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jeudi, novembre 28, 2024

887_ Silence les Sand et les Sénac ! (Et ils se turent/tuèrent)

 

Silence les Sand et les Sénac !

(Et ils se turent/tuèrent)

 

Boite à livres :

Choisissez,

Feuilletez,

Prenez,

Lisez,

Beckett.

Penser,

Beckett.

Penser Beckett.

Dire,

Dire,

Comment dire,

Le serment,

Marcher.

Marcher,

Respirer,

Inspirer.

Marcher, inspirer, expirer.

Et dire.

Comment dire ?

Lumières.

Sérénité.

Sérénité Beckett.

Comment dire ?

Dire,

Beckett.

Sérénité,

Beckett,

Sagan, Saint Exupéry,

Comment dire,

Saint-John Perse,

Sand,

Beckett,

Comment dire Beckett

Comment dire.

Sand,

Sarraute, Simenon,

Sartre,

Sartre,

Stendhal,

Sartre,

Stendhal,

Sembene,

Sénac,

Sénac,

Senghor,

Sue,

Stendhal,

Sarraute, 

Sand, 

Saint John Perse,

Sagan,

Saint-Exupéry,

Sénac,

Senghor,

Sue,

Etc, etc.

Libre.

Penser.

Dire,

Comment dire.

Comment dire.

Dire. Dire. Dire.

Silence.

Une feuille morte.

La lumière jaillira,

Hors de la Caverne.

 

Ahmed Hanifi,

Mercredi 27 novembre 2024

 

Lire vidéo :


(L’incarcération de Boualem Sansal « S », est inacceptable quoi qu’il ait pu dire)



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mercredi, novembre 27, 2024

886_ SANSAL, DAOUD... "L’Algérie et le sacre de ses écrivains" par Houari Touati

  26 NOVEMBRE 2024, BILLET DE BLOG – MEDIAPART_ PAR HOUARI TOUATI

 

L’Algérie et le sacre de ses écrivains

Il y a une chose dont la nouvelle Algérie a enfanté dans la douleur des spasmes de la « tragédie nationale » de la décennie 1990 et dans l’exaltation du bonheur politique retrouvé avec le grand mouvement de droits civiques des années 2019-2021. Cette chose n’est ni politique, ni religieuse, ni sociale, elle est littéraire et s’appelle le sacre de l’écrivain. Durant longtemps, le débat public en Algérie fut animé par des intellectuels, comme ils se définissaient eux-mêmes, alors que la plupart étaient universitaires. Presque tous ces intellectuels s’identifiant au modèle gramscien étaient des francophones, mais certains étaient arabophones, selon la terminologie d’usage. Autant dire que c’est dans la langue française que ces publicistes – car c’est surtout à travers la presse qu’ils s’exprimaient –, ainsi que leurs lecteurs, savouraient leur croyance en une espérance à la Ernst Bloch. Ils étaient quasiment tous marqués à gauche, et leur modèle d’intelligibilité du monde était celui du marxisme.

Les plus brillants, les plus cultivés, étaient issus de l’extrême-gauche maoïste et trotskyste, manifestement sur le modèle français. C’était l’époque du Boumédiénisme triomphant dont l’Occident n’a retenu que le seul versant militaire du système politique qu’il a instauré. Or ce système, porteur d’une occidentalisation décomplexée, a eu une dimension sociale et culturelle profonde. Mais tout cela a fini par sombrer avec l’échec de cette promesse de modernité. Lesdits intellectuels ont continué de s’exprimer, mais ils ont peu à peu perdu leur aura. Dans un contexte d’ébranlement généralisé, vieillissants et traumatisés par tant de drames qui se sont succédé en si peu de temps, et qu’ils n'ont pas su voir venir, ils sont supplantés par une nouvelle génération d’écrivains francophones et arabophones qui semble avoir surgi du néant comme pour le défier, tant des pans entiers de la modernité algérienne avaient volé en éclats sous l’action corrosive de la contre-réforme.

Mais le temps n’est ni à la réflexion ni à l’examen critique, il est à la dénonciation et à la diatribe contre les travers du pays. Tout y passe : l’État, la société, le conservatisme, l’islamisme, les inégalités de statut entre hommes et femmes, et j’en passe. Un nouveau paradigme s’instaure dans le paysage idéologique et intellectuel algérien : il est rhétorique. C’est la force du verbe, le sens de la formule bien frappée, l’audace de la comparaison et de l’analogie, qui prennent le pas sur la critique patiente de la société et de l’État au moyen de la connaissance positive et de l’érudition raisonnée.

C’est dans ce contexte que sont apparues les deux plumes les plus marquantes et les plus talentueuses : Boualem Sansal et Kamel Daoud. Les deux écrivains sont cependant l’arbre qui cache la forêt. Car ils sont la partie la plus visible d’un phénomène littéraire algérien d’une remarquable ampleur, qui a vu les écritures francophones proliférer au moment même où la mort de la langue française était annoncée comme imminente.

L’autre phénomène nouveau de ces années d’après-guerre civile est l’intervention régulière d’écrivains algériens dans les médias français, ainsi que dans la presse arabe paraissant à Londres. Mais c’est encore Kamel Daoud et Boualem Sansal qui prennent toute la place, à cause de leur surface médiatique et de la virulence de leurs propos exposés en particulier dans la presse de la droite identitaire et de l’extrême-droite identitaire française, dans un contexte de tensions et de crispations entre la France et son ancienne colonie. L’un et l’autre ne s’embarrassent pas de contre-vérités ni de jugements énoncés à l’emporte-pièce.

Dans le Talkshow de Léa Salamé, Kamel Daoud a exaspéré ses compatriotes algériens en déclarant que les jeunes filles algériennes étaient retirées de l’école de force à seize ans pour être mariées. Le propos est d’autant plus provocateur que l’école est obligatoire jusqu’à seize ans en Algérie, comme en France, et que la loi algérienne interdit le mariage forcé et que, enfin, les statistiques démentent cette assertion, en établissant que l’âge moyen au premier mariage oscille entre 24 ans dans le Sud (Illizi) et 29 ans dans le Nord (Alger). Cette évolution sociale et démographique est à mettre sur le compte de la démocratisation de l’enseignement, qui est l’une des rares réussites du pays. Car l’Algérie a un des taux de scolarisation des enfants de six ans qui est l’un des plus élevés au monde. En outre, comme partout où la démocratisation de l’enseignement est à l’œuvre, même dans les pays les plus conservateurs comme l’Arabie Saoudite, les filles en profitent mieux et plus que les garçons, en réussissant leur scolarité, si bien que – s’agissant de l’Algérie – elles sont plus nombreuses à l’université (57,3%, contre 38,5% sur 1,7 million d’étudiants en 2017).

À quelques jours d’intervalle, Boualem Sansal est allé plus loin dans cette démarche contrefactuelle dans un média de l’extrême-droite identitaire – Frontières – dont il est membre du comité éditorial.

