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mercredi, janvier 28, 2015

473_ La petite mosquée des Inuits: Extrait n° 08


(suite)
Le lendemain mardi 19 juillet ils se réveillent tôt. Ils eurent froid malgré les couvertures. Le ciel dégagé promet une belle journée. Pour se réchauffer, Omar fredonne sous la douche dans son imparfait anglais « I’ve lived/ A life that’s full / I’ve traveled each / and every highway / And more / Much more than this / I did it my way… » Aussitôt pris le petit déjeuner ils ne s’attardent pas, ne retournent pas vers les quais. Ils font le plein de carburant, « diésel, dit Omar, thank you so », puis ils reprennent directement la Klondike Highway, vers le Canada, précisément en direction de Whitehorse. Le vent est tombé, mais le ciel se charge. Une pluie fine ruisselle. Le froid s’intensifie, vif, mordant jusqu’aux lobes des oreilles. La température peine à six degrés. Tout au long de la route, de grandes crevasses sont gorgées d’eau. On n’y voit rien et le brouillard est épais. À Carcross la pluie est plus abondante. Ils ne s’y arrêtent pas. Après cent quatre-vingts kilomètres de bons et de mauvais tronçons de route, Véro et Omar atteignent Whitehorse en début d’après-midi, elle aussi sous la pluie. Le ciel dégagé du matin n’aura tenu qu’une ou deux heures. Depuis Yellowknife ils ont parcouru plus de deux mille deux cent cinquante kilomètres. Ils déjeunent dans le Westfalia, à l’intérieur du parc qui jouxte la Yukon river.
La première action qu’ils entreprennent à Whitehorse est de rendre visite aux animatrices de l’Association franco-yukonaise avec lesquelles ils avaient été en lien peu avant de quitter Marseille pour l’aventure. Ils échangent longuement avec Céline Lavoie et Carrie Wong, notamment à propos de la route qui relie Dawson et Inuvik. Elles leur donnent de nombreux conseils ainsi que des adresses et des noms de personnes à contacter comme Cécile Girard, une de leurs collègues qui se trouve chez les Inuits à Tuktoyaktuk pour participer au Festival des arts premiers, celui-là même évoqué lors de la soirée au Mackenzie Lounge à Yellowknife. Elles leur parlent de Thérèse Caron une sculptrice sur pierre qui réside à Inuvik durant la semaine et à Tuk les samedis et dimanches. Elles insistent, « A Tuk rendez visite de notre part à Derek Taylor, c’est un ami inuk et un artiste reconnu ». Quant à la mosquée, Céline et Carrie confirment sa construction, son remorquage et sa mise sur barge jusqu’à Inuvik. Cette information, après qu’ils eurent fait face à tant de points d’interrogation dès lors qu’ils prononçaient le mot mosquée, ravit Omar et Véro.
Snowangelfilmc
 
www.snowangelfilms.com


« Inuvik est une ville de moins de quatre mille habitants à majorité inuite, qui se trouve à l’extrême nord des TNO, au nord du cercle polaire : 68°21’ nord, 133°43’ ouest, dans l’embouchure du fleuve Mackenzie. Il y a bien une petite communauté musulmane dans Inuvik. Elle regroupe moins de cent personnes. Pour prier, ses membres se rassemblaient dans une vieille caravane de vingt mètres carrés. Les musulmans d’Inuvik ont acheté un terrain dans un quartier de la ville, mais n’ayant pas les moyens nécessaires pour la construction d’une mosquée ils ont fait appel à la générosité d’associations » confirme Céline. « Nous savons cela, car nous avons été nous-mêmes contactés depuis le début par l’Association des musulmans d’Inuvik, il y a de cela deux ans » dit Carrie. Céline ouvre un magazine local qui relate l’expédition de la mosquée.

