Dédicace - in Vanityfair mars 2018 |
Son regard est sombre, porté au loin. A quoi pense-t-il ? Pas au prochain roman, cela fait près de dix ans qu’il a décidé d’arrêter d’écrire, « Némésis sera mon dernier livre », déclarait-il à Nelly Kaprièlan (Les Inrockuptibles, N° 881 du 7 octobre 2012). A quoi alors ? Peut-être au prix Nobel de littérature de cette année qui a été reporté et qui lui sera attribué l’an prochain à titre posthume ? Peut-être à une île du bout du monde où il compte se rendre pour le reste de ses jours, comme Gauguin, n’est-il pas après tout peintre à sa manière ? Il quitterait alors son très cher Connecticut, plus précisément sa ferme plusieurs fois centenaires du Connecticut. Non certainement pas. Pour rien au monde il ne se prêterait à tel sacrilège. A quoi alors pense-t-il ? A nous ses lecteurs peut-être, tristes aujourd’hui d’apprendre sa disparition. Ce génie est un génie, un vrai. Combien d’hommes et de femmes ont tenté son style ? Combien sont-ils ceux qui l’ont étudié, filmé, interrogé, sans pouvoir aller au bout de l’insaisissable auteur ? Philip Roth est mort hier. Il avait 85 ans. Il nous a laissé une trentaine de romans et toute La Pléiade. Ses personnages, les Alexander Portnoy, Tarnopol, David Kepesh, Nathan Zuckerman et… Philip Roth (!), son autre double, nous font déjà signe de revenir vers eux. Ils nous manquent déjà.
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CE QUI SUIT A ETE ajouté le Mardi 30 juillet 2024
« Pourquoi écrire ? »
« Me voilà, sans mes tours de passe-passe, à nu et sans aucun de ces masques qui m’ont donné toute la liberté d’imaginer dont j’avais besoin pour écrire des romans. » Cette compilation d’essais et d’entretiens a été conçue par Philip Roth comme le chapitre final de son œuvre, celui où le romancier, qui avait publiquement annoncé la fin de sa carrière littéraire, contemple le fruit d’une vie d’écriture et se prépare au jugement dernier. Il y dévoile les coulisses de son travail, revient sur ses controverses et livre de nombreuses anecdotes où le goût de la fiction le dispute à la stricte biographie. Au fil des trois sections du recueil (dont la dernière, Explications, est inédite en France), chaque page démontre l’acuité et la force de persuasion de celui qui fut un des auteurs essentiels du XXe siècle. Et ne vous laissez pas berner par la promesse initiale : la sincérité avouée de Roth n’est pas la moindre de ses ruses…
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Entretien de Philip Roth avec Milan Kundera. C’est un condensé de deux conversations qui ont eu lieu avant la chute du Mur de Berlin écrit P. Roth. Extrait…
Philip Roth demande à Kundera si, dans la septième et dernière partie de Le Livre du rire et de l’oubli « Kniha smichu a zapomneni » « on ne touche pas le fond de votre pessimiste ? »
Milan Kundera : Je me méfie des mots « pessimisme » et « optimisme ». Le roman n'affirme rien, il cherche, il pose des questions. Je ne sais pas si mon pays va périr et je ne sais pas non plus lequel de mes personnages a raison. Moi, j’invente des histoires, je les confronte, et c'est ma manière de poser des questions. La bêtise des hommes vient de ce qu’ils ont réponse à tout. La sagesse du roman, c'est d'avoir question à tout. Quand Don Quichotte est sorti affronter le monde, ce monde lui a paru un mystère. Tel est le legs du premier roman européen à toute l’histoire qui le suivra. Le romancier apprend au lecteur à appréhender le monde comme question. Il y a de la sagesse et de la tolérance dans cette attitude. Dans un monde construit sur des certitudes sacro-saintes, le roman est mort. Le monde totalitaire (ici la censure de ‘ah’, la mienne !) est un monde de réponses plutôt que de questions. Le roman n'y a pas sa place. En tout cas, il me semble qu'à travers le monde les gens préfèrent aujourd'hui juger plutôt que comprendre, répondre plutôt que demander, si bien que la voix du roman peine à se faire entendre dans le fracas imbécile des certitudes humaines. (Entretien paru dans la New York Times Book Review, le 30 novembre 1980).
Merci Roth, merci Kundera… Dans un monde de certitude on ne peut appréhender « Houwariya » que sous la forme de récit, de fait divers journalistique. Dans ce monde, la liberté de romancer est impensable. Et nous avons eu une avalanche de bien- penseurs hurleurs, bien au raz du gazon, qui nient d’ailleurs l’environnement dans lequel ils disent vivre. Ils n’ont jamais ouvert les yeux.
Le 17 juillet dernier, j’avais écrit ceci en ardoise, sur FB : « "HOUWARIYA" dévoile l'incommensurable profondeur du gouffre culturel en Algérie, nonobstant les rares îlots en sursis. »
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Lisez mon dossier complet sur mon bog, ici :
http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.com/search?q=PHILIP+ROTH
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