Vue d’Algérie, la déclaration de l’écrivain est explosive, qui a consisté à soutenir « quand la France a colonisé l’Algérie, toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara (…). Quand la France colonise l’Algérie, elle s’installe comme protectorat au Maroc et décide comme ça, arbitrairement, de rattacher tout l’est du Maroc à l’Algérie, en traçant une frontière. » En tenant un tel propos, Boualem Sansal s’est livré à une opération de falsification de l’histoire, qui ne pouvait qu’agacer et navrer en même temps. Mais seule compte la formule choc. Et c’est ce qui caractérise le mieux la plupart de ces écrivains médiatiques algériens qui sont devenus les nouveaux intellectuels du moment. La propension à la dénonciation l’emporte sur le reste et justifie qu’on ait recours à l’à-peu-près, à la demi-vérité et à la contre-vérité.

S’agissant de la frontière algérienne, les sources historiques marocaines elles-mêmes démentent les allégations de l’écrivain algérien. Il y avait bien une frontière qui distinguait l’actuelle Algérie de l’actuel Maroc, et c’est sur sa base que la France agissant en qualité de puissance tutélaire de l’Algérie a négocié le tracé des frontières, qui est en grande partie celui de l’Algérie d’aujourd’hui. Et elle est plus ancienne qu’on le croit. C’est ce que déclare le grand historien marocain de la deuxième moitié du XIXe siècle Ahmad b. Nāsir al-Salāwī, lorsqu’il rapporte au sujet du sultan Mawlāy Ismā‘īl (1672-1727) dans un chapitre intitulé « Conclusion de la paix entre lui et le gouvernement turc d’Alger » ce qui suit : « Les Turcs lui écrivirent de renoncer à leur pays, et de respecter la frontière établie par ses ancêtres et par les rois sa‘diens leurs prédécesseurs, qui jamais n’étaient venus fouler leur territoire. Ils lui envoyaient en même temps la lettre que leur avait fait porter son frère Mawlāy Muhammad par leurs ambassadeurs, ainsi qu’une lettre de son frère Moulay al-Rashīd établissant une frontière entre leur territoire et le sien. La paix fut conclue en prenant l’oued Tafna comme frontière des deux pays ».

Il est difficile d’établir ce qu’était cette frontière naturelle à l’époque concernée. Mais il ne fait aucun doute dans l’esprit de l’historien marocain que la frontière passait par Oujda : « Cette ville, dit-il, est la frontière du Maghreb [extrême] », comme on désignait alors l’actuel Maroc. Et c’est ce que confirme « la construction de qasba-s sur la frontière ». Or aucune de ces forteresses bâties entre 1679 et 1680 n’était implantée dans l’actuel territoire algérien. La chose est évidente pour lui : ni Tlemcen, ni Oran, ni Mascara n’ont jamais fait partie du territoire de l’actuel Maroc. Ces villes ont toujours appartenu au Maghreb central, et non au Maghreb extrême, comme les géographes arabes désignaient l’actuelle Algérie et l’actuel Maroc. Et c’est encore ce que confirme un autre lettré marocain illustre.

En effet, lorsqu’il délimite le royaume de Tlemcen, pour dire ce qu’il était vers 1515, Jean-Léon l’Africain lui donne pour limite occidentale l’oued Za et l’oued Moulouya, qui se trouvent actuellement en territoire marocain. Or al-Wazzan, avant de devenir Jean-Léon l’Africain, était un scribe de chancellerie, puis diplomate. Il savait de quoi il parlait. Mais il serait absurde de tirer argument de telle ou telle source historique pour fonder des ambitions territoriales. Car il y a ce que les juristes musulmans appellent la « possession » (iyāza), qui est différente de la propriété et qui confère néanmoins des droits, si toutefois ces droits ne sont pas contestés pendant une ou deux générations. C’est là une matière inflammable qu’on ne devrait pas manipuler sans précautions. Or Boualem Sansal a ajouté en expliquant que l’Algérie n’a jamais eu d’unité politique, puisqu’elle n’a jamais eu d’Etat qui ait inscrit sa permanence dans la durée, pour qu’il soit possible d’en écrire l’histoire, réduite à n’être qu’un « truc », selon son propre mot. Pouvait-il ignorer qu’il s’agir là de l’un des lieux communs fondateurs de la vulgate coloniale théorisée par le géographe Emile-Félix Gautier en 1927 dans ses « Siècles obscurs du Maghreb » ? Étrangement, Boualem Sansal aggrave son cas, en étalant au grand jour son inculture politique, notamment lorsqu’il déclare que « l’Algérie est devenue communiste à son Indépendance ».

Faut-il pour tant d’ignorance et d’inculture persécuter quelqu’un, qui se trouve être par ailleurs l’un des meilleurs écrivains que l’Algérie indépendante ait donné à la littérature française et francophone ? Évidemment, non. Ce serait une faute politique et morale. Dès lors qu’il n’attente pas à la dignité humaine, un écrivain a le droit de dire et d’écrire ce qu’il veut. Aucune justice, aucune prison, aucun procès, ne peut le réfuter. Seule une plume réfute une plume. Mais il faut que l’une et l’autre ne soient pas serves. Or le président Tebboune a frappé fort et sans discernement toute expression émanant de la société civile. Comme il a interdit toute critique de l’appareil de l’État sans discernement. Ce n’est pas la meilleure des pédagogies que celle du redressement appliqué à ses citoyens pour marcher droit. Elle nous humilie et discrédite notre pays. Et puis le redresseur a beau frapper, il jugera toujours que les lois liberticides qu’il multiplie ne sont jamais suffisantes. Cette violence infligée au corps social est la négation de la politique, de l’éducation et de la culture, c’est-à-dire de tout ce qui fait qu’un homme est homme.

Le Président Tebboune devrait méditer cette leçon qui nous vient du grand écrivain littéraire et théologien rationaliste du IXe siècle al-Jahiz : « Que de fois, résolus à donner cinq coups de fouet, on en donne cent ! En effet, lorsqu’on commence à frapper, le tempérament est au repos ; cet état de quiétude suggère que le bon sens consiste à diminuer le nombre de coup. À peine le châtiment a-t-il débuté que le sang se met à bouillir, la chaleur gagne tout le corps, ce qui a pour effet d’intensifier la colère, laquelle intervient à son tour pour suggérer que le bon sens est de multiplier les coups. » Alors, il saurait que ce sont tous les Jāi de son pays, qui est autant le leur, qu’il abîme

Dernier ouvrage paru : L'arrivée de l'homme de l'homme en Islam et sa disparition. D'Athènes à Bagdad, Paris, Vrin, 2024

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lundi, novembre 18, 2024

885_ Chronique d’un prix Goncourt annoncé, par Christiane Chaulet Achour

www-histoirecoloniale-net


Chronique d’un prix Goncourt annoncé, 

par Christiane Chaulet Achour

15 novembre 2024

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 Chronique d’un prix Goncourt annoncé, 

 

par Christiane Chaulet 

 

Christiane Chaulet Achour revient pour histoirecoloniale.net sur les raisons très politiques de l'attribution du Prix Goncourt à l'écrivain algérien Kamel Daoud.

 

Dans une récente recension du roman Houris de Kamel Daoud, antérieure à son obtention du Prix Goncourt 2024, Christiane Chaulet Achour, professeure de littérature comparée et de littérature française à l’université de Cergy-Pontoise, pronostiquait que ce livre « aura certainement des prix mais sans doute pas pour des raisons littéraires ». Pour histoirecoloniale.net, elle revient ici sur les raisons de ce prix « annoncé », qui témoigne selon elle « une fois de plus de la difficulté hexagonale à regarder en face l’héritage impérial et de l’avidité à s’emparer d’une représentation partielle de l’Algérie, exonérant la France de toute responsabilité dans la transmission de la violence ». Dans un autre article, elle montre que contrairement à ce qu’on peut lire en France, ce roman n’est aucunement ‘‘le premier’’ sur la décennie noire écrit et publié en Algérie. On lira aussi avec intérêt sur Orient XXI « La fascination de Kamel Daoud pour l’extrême droite », par Fares Lounis (AH: cf. lien en bas de cette page), qui fournit quelques clés pour comprendre l’engouement de certains media et acteurs politiques, notamment dans l’extrême droite française, pour cet écrivain et éditorialiste.


Chronique d’un prix Goncourt annoncé

La France a occupé l’Algérie pendant 130 ans, fait historique non contestable… Il a fallu un certain temps pour que la domination linguistique, diffusée avec parcimonie il faut le dire – on ne va pas refaire l’histoire de la diffusion du français dans la colonie de peuplement – pour qu’elle produise des effets pérennes par l’entrée dans le champ littéraire français de « colonisés », écrivains talentueux. Inutile de s’attarder tant ils sont connus !

Le prix Goncourt fut créé au tournant du XIXe et XXe s. et le premier prix, décerné en 1903. Depuis plus de cent vingt romans ont été couronnés : c’est la première fois qu’un écrivain algérien est primé, sous colonisation ou sous nation. On ne reviendra pas sur les sept écrivains des suds primés entre 1921 et 2021 si ce n’est pour souligner le constat : aucun Algérien. Alors la question se pose légitimement : pourquoi ce prix en 2024, au moment où, comme l’écrit le journaliste Makhlouf Mehenni, dans Le Courrier international du 30-09-24, « les nuages sombres continuent de s’amonceler dans le ciel déjà pas trop serein des relations entre la France et l’Algérie. De part et d’autre, les signaux négatifs se multiplient, ce qui n’augure rien de bon pour l’avenir des relations entre les deux pays, qui s’écrit désormais en pointillé ».

Le président du prix a précisé les raisons du choix de Houris de Kamel Daoud par les jurés (6 sur 10, après le 5ème tour de vote) : « L’Académie Goncourt couronne un livre où le lyrisme le dispute au tragique, et qui donne voix aux souffrances liées à une période noire de l’Algérie, celle des femmes en particulier. Ce roman montre combien la littérature, dans sa haute liberté d’auscultation du réel, sa densité émotionnelle trace, aux côtés du récit historique d’un peuple, un autre chemin de mémoire ».


La dernière expression est particulièrement intéressante. Quel est cet « autre chemin de mémoire » que trace Houris pour les jurés du prix français le plus prestigieux ? Désigne-t-il la dissidence appréciable au plus haut point aujourd’hui en France d’un écrivain algérien ? On ne nous opposera pas le coup du chef d’œuvre littéraire qui s’impose dans une course où il y a tant de talents. On sait, depuis les études décisives faites qu’un prix littéraire renommé cumule le littéraire, l’économique et le politique et que les deux derniers pèsent de tout leur poids dans le choix. Un exemple parlant du poids du politique est le prix Nobel décerné à Albert Camus en octobre 1957, au moment où la Bataille d’Alger se termine. On appréciera aussi qu’une fois encore ce soit un des trois éditeurs du « triangle des Bermudes » (Le Seuil/Grasset/Gallimard) qui soit honoré en la personne d’un de ses romanciers. Mais chez Gallimard, la même année, un autre roman a été publié sur cette décennie noire, Bientôt les vivants d’Amina Damerdji. Ne proposait-il pas « un autre chemin » pour avoir été laissé au bord de la route, en ne le citant même jamais dans tous les articles qui paraissent sur Houris depuis septembre ?

En 2014, Kamel Daoud avait raté le coche, au profit de Lydie Salvayre, pour Meursault contre-enquête, roman qui reste, de mon point de vue, sa meilleure performance à ce jour. Il n’est pas inutile de rappeler les propos de son éditeur algérien (éditions Barzakh), Sofiane Hadjadj, qui le premier a édité ce roman, au Huffington Post Algérie : « C’est la première fois qu’un auteur algérien est nominé la même année pour les prix les plus prestigieux de la littérature francophone (…) avec un livre paru d’abord dans son pays d’origine. (…) Kamel Daoud est un écrivain algérien vivant en Algérie et qui a été édité en Algérie. Cette reconnaissance française et internationale est donc une grande fierté ».

Après la non-obtention du prix, le romancier avait tweeté : « J’aurais voulu offrir de la joie aux miens, aux gens et aux lecteurs, rentrer au pays avec une belle image de soi ».

Dix années ont passé et… beaucoup d’eau sous les ponts ont coulé tant dans les relations franco-algériennes que dans le parcours du romancier. Cette fois-ci, le travail vers le couronnement a été bien fait dans le champ médiatique et littéraire franco-occidental que Kamel Daoud occupe avec talent, provocation, opportunité et opportunisme. Selon ce qui semble être devenues des convictions bien chevillées au corps, tous les petits cailloux blancs ont été posés : positionnement volontairement provocateur sur le conflit Israël/Palestine, dialogues avec certaines personnalités, contempteur inlassable des islamistes, etc…

Il se crée autour de lui une atmosphère de la dissidence qui le distingue parmi les Algériens jamais assez « critiques » sur leur pays. On ne peut multiplier les citations mais les deux mots que les médias français accolent le plus volontiers à son nom sont ceux de lucidité et de courage. Sous le titre : « L’intellectuel qui secoue le monde », Le Point lui consacre un dossier, le 9 février 2017 : « Les prises de position de l’écrivain algérien sur l’islamisme et les dictatures arabes ont un retentissement mondial »… Rien que ça !  Dans Télérama, en février 2020, sous la plume de Marie Cailletet, à propos d’un documentaire sur l’Algérie auquel Kamel Daoud a participé : « ses prises de position sur l’islamisme, la place des femmes, les archaïsmes de la société algérienne, les turpitudes de l’ère Bouteflika ont valu à Kamel Daoud, chroniqueur et écrivain, fatwa, attaques et campagnes de dénigrement virulentes (…) Une parole lucide, sans complaisance et insoumise ». C’est un écho comparable qu’on trouve cette fois dans le « Grand entretien » de Rachel Binhas dans Marianne en septembre 2024 : 


« L’écrivain Kamel Daoud analyse avec lucidité le Hirak ». Ces exemples montrent que de 2017 à 2024, « l’autre chemin de mémoire » a été bien tracé.

Alors Houris, couronné pour dissidence ? De quelle dissidence s’agit-il ? De celle qui donne à lire un roman entièrement consacré aux islamistes, à leurs méfaits et à leur criminalité – que plus d’un roman algérien a dénoncé et qui n’est pas contestable –, en dehors de toute mise en contexte antérieure, nationale et internationale, et surtout en dehors de tout rappel de la période coloniale, lavant ainsi la France de 130 années de « gestion » algérienne ou y faisant allusion comme un épisode moindre que la guerre de la décennie noire ? Enfin un écrivain algérien, lucide, qui s’en prend aux siens « islamistes », rencontrant un combat actif dans l’hexagone, plutôt qu’à l’ennemi « historique » !… Ce prix décerné l’est, avant tout, sur le plan politique. Il témoigne une fois de plus de la difficulté hexagonale à regarder en face l’héritage impérial et de l’avidité à s’emparer d’une représentation partielle de l’Algérie, exonérant la France de toute responsabilité dans la transmission de la violence.

Christiane Chaulet Achour

7 novembre 2024

*Pour une analyse détaillée de la fabrique du texte, voir mon article dans Collateral, 13 septembre 2024, « Kamel Daoud écrit sa catabasse » ; et dans 24HDZ du 6 novembre 2024 : « Houris, ‘‘ premier roman algérien sur la décennie noire ?’’

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Pour lire, « La fascination de Kamel Daoud pour l’extrême droite », par Fares Lounis

CLIQUER ICI: http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.com/2024/09/868-la-fascination-de-kamel-daoud-pour.html




884_ KAMEL DAOUD L'ÉCRIVAIN, KAMEL DAOUD LE CITOYEN

 Kamel Daoud l’écrivain, Kamel Daoud le citoyen.

Nombre de lecteurs (FB notamment) mettent en avant l’écrivain KD non pas par le plaisir qu’ils ont eu à le lire (à vrai dire parfois oui, parfois….limite), mais au nom de sa position contre l’islamisme sans avoir lu un seul de ses romans (ils l’auraient écrit, précisé ici et là), mais sans connaître véritablement l’idéologie (bien ancrée à droite dure) qu’il défend. Ces lecteurs ne connaissent pas non plus (ou ne connaîtraient pas) l’idéologie qu’il défend chaque semaine dans un hebdomadaire de la droite bourgeoise, « présenté comme islamophobe » (Wiki) qui ne respecte pas toujours la déontologie du métier. Il a été plusieurs fois condamné
Kamel Daoud et son journal s’inscrivent outrancièrement contre les mouvements de gauche. Contre les classes populaires, contre les immigrés. Ils ont des accointances clairement énoncées avec l’extrême droite. D’ailleurs, celle-ci par la voix de Marion-Maréchal Le Pen a félicité leur journaliste Kamel Daoud pour l’obtention du Prix Goncourt.
À l’international ils sont totalement pour le gouvernement raciste d’Israël qui lui trouvent un argumentaire à sa besogne génocidaire.
Je vis en France et mes frères et sœurs sont la famille de la gauche inscrite dans le combat pour la justice sociale, pour la défense des moins aisés. Contre la haine, le racisme et toutes ces choses que défend Le Point plus ou moins directement, avec KD évidemment dans l’escarcelle ou le baluchon.
Voilà ce que défendent (à leur insu ?) ceux qui lancent des cris d’orfraie dès lors qu’on évoque KD et qui se présentent comme « démocrates ». La démocratie fourvoyée, de surface, au profit des seuls aisés, je m’en tape.
Pour tous ceux-là je propose de lire l’analyse du discours de Kamel Daoud sur ces sujets (Plus de 50 articles écrits dans Le Point), qui montre le positionnement clairement affirmé à droite et plus.
L’article entier se trouve ici (et beaucoup d’autres) :

VOICI UN EXTRAIT :

« … En juin 2023, presque la même histoire, le même drame se répète. Un jeune, Nahel, est mort à Nanterre à la suite d’un tir de policier lors d’un contrôle routier. KD écrit qu’il est « Triste et en colère contre les radicalités qui marchandent les morts », sans exprimer de sentiment à l’encontre de ceux qui la donnent, en l’occurrence ce policier qui a provoqué la mort du jeune homme par « un tir à bout portant ». Le gamin est fautif, car s’interroge KD pourquoi ne pas « s'arrêter quand on en est sommé par la police? » KD ne semble pas au fait des différents rapports sur la violence policière. ‘‘Le sociologue Sebastian Roché soutient que la police française est celle qui tue le plus en Europe dans deux cas : celui des homicides par tirs policiers et lors d’opérations de maintien de l’ordre.’’ (20’ et Afp- 28.01.2024). Entre autres. KD ajoute, solaire : « Peut-être qu'un policier ne doit pas tirer sur un chauffeur qui refuse de stopper, mais on précipite l'effondrement de l'État, de l'ordre, de la sécurité chaque fois qu'on laisse faire un conducteur dangereux. » Le policier n’a pas laissé faire ce jeune conducteur. Il l’a abattu. ‘‘Un conducteur dangereux’’.
KD poursuit par ailleurs : « Les jeunes Français d'origine maghrébine détruisent le seul pays véritable qu'ils possèdent (la France) au nom d'un pays fantôme qui les renferme (Les pays du Maghreb, ) parce que dès leur plus jeune âge, on a implanté dans la tête de ces jeunes le songe fallacieux du retour au ‘pays natal’. » Le « on » de KD incrimine les premiers cercles des gamins, leurs parents maghrébins, « Algériens précisément ». Et prend pour exemple les enfants d’un « ancien conducteur d'engins dans le nord de la France. » Ces jeunes « ils ne vivront jamais pour s'intégrer, s'assimiler ou devenir français. » Annonce lapidaire KD qui ne connaît pas « La Discrétion » (ici plus loin). Il ne questionne aucunement la responsabilité des politiques de la ville entre autres, d’intégration… régulièrement mises en cause par des rapports officiels. Il tient là un discours aussi vieux que l’immigration, aussi vieux que « le mythe du retour » des années 60 et de « L’Amicale des Algériens en Europe/France »
KD qui s’emmêle les pinceaux, qui dénie le droit à ces « enfants d’immigrés » de revendiquer le territoire français où ils sont nés, comme le leur, à l’étranger, lorsqu’ils parlent de la France, ils disent : « ‘‘là-bas, chez nous’’, avec un curieux pronom affectif et vantard ». KD leur en voudrait-il ? : « en France, les voilà à brandir, ridiculement, drapeaux et racines pour se croire riches. Décidément, KD a oublié ses classiques. Il devrait laisser tomber ces facilités et relire Sayad, Erickson sur la quête identitaire, je préciserai « une quête identitaire, permanente ».
KD n’aime certainement pas les sociologues. Et encore une fois il essentialise alors que le diable se niche dans les détails. Accuser un groupe social pour ce qu’il est, c’est faire l’impasse de l’effort…. »
La racisme commence ici ajouterai-je aujourd’hui. Les écrits de KD sur cette question et sa périphérie me sont particulièrement insupportables, d'autant qu'il se gante pour les exprimer.

dimanche, novembre 17, 2024

883_ KAMEL DAOUD ET SON HÉROÏNE, FACE À FACE

 

l y a deux jours, le 15 novembre, le site DIA (w: dia.algerie.com) reprenait une vidéo diffusée sur One TV, une chaîne privée de l’audiovisuel algérien (aujourd’hui sur Youtube- cf. plus bas), dans laquelle une jeune dame, Saada Arbane aux cordes vocales brisées (elle avait été laissée pour morte en 1999 par des présentés islamistes radicaux qui lui ont tranché la gorge), répond au journaliste Younes Sabeur Chérif. Elle dénonce l’entreprise de Kamel Daoud qui, par son dernier roman « Houris » exploite son histoire y compris « intime », son malheur, sans son consentement, en violation du secret médical, pour son propre intérêt. Il y a deux jours.
Il n’en fallait pas plus pour que le FB s’enflamme (ce terme est un peu abusif). Mais bon. C’est pour signaler qu’aussitôt d’aucuns sont monté sur leurs grands chevaux. Je ne reprendrai pas ici certains propos outranciers. On est « pour » ou bien « contre ». Pour qui, quoi, contre qui, quoi ? Pour Kamel Daoud contre Saada Arbane. Ou Pour Saada Arbane contre Kamel Daoud.
Kamel parce que Kamel, Saada parce qu’elle est contre Kamel. Pour telle ou tel parce que ça arrange nos petites convictions et conforte nos petites guéguerres.
On prend position pour (ou contre) le personnage tel que construit jusque-là dans nos esprits plus que pour un fait (les conditions d’élaboration d’un roman) précis.
N’allez pas croire que j’y échappe. Ce gars m’a beaucoup déçu et comme on dit au bled kount hesbo waguef ou howa... enfin quelque chose comme ça. Cela étant dit je tente d’objectiver autant que je peux (déformation salutaire de mon véritable métier).
On s’étripe sans, une seule fois, (je n’ai rien lu dans ce sens) évoquer le calvaire de la jeune dame. Pas une fois sans interroger les faits. Qui dit/fait quoi où quand comment pourquoi…
La question principale devrait être la suivante de mon point de vue : A-t-on le droit en tant que romancier – impunément – d’exploiter l’histoire d’autrui (quasiment un portrait-robot, selon la victime), s’épancher sur le malheur d’autrui, violer son secret médical, en l’occurrence sans son consentement et faire fi de son droit au respect de sa vie privée ? (Cette courante précaution « Toute ressemblance avec des personnes réelles ou ayant vraiment existé est fortuite » ne figure même pas en exergue du livre). Telle devrait se poser la première question. Qu’autorise le Droit privé ?
Alors, un peu de décence et repartons de ce qui est aujourd’hui. Les faits rien que les faits, sans interprétations (autant que faire se peut). Et non de l’histoire de l’auteur et de ses prises de positions antérieures (bien que, ma foi…), ni de tentatives de manipulations supposées dans quelque rouage du pouvoir (encore que…)
Posons les faits donc, posons nos baluchons d’idéologies.


882 - DE MARSEILLE AU SILA 2024 (3)


15 novembre 2024

Vous résidez en Algérie et, brusquement, l'envie vous prend comme une envie soudaine de me lire... alors, commandez mon dernier roman (Casbah Ed.) Vous le trouverez dans nombre de librairies, mais également (trouvé par hasard) / ici...https://www.booxium.com/.../traversees-perilleuses-du.../
RENSEIGNEZ-VOUS


 


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15 novembre 2024

Retrouver Rachida Brakni à Oran... belle soirée.
Retrouvailles sympathiques avec des amoureux des ateliers d'écriture créative des années passées... à très bientôt à vous (et aux nouveaux qui le souhaitent). Je vous préciserai les dates. Probablement le 23 et le 24 novembre (lieux différents)































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13 novembre 2024

Je me rends au Salon du livre en début d’après-midi. Juste le temps d’assister à la rencontre avec Rachida Brakni (elle sera demain à l’Institut d’Oran) et de rejoindre le stand de Casbah. Ce fut une après-midi bien chargée me concernant. Beaucoup de rencontres et de personnes très curieuses, très intéressantes, y compris celles du milieu de la presse et de la communication. On me propose de tourner pour une émission avec Canal DZ…… dimanche. Je ne peux que décliner (hélas) car je suis pris à Oran, où je me rends dès demain, tôt le matin. Ce fut un très beau séjour à Alger. À demain pour la suite du séjour…. A Oran.


 








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13 novembre 2024

Voilà donc (me concernant) la dernière journée au SILA. Demain retour à Oran. Tout à l'heure (13 novembre évidemment, de 15 à 17 h environ) je dédicacerai donc à qui le souhaite mon dernier roman "TRAVERSÉES PÉRILLEUSES DU MIROIR" (Casbah Editions - 10/2024) en leur stand.
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Aux amis Oranais, je vous dis à très bientôt à l'Institut français, à la bibliothèque Sophia, à la librairie du front de mer, au TRO (s'ils m'ont programmé (comme promis).... Je vous informerai.


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13 novembre 2024

Je me suis de nouveau rendu, hier mardi 12, au Sila. Les collégiens sont aujourd’hui aussi, en nombre. Et c’est très sympa, s’amusent autour d’un homme-statue tout d’or vêtu. Au stand des éditions Sédia j’ai acheté trois exemplaires de mon recueil édité par eux en 2021 « Poèmes inédits ». J’en offre un à H.S. et poursuit ma tournée. Un ponte charrie une belle brochette de photographes pressés et peu respectueux des casiers, prospectus et autres tables des éditeurs qu’ils bousculent sans pitié malgré les protestations affolées, mais polies, des concernés. Il s’installe au centre du stand du « Ministère des Moudjahidine et des ayants-droits ». Alors les photographes jubilent et font crépiter leurs appareils des minutes durant.
J’ai fait une halte au stand de Salama. La jeune Nadjet m’interviewe sur mon roman « Traversées… »
En fin de journée je suis descendu à Alger centre. Tram ultrabondé. J’ai réussi à monter dans le 3° : des sardines pressées. Dans le Métro on respire « Descente à droite » exige la voix anonyme aux intéressés. J’ai assisté à l’Institut Cervantes (Rue Khalifa Boukhalfa) à une rencontre autour de Pablo Neruda. Sur la page du Centre on pouvait lire : « nous (célèbrerons) la vie et les œuvres de Pablo Neruda, l'un des poètes les plus influents du XXe siècle. La rencontre sera présentée par Francisco Berguño, Ambassadeur du Chili en Algérie et modérée par Cristóbal Sandoval Agüero, Consul à la même Ambassade. Nous aurons également un dialogue à distance avec Darío Oses Moya, directeur de la bibliothèque de la Fondation Pablo Neruda. » C’est ce que nous voyons sur la vidéo. Malheureusement nous n’avons pas tout le son car, celui-ci était diffusé via un casque. Et mon camescope n’accepte pas de casque ! Ce fut une belle soirée à laquelle assistèrent environ une cinquantaine de personnes.










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13 novembre 2024

Tiens, tiens… Histoire de Hayy ben Yaqdhân…. Que vient-elle faire ici ?... C’est que – l’air de rien et d’une certaine manière – elle est au cœur de tout…
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« … Au pied d’un tamaris, tabarekkat, deux bousiers se battaient, croisant le fer avec leurs antennes, leurs pattes, leur tête, leur corps. Une jeune femme avec un grand chapeau prenait des photos des insectes en guerre. L’un était accroché à un excrément que lui disputait le second. Une bagarre violente. Pour la vie. Le premier s’agrippait autant qu’il pouvait et donnait des coups d’antennes alors que l’autre répliquait avec la même arme, réussissant à déstabiliser le premier, mais il est retombé sur ses pattes loin de la bouse. Il est revenu à toute vitesse et a sauté sur le premier. Ils vont drôlement s’abîmer. La jeune femme au chapeau s’est redressée, a porté́ la main sur son grand couvre-chef de paille, a souri. Mon regard s’est noyé́ dans ses yeux clairs comme dans une piscine interdite ou un caldarium impossible. Il y avait quelque chose d’étrange dans cette situation à ce moment-là, en ce lieu perdu. Une femme coiffée d’un épatant mdal et d’une tenue déphasée, portant un appareil photo très sophistiqué avec un objectif impressionnant, se tenait devant moi, prête à appuyer sur son déclencheur. Elle avait autour du cou un talisman-miroir légèrement brisé, en forme de cœur. J’ai balbutié deux mots. Elle a dit : ‘‘Je m’appelle Sakina.’’ Elle a regardé́ ses chaussures à ce moment-là. Elle a ajouté après un silence, ‘‘je participe à la protection du Parc. Je prends toutes sortes de photos d’animaux. Tout ce que je peux photographier.’’ Elle me préciserait qu’elle est salariée auprès du Parc, mais qu’elle est avant tout l’une des quatre bergères de Terhenanet. Elle m’a parlé́ de son village, de ses femmes, et de l’école où elle intervient irrégulièrement pour sensibiliser les élèves à la faune et à la flore de leur environnement, à la lecture aussi. Ces actions de terrain, de profondeur, que jamais ne rapportent les journalistes chargés de collecter à la surface le plus immédiat, le plus facilement accessible, le plus saisissable sur le champ. De son sac elle a brandi avec quelque fierté un petit livre de bandes dessinées. On voit en couverture un dromadaire monté par un adolescent tout de rouge vêtu. Tout autour de nombreux arbres et plantes. J’ai réussi à lire à voix haute, en arabe, Histoire de Hayy ben Yaqdhân. La jeune femme a souri. Une belle rencontre. Cette fille m’a émerveillé́. Le terme est fort, je le sais, mais oui, elle m’a ébloui. Elle était là, gracieuse, étoile étincelante d’espoir, lumineuse, porteuse de légèreté́ et de force incroyable dans un milieu humain et naturel très hostile. Elle a occupé́ mon esprit jusqu’à Illamen... »
Dans « TRAVERSÉES PÉRILLEUSES DU MIROIR »
Casbah Éditions, Octobre 2024
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13 novembre 2024

POURQUOI ÉCRIRE ?


Le 30 septembre 2021, le journal LIBERTÉ a publié ce texte que je lui avait expédié à propos de cette question qu’il nous avait posé : Pourquoi écrire (Merci Hacen Ouali) :
« Peut-on parler de littérature sans parler de l'acte d'écrire ? Non. Alors, qu'est-ce qu'"écrire" et pourquoi écrit-on ? "Il me faut écrire comme il me faut nager, parce que mon corps l'exige", écrivait Albert Camus (Carnets I/Folio). Par nécessité en quelque sorte, pourquoi pas ? Mais aussi écrire pour le plaisir d'admirer en fin de course l'échafaudage de signes constitué, ou celui de le donner à lire. Ou pour transmettre. Les raisons sont nombreuses. Sartre s'interrogeait : "Pourquoi écrire ? Chacun a ses raisons. Pour celui-ci, l'art est une fuite ; pour celui-là, un moyen de conquérir." (in Qu'est-ce que la littérature ?/Gallimard) Philip Roth a répondu à la question Pourquoi écrire en 635 pages (Folio). Écrire pour domestiquer la solitude peut-être.
Pourquoi cheminer dans l'écriture, dans un monde imaginaire, alors que la vraie vie avec ses êtres de chair et de sang est là, à côté ? Pour neutraliser ses effets, ses méfaits. Neutraliser le monde dit réel le temps d'une histoire avec des êtres en papier, ces homuncules si chers à William Faulkner. Écrire, c'est régler son compte au destin. Écrire, c'est donner une suite au premier cri d'horreur que l'on a éprouvé à l'origine en découvrant le monde à zéro heure. Mais comment tout "cela" commence ? Il y a bien une petite musique à la source, une émotion, quelque chose qui nous extrait de notre monotonie, qui nous happe.
Alors qu'assis à une terrasse de café nous observons les passants, les monuments..., alors que nous voyageons dans un autocar ou dans un train et qu'à travers la vitre nous admirons le paysage estival ou printanier, alors que nous nous promenons autour du lac de La Maix dans les Vosges, que nous progressons simplement sur la cime du mont de La Clusaz, avançons à la tombée du jour sur la plus haute des dunes de Béni-Abbès ou, qu'effrayés, nous observons un ours repu se dandiner sans grâce sur le bas-côté d'une route du Yukon du côté de Whitehorse..., une émotion fugace, une petite musique, l'ombre d'une bribe de vers, la fulgurance d'une idée de phrase ou de texte surgit, nous presse. Et "cela" émerge. "Des mouvements indéfinissables qui sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir." (Nathalie Sarraute/ Tropismes). Peu à peu l'indicible se transforme, mue. Aussitôt, au crayon à mine ou au stylo bille, nous alignons les mots sur un bout de feuille, prêt à les accueillir. À d'autres moments, dans d'autres circonstances, d'autres idées, d'autres lignes s'imposeront à nous. Dans nos calepins à spirales ou sur une feuille volante, les mots, les phrases, s'encrent. Et s'ancrent. Ils s'amoncellent. Les pages foisonnent de toutes sortes d'idées, de textes. Les marges se voilent puis disparaissent. Emportés par notre enthousiasme ou notre scepticisme, des nuits, des semaines, des mois durant, nous ne nous soucions pas des espaces blancs des pages qui se rétrécissent, pour céder plus de place à un univers que nous croyions disparu. Un univers disparu, renfloué, ranimé par la force des mots ou un monde délibérément inventé, mais - nécessairement - construit de bout en bout avec des matériaux épars de ce qui nous fait, de notre propre histoire. Nous continuons, nous ajoutons, nous rayons, nous modifions.
Puis un jour nous marquons un arrêt pour nous interroger : "Le moment n'est-il pas venu de partager, de donner à lire nos respirations, nos émotions, nos rencontres, nos futilités, nos rythmes intérieurs ?" »
Voilà. Mais ou est donc passé Liberté ?
Au SILA, Alger, 12 novembre 2024


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12 novembre 2024

Nous sommes mardi 12 novembre 2024.
Dimanche 10 fut une journée exécrable tant il a plu. Un temps à ne pas exposer une seule grenouille en dehors de la marre aux amphibiens. Que dirais-je pour les chiens. Giboulées sur giboulées. Lorsque je me suis rendu à l’évidence d’une sale journée en perspective j’étais déjà sur les hauteurs de la Casbah, devant la statue imposante de Bologhine Ben Ziri es Ssanhadji (10° s – 984 non loin de Tlemcen).
Au bas de la rue Sidi Idriss Hamidouche, des drapeaux palestiniens flottent au-dessus des gargotes bien actives, déjà. Mais que personne ne regarde par dépit et résignation. À l’intérieur du « Coin de mémoire, Stah el Badja » sont proposées de nombreuses photographies illustrant des révolutionnaires, des articles de journaux, des peintures, des n’importe quoi… L’on ne peut éviter de rentrer dans le fameux café, devenu ‘restaurant chic’ Le Repère et observer la belle baie d’Alger. Le grand et historique graffiti « Un seul héros le peuple » a été malheureusement remplacé par une publicité sportive pas terrible d’ailleurs. Plus bas, après la bananeraie sur grands pots (permettez-moi) à hauteur de la fontaine Aïn Bir Chebbana, des groupes d’adolescents, filles avec ou sans foulards et garçons en tabliers bleus ou blancs, recouverts pour certains de vestons bien chauds, sortent du collège, manifestement heureux. Voilà la Fontaine aux majestueux chevaux (naafouret’ el khouyoul) prise et pris en tenaille entre la vaste avenue du 1° novembre et la rue Amara Rachid sur le bord de la baie et du phare de l’Amirauté.
À ce moment-là, le ciel était chargé, mais il ne pleuvait pas vraiment, enfin, quelques ‘grappées’. Il pleuvra de nouveau, sérieusement. Plus tard, ce fut La Foire (je répète après les Algérois, « la foir’ » avec un ‘r’ arabe sûr de sa vérité, de sa prestance, de sa puissance). Ici aussi des collégiens. Studieux. Certains portent des masques dont je ne saisis pas le sens (Halloween ? Ici ? j’espère que non.)
Je rejoins mon espace-dédicaces chez mon éditeur. Anissa Amziane nous présente au patron de la maison, Monsieur Smaïl Amziane. Puis Sarah Kharif (ou Charif) journaliste.

Ma voisine de table Hind Soyer (avec sa fille) autrice de « Algériennes de mère en fille » et mon voisin de gauche Abdelaziz Otmani « prix Assia Djebar 2024 » avec « Sin, la lune en miette » discutions tranquillement (en attendant le « client »), de ce que sont les Ateliers d’écriture, de l’Oulipo, de nos écritures, lorsqu’un mouvement de foule nous bouscula. Oui, retenons ce terme. Pas mal de journaliste, j’en reconnais un, Rostom en famille… On entendait de droite et plus encore de gauche, entre les éditions Sédia et Casbah « Ha hyyya » ou bien « jaat, jaat » « la voici, elle arrive, s’il vous plaît, s’il vous plaît »…. Madame la ministre se pointe avec une équipe assez nombreuse au pavillon Casbah. (désolé, je n’ai pu prendre de photo). La blonde animatrice de télé, chaudement vêtue se plante au cœur du carré de tables de livres. Elle et son caméraman sont prêts. Le reste est arrivé extrêmement vite, comme un bidon qu’on vous verse à votre insu sur la tête. Vous voilà comme piégé. À gauche, à droite des costumes articulés, se précipitant dans tous les sens. On regarde vers nous. Voilà la ministre dit Madame Amziane. Elle s’appelle comment me demande Hind Soyer. « Je ne connais même pas son nom ». Elle est là avec son équipe. Sourit, nous pose des questions. J’ai le privilège de l’âge, je suis le moins jeune alors c’est vers moi qu’elle se plante (elle est grande dites-donc). Prend mon roman qu’elle me demande de lui dédicacer. Je trace une bafouille du genre « À Madame la ministre ces Traversées (au-dessus de la page 5 et ce titre ‘‘Traversées périlleuses du miroir’’ que je vous souhaite heureuses. À Alger-Sila le 11 11 2024 »… Quel culot, ai-je pensé. Honnêtement je n’ai rien réfléchi. Traversées périlleuses à une ministre ! mais tel est le hasard. (Nous sommes alors que j’écris ces lignes mardi matin et je connais maintenant le nom de madame la Ministre : Mouloudji Soraya, 47 ans, docteur en Traduction et anthropologie de l’Université d’Oran me dit mon cher Wiki. Elle a vécu longtemps à Oran.) Bref, elle me demande de lui synthétiser mon roman. J’ai pris une direction, une deuxième, demi-tour, grillé des feux, emprunté des sens interdits. Jusqu’à la Vérité retrouvé dans le Grand Sud chez les Touareg. Et elle, souriait toujours. Et Madame la Ministre toujours souriante. Charmante. Le tout, caméra, flashes… a dû durer 12 minutes (4X3, encore mon chiffre 4, partout.) Les dirigeants peuvent avoir de ces visages… À l’extérieur je prends une photo d’un palmier avec en arrière-plan le minaret de la Grande mosquée d’Alger… qui disparaît aussitôt. Je rentre en tram et en bus. Une image me hantera jusqu’à El Biar où je réside. Celle de Janus, ah Janus… elle me poursuivra jusqu’à la chambre. Mais pourquoi donc Janus ? 



















(en définitive il n'y aura AUCUNE image du ministre dans ce stand nulle part dans les médias)

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10 novembre 2024

DEMAIN LUNDI 11 NOVEMBRE AU SILA
(puis le 13 novembre)
JE VOUS ATTENDS AU PAVILLON DE CASBAH ÉDITIONS
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ET BIENTÔT À ORAN


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10 novembre


Samedi fut une journée chargée de monde au SILA. Ça se bouscule comme dans un supermarché un jour de fin de semaine justement. Je ne pensais pas m’y rendre. La présence de Suzanne el Kenz m’a dissuadé. Elle est interviewée par Malika Raha – historienne du Maghreb contemporain. Elle est autrice de « Algérie 1962 : une histoire populaire)
C’est rassurant d’écouter deux femmes libres parler ainsi au pavillon Barzakh (ou lire dans « De Glace et de feu ») de l’histoire, des histoires qui fécondent le monde, des régions du monde, avec une grande H. Qui les libèrent, oui. Merci à elles. Merci Suzanne el Kenz. Il se dégage de vos propos nourris de nuances, de contextualisations, de mises en garde des symétries et des cris d’orfraie…, il se dégage à la fois une grande humilité et, chez l’auditeur-lecteur qui soudain découvre son incapacité à ne rien pouvoir faire, un profond malaise. Gaza brûle, ses génocidaires n’ont cure des réactions mondiales. Les pyromanes, leurs grands alliés, s’évertuent à plus de chaos, à plus d’interdits. Et ailleurs, partout ailleurs, les tentatives d''enchaîner les hommes , de les empêcher, se multiplient. Enchaîner les esprits ? Que peine perdue ! La liberté de l’homme est plus attachée à son esprit qu’à ses pieds ou ses mains. L’esprit ne peut être censuré, assujetti. C’est pourquoi l’homme ne peut qu’être libre en dépit de tout. Interdire est vain, stérile.