L’article est agrémenté de photos montrant le bâtiment sur une semi-remorque pour certaines, sur une barge pour d’autres. D’autres photos montrent la mosquée le jour de son inauguration.  Ce texte et les photos, mais aussi la perspective de fouler personnellement les tapis de la mosquée d’Inuvik, soulagent et remplissent de joie les Marseillais. Ils sont sur le point de quitter l’Association franco-yukonaise lorsque Carrie les invite à prendre un verre vers 18 h 30 au Jarvis. Elle leur montre sur la carte l’emplacement du pub et leur donne des prospectus et des tuyaux sur ce qui pourrait les intéresser à Whitehorse.
Véro et Omar font un tour dans la ville malgré la pluie qui ne veut cesser. Ils reviennent vers la rivière Yukon, se prennent en photo devant le Klondike, fameux bateau à vapeur 

 
qui emmenait les aventuriers de tous bords à Dawson City pendant la période de la ruée vers l’or. Ils découvrent d’autres lieux que leur ont suggérés Céline et Carrie comme le Mac Bride Museum ou le petit train aux couleurs criardes jaune fleur de soufre et blanc albâtre. Le grand parc ouvert qui longe la Yukon river                          
 est peuplé d’animaux tels que chèvres de montagne, caribous, ours… À ce propos, ils n’eurent pas – heureusement – à utiliser le vaporisateur chasse-ours que leur avait vivement conseillé Karin. « Prenez le Bear guard on ne sait jamais » leur avait-elle dit. Des points de vue aménagés permettent d’apprécier l’étendue et la beauté de l’espace environnant. Un buste figurant Jack London porte une inscription qui commence ainsi : « In the summer of 1897, at the age of 21, Jack London camped in the Whitehorse area after running miles canyon and the Whitehorse rapids… » Plus loin une autre sculpture. Comme la précédente, elle reste indifférente face au caprice du temps. C’est celle d’Angela Sidney Ch’ooneté Mastoow, « respected and much loved Tagish eider of the Delsheetaan Nation. » À deux pas derrière, un immense totem est dédié aux Premières nations, aux Indiens Tagish représentés ici par Angela Sidney.
En fin de journée ils prennent quelques verres, avec Céline et Carrie qui les rejoignent, au Jarvis Street Saloon. Sur scène un groupe de folk achève sa première chanson. L’endroit est vaste et très agréable. Judicieusement décoré. Un avion-taxi biplace, bleu et blanc, est suspendu au plafond (est-il fait de carton pâte ?) Son aspect est attrayant. C’est un Globe Swift. Sur la carlingue il est écrit « ZOD ». À l’arrière « GC-1B ». Sur le mur des affiches géantes représentent des trappeurs, King of the royal mounted, qui renvoient Omar à son adolescence peuplée de Kit Karson, de Blek le roc, de Davy Crockett… dont les histoires de guerre et de justiciers qui le captivaient et remplissaient de joie, parfois d’inquiétude, étaient grossièrement mensongères, mais Omar ne le savait pas. Céline et Carrie ne s’attardent pas plus d’une heure. Elles quittent les Marseillais en s’excusant. Eux-mêmes ne tardent pas après le départ de leurs amies. Ils dînent chez Antoinette’s, un restaurant africain à quelques pâtés de maisons, où l’accueil est chaleureux et le reste excellent. Il plut toute la journée. Dans le camping-car le clapotis incessant de la pluie les accompagne jusque tard dans leur sommeil.

Le lendemain matin Véro et Omar déposent leur Westfalia dans le parking de l’agence de location Budget et retirent le Volkswagen Touran qu’ils avaient réservé depuis Yellowknife. Le Touran est plus à même de traverser la fameuse Dempster
Highway, l’« autoroute » du Grand Nord, jusqu’à Inuvik. Omar prend soin d’apprivoiser le levier de vitesses de la boîte automatique. Son utilisation est simple, mais il faut s’y habituer et éviter par exemple de chercher à enfoncer la pédale d’embrayage, car il n’y en a pas. Ils transbordent ensuite leurs affaires – y compris les trois jerrycans pleins, ils seront nécessaires sur la Dempster – du premier véhicule vers le second et, peu avant 11 heures, prennent la Klondike Highway en direction de Dawson.


(à suivre)

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