sans aucun texte, était compromettant.
Ce qu’il allait commencer, c’était son journal. Ce n’était pas illégal (rien n’était illégal, puisqu’il n’y avait plus de lois), mais s’il était découvert, il serait, sans aucun doute, puni de mort ou de vingt-cinq ans au moins de travaux forcés dans un camp. Winston adapta une plume au porte-plume et la suça pour en enlever la graisse. Une plume était un article archaïque, rare- ment employé, même pour les signatures. Il s’en était procuré une, furtivement et avec quelque difficulté, simplement parce qu’il avait le sentiment que le beau papier crémeux appelait le tracé d’une réelle plume plutôt que les éraflures d’un crayon à encre. À dire vrai, il n’avait pas l’habitude d’écrire à la main. En dehors de très courtes notes, il était d’usage de tout dicter au phonoscript, ce qui, naturellement, était impossible pour ce qu’il projetait. Il plongea la plume dans l’encre puis hésita une seconde. Un tremblement lui parcourait les entrailles. Faire un trait sur le papier était un acte décisif. En petites lettres maladroites, il écrivit :
4 avril 1984
Il se redressa. Un sentiment de complète impuissance s’était emparé de lui. Pour commencer, il n’avait aucune certitude que ce fût vraiment 1984. On devait être aux alentours de cette date, car il était sûr d’avoir trente-neuf ans, et il croyait être né en 1944 ou 1945. Mais, par les temps qui couraient, il n’était possible de fixer une date qu’à un ou deux ans près.
Pour qui écrivait-il ce journal ? Cette question, brusque- ment, s’imposa à lui. Pour l’avenir, pour des gens qui n’étaient pas nés. Son esprit erra un moment autour de la date approximative écrite sur la page, puis bondit sur un mot novlangue : double-pensée. Pour la première fois, l’ampleur de son entre- prise lui apparut. Comment communiquer avec l’avenir. C’était impossible intrinsèquement. Ou l’avenir ressemblerait au pré- sent, et on ne l’écouterait pas, ou il serait différent, et son enseignement, dans ce cas, n’aurait aucun sens.

(A suivre)
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