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9 novembre 2024

Samedi matin. Voilà. C’est parti et bien parti. J’envoie un message à L.T (Je suis son invité à Oran) « êtes-vous dans les parages… » C’est parti donc. Le Salon international d’Alger draine toujours beaucoup de monde, entre deux ou trois creux sommes toutes, ordinaires. Les deux séances (jeudi 7 et vendredi 8 novembre) furent très enrichissantes. Nous avons eu et les promeneurs, des acheteurs et des curieux. La presse audiovisuelle se présenta le second jour (RTA, Berbère TV ainsi qu’une « influenceuse littéraire c’est ainsi que l’enthousiasmante Ryène s’est présentée. J’ai occupé une table sur laquelle on a posé deux exemplaires de mon « Traversées… » (le 1° offre sa première de couv, le second sa quatrième). Sur ma gauche Lynda Chouiten, très en forme, autant que ses lecteurs. L’Expression lui consacre trois colonnes ce matin (samedi). Quelle agréable surprise lorsque j’ai vu mon cher ami et professeur Aïssa Kadri. Je l’avais perdu de vue depuis des mois. On s’est donné rendez-vous pour dans une petite semaine, pas avant car il s'est – déjà – envolé vers un colloque qu’il anime à l’étranger. Nous avons échangé avec Salah Guemriche et Akli Ourad auteur de « De Londres à Jérusalem » et dont le premier a écrit la préface. « C’est à un poignant témoignage sur l’apartheid auquel sont soumis les Palestiniens dans leur propre pays sous la matraque sioniste… » écrit Le Jour d’Algérie.
Vendredi il y avait beaucoup plus de visiteurs. Sur ma gauche, Konan Kouadio Siméon, un auteur et homme politique ivoirien invité par Casbah (auquel un quidam algérien – un responsable quelconque – faisait preuve d’une certaine désinvolture « allez, dépèche-toi il faut y aller…) répondait au journaliste de TSA, F. Méraoui. Sur ma droite le célèbre journaliste de la télévision algérienne des années 70, Hachmi Souami était entouré par de nombreuses personnes. Échanges de bons procédés. Je lui ai dédicacé mon roman, il m’a dédicacé son essai « Clap de fin, Une aventure journalistique ».
Des participantes à mes ateliers d’écriture (l’an dernier ou d’avant ?) sont passées. Des jeunes demandent des conseils pour écrire. D’autres des renseignements sur la maison d’éditions, ou si « votre maison accepte nos écrits… ». Je les oriente vers qui de droit comme on dit en Droit. Les années précédentes j’accordais une large place au récit « minutieux » du salon avec anecdotes etc. Cette année « je ne me sens pas »…. Peut-être un cumul de fatigue, peut-être autre chose, l’absence d’enthousiasme ? Oui oui, peut-être bien… peut-être. LT a dû repartir pour Oran.
(vidéo du SILA et photos)



mettre ici video de suzanne el kenz










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7 novembre 2024 (ouverture pour la population aujourd'hui)

C'EST PARTI.... ( vous ne me reconnaissez pas? C'est normal la photo (le gars en bleu) date du siècle passé, j'ai à peine la quarantaine !) je ne l'ai pas choisie ... Tant pis...

















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6 novembre 2024

Ce qu’écrire veut dire.
Chacun de nous peut écrire. Écrire est à la portée de tous. Avec cependant plus ou moins de bonheur, de réussite.
On ne naît pas écrivain (comme dirait avec nuances Beauvoir), on le devient. On peut écrire des histoires. N’importe qui peut écrire (dire) une histoire. Votre coiffeur peut écrire des histoires, l’imam du coin dans son univers en peut autant, le boucher, le journaliste des chiens écrasés, enfin tout le monde. Mes petites-filles tenez (L et N) en racontent à longueur de journée avec leurs mots balbutiants, magnifiques. Mais le chemin est encore long. Chacun disais-je peux raconter. Le hic c’est qu’il y a raconter et raconter. Raconter pour informer, pour convaincre, pour élucider une énigme, raconter pour raconter sans rien dire, ou pour dire sèchement une situation, ou bien raconter pour bousculer, faire chavirer. De bonheur de préférence.
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Je vous laisse avec ces deux textes. Quel est selon vous le texte écrit/raconté par un lambda écrivant et celui par un écrivain prestidigitateur ? Le texte A ou bien le texte B ?
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Texte A :
« Au printemps, ma ville est belle. À certaines heures, la campagne est très ensoleillée. Les yeux tentent vainement de saisir plus que la lumière et les couleurs. L'odeur des plantes aromatiques racle la gorge. Au fond du paysage, on peut voir le mont Che... qui prend racine dans les collines autour du village.
Nous arrivons par le village. Nous entrons dans un monde où nous accueille la terre d’été en Algérie. Partout, des plantes dépassent les murs des villas ; dans les jardins, des fleurs de toutes les couleurs, épaisses et des iris magnifiques. Toutes les pierres sont chaudes. Lorsque nous descendons de l'autobus, les bouchers font leur tournée matinale et leurs trompettes appellent les habitants. »
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Texte B :
« Au printemps, T. est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. À certaines heures, la campagne est noire de soleil. Les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumière et de couleurs qui tremblent au bord des cils. L'odeur volumineuse des plantes aromatiques racle la gorge et suffoque dans la chaleur énorme. À peine, au fond du paysage, puis-je voir la masse noire du (mont) Ch. qui prend racine dans les collines autour du village, et s'ébranle d'un rythme sûr et pesant pour aller s'accroupir dans la mer.
Nous arrivons par le village qui s'ouvre déjà sur la baie. Nous entrons dans un monde jaune et bleu où nous accueille le soupir odorant et âcre de la terre d'été en Algérie. Partout, des bougainvillées rosat dépassent les murs des villas ; dans les jardins, des hibiscus au rouge encore pâle, une profusion de roses thé épaisses comme de la crème et de délicates bordures de longs iris bleus. Toutes les pierres sont chaudes. À l'heure où nous descendons de l'autobus couleur de bouton d'or, les bouchers dans leurs voitures rouges font leur tournée matinale et les sonneries de leurs trompettes appellent les habitants. »
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De quel livre est extrait ce texte (B) ? Qui en est l’auteur ?