Vers 15 heures Marc les conduit au pavillon de Jacques Latraverse, chez
eux. La maison se trouve au cœur de la ville, dans la 54° Street. Sur la même
rue, une façade attire leur attention. Elle est entièrement rose. Sur le grand
panneau accroché à l’entrée, on peut lire : « Bruno’s Deli & pizza – eat or take out ». La maison
de monsieur Latraverse est un pavillon à la couleur nacrée. Les portes, les
fenêtres sans volets et l’encadrement sont d’un autre blanc, froid. Sur
l’entablement de l’entrée, il est écrit 5419. La maison est un grand
trois-pièces avec cuisine américaine. Elle est bâtie au centre d’une importante
superficie. De part et d’autre de l’entrée du pavillon deux grands frênes
immobiles sont postés comme des sentinelles en temps de paix. Le long du côté
gauche de la maison, un potager protégé par une clôture en bois, haute de
cinquante centimètres, ne semble pas trop souffrir du climat. Le reste de l’espace
est un jardin très soigné qui a la forme d’un U, où poussent différentes
plantes, fleurs et gazon savamment harmonisés comme pour les légumes du
potager. Dans celui-ci Monsieur Latraverse cultive des courgettes, tomates,
petit-pois, brocolis… Des allées dallées entourent la maison de sorte que l’on
a accès de toutes parts à chacune des zones cultivées. Marc reste avec Omar et Véro le temps de leur
donner toutes les informations nécessaires sur le fonctionnement des différents
appareils de la maison et leur remettre une chemise remplie de documents divers
que prépara à leur intention Jacques Latraverse. Puis, ensemble, Marc au volant
du Westfalia, ils font un tour dans les larges artères de la ville.
Omar
conduit sur le trajet du retour. Après le départ de Marc, ils vident les
valises de leur contenu et les rangent dans une partie de l’armoire libérée par
monsieur Latraverse pour eux. Les aiguilles trottent sur les poignets, mais pas
le temps dirait-on, « tu as vu l’heure ? » s’exclame Véro. Il
est près de 20 h et la luminosité est totale. Ce qui les fait rire.
« C’est fou ça » dit Omar. Lorsqu’ils finissent de ranger, ils
sortent. Ils contournent à pied le bloc de maisons par la droite jusqu’à la 50°
avenue qu’ils empruntent. A l’angle de la 49° Street se trouve la banque Canada
Trust. Ils font un retrait au guichet automatique et rentrent au Black Knight
pub, dans la même rue. Omar dit comprendre pourquoi les rues sont vides.
« Ils sont tous là ! » Le pub est en effet bondé. Dans le fond
de la salle, un groupe écossais chante une chanson gaélique. Les consommateurs
applaudissent et boivent. Les serveurs jonglent avec les plateaux surchargés de
bouteilles et de verres. Omar s’amuse : « par moment on dirait Tri
Yann », « sans cornemuse » sourit Véro. Ils ont commandé et
attendent longtemps avant d’être servis. Bière Keith’s et Curry chicken Rotini
pour Véro, Sawmill Creek Merlot et soupe de palourdes pour Omar. Pensant qu’on
avait omis de lui donner le pain, Omar en réclame. Le garçon semble surpris,
« there is not, but we’ll see ».
Le lendemain matin ils se rendent à l’Association franco culturelle où on
les accueille à bras ouverts, « ah voilà les Français, Victor tu peux
venir ? ». La discussion est aussitôt enclenchée : la France, le
sud, le soleil. Victor est un Parisien installé à Yellowknife depuis plusieurs
années. « La directrice se trouve au City-Hall », leur dit-il.
Il se propose de les y accompagner. « C’est à deux pas »,
précise-t-il. En chemin il leur explique de quoi il retourne. Le prince William
duc de Cambridge et son épouse, la duchesse Kate Middleton sont en tournée
royale dans les TNO. Ils sont attendus devant l’esplanade de la mairie d’un
instant à l’autre. La foule est celle des grands jours dit Victor. Quant à
Marie Chaumont, elle est introuvable. Les deux compagnons restent toutefois avec
Victor. Le couple royal arrive par hélicoptère. Il est très fortement applaudi.
Des gardes le protègent de la pluie avec leurs grands parapluies noirs. Le
prince et la princesse serrent quelques mains… Ils ont le sourire facile devant
les innombrables appareils photo des spécialistes et des habitants admirateurs.
Des représentants des T’atsaot’ine, ou Couteaux jaunes, portant des tuniques en daim de trappeurs
comme celle de Davy Crockett, font un discours de bienvenue, puis entreprennent
quelques pas de danse. Véro réussit à franchir la barrière de sécurité et prend
des portraits au plus près du couple sans se soucier des policiers ni des
gardes du corps. « On ne sait jamais » répond-elle à Omar qui la
raille. Ni lui ni elle n’affectionnent ce type de manifestation. Après les
photos ils le font savoir à Victor, avec tout le tact nécessaire, bien qu’il ne
soit pas lui même sujet de Sa Majesté la reine du Canada. Victor préfère
rester. Véro et Omar reviennent vers la 50° avenue, passent devant la Diavik
Diamond Mine et la CIBC Bank. À hauteur du restaurant AεW ils tournent à droite sur la 49° Street.
Ils entrent au Frolic un sympathique bar-restaurant français dont vient de leur
parler Victor. La couleur est affichée dès la porte d’entrée.Un grand drapeau
tricolore flotte sur le fronton. À l’intérieur, les serveuses sont autant de
Mariane portant un bonnet phrygien. Sur chaque table sont dressés deux fanions,
l’un canadien, l’autre français. Le patron se prépare à recevoir la semaine prochaine,
dans le jardin du restaurant, tous les citadins de Yellowknife amis de la
France. La nuit du 14 juillet sera longue. Omar fait un clin d’œil à Véro
« et si on cherchait un bar ou un restaurant algérien, c’est la fête nat.
au bled aujourd’hui… » Il a une pensée pour M.B. et Maïssa Bey. Il aurait
aimé participer à la manifestation de la librairie du musée. « Au
Piranha-bar ! » fait Véro. Omar ne relève pas ce qu’il considère
comme une maladresse. Ils prennent deux bières, avant de revenir au pavillon de
l’Association franco culturelle. Cette fois ils rencontrent Marie
Chaumont la directrice. C’est une jeune
et jolie brune qu'on jurerait sortie d’une agence de mannequins andalous. Ce
que Skype, durant leurs échanges, ne laissait guère entrevoir ou deviner. Ses
longs cheveux de jais tombent négligemment sur ses épaules, ses yeux noisette-noir
brillent sous la poudre sombre qui souligne leur tour, leur élégance orientale.
De grandes boucles en corail (imitation ?) rouge vif, pendent à ses
oreilles. Marie est heureuse de les rencontrer. « Des Français qui s’aventurent
jusqu’à Yellowknife, on n’en voit pas tous les jours » dit-elle en venant
à eux. Elle leur présente ses collègues : Victor donc, mais aussi Alice,
Rosalie et Pascaline « on s’est vus tantôt » dit-elle. Elle leur
présente également des usagers : Gabriel, Dembe, Olivier et Noémie. Puis
elle leur parle de l’association et de ses multiples activités. Elle leur donne
toutes sortes d’informations sur la capitale et ses environs, mais aussi sur
Dawson City et Inuvik. Elle leur fournit les coordonnées de Budget, une agence
de location de voitures à Whitehorse.
(à suivre)